• * 12 - Le lavement des pieds

    L’Évangile selon Jean est le dernier des quatre Évangiles canoniques du Nouveau Testament. La tradition chrétienne l'a attribué à l'un des disciples de Jésus, l'apôtre Jean, fils de Zébédée.

     * Le lavement des pieds

    Cette hypothèse est aujourd'hui rejetée par la plupart des historiens, qui voient dans ce texte l'œuvre d'une « communauté johannique », à la fin du 1er siècle, dont la proximité avec les événements décrits fait débat.

    Ce texte se démarque des trois autres Évangiles canoniques, dits « synoptiques », par sa composition, son style poétique, sa théologie, et probablement par ses sources.

    Dans la doctrine trinitaire, l’Évangile selon Jean est le plus important en matière de christologie, car il énonce implicitement la divinité de Jésus dont il fait le « Logos » incarné.

    Alors, me direz-vous, en quoi l'Évangile de Jean est-il si différent ?

    L'Évangile de Jean compte deux grandes parties : les douze premiers chapitres rapportent que Jésus fait de nombreuses rencontres. Ce sont des rencontres symboliques : Jésus et Nicodème, ce grand intellectuel du monde juif ; Jésus et la Samaritaine, membre d'un peuple dont on se méfie, que l'on considère comme hérétique, une femme qui de plus a eu cinq maris. Le salut concerne tout autant Nicodème que la Samaritaine. Il y a aussi Lazare, l'aveugle-né, le paralysé… Jean dresse de grandes scènes, dépeint de grands mouvements.

    L’Évangile de Jean apporte un éclairage original. Il insiste sur le fait qu'en contemplant Jésus-Christ, nous avons accès à Dieu. « Qui me voit, voit le Père », dit-il à Philippe. Pour nous qui n'avons jamais vu Jésus, ce sont les signes écrits par le disciple Jean qui désormais nous le donnent à voir.  

    Il y a certes un fonds commun aux quatre Évangiles : le personnage de Jésus et les grands événements de sa vie. En revanche certains épisodes ne figurent que chez Jean : les noces de Cana, la résurrection de Lazare, même si Lazare, Marthe et Marie apparaissent dans d'autres Évangiles. L'épisode de la multiplication des pains figure dans les quatre évangiles, mais le grand discours dit « du pain de vie » que Jésus prononce ensuite ne figure que chez Jean.

    Et puis Jean relate le lavement de pieds, un épisode que l'on ne trouve pas dans les autres Évangiles.

     * Le lavement des pieds

    Le lavement des pieds

    01 Avant la fête de la Pâque, sachant que l’heure était venue pour lui de passer de ce monde à son Père, Jésus, ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, les aima jusqu’au bout.

    02 Au cours du repas, alors que le diable a déjà mis dans le cœur de Judas, fils de Simon l’Iscariote, l’intention de le livrer,

    03 Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu,

    04 se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ;

    05 puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture.

    06 Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? »

    07 Jésus lui répondit : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. »

    08 Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. »

    09 Simon-Pierre lui dit : « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! »

    10 Jésus lui dit : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous. »

    11 Il savait bien qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il disait : « Vous n’êtes pas tous purs. »

    12 Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ?

    13 Vous m’appelez « Maître » et « Seigneur », et vous avez raison, car vraiment je le suis.

    14 Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres.

    15 C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous.

    16 Amen, amen, je vous le dis : un serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni un envoyé plus grand que celui qui l’envoie.

    17 Sachant cela, heureux êtes-vous, si vous le faites.

    Essai d'interprétation

    Nous avons affaire à une illustration puissante, à une véritable parabole actée qui se veut mémorable tant pour les premiers disciples que pour les lecteurs de Jean : au cours de leur dernier repas, Jésus lave les pieds de ses disciples ! Cette tâche ingrate était de coutume réservée aux esclaves.

    Dans les trois premiers versets, le cadre narratif est posé. Il va donner du sens à l’événement.

    Le lavement des pieds se produit pendant le repas (verset 2) qui a lieu juste avant la Pâque juive, au cours de laquelle Jésus, l’Agneau de Dieu (Jean 1.29, 36), sera exécuté.

    « L’heure venue » est celle de l’élévation de Jésus à la croix. C’est sur l’arrière-fond de ce contexte très riche que l’action de Jésus doit être interprétée.

    Ainsi, dans le prologue de cet épisode (versets 1 à 3), Jean donne à ses lecteurs une clé interprétative des événements qu’il s’apprête à narrer.

    Le geste posé par Jésus est ensuite sobrement décrit dans les versets 4 et 5.

     * Le lavement des pieds

    Mais que signifie ce geste simple qui, à travers les siècles, a inspiré tant de croyants et tant d’artistes ?

    Les chrétiens retiennent habituellement une seule signification : Jésus enseigne à ses disciples à « se laver les pieds » les uns aux autres, c’est-à-dire à se servir mutuellement, même – et en particulier – lorsque cela implique de s’abaisser pour honorer l’autre.

    Pourtant un tel enseignement, bien que clairement présent dans le texte n’épuise pas la valeur symbolique de l’action de Jésus.

    En fait, une lecture attentive de l’épisode induit qu’il faut parler de trois significations du lavement des pieds. Fait inusité : c’est grâce à une série de malentendus impliquant Pierre qu’émergent du texte les deux premières significations.

     * Le lavement des pieds

    1. Le lavement des pieds, c’est la purification décisive et complète du disciple à la croix (versets 6 à 8).

    Au moment où Jésus se présente devant Simon Pierre pour lui laver les pieds, ce dernier, stupéfait, résiste vigoureusement.

    Pierre n’accepte pas que Jésus, son Seigneur, s’abaisse à ce point en le servant comme le ferait un esclave. Réfléchissant à la manière du monde, il refuse que l’inférieur soit si humblement servi par le supérieur. Il n’accepte pas l’inversion des rôles à laquelle le Christ semble se prêter. Celui que Pierre confesse comme Seigneur ne saurait effectuer une tâche ordinairement dévolue à des gens de condition inférieure. Son autorité s’en trouverait démentie, sa mission obscurcie. L’image que Pierre se fait du Christ ne tolère aucune idée d’abaissement ou de service. Ce faisant, Pierre en reste à une notion mondaine de l’autorité.

    La réponse surprenante de Jésus cadre bien avec le calendrier johannique habituel :

    Au 7ème verset, Jésus lui répond « Ce que je fais, tu ne le comprends pas pour l’instant, tu le comprendras plus tard ».

    Dans l’Évangile de Jean, plusieurs gestes ou affirmations de Jésus restent incompris sur le coup. Les disciples ne seront en mesure de les interpréter avec exactitude qu’après la Crucifixion et la Résurrection du Seigneur.

    Au 7ème verset, Jésus annonce donc que le lavement des pieds prendra tout son sens ultérieurement, c’est-à-dire lorsqu’il sera relu à la lumière de la Passion et de la Résurrection.

    En d’autres termes, ce n’est que dans la rétrospective pascale que va s’ouvrir le sens de l’agir du Christ. Pierre est donc invité à saisir le lavement des pieds sur le fond de la croix, comprise elle-même comme l’élévation du Fils.

    De fait, sans la croix et la purification qu’elle opère pour ses bénéficiaires, aucune communion avec Jésus n’est possible. Le salut éternel passe impérativement par la croix.

    Le disciple est appelé à recevoir comme un don le service que le Christ lui rend. Le don que les disciples ont à accepter et qui fonde leur relation salutaire avec leur Seigneur est sa mort.

    Ainsi, le lavement des pieds signifie que seule la purification opérée à la croix rend possible la relation avec Jésus.

    Mais l’enseignement de Jésus ne s’arrête pas là.

     * Le lavement des pieds

    2. Le lavement des pieds, c’est aussi la purification régulière de la conscience au cours de la marche (imparfaite) du disciple (versets 9 à 11).

    La réplique de Pierre est comprise par les uns comme exprimant la volonté de jouir d’une purification rituelle complète, et par les autres comme une simple réaction exubérante de la part de Pierre. Peu importe, c’est la suite qui s’avère déterminante pour notre compréhension de cette partie du dialogue.

    Que veut dire Jésus quand il dit « Celui qui s’est baigné est entièrement pur, il lui suffit de se laver les pieds. Or vous, vous êtes purs – mais pas tous. » ?

    Au niveau du sens premier, l’affirmation est limpide : celui qui, après avoir pris un bain complet, se salit les pieds en marchant (en sandales), n’a pas besoin de prendre de nouveau un bain (surtout à une époque où cela est plus compliqué qu’aujourd’hui !). Il lui suffit de se laver les pieds – le reste de son corps est toujours propre.

    Mais quel enseignement spirituel en tirer ?

    Sans doute celui-ci. Jésus semble insister sur la suffisance de la purification qu’il s’apprête à accomplir pour ses disciples à la croix. Il affirme que la purification initiale et fondamentale réalisée par son œuvre expiatrice se produit une fois pour toutes dans la vie du disciple. Elle n’a pas à être répétée une deuxième ou une troisième fois !

    Nous pouvons donc comprendre que les individus qui ont été purifiés par l’œuvre expiatoire du Christ auront certainement besoin d’être lavés de leurs péchés ultérieurs, mais la purification fondamentale ne peut jamais être répétée.

    Si une telle lecture est fondée, force est de constater que le sens du lavement des pieds évolue dans le texte. Alors que dans les versets 6 à 8, le geste de Jésus symbolise la purification accomplie à la croix, au verset 10 c’est le bain complet qui correspond à la croix (« celui qui s’est baigné est entièrement pur »); le fait de se laver les pieds (« il lui suffit de se laver les pieds ») fait alors plutôt référence à une « purification » de moindre envergure, qui sera nécessairement répétée dans le temps.

    Si le lavement des pieds évoque la croix, le fait de se laver les pieds renvoie aussi aux bonnes habitudes de l’hygiène spirituelle du disciple. Jésus enseigne donc que, après le bain complet accompli à la croix une fois pour toutes, seul un lavement des pieds régulier est nécessaire.

    Qu’a-t-il précisément à l’esprit? Probablement la confession régulière des péchés à laquelle est convié tout disciple, par l’intermédiaire de l’épître de Jean.

    De cette deuxième leçon nous pouvons déduire que le lavement des pieds signifie que la confession régulière des péchés fait partie intégrante de la vie du disciple, sans toutefois remplacer la purification accomplie une fois pour toutes par le bain de la croix.

     * Le lavement des pieds

    Enfin, terminons par la leçon la plus évidente des trois.

    3. Le lavement des pieds, c’est l’humble service mutuel parmi les disciples (versets 12 à 17).

    Après avoir lavé les pieds des disciples, Jésus leur pose la question : « Avez-vous compris ce que je viens de vous faire ? »

    Dans la suite, il insistera non plus sur la purification attachée à la croix – que lui seul est en mesure d’accomplir –, mais plutôt sur la valeur exemplaire du geste qu’il vient de poser.

    Si le lavement des pieds et la croix résultent de l’amour impressionnant de Jésus, alors la communauté des purifiés qu’il est en train de créer doit être caractérisée par le même amour (v. 34-35) et donc par la même abnégation dans le service des autres.

    En d’autres termes, le lavement des pieds signifie que les disciples sont invités à se servir les uns les autres, imitant Jésus qui s’est mis à leur service.

    Voilà, à mon sens, ce qu’il faut tirer de l’agir et des déclarations de Jésus dans ces 17 versets du chapitre 13 de l’Évangile de Jean.

    D’après l’analyse de Dominique Angers, Docteur en théologie de l’Université de Strasbourg,

    professeur de Nouveau Testament et de théologie pratique à la Faculté de Théologie Évangélique à Montréal (Université Acadia)

    Le lavement des pieds est-il un service ?

    Oui, mais au sens biblique de ce terme. Servir ne signifie pas que l'on s'engage à faire les quatre volontés des autres, à tout moment et quelles qu'elles soient. De fait, aucun des disciples n'a demandé à Jésus de lui laver les pieds, Pierre s'avère même réticent. C'est que Jésus ne sert pas les créatures, mais le Créateur dont le projet bienveillant est éminemment serviable « pour nous les hommes et pour notre salut ». Et ce projet est que le Christ se fasse l'un de nous pour nous faire participer à la divinité. Dans le geste simple et profond du lavement des pieds, cette vérité est manifestée. Dieu est à nos pieds pour que nous soyons avec lui, en lui, comme lui. Le Peuple de Dieu témoigne de cette mutation de l'humain en Dieu.

    D’après Philippe Lefebvre

     * Le lavement des pieds

    Le lavement des pieds est un geste symbolique, un geste prophétique, à la fin duquel Jésus demande aux apôtres : « Comprenez-vous ce que je vous ai fait ? ». Commence alors un des derniers grands discours, où il leur dit : « Lavez-vous les pieds les uns des autres », c'est-à-dire : « Aimez-vous les uns les autres ». Aimez-vous par les gestes du service.

    Synthèse de recherches effectuée et mise en page par le Frère André B., G.C.P.

    Références :

    https://dominiqueangers.toutpoursagloire.com/significations-lavement-des-pieds-jesus-jean-13/

    http://www.lacourdieu.com/96-mot-a-mot/evangiles-de-jean/218-jean-13-le-lavement-des-pieds.html


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