• * 07 - La liturgie et nos sens

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    Rubrique « Regards sur la liturgie » – 07

     La liturgie et nos sens 

    * 15 - La liturgie et nos sens

    Introduction

    Nos 5 sens forment un fabuleux cadeau ! Ils sont nos antennes pour entrer en contact et en relation. Dieu, le Créateur, nous rejoint de mille et une manières à travers les sens.

    Par exemple : la vue de la Création, le goût du pain quotidien, l’écoute de l’Évangile, l’odeur de la justice, le toucher de la prière.

    À ce premier niveau s’ajoute un second : les sens peuvent devenir des métaphores décrivant un rapport plus invisible, plus intime, à Dieu. La Bible pratique fréquemment cet art du langage imagé à partir des cinq sens : « Goûtez combien le Seigneur est bon ! » - « Dieu vit que c’était bon. » - « Parle, ton serviteur écoute. » - « L’Éternel étendit sa main et toucha ma bouche. » - « Sentez combien le Seigneur est bon ! ».

    Les deux niveaux de sens méritent notre attention et peuvent nous aider à approfondir notre relation avec Dieu.

    « Vous êtes le sel de la terre. […] Vous êtes la lumière du monde » (Mt 5, 13, 14).

    Le symbolisme du sel est multiple et le thème de la lumière fréquent dans les Écritures. Dans l’Évangile, lorsque Jésus parle des tâches du Royaume, il fait appel au goût et à la vue pour illustrer ses propos.

    La liturgie, elle aussi, à sa manière, prend en compte toute la dimension corporelle d’une assemblée et s’appuie volontiers, à travers les rites et les symboles qu’elle déploie, sur nos cinq sens. Ainsi, elle rappelle que la foi chrétienne est une foi incarnée, et que notre corps aussi nous fait entrer en relation avec Dieu.

    * 15 - La liturgie et nos sens

    Nos sens sont comme autant de « fenêtres » sur le monde et la société. Dans la liturgie, ils doivent être éclairés par la Parole de Dieu et vécus comme des gestes de foi.

    Le langage rituel

    Toute personne est un être de relation. Le langage symbolique que les rites utilisent a pour but cette mise en rapport des hommes avec Dieu et des hommes entre eux. Aucun baptisé ne peut vivre sans être en lien avec Dieu et avec les autres baptisé ; il ne peut vivre sans communion au risque de se replier sur lui-même. Dans cette mise en relation, le corps n’est pas un simple organisme biologique. Habité par une parole, une culture, un désir, il est corps parlant, corps pris dans des relations sociales, il ne peut séparer l’intériorité.

    La liturgie a parfaitement intégré cette réalité ; aussi est-elle finalement plus corporelle qu’intellectuelle. Pour célébrer, elle prend des éléments dans la nature – pain, eau, vin, huile – et leur donne une dimension symbolique pour nous faire entrer dans une dimension spirituelle. Elle s’appuie aussi sur des paroles de l’Écriture qu’elle nous fait entendre (le vocabulaire liturgique n’est-il pas pétri de citations bibliques ?) ; elle donne à voir des objets, des vêtements, des lieux spécifiques ; elle donne à sentir, à toucher, à goûter ; elle met tout notre corps en mouvement par le chant et nous ouvre, par la musique, à une autre dimension. Elle nous fait passer du visible à l’invisible, de l’ouïe à l’inouï. Ce langage corporel symbolique devient ainsi chemin vers Dieu. Et, pour ce faire, la liturgie, mettant en œuvre les cinq sens, nous ramène sans cesse à la méditation du corps.

    * 15 - La liturgie et nos sens

    Voir

    La liturgie sollicite beaucoup la vue : disposition de l’église, des vêtements, des objets, des gestes, des acteurs variés, des processions, des attitudes. Elle s’appuie sur une mise en scène rituelle qui implique véritablement les personnes et ne peut cependant pas être confondue avec la mise en scène d’une pièce de théâtre. Elle donne donc beaucoup d’importance à ce qui se voit. Pourtant, nos yeux ne voient pas toujours ce qu’il a à voir. Ils s’arrêtent au visible. Pense-t-on à voir, en regardant l’assemblée, autre chose qu’une simple juxtaposition de personnes, alors qu’elle est le corps du Christ qui entre en relation avec Dieu ? Et quand nous voyons le pain et le vin consacrés, savons-nous dépasser l’objet matériel pour y reconnaître le Christ qui se donne ? Dans la liturgie, le voir conduit à dépasser ce que nous voyons pour nous laisser toucher par l’invisible dans un acte de foi. Ce que la liturgie nous donne à voir est une parole formulée sur un mode particulier qui nous met en relation avec Dieu. Ainsi, même l’aveugle voit par la foi.

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    Écouter

    L’écoute est la base de tout apprentissage dans la vie. Dans la liturgie, l’ouïe est très sollicitée parce qu’elle est à l’origine de l’acte de foi et de la transmission de cette foi. Nous croyons comme nous entendons. Fréquemment, l’Écriture invite à écouter parce qu’écouter la Parole de Dieu, c’est offrir à Dieu l’hospitalité. Écouter une assemblée qui chante, une homélie, une pièce musicale sont autant de nourriture pour la foi. Tous les acteurs parlants et chantants de la liturgie s’enrichissent mutuellement et, si la liturgie eucharistique donne autant de place à la parole et donc à l’écoute, c’est parce que de la Parole jaillit le désir sacramentel. L’expérience des disciples d’Emmaüs nous le rappelle. Le sage de l’Écriture est celui qui sait écouter, s’enrichit de tout ce qu’il entend et nourrit sans cesse sa foi de la nouveauté  permanente de la parole de Dieu, dont la liturgie est pétrie.

    * 15 - La liturgie et nos sens

    Goûter

    La liturgie, il faut le reconnaître sollicite très peu le goût. Le psaume 33 nous fait pourtant chanter : Goûtez et voyez comme est bon le Seigneur. Dans la vie, goûter c’est apprendre à connaître à découvrir quelque chose de nouveau pour apprécier. Dans la célébration de l’eucharistie, nous goûtons un peu de pain azyme, trop rarement un peu de vin. Et c’était la grâce de Dieu qu’il nous fallait d’abord goûter, sa paisible présence invisible, sa parole proclamée, la fraternité de l’assemblée. La saveur de Dieu ne se mesure pas aux seules appréciations de notre palais. Elle se trouve dans la connaissance, l’expérience de l’inlassable amour dont il nous nourrit. Prendre et manger comme nous le demande Jésus, c’est contenter notre soif d’amour. Seule une relation intime avec le Christ peut nous conduire à savourer l’amour qu’il nous offre jusqu’à la délectation qui comble tous nos désirs.

    * 15 - La liturgie et nos sens

    Sentir

    Les parfums et les senteurs tiennent une place importante dans notre quotidien. Ils participent à notre identité. Pourtant, le parfum, n’est pas vital il est de l’ordre de la gratuité. Quand il est répandu, rien ne peut l’empêcher de se diffuser et, si on le fait brûler, la fumée qui monte capte facilement nos regards. Ces différents aspects du parfum entrent aisément en résonance  avec la liturgie. Le parfum d’encens que l’on respire dans une église l’identifie comme espace autre que nos habituels lieux de vie. Lorsque la fumée de l’encens s’élève, elle symbolise la prière des hommes qui monte vers Dieu. Les lieux et les personnes que l’on encense (l’autel, la croix, le livre de la parole, le célébrant, l’assemblée) rappellent les modes de présence du Christ. Dans la célébration des funérailles, l’encens affirme que le corps du défunt a été temple de l’Esprit-Saint. Quant au saint chrême, il marque l’identité de ceux qu’il parfume. Il les invite à vivre de manière à révéler aux autres la bonne odeur du Christ. Il exprime la mission donnée à chacun.

    * 15 - La liturgie et nos sens

    Toucher

    Le toucher nous fait entrer dans l’intimité de Dieu et du prochain. Il nous ouvre à Dieu si nous nous laissons toucher par lui. Il nous fait sortir de nos peurs de l’autre pour l’accueillir. Ainsi, le geste de paix nous conduit à nous interroger sur la vérité de nos relations aux autres. Il nous renvoie à la solidité de ce que nous éprouvons, à notre désir réel de paix et de fraternité. Dans les sacrements, onctions impositions des mains, signes de croix dons on marque les fronts, aspersions d’eau bénite sont autant de façon d’éprouver la grâce de Dieu et de nous laisser toucher par la solidité tangible de son amour.

    * 15 - La liturgie et nos sens

    Conclusion

    Notre corps est le premier concerné par l’action liturgique et tous nos sens sont sollicitésC’est l’être humain tout entier qui célèbre et, par ses cinq sens, entre en relation avec Dieu et avec les autres. Avant d'être cérébrale, la liturgie est corporelle. Voir, entendre, toucher, sentir, goûter sont autant de portes d’entrée dans le mystère de Dieu. La liturgie ne cherche pas d’abord à nous délivrer un message, elle nous fait entrer dans une expérience. Il ne faut donc pas craindre de solliciter nos sens. Par eux, le Christ agit en nous et nous ouvre à l’inouï de Dieu. Notre corps est ainsi chemin de Dieu autant que chemin vers Dieu.

    Serge Kerrien, ancien directeur adjoint du SNPLS, Diacre permanant du diocèse de Saint - Brieuc et Tréguier 

    Le sens du toucher mérite encore une attention particulière si l’on se souvient des propos de Jean, « le disciple que Jésus aimait ».

    Saint Jean nous l’assure : « Ce qui était depuis le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie, nous vous l’annonçons » (1 Jn 1,1).

    Toucher de nos mains

    Toucher l’insaisissable est l’expérience paradoxale que propose la liturgie, en des occasions nombreuses et variées bien que d’inégale importance. D’emblée, le contact peut être dressé que le toucher n’est pas uniquement lié à des gestes de dévotion. Il est vrai que des cultures, différentes de celles de nos contrées occidentales et sécularisées, ont besoin de toucher et d’établir un contact physique. C’est le cas notamment des cultures latines, et particulièrement sud-américaines. Le Pape François lui-même nous a habitués, par exemple à le voir toucher le pied de la statue de la Vierge en geste de vénération. Si donc la liturgie offre une telle expérience, en son sein, et le « pieux exercice » également comment l’interpréter ? Est-ce une manière de s’approprier Dieu ? De se rendre plus proche (et donc plus efficace) ? N’y a-t-il là qu’un réflexe rituel magique ou l’expression d’une superstition ? La question est profonde car elle s’intéresse à la manière dont le croyant se situe par rapport à la démarche de foi que sous-tend l’acte de toucher.

    Une certaine méfiance

    Les « pieux exercices » et la « dévotion populaire » comme les désigne avec prudence le Directoire1 peuvent avoir abondamment recours au sens du toucher.

    1 Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, Directoire sur la piété populaire et la liturgie. Principe et orientation, Rome, 2001)

    Les croyants expriment le besoin, pour des raisons fort diverses, de poser leur main, de baiser un objet destiné à la piété. On pourra songer ici à tel reliquaire de saint, au pied de la statue de saint Pierre à la basilique vaticane, dont l’usure témoigne de l’ancienneté de la pratique. A Lourdes, on frotte le rocher de la grotte des apparitions et le mouchoir ainsi imbibé du contact de la pierre sera envoyé parfois à l’autre bout du monde. Nombreux et divers sont les gestes suivant les lieux et les cultures. Une certaine méfiance s’est exprimée à l’encontre de ces marques de dévotion depuis la fin du 19ème siècle, surtout par les tenants du mouvement liturgique qui désiraient revenir à une pureté originelle des expressions de la liturgie. Or aujourd’hui, grâce aux progrès, entre autres, des sciences humaines, on tend à adoucir ces positions tranchées en redécouvrant qu’elles font tout simplement partie de la réalité humaine. L’être humain n’est pas qu’un cerveau : sa connaissance passe aussi par la médiation de ses sens et de son émotivité.

    Liturgie fait « toucher »

    A côté de ce qui apparaît comme l’expression d’une religiosité – christianisée ou non et s’exprimant de manière très personnelle – où la régulation de l’Église n’a guère d’influence, la liturgie, y compris dans ce qu’elle a de sacramentel, fait appel au toucher. Celui-ci intervient à divers niveaux.

    Le célébrant peut toucher le fidèle : onction avec les huiles saintes, impositions des mains, lavement des pieds au soir du jeudi saint, imposition des cendres le mercredi éponyme, signation du front de l’enfant au baptême, ou celle des cinq sens à l’entrée en catéchuménat de l’adulte, le rite de l’Effata.

    Par ailleurs, le baptisé se « touche » lui-même directement. En premier lieu, lorsqu’il trace sur lui le signe de la croix, rappel de la dimension incarnée et charnelle du mystère. Puis, à la messe, au moment du confiteor, il se frappe la poitrine, comme avant de  communier, aux paroles : « Seigneur, je ne suis pas digne… » A la communion, le ministre touche le pain « eucharistié » pour présenter aux fidèles, communier et le distribuer ; le fidèle le touche de même quand il communie. Il faut encore mentionner ici le geste, dévotionnel mais inscrit au cœur de la liturgie du Vendredi saint, qui consiste à toucher ou embrasser la croix, et dont l’origine remonte au 4ème siècle à Jérusalem.

    Trois cas prévoient que les fidèles aient un contact entre eux : le baiser de paix durant la messe ; la signation initiale au baptême des tout-petits par les parents, parrains et marraines ; enfin, les futures époux sont invités à se donner la main droite pour échanger leurs consentements dans la liturgie du mariage.

    Pour viser l’exhaustivité, la liturgie prévoit encore que le ministre ordonné vénère, lors de la célébration de la messe, l’autel et l’évangéliaire par un baiser.

    C’est dire que le sens qui semblait au demeurant peu sollicité en liturgie occupe une place stratégique. Il permet le contact entre celui qui agit en la personne du Christ et le baptisé, aussi bien qu’entre les baptisés eux-mêmes qui reconnaissent comme faisant partie d’un même corps.

    L’expérience d’une médiation

    * 15 - La liturgie et nos sens

    Quand, au petit matin de Pâques, Marie Madeleine entend vérifier par elle-même que celui qui lui parle et qui vient de l’appeler par son nom pour se faire reconnaître est bien Jésus, elle se fait rabrouer : « Ne me touche pas ! » ou « Ne me retiens pas ! » (Jn 20,17) selon les traductions.

    Au soir de Pâques, les disciples reconnaissent Jésus à la fraction du pain, mais il disparaît immédiatement à leur regard, avant qu’ils ne puissent le retenir (Cf. Lc 24,13-35).

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    Quelques jours plus tard, Thomas croit pouvoir guérir son incrédulité dans le côté transpercé du ressuscité et le doigt dans les marques laissées par les clous. Lui aussi se verra signifier : « parce que tu m’as vu tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 20,29). Au cœur du Mystère pascal, le toucher ne peut être une finalité : il n’est qu’une médiation. L’expérience de foi ne supporte pas de toucher à cette fin de saisir car nul ne met la main sur Dieu.

    Quand la liturgie, et même les dévotions populaires, entendent toucher, c’est pour laisser à Dieu la liberté d’agir maintenir une distance tout en créant un lien. Dans le geste de l’onction, par exemple, Dieu a l’initiative de l’agir sacramentel. Le geste humain ne se veut pas le garant de son efficacité mais il dit la proximité aimante du Père en son Fils qui assume toute souffrance et dans le souffle de vie de l’Esprit. Toucher n’est donc pas retenir, enfermer ni emprisonner. C’est tout le contraire. Aussi bien dans le lavement des pieds que dans le baiser de paix, le prochain est reconnu et désigné comme un frère dans la foi.

    Parce qu’il est impossible de mettre la main sur Dieu, au risque d’en faire une idole à sa propre mesure, le toucher mis à contribution dans la loi chrétienne et dans son expression rituelle permet d’aller au cœur d’un mystère insaisissable et pourtant incarné. Le corps ressuscité est bien celui du Jésus que les Apôtres et les Saintes femmes ont connu. Ils le reconnaissent comme tel et la possibilité de le toucher et de ressentir sa chair anéantit la possibilité qu’il ne soit qu’un fantôme. Pourtant ce corps est aussi tout autre, corps de gloire en vie éternelle, il ne se laisse pas appréhender. Il est signe d’un message à annoncer : toujours il les précède dans la Galilée de chaque instant. Semblable et proche, il est différent. Et au-delà, il est annonce de la vie future.

    « Bien » toucher reviendrait à se mettre dans la disposition où le geste lui-même pourrait vérifier sa pertinence et sa justesse par le prisme de la foi. Toucher pour laisser l’insaisissable nous toucher en premier et nous introduire à la relation à Lui.

    Père Michel Steinmetz, curé à Strasbourg,

    responsable du service de pastoral liturgique et sacramentelle, et enseignant à la faculté de théologie de Strasbourg

    La mobilisation de nos cinq sens

    Le Père Sébastien Antoni, assomptionniste, nous explique comment, pour entrer de tout notre être en liturgie, nos cinq sens sont mobilisés : la vue, l'ouïe, le toucher, le goût et l'odorat.

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    La vue : elle permet de nous situer, de faire entrer en nos cœurs, dans nos souvenirs des messages essentiels de la liturgie, dans une pédagogie de répétition ce sens permet de nous situer et de fixer le décor : autel, présidence, ambon et assemblée. Elle permet aussi de lire la Parole de Dieu, et d’entrer donc « en contact » avec la Parole de Dieu. Elle permet enfin de « voir » les autres qui nous entourent et par grâce de les voir vraiment comme des frères et des sœurs.

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    L’ouïe : c’est un sens très sollicité dans les liturgies. C’est la demande première que fait Dieu dans la Bible, un appel à écouter: « Écoute Israël » (Deutéronome 6,4) … « Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui » (Apocalypse 3, 20). Il s’agit d’entendre et d’être entendu… il s’agit aussi de faire entendre. En effet, les lectures qui sont faites par des lecteurs ne sont pas les messages de ceux qui les mettent en œuvre… il y a une mission un ministère pour qu’un véritable service de toute l’assemblée s’exerce ici. Proclamer la Parole s’apprend.

    * 15 - La liturgie et nos sens

    Le toucher : l’usage de ce sens est assez sobre. Pourtant il est essentiel pour mettre en valeur le corps si important dans la théologie chrétienne. Dans les mains, les enfants pour les baptêmes sont portés, on fait les onctions d’huiles aux malades et aux catéchumènes, on marque du saint Chrême les fronts, des confirmands et des baptisés, les mains des prêtres et la tête des évêques. On en applique aussi sur les cloches, les autels ou 12 points des églises.  Dans les mains on porte aussi les offrandes du pain et du vin au moment de la présentation des dons pendant la messe. Enfin dans le geste du baiser de paix, signe des chrétiens, le sens du toucher est également sollicité. De même que lors de la vénération de l’autel ou de l’Evangéliaire par le ministère ordonné.

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    Note : Le saint chrême est un mélange d'huile végétale naturelle et de parfums, destiné à l'onction et utilisé dans le baptême, la confirmation et l'ordination qui sont des sacrements chrétiens, et lors de la consécration d'une église ou de son autel. Le saint chrême est l'une des trois sortes d'huile sainte utilisées dans la liturgie de plusieurs Églises chrétiennes ; les autres étant l'huile des catéchumènes, la dernière l'huile des malades.

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    Le goût : Ce sens est très peu en éveil dans la liturgie, hormis lorsque l’on communie au précieux Sang et au corps du Christ. La qualité d’une hostie fera qu’on l’oublie, comme le choix du vin, pour ne se concentrer que sur ce que nous venons de recevoir, le Corps et le Sang du Christ…. Ce sens est portant associé à la vie spirituelle du croyant. Il est associé dans son sens symbolique et les expressions ne sont pas rares où l’on parle de goût de la Parole, de goût de la prière, de goût de la vie spirituelle…

    * 15 - La liturgie et nos sens

    L’odorat : entre en fonction grâce à la bonne odeur de l’encens et du parfum des huiles saintes. Anthropologiquement par le sens de l’odorat on perçoit comme réel ce qui demeure pourtant invisible. Une bonne odeur laisse également une empreinte, ainsi est-il remarquable de passer une ou deux heures après une célébration dans une Église et pouvoir simplement par l’odeur respiré se dire : ici le Seigneur a été loué, des hommes et des femmes ont prié. Cela peut être un véritable soutien pour la vie spirituelle.

    * 15 - La liturgie et nos sens

    Le corps un élément essentiel

    Certains se méfient du corps dans la prière, un corps qu’il faudrait dompter ou maîtriser et peut être malmené… Le corps est un don de Dieu qui est à respecter et qui peut devenir un véritable support de la louange. Une route, un accès un chemin vers Dieu. La manière dont sont sollicités les cinq sens en liturgie nous le signifie magnifiquement.

    Conclusion : Respectons le corps et prions de tout notre corps !

    P. Sébastien Antoni, assomptionniste – Publié le 21 mai 2014

    La liturgie, une question de sens

    Tout comme pour Jésus de Nazareth, Dieu incarné dans notre histoire, vivre, c’est habiter un corps pour entrer en relation avec soi, avec l’autre, avec Dieu. Notre corps ouvre les fenêtres de notre être sur l’univers et son Créateur grâce aux sens dont il est doué. On ne peut subsister en ce monde sans notre corps, … et on ne peut vraiment célébrer en en faisant abstraction. Et pourtant...!

    * 15 - La liturgie et nos sens

    La vue : mise en situation

    La Révélation biblique nous enseigne que, de nos cinq sens, la vue n’est pas le plus approprié à ce monde qui passe : en cette vie, en effet, nous ne pouvons qu’entendre et écouter Dieu pour Lui obéir. Ce n’est que dans l’autre vie que nous jouirons de la vision béatifique. Car une des conséquences du mystérieux péché originel a été de faire sortir le genre humain du paisible voisinage de Dieu. Mais depuis la nuit des temps, l’existence de religions sur toute la surface de la terre exprime ce désir lancinant de retrouver la présence de Dieu dans nos vies quotidiennes. En cela consiste d’ailleurs l’une des plus étonnantes caractéristiques de l’espèce humaine puisque toutes ses races manifestent cette quête spirituelle.

    Plonger dans l’invisible

    Toute la liturgie chrétienne vise donc à « rendre visible l’Invisible ». Ainsi, le regard nous porte à la contemplation à travers les représentations peintes ou sculptées (icônes, les peintures, les statues et les retables (partie postérieure et décorée d’un autel, qui surmonte verticalement la table), qui meublent nos églises. Avec une touchante naïveté, parfois, ils laissent percevoir quelque chose du monde des anges, des saints et des esprits célestes, où nous espérons rejoindre tous ceux et celles qui nous ont précédés. Outre un certain nombre de symboles qui ne peuvent qu’être contemplés, tels le feu ou la lumière, la symphonie des couleurs liturgiques aux fines ciselures des vases sacrés, en passant par les vitraux, tout veut rendre gloire au Créateur et traduire Sa splendeur.

    Mais notre regard sollicite également notre engagement, pique notre curiosité. Selon ce qui se présente à lui, il s’éveille à la tendresse, à l’émerveillement, à l’horreur, à la souffrance, au dégoût ou au plaisir... Toujours en quête de beauté en tout être, en toute chose, il nous fait à l’image de Dieu. Regard qui compatit à la misère du pauvre, du petit sacrifié sur l’autel de l’économie aveugle. Regard qui peut guérir ou assassiner, qui esquive, insiste ou pénètre, révélant le mystère d’une personne, dans ses bons ou mauvais côtés. Car, ne l’oublions pas, nos frères et nos sœurs sont, plus encore, par eux-mêmes, vivantes images de Dieu.

    Pouvons-nous célébrer sans porter un regard vrai, lucide, sur notre monde, notre propre réalité... Sur ce dieu qui se laisse désirer...?

    * 15 - La liturgie et nos sens

    L’ouïe nous fait percevoir les sons, les paroles et les bruits, mais aussi le murmure de la brise dans laquelle Dieu semble parfois se dissimuler... Soupirs qui nous disent les marées hautes ou basses qui bercent ou secouent l’être humain. L’ouïe qui nous met au diapason de la mélodie de Dieu dans sa création ou par le biais des génies de la musique, du théâtre, de la poésie… Ou encore, qui se met à l’écoute d’une parole qui naît de soi, de l’autre, de l’Ineffable... ou d’un silence qui se veut tout aussi parlant et présent... Paroles ou silences qui créent ou détruisent... qui donnent vie ou mort... Paroles d’espérance ou cris de souffrance... Pouvons-nous célébrer sans entendre le pouls de notre monde, le silence et le murmure de notre Dieu...?

    * 15 - La liturgie et nos sens

    Le toucher… devenu pratiquement interdit devant les abus passés… et qui hésite à prendre la main tendue, que pourtant il sollicite. Main qui caresse, reconnaît ou crée des espaces de vie et de tendresse comme la mère avec son enfant, révélant sa présence, son amour, le reliant à la vie... Poignée de main, franche ou moite, qui révèle tant l’intérieur que l’extérieur de l’autre qu’on côtoie... Main qui palpe le bois et le marbre ou simplement qui remue l’eau de la rivière ou du baptistère... qui discerne le chaud du froid, le vrai du faux... Toucher ou se laisser toucher, entrer dans une relation vraie, amicale, c’est abattre des frontières, c’est ouvrir un territoire, son territoire, c’est accepter d’être vulnérable, d’être rejoint, d’être solidaire... Pouvons-nous célébrer sans, par extension, se laisser toucher par la réalité de l’autre, par la présence de Dieu dans notre vie... ?

    * 15 - La liturgie et nos sens

    Et que dire de l’odorat qui permet de différencier l’huile de la friture de celle de l’onction, entre la patate ou l’être consacré... Odorat qui se laisse enivrer par l’encens qui monte vers Dieu... quand il ne nous étouffe pas... Qui flaire et reconnaît l’être aimé... Qui distingue les précieux mélanges des vins... ou des fromages... ou des petits pieds mal lavés... Irais-je jusqu’à dire l’odeur de celui ou celle qui vit en odeur de sainteté devant Dieu et les humains? Parfums d’automne ou de printemps… Odeur d’une fleur des champs ou d’un bouquet qui orne le sanctuaire... Notre monde est rempli d’odeurs... qui ont souvent un relent de brûlé, de carnage, de désastre... Où que nous allions, notre odorat nous avertit, nous prévient de ce qui nous attend...

    Pouvons-nous célébrer sans nous laisser envahir par les odeurs de notre monde, sans les tourner vers Dieu afin qu’il les transforme en parfums d’éternité ?

    * 15 - La liturgie et nos sens

    Enfin le goût qui rend la vie belle ou amère… selon qu’il nous est possible de goûter, de participer à ce que nous appelons la qualité de la vie ! Apprécier le goût d’une hostie mince et transparente, timide, d’un symbolisme douteux ou un pain vrai partagé entre frères et sœurs, avec le pauvre, le démuni... Repas pris dans le farniente entre amies ou en vitesse au snack bar du coin... Le goût de la vie dans laquelle on mord... ou de la mort qui nous tue à petit feu... Désirer le pain et le vin, non seulement dans leur apparence mais dans le sens profond de la présence qui s’y tient quand nous nous réunissons pour faire « mémoire »... et devenir, comme disait saint Paul, ce que nous mangeons et buvons... Un goût d’espérance, d’amour, d’avenir... Pouvons-nous célébrer sans ce goût qui nous fait participer à la vie du monde et à la vie de Dieu ou nous en éloigne quand l’amour est absent...?

    Comment ?

    Comment célébrer si on a mis de côté la vie de notre monde, notre vie, dans ses grandeurs comme dans ses misères ?

    Comment vivre les rituels qui marquent nos existences, nos rencontres, les événements qui s’y mêlent... sans se faire pleinement présent ?

    Comment faire sens si on n’est pas attentifs à tout ce qui se vit, se passe, de l’extérieur comme de l’intérieur ?

    Nos sens, qui nous font passer de l’état d’objets à l’état de sujets, de l’état de spectateurs à l’état d’acteurs… sont bien loin d’être superflus... Les informations que glane notre corps et qui nous mettent en présence... de soi, de l’autre, de Dieu, nous conduisent à vouloir comprendre, à rechercher un sens à ce que nous sommes et vivons.

    Quel est le sens de notre appartenance à une famille? Un groupe? Une équipe ? Etc.

    Pourquoi la beauté et aussi l’horreur ? L’amour et la haine ? La solitude ? La souffrance? La différence? L’injustice? Les guerres?

    Pourquoi notre regard faussé, notre difficulté à entendre, notre gêne à toucher, à humer les parfums de notre monde, à goûter les plaisirs offerts?

    À notre intelligence, notre quête de sens, aux paroles de notre monde, Dieu propose sa Parole, une Parole incarnée dans la vie d’un peuple en marche, qu’il soit juif ou chrétien...

    Comprendre

    Comprendre n’est pas accepter aveuglément... c’est faire la lumière sur des choix à faire... C’est chercher à résoudre, à guérir, à inventer, à créer... pour parfaire l’œuvre du Créateur.

    Comprendre, c’est entrer un peu dans l’intelligence de Dieu, de sa création... c’est y participer de notre mieux...

    Comprendre pour ne pas nous enfermer dans nos logiques, nos égoïsmes, nos peurs, nos angoisses...

    Comment célébrer sans laisser la source de la Vie jaillir en nous et porter du fruit... faire sens dans nos vies ?

    Un sens comme un passage, un chemin de rencontre...

    La liturgie c’est aussi et beaucoup un chemin, un passage qui nous est proposé, une direction qui nous est donnée, un horizon à contempler, quelqu’un à rencontrer…

    Liturgies qui viennent scander la vie des hommes et des femmes pour les entraîner à créer des liens, à valoriser les œuvres ou la beauté d’un personnage familier, nos liturgies humaines tendent à nous amener vers une plus grande unité, un plus grand respect, un plus grand amour.

    La liturgie est une fête... parce que la vie elle-même est fête !

    Cette vie qui dit son « Amen » au Créateur dans l’Amour pleinement reçu et partagé à la Table du Don et distribué dans la joie à la Table des humains... Un monde en recherche d’espérance et de lumière...

    Oui, nos liturgies nous aident à nouer ou à renouer des liens qui nous grandissent, nous font entrer dans le mystère de soi, de l’autre, de Dieu. Dans cette rencontre du monde et de Dieu où nous sommes intercesseurs et bénéficiaires, nous cherchons à dire, à comprendre, à ressentir, à vivre.

    Être rassemblés par Quelqu’un, c’est savoir un peu mieux où on se trouve, quelle est notre place, ce qui nous identifie.

    Être rassemblés par Quelqu’un, c’est reconnaître des liens qui nous unissent au-delà nos différences.

    Être rassemblés par Quelqu’un, c’est participer à sa vie et vouloir aussi la faire nôtre.

    C’est pourquoi nos liturgies – et non seulement l’eucharistie – nous invitent à « faire mémoire » pour faire nôtre cette vie donnée, partagée :

    • « Faire mémoire » de la vie qui anime notre monde et qui nous rejoint d’une manière ou d’une autre ; faire nôtre la vie, les rêves, les projets, les audaces, les amours de Celui qui nous rassemble.
    • « Faire mémoire » pour devenir Christ... aujourd’hui, au cœur des quêtes de notre monde !

    Et, pour cela, nous devons, comme Jésus, accepter pleinement notre incarnation, notre corps, notre participation au monde qui nous entoure, dont nous sommes, chercher à comprendre mais surtout offrir un amour, une tendresse, une espérance, une lumière... qui nous viennent de Dieu !

    Dans notre monde en recherche de vie et de sens..., il nous faut donc réaliser que les chrétiens, les chrétiennes sont aussi des hommes et des femmes en recherche. Nous sommes solidaires dans l’aventure humaine des personnes, jeunes ou âgées, et ce de toutes races, langues, peuples, différences...

    Et dans ce monde en recherche, nous avons à travailler ensemble à un monde meilleur. Nous avons à faire sens pour que tous nos sens soient comblés et que nous puissions percevoir le sourire et la tendresse de Dieu, entrer dans sa danse ! Lorsque nous aurons apprivoisé et assumé tous nos sens... nous serons davantage en mesure d’entrer, avec notre monde, dans nos célébrations.

    Extraits d’un document en PDF – « St Viateur d’Outremont »

    Synthèse de recherches effectuées par les Frères André et Jean-Paul, Chevaliers de la Sainte-Croix de Jérusalem

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    Suggestion de lecture complémentaire :

    * 15 - La liturgie et nos sens

    Le sens de la liturgie par Constantin Andronikof

    Collection Théologies – 328 pages – Avril 1988

    Présentation du contenu de cet ouvrage

    Depuis deux mille ans, l'Église du Christ s'adresse à Dieu pour lui exprimer sa foi et sa louange, ses demandes et son espérance, ses angoisses et sa certitude. Progressivement formée au cours des siècles, la liturgie nourrit la pensée et le cœur des chrétiens. Elle transmet donc l'ensemble des vérités révélées du christianisme et nous amène à réfléchir plus précisément aux dogmes qu'elle expose. Cependant, la liturgie procède non par voie de démonstration discursive, mais par voie affirmative (ou déclarative), et cela sous une forme poétique (et chantée pour la plus grande part). Elle n'en est pas moins rigoureuse dans sa terminologie comme par son contenu doctrinal : la Sainte Trinité, le Dieu-Homme, la Mère de Dieu, le monde angélique, l'homme, sa déchéance et son salut, l'Église en prière. L'économie du salut est son leitmotiv et sa raison d'être. C'est pourquoi la Loi de la prière (Lex orandi) est aussi la Loi de la foi (Lex credendi), selon la formule attribuée à Prosper d'Aquitaine. Ce livre nous entraîne à nous interroger sur la relation entre le dogme et la mystique, l'identité du sujet qui prie (l'individu et l'assemblée eucharistique) et son comportement.

    Références :

    https://www.xl6.com/articles/9782863144510-nos-5-sens-a-la-rencontre-de-dieu-un-parcours-de-meditation-et-de-priere

    http://www.feunouveau.be/?61-6-Les-cinq-sens-et-la-participation-a-la-liturgie

    https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/3093/sens-de-la-liturgie-le

    https://croire.la-croix.com/Definitions/Lexique/Liturgie/Les-cinq-sens-en-eveil-dans-la-liturgie

    http://paroissefachesthumesnil.over-blog.com/2019/04/les-cinq-sens-en-eveil-dans-la-liturgie.html

    http://www.saintviateurdoutremont.org/wp-content/uploads/2018/10/LA-LITURGIE-UNE-QUESTION-DE-SENS.pdf

    Magnificat du mois de février 2019, pages 2 à 6

    Magnificat janvier 2019, pages 2, 3, 4, 5, 6


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