• * 14 - Les Béatitudes évangéliques

    14

    Les Béatitudes évangéliques

    Dans l’Évangile de saint Matthieu 5, 1 à 12, Jésus voyant les foules gravit la montagne, prit la parole et les enseignait en disant:

    Heureux les pauvres de cœur : le Royaume des cieux est à eux !

    Heureux les doux: ils obtiendront la terre promise !

    Heureux ceux qui pleurent: ils seront consolés !

    Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice: ils seront rassasiés !

    Heureux les miséricordieux: ils obtiendront miséricorde !

    Heureux les cœurs purs: ils verront Dieu !

    Heureux les artisans de paix: ils seront appelés fils de Dieu !

    Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice: le Royaume des cieux est à eux !

    Heureux serez-vous si l'on vous insulte, si l'on vous persécute

    et si l'on dit faussement toute sorte de mal contre vous, à cause de moi.

    Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux.

    Commentaires

    1. Jésus n’annonce pas un bonheur ou un malheur mais plutôt une manière paradoxale de vivre ce qui nous apparaît comme bonheur ou malheur.

    Au fil du texte : Un bonheur paradoxal

    Selon Matthieu, c'est le début du premier discours de Jésus. La série des Béatitudes est donc un commencement. Un commencement au même titre que d’autres commencements dans la Bible ?

    La parole de Dieu est au commencement de toute la création (Gn 1). Elle dit et fait ce qu’elle dit, mais ce n’est pas une béatitude. Et cependant, à la fin de chaque étape de la création, Dieu voit que tout cela est bon…

    D'une montagne à l'autre

    Autre commencement majeur : le don de la Loi, l’alliance du Sinaï (Ex 19-24). Cela se passe sur la montagne et, pour la conclusion de l’alliance, Moïse est assis pour un repas avec 70 des anciens d’Israël : cela ressemble un peu à Jésus assis sur la montagne avec ses 12 disciples. Les premières phrases de l’alliance du Sinaï, ce sont les Dix Paroles (le Décalogue, Ex 20). Elles commencent par un tout petit récit : « …je t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de servitude » qui rappelle à tout Israël les merveilles de l’Exode. Mais il s’agit d’autre chose sur la montagne avec Jésus : non le récit des merveilles du passé, mais la déclaration des Béatitudes. C’est une autre manière de faire naître un peuple, une manière qui s’adresse à tous, pas seulement à Israël libéré par YHWH (Le Seigneur).

    Une joie inouïe

    Suivons le fil du texte de Mathieu. Le mot « heureux » revient neuf fois. Une liste à neuf termes, cela paraît une liste incomplète (rappelons-nous les Dix Paroles !). Mais la liste des Béatitudes s’achève par l’injonction du v. 12 : « Soyez dans la joie et l’allégresse… ». Ainsi est explicité le mot « heureux » : ceux et celles que Jésus déclare heureux, répondront à cette déclaration en se tenant dans la joie et l’allégresse. Paradoxe des Béatitudes : ceux et celles que Jésus déclare heureux ne se croyaient sans doute pas tels ! Mais que Jésus le leur déclare et cela engendre en eux une joie inouïe.

    Notons que les deux dernières déclarations de Jésus (v. 11-12) diffèrent des précédentes. Elles s’adressent à un « vous » : « Heureux êtes-vous lorsque… » Alors qu'il paraissait s'adresser à la foule, Jésus se tourne-t-il maintenant vers quelques-uns en particulier ? Difficile à savoir. L'important, c’est qu'en s'adressant à quelques-uns (« vous »), Jésus parle aussi de lui : « … à cause de moi ». Le secret des déclarations de Jésus tient dans la relation entre lui et ceux à qui il parle. Si les Béatitudes parlent à tout homme et lui disent qu’il a vocation - paradoxale - à être heureux, la joie et l’allégresse qui couronnent ce paradoxe sont le fruit de la relation à Jésus : « …à cause de moi ».

    Un avenir ouvert

    L'ensemble des huit premières Béatitudes (v. 3-10) est délimité par la mention du Royaume des cieux (v 3.10), introduit par un verbe au présent : « … à eux est le Royaume des cieux » alors que toutes les autres (v. 4-9) emploient un verbe au futur : « ils hériteront… seront consolés… etc. » Les Béatitudes sont des déclarations qui valent pour le présent : « Le Royaume des cieux (ou de Dieu) est parmi vous » ne cessera de proclamer Jésus sur les routes de Galilée. Et cette présence du Royaume dans notre présent nous ouvre un avenir : hériter, être consolé, être rassasié…

    Les Béatitudes sont formulées de manière constante : « Heureux ceux qui… ». Ceux qui sont déclarés heureux sont caractérisés par un adjectif (par un état) : pauvre en esprit, doux, affligé, pur de cœur, ou bien par un verbe (par une action) : avoir faim et soif, faire miséricorde, faire la paix, être persécuté. Cette manière de formuler les choses rappelle, par contraste, les malédictions proclamées autrefois par les prophètes : « Malheur à ceux qui… » (cf. par ex. Am 5,18 et 6,1 ou la liste de sept malédictions en Is 5,8-25 et 10,1-4). À leurs contemporains stigmatisés ainsi pour leurs injustices, les prophètes annoncent pour conséquence un grand malheur. Au fond, les Béatitudes ont quelque chose de prophétique. A ceci près que le prophète Jésus n’annonce pas un malheur mais plutôt une manière paradoxale de vivre ce qui nous apparaît comme malheur, à savoir être persécuté à cause de lui ! Il est possible de vivre toute notre vie avec l’allégresse au cœur à cause de lui et avec lui, si nous nous attachons à lui pour apprendre de lui comment vivre ce paradoxe.

    La justice du Royaume

    De qui parle Jésus ? Les quatre premières Béatitudes s’adressent à des personnes qui vivent manifestement un manque : être pauvre (ou humble, voire humilié), être doux (sans violence ?), être affligé, avoir faim et soif… de justice ! Le manque fondamental, en fait, est celui de la justice et il donne sens à tous les autres.

    Les quatre Béatitudes suivantes restent dans la thématique de la justice, mais cette fois au niveau d’un « engagement » : faire miséricorde, être pur de cœur, faire la paix, être persécuté à cause du combat pour la justice. Sous différentes facettes, on peut dire que les Béatitudes déclarent heureux ceux et celles pour qui la justice (du Royaume, cf. Mt 5,20) est un enjeu majeur. Si les prophètes dénonçaient ceux qui pratiquaient l’injustice, Jésus déclare heureux ceux qui placent au centre de leur vie le souci de la justice.

    Dans cette perspective, il faut noter enfin que Jésus parle très concrètement : de l’esprit (ou du souffle), du cœur, d’avoir faim et soif, du regard (et des pleurs). Le paradoxe par lequel Jésus déclare heureux ceux et celles qui ne se pensaient pas tels, mais qui sont concernés par la justice, touche au plus intime de notre être. Car ce paradoxe a quelque chose à voir avec la relation à Dieu : voir Dieu (v. 8), être appelé fils de Dieu (v. 9). En faisant confiance aux déclarations des Béatitudes, à la suite de Jésus qui nous ouvre ce chemin, ce qui nous est promis n’est rien de moins que la joie et l’allégresse d’une relation filiale avec Dieu.

    Jean-Marie Carrière

    2. « Tout l’Évangile est contenu dans les BéatitudesRegardez-les de près ! »

    Tant d’événements se sont passés ici, au bord du lac de Tibériade ! La pêche miraculeuse que nous venons de méditer, la multiplication des pains un peu plus loin et, de l’autre côté de la montagne, les noces de Cana en Galilée, ou encore la résurrection du fils de la veuve de Naïm, un petit village situé juste au pied du Thabor. Un nombre impressionnant de miracles !

    Mais y a-t-il une clé pour entrer dans ce message ? Qu’est-ce qui pourrait nous permettre de comprendre ce que Jésus a dit, tout ce qu’il a fait ? L’Évangile de saint Matthieu, au chapitre 13 qui compte sept paraboles, en rapporte deux petites dont je vais me servir pour montrer la place exceptionnelle des Béatitudes, et comment elles peuvent nous aider à comprendre l’enseignement du Seigneur et tout son ministère public.

    Le Royaume des Cieux est comparable à un champ dans lequel quelqu’un a trouvé un trésor, il vend tout ce qu’il possède et achète le champ (cf. Mt 13, 44). Ce champ, commente saint Augustin, représente « les vastes plaines de l’Écriture ». Et les Béatitudes sont comme le trésor dans ce champ. Dans la parabole qui suit, on nous parle d’un négociant en perles fines qui a trouvé une « perle de grande valeur ; il va vendre tout ce qu’il possède, et il achète la perle » (vv 45-46).

    Les Béatitudes, la perle de l'Évangile !

    Pour moi, les Béatitudes sont la perle, le trésor de l’Évangile. Pour bien les connaître, il faut commencer par les apprendre par cœur - les huit, les neuf et peut-être même les dix Béatitudes, si l’on entend les paroles qui suivent « Vous êtes le sel de la terre… ; vous êtes la lumière du monde » (vv. 13-14), comme une dixième Béatitude. Elles sont la meilleure porte pour entrer dans l’Évangile ; elles nous expliquent tout, nous ouvrent tout.

    Par la lumière des Béatitudes, tout s’éclaire. Jésus résume et explique sa mission. Il nous donne le sens de chacun de ses miracles, de chacune de ses paraboles. Gardez-les en mémoire, au fond de vous. Et, à chaque fois que vous ouvrez l’Évangile, quand vous méditez sur un miracle, comme nous venons de le faire pour la pêche miraculeuse, demandez au Seigneur de vous révéler pourquoi il dit ceci, dans quel état d’esprit il fait cela et pourquoi. Si les Béatitudes « habitent » votre être intérieur, aussitôt l’une d’elles viendra « se poser » si je puis dire, spontanément, sur tel miracle ou telle parabole de Jésus. Ce sera comme une lumière nouvelle sur ce passage de l’Évangile.

    Avec les Béatitudes, parcours tout l’Évangile !

    Ainsi, au bord du lac, en ce moment où nous vivons le premier grand rassemblement de notre pélerinage, je vous invite à profiter de ces jours pour vous « promener » dans l’Évangile, avec les Béatitudes. Vous prenez l’une d’elles : « Heureux les doux ! », par exemple. Et vous demandez à Jésus de vous expliquer ce que veut dire « être doux ». Et il vous répond : Venez à moi, et je vous apprendrai à être doux et humble de cœur, mettez-vous à mon école (cf. Mt 11, 28-29). Vous verrez sa douceur à chaque fois qu’il approche ceux qui souffrent, puis il vous conduira jusqu’à la croix où, dans sa souffrance, il parvient encore à s’adresser avec douceur à sa mère : « Femme, voici ton fils », puis au disciple bien-aimé : « Voilà ta mère » (Jn 19, 27-28). «Heureux les pauvres !» Et toi, Jésus, montre-moi comment tu es pauvre. Ce n’est pas difficile à voir, il suffit de l’entendre dire : « Les renards ont des terriers, et les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l’homme n’a même pas une pierre où reposer la tête » (Mt 8, 20), puis nous appeler : Si tu as le courage, « suis-moi ». Voilà ce qu’il offre à ceux qui veulent le suivre.

    Après la méditation que nous venons de faire sur le récit de la pêche miraculeuse, je pourrais vous poser cette question : quelle Béatitude vous vient à l’esprit quand vous repensez à ce miracle ? Pierre a pêché toute la nuit, sans rien prendre. Et quand Jésus lui dit : « Avance au large et jetez les filets ! », il pourrait répondre : « Ce n’est pas ton métier, occupe-toi de ce que tu connais ! ». Mais il obéit, et c’est la surabondance : « Ils prirent une telle quantité de poissons que leurs filets se déchiraient ». Rappelez-vous la fin du passage : « Désormais ce sont des hommes que tu prendras » (Lc 5, 10), dit Jésus à Pierre. J’ai soif que tous les hommes viennent dans ces filets, pour que je les ramène vers Dieu. Je suis sorti du cœur de mon Père pour vous faire entrer tous, dans cet amour de la Trinité ! Comprends-tu cette soif ?

    Les Béatitudes sont vraiment la perle de l’Évangile, parce que chacun de ses épisodes peut être éclairé par l’une d’elles. Elles sont comme un autoportrait de Jésus. Une par une, elles nous décrivent les traits de sa personnalité. Lui, il est tellement discret qu’il ne parle jamais de lui, et pourtant toutes les pages de l’Évangile nous décrivent son visage et contribuent à le faire mieux connaître. Tenez, par exemple : « Le semeur est sorti pour semer la semence » (Luc 8, 5). La semence est tombée sur les cailloux, sur les ronces, ou dans la bonne terre. Jésus explique que la semence, c’est la Parole, et les sols qui la reçoivent correspondent à nos diverses situations humaines ou spirituelles. Mais qui est le semeur ? Il ne le dit pas, mais tout le monde comprend que c’est Lui. Et il voudrait que cette semence donne beaucoup de bon grain !

    « Pour comprendre l’Ecriture et déchiffrer le sens de l’univers, il existe une méthode simple : chercher Jésus, contempler Jésus, servir Jésus, imiter Jésus, s’approcher de Jésus, saisir Jésus, suivre le Logos en suivant Jésus » (Origène).

    Il serait intéressant d’apprendre les Béatitudes par cœur. On les garderait ainsi toujours en mémoire, dans le cœur et sur les lèvres. Ainsi, en voyant le Seigneur agir, en entendant chacune de ses paroles, on comprendrait pourquoi il se comporte ainsi. En le voyant, en l’écoutant, on saurait ainsi ce que signifie avoir le cœur pur, être pauvre, doux, miséricordieux ou artisan de paix…

    Les Béatitudes sont le trésor de l’Évangile et l’autoportrait de Jésus. Elles nous révèlent son visage.

    Cardinal Philippe Barbarin, Archevêque de Lyon

    Synthèse de recherches mise en page par le Frère André B.

    Sources :  

    https://www.mavocation.org/vocation/suivre-jesus-christ/214-le-christ-notre-maitre/1106-les-beatitudes.html

    https://lemessin.wordpress.com/2009/11/01/les-beatitudes-un-autoportrait-de-jesus/

    https://fr.zenit.org/articles/les-beatitudes-sont-un-auto-portrait-de-jesus-selon-le-card-barbarin/


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