04 - Un Frère Novice de la Commanderie de Saint-Léger nous présente :

Le symbolisme du désert, de la nourriture et de la vêture de Jean Baptiste

Saint Jean Baptiste est par excellence le saint du désert. Né « par la grâce de Dieu », il a à peine 2 ans quand il part avec sa mère Elisabeth se cacher dans le désert pour échapper à Hérode qui avait ordonné la mort de tous les enfants de moins de 2 ans. C'est ainsi que Jean Baptiste s'est formé à l'école du désert, de la prière et du jeûne.

La symbolique du désert

Symboliquement, le désert représente tout d'abord le décor de l'Exode, un décor qui scénarise en quelque sorte un lieu d'épreuve, lieu où s'effectue le passage entre le pays de l'esclavage et le pays où coulent « le lait et le miel ». Le désert est ensuite une durée, un « entre deux » où une génération va mourir et une autre va naître. Un long cheminement synonyme de mort / renaissance entre servitude et Terre Promise. Mais aussi une traversée – ne dit-on pas « la traversée du désert » ? – c'est-à-dire un temps de solidarité et de relation entre frères humains, donc un acte de fraternité vraie et forte.

Enfin le désert implique une expérience extraordinaire. L'ambivalence du symbole est éclairante à partir de l'image de la solitude : sans Dieu, le désert c'est la stérilité. Avec Dieu, c'est la fécondité, mais une fécondité due à Dieu seul. Le désert révèle la suprématie de la grâce. Dans l'ordre spirituel, rien n'existe sans elle. C'est là que se vérifie la parole de Saint Saint-Exupéry : le désert prend valeur parce qu'il cache un puits.

Pour conclure provisoirement sur le mot « désert », intéressons-nous à la traduction de ce mot en hébreu. Le désert se dit « Midbar », ce qui signifie « la bouche, la langue, la source de la parole ». Voici à nouveau une splendide ambivalence symbolique : tout devient possible dans le désert, notamment et surtout la parole de Dieu, alors que, au sens commun, le mot « désert » prend une valeur négative, voire ironique.

La symbolique de la nourriture de saint Jean Baptiste

« Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage ».

De nos jours, manger des insectes est une manière très « tendance » de manger des protéines. A l'époque de saint Jean Baptiste, la nourriture du désert met en évidence un mode de vie faite de simplicité, par opposition à l'autre vie, celle que tout le monde apprécie. Au début de son trajet dans le désert, le menu de Jean comporte des sauterelles. On se souvient de l'épisode où Dieu envoie des sauterelles dévaster les récoltes du pharaon qui tenait les Hébreux en esclavage. A la fin du trajet, il y aura aussi du miel au menu, le miel de la Terre Promise. L'allusion symbolique est évidente : le menu de Jean nous invite à nous nourrir de cette force de salut qu'est Dieu et d'y puiser notre substance. Assaisonner les sauterelles avec du bon miel, c'est travailler à la fois sur l'origine et sur le but. Un pied en Égypte, un autre en Terre Promise, le chemin du désert se nourrit d'une réalité ambiguë qui compte sur Dieu pour briser ce qui enchaîne encore l'homme. Pour tenir le coup tout au long du trajet, Dieu donne aux Hébreux un avant-goût de la Terre Promise en distribuant la Manne qu'il fait pleuvoir le matin et qui, selon la Bible, a le goût d'un gâteau au miel.

Pour conclure provisoirement sur la nourriture et sur la symbolique du miel, j'évoquerai brièvement Pseudo-Denys-l'Aréopagite. Pseudo-Denys-l'Aréopagite est un auteur de traités chrétiens de théologie mystique. Il est considéré comme l'une des sources majeures de la spiritualité mystique chrétienne. Selon lui, les enseignements de Dieu sont comparables au miel pour leur propriété de purifier et de conserver. Le miel désigne la culture religieuse, la connaissance mystique, les biens spirituels, la révélation à l'initié.

Symbolique de la vêture de saint Jean Baptiste

Attardons-nous maintenant sur le look de saint Jean ! Quand il s'adresse à la foule, Dieu dit que Jean ne porte pas de vêtements précieux, mais des vêtements en poils de chameau et une ceinture de cuir. Première réflexion : il s'agit bien entendu de vêtements portés par des gens humbles. Plusieurs interprétations symboliques peuvent être mises en oeuvre à propos des vêtements de Jean.

Pour le Deutéronome (qui retrace différents événements vécus par les Israélites depuis leur sortie d'Égypte), le chameau est un ruminant dont la viande est considérée comme impure et impropre à la consommation. Ainsi, Jean invitait ses contemporains à la conversion, à la repentance, et quand il rencontre Jésus, il porte sur lui une peau de chameau, symbole du « péché du monde » qui a besoin d'être sauvé.

Autre lecture symbolique du poil de chameau, fondée sur Jacob et Ésaü : Ésaü était, dès sa naissance, poilu comme un singe. Il figure ainsi notre dimension animale. Son jumeau Jacob est la figure de notre dimension spirituelle, apparemment faible mais qui doit avoir la première place dans notre bénédiction même si Ésaü évoque aussi une bonne dimension, bénie et sainte.

Ce vêtement en poils de chameau nous suggère de faire le point à l'intérieur de nous. Il nous propose de nous positionner correctement dans notre tête, dans notre pensée entre les multiples dimensions de notre être et de bien hiérarchiser nos priorités et nos espérances. Comme Jean Baptiste le figure, nous sommes tous des Ésaü, mais Jacob n'est jamais très loin.

De plus, la tunique en poils de chameau est une vêture qui se veut « animale ». Elle n'est pas sans rappeler la démarche du chameau dans le désert. Ses larges pattes se sentent à l'aise dans le sable, ses réserves d'eau dans ses bosses lui donnent un réel avantage sur ses congénères. De même, Jean éprouve une sensation de liberté dans le désert, une liberté à la fois de silence et de parole. Cette autonomie qui lui est donnée par Dieu est à la source de bénédiction qui lui permet d'avancer librement sur son chemin.

Quant à la ceinture de cuir de Jean Baptiste, elle fait référence à la Genèse, plus particulièrement à l'épisode où Adam et Ève ont eu le projet de se prendre pour dieu à la place de Dieu. Lorsqu'ils vont très mal, Dieu leur donne un bout de vêtement en cuir pour les couvrir, en signe de pardon et en signe de paix, ce qui les aidera à vivre et à avancer.

Cette histoire de bout de cuir nous enseigne que nous pouvons compter sur le pardon et l’aide de Dieu. Cette connaissance, cette promesse, cet évangile, nous pouvons nous en faire une ceinture pour parcourir notre chemin en ce monde. Comme Adam et Ève, cette ceinture nous inspirera pour avancer et pour mieux vivre.

Conclusion

Nous l'évoquions au début de ce parchemin, saint Jean Baptiste s'est formé à l'école du désert, de la prière et du jeûne. A l'âge de 30 ans, Dieu l'a envoyé pour prêcher le repentir dans le désert de Jordanie. Il a appelé tous les gens à se repentir.

Ils sont venus de partout, de Judée et de Jérusalem. Beaucoup d'entre eux écoutaient ses sermons et ils ont accepté le baptême du repentir. Désert, prière et jeûne, l'école de saint Jean Baptiste fait appel à des méthodes simples et rigoureuses qui se révèlent d'une efficacité exemplaire.

Frère Novice F. D. de la Commanderie de St-Léger