• * Point de vue de la Chevalerie Templière

    Chapitre X : Le point de vue de la Chevalerie Templière Traditionnelle

    Saint Jean, l’apôtre de la Connaissance et de l’Amour

    Nul besoin de rechercher un terme pour exprimer qui fut saint Jean. Toutes les qualités qu’il incarna durant sa vie terrestre se résument en une expression : « Le Disciple que Jésus aimait ».

    Jean est originaire d’un pauvre village de Gallilée nommé Bethsaïde. Fils de Zébédée, pêcheur, et de Salomée, fille de Joseph, car Joseph eut d’un premier mariage quatre garçons, Jacques, José, Judas et Simon, et trois filles, Esther, Marthe et Salomée, si bien qu’historiquement Notre Seigneur Jésus-Christ est l’oncle de Jean.

    Bien que saint Jean l’Évangéliste soit un saint très populaire dans l’ensemble de la chrétienté, c’est tout de même saint Jean le Baptiste qui inspira le port du prénom de Jean à environ un quart de la population masculine au 13ème siècle. Doit-on en conclure que l’Ordre du Temple du Moyen Age ait eu une influence dans ce sens, Ordre qui était placé sous le patronage des deux saints Jean, les deux saints n’en faisant qu’un seul sur le plan ésotérique.

    Revenons un instant sur l’origine du nom ou prénom de « Jean ». Ionnès, en abrégé Ioan, il est également Jehan, Jean, Juan, Johann, Giovanni, Yann, Yohn, John ou Ivan, selon le pays d’origine. Il dériverait de Hhânân (hébreu) qui signifie « grâce », équivalent à « charis » (grec) des mystères chrétiens.

    Le plus sûr rapprochement que l’on puisse établir est avec le nom d’ « Ionie » la contrée où Jean écrivit son évangile en la ville d’Éphèse. En effet, cette province fut l’un des plus grands foyers spirituels du monde antique, là où vécurent, notamment, Pythagore, Homère, Thalès, Anaximandre avant J.-C. L’Évangile de Jean aurait été rédigé en grec. D’ailleurs, à ses débuts, l’Église chrétienne fut grecque. Les pères de l’Eglise aussi, ainsi que bon nombre de papes. Le grec fut utilisé pour les offices chrétiens jusqu’à ce que saint Jérôme écrive sa Vulgate en latin.

    Certes Jean l’Évangéliste était moins connu que Jean le Baptiste, mais probablement que le message qu’il nous a laissé s’adressait, pour cette époque, à des intellectuels et des mystiques suffisamment lettrés pour en comprendre les multiples sens et interprétations. D’ailleurs, lorsque l’on constate combien son influence se fait jour dans l’art religieux, nous pouvons, sans aucun doute, proclamer qu’il fut et reste l’apôtre bien aimé de l’Eglise Universelle. Saint Jean Baptiste, Jésus-Christ et saint Jean l’Évangéliste forment une triade riche de signification. Leur principal point commun est leur survivance à la mort terrestre, puisque le premier s’est relevé d’entre les morts, le second est ressuscité d’entre les morts, et le troisième n’est point disparu mais réservé par le Seigneur pour son second avènement.

    Jean est le chef des initiés. Il correspond à Agni dans la terminologie des Rose-Croix. Il est le continuateur de Gé, déesse de la terre dans la Théogonie d’Hésiode, Gé étant l’épouse de Poséidon, prédécesseur de Ioan comme Maître de notre planète. De cette nature naquit la légende du Prêtre Jean comme pontife, roi et chef du monde souterrain appelé Aggartha.

    Gé est à l’origine des mots Géomancie, Géographie, Géologie, Géobiologie etc… C’est dans des lieux souterrains que se déroulaient jadis les rites d’initiation aux mystères.

    Par conséquent, quoi de plus normal que Jean ait accompagné le Christ durant toute sa prédication et parachevé son œuvre en professant ses enseignements après son départ, lui qui est aujourd’hui chargé de préparer son retour ?

    Il est inutile de rechercher d’autres éloges pour celui qui fut l’un des plus grands saints Hommes que notre terre a portés. Notre Seigneur Jésus ne l’aurait pas autant aimé s’il n’eut été digne de tant d’amour. C’est en aimant Jean sans limite que Jésus le rendit digne de recevoir cet amour. Bien que beaucoup de choses aient été dites ou écrites sur la vie de l’apôtre bien-aimé, nous allons relater quelques-unes des faveurs célestes et actions qui le désignèrent et le confortèrent comme le disciple préféré du Seigneur.

    Jean le Baptiste a précédé le Christ, puis à sa disparition, c’est Jean l’Évangéliste qui apparaît comme l’un des premiers et le préféré des disciples. Il est d’ailleurs quasiment certain que Joseph, Marie, Jésus, Jean le Baptiste et Jean l’Évangéliste et d’autres disciples ont appartenu à la communauté essénienne. 

    C’est lors du repas de la Cène que commencent les faveurs du Maître Jésus envers Jean en l’invitant à se pencher sur sa poitrine comme pour lui transmettre tout l’Amour débordant de son Divin Cœur. Jean, le plus pur de tous les apôtres, fut pressé par Pierre de demander secrètement à Jésus qui le livrerait aux mains des juifs. C’est Jésus qui demanda à Jean de s’incliner sur sa poitrine pour lui révéler quel est celui d’entre eux qui le trahirait.

    Mais la grâce que Jean reçu à ce moment très précis dépasse de beaucoup celle que Salomé, sa mère, avait osée demander pour lui, car il eut l’honneur de reposer quelques instants entre les bras du Maître Jésus.

    Les saints Pères font des commentaires admirables sur cet instant si favorable à Jean. Certains disent que Jean s’endormit d’extase et de contemplation sur le cœur de Jésus. Saint Augustin dit qu’à cet instant Jean puisa à cette source de lumière les plus hauts secrets des mystères divins qu’il révéla plus tard à l’Eglise Universelle. C’est aussi pour cela que, dans le psaume CXLIV, il l’appelle Advidissimus epulator, cui non sufficiebat ipsa mensa Domini, nisi discumber et supra pectus ejus, et de arcano ejus biberet divina secreta.

    Saint Jérôme, dans ses œuvres, dit qu’il reposa sa tête sur la poitrine du Sauveur comme sur l’Arche de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament, et que, par ce moyen, il entra dans la confidence divine mais également dans le Sanctuaire et dans le lieu le plus mystérieux : il lui donne le nom de Diligens Inquisitor et de familiaris Sacerdos.

    Il demanda donc à son Maître quel est le perfide qui allait le trahir. Jésus voulait épargner l’honneur de celui qui allait le vendre aux juifs, mais ne voulant rien refuser à son disciple bien aimé, il l’invita donc à se pencher sur lui et lui dit secrètement que c’est celui à qui il donnera une bouchée de pain saucé qui serait le coupable. Même lorsque Jésus dit, en s’adressant à Juda : « Fais au plus tôt ce que tu dois faire », les autres apôtres ne s’aperçurent pas et ne comprirent pas ce qui se passait.

    Notre Seigneur ayant expiré eut le côté percé par une lance, et Jean, attentif à tout ce qui se passait malgré sa douleur excessive, vit sortir de cette sainte plaie du sang et de l’eau. D’ailleurs, il est le seul Évangéliste qui l’ait révélé à l’Église et qui fit cette protestation authentique : « Et celui qui l’a vu a rendu témoignage, et son témoignage est véritable ».

    De plus, lorsque notre Seigneur apparut à un petit groupe de pêcheurs sur le lac de Tibériade, Jean fut encore une fois le seul qui le reconnut d’abord, sur quoi saint Jérôme déclare : « Solis virgo Virginem agnoscit ».

    Jean qui fut le seul vierge, fut aussi le seul, qui par une divine providence, reconnut en Jésus-Christ le Roi des vierges. Dans cette apparition le Seigneur dina avec eux, il prit du pain et du poisson et les leur distribua. Après le diner, le Seigneur établit saint Pierre comme pasteur de ses agneaux et de ses brebis. Il lui prédit également qu’il succomberait les bras étendus sur une croix pour la confession de son nom. Lorsque Pierre, par inquiétude, demanda au Seigneur ce que deviendrait Jean, Celui-ci répondit : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe, suis-moi ».

    Les autres disciples, interprétant ces paroles du dernier avènement, en conclurent que Jean ne mourrait point. Jean précisera que le Seigneur ne dit pas : « Il ne mourra pas » mais « si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne ».

    Cette expression est très importante au regard du retour du Christ. C’est une mission d’une très grande importance qui est confiée à Jean par Jésus. Alors que la mission de Pierre consiste en l’intendance du peuple de Dieu, celle de Jean consiste en la préservation de la Connaissance des Mystères de Dieu jusqu’au retour prochain du Christ.

    Ce que confie Jésus à Pierre c’est l’Eglise exotérique destinée à la multitude de ceux qui sont incapables de s’élever à des concepts philosophiques et métaphysiques. Jésus confie à Jean l’Eglise ésotérique. Jean, ayant été le confident du Christ, se vit confier Marie et avec Elle toute la Connaissance des Mystères Divins. Et Jean se trouva au pied de la croix lors de l’agonie de Jésus. Pierre n’y était pas. L’ésotérisme ne doit être révélé qu’au petit nombre de ceux qui font un réel effort pour s’élever spirituellement et incarner les enseignements que le Christ a donnés durant son passage terrestre.

    Dans les quatre Évangiles, Pierre est mis en avant dans les trois premiers, mais c’est Jean qui est prééminent dans le quatrième. Ceci suppose que l’Eglise de Jean succèdera à celle de Pierre quand le temps ou les temps seront venus.

    Dans les actes des apôtres, Luc parle de Jean partout avec beaucoup d’honneur et le nomme toujours après Pierre. Jean assista le premier des apôtres en plusieurs occasions mémorables :

    • la première fut la guérison d’un boiteux à la porte du temple, appelée la belle porte. Ce boiteux leur demanda l’aumône à tous deux, et ils lui donnèrent pour aumône l’usage de ses jambes qu’il n’avait pas eu depuis qu’il était venu au monde.
    • la seconde fut lorsque les prêtres et les magistrats du temple les firent arrêter pour leur demander raison d’un si grand miracle et du zèle avec lequel ils prêchaient la gloire de Jésus-Christ. Ils parurent tout à fait confiants devant leur tribunal et affirmèrent avec force qu’il ne peut y avoir de salut que dans la foi en Jésus-Christ qu’ils avaient fait crucifier, et devant  sur eux mais l’interdiction des prêtres de prêcher une telle doctrine, ils répondirent avec la même fermeté : « Jugez, s’il vous plait, si nous devons plutôt déférer à votre commandement plutôt qu’à celui de Dieu ».
    • la troisième occasion fut lorsque les Samaritains reçurent, après le Baptême, le Sacrement de la Confirmation afin de leur conférer le Saint-Esprit par saint Pierre et saint Jean. L’imposition de leur mains fut si efficace que le Saint-Esprit ne descendit pas seulement invisiblement mais de manière sensible comme il était descendu à la Pentecôte sur les disciples.

    Il faut maintenant extraire de l’histoire ecclésiastique et de son Apocalypse le reste de ses actes jusqu’à sa mort. Cependant, nous devons apporter une précision. Dans l’art médiéval, les scènes de la crucifixion de Jésus nous indiquent la présence de Marie et de Jean, parfois seuls, parfois avec d’autres personnages. Or, ils ne sont pas représentés uniquement pour illustrer les textes de l’Évangile, mais pour signifier que Jean représente « la Synagogue » et Marie « l’Eglise ». En effet, nous remarquons que lors de l’arrivée de Jean et de Pierre au sépulcre, Jean devance Pierre mais le laisse entrer le premier. Cela symbolise la position de la Synagogue qui précède l’Eglise puis lui laisse la place sous la direction de l’Apôtre Pierre.

    Après la trahison de Juda, Jean se rendit auprès de Marie pour l’avertir de l’arrestation de son fils et  pour la consoler dans sa douleur. Ensuite il la conduisit jusqu’au calvaire. Il fut le seul apôtre qui assista à la crucifixion et à l’agonie de son Maître. Il fut le seul à qui Jésus agonisant adressa une ultime parole pour confier sa mère à son bien-aimé disciple.

    Voici qui surpasse toutes nos pensées et élève Jean au-dessus de toutes les dignités imaginables. Jésus lui dit : « Ecce Mater tua ».-« Voilà ta Mère ». Quand on sait que, ésotériquement, Jésus et Jean sont les deux Gémeaux, les deux enfants de la Vierge Mère, comme Castor et Pollux, il n’est pas étonnant d’entendre Jésus dire à sa Mère : « Femme voici ton fils ».

    C’est ainsi que Jean fut pénétré de tous les sentiments de fils envers Marie et Marie de tous les sentiments de Mère envers Jean. Désormais ce dernier allait prendre soin de sa Mère en l’accueillant chez lui et la protégeant comme tous les fils doivent protéger leur mère.

    Mais il nous faut voir plus loin que les faits historiques relatés ici, car au travers de ces paroles, c’est une transmission de la Connaissance qui s’opère.

    Pour comprendre ce qui se passe lors de cette scène si touchante et si importante dans la vie de Jean, relisons les versets 26 et 27 ch. 19 de son évangile : « Voyant ainsi sa mère et près d’elle le disciple qu’il aimait (Jean), Jésus dit à sa mère : « Femme, voici ton fils »…Il dit ensuite au disciple « Voici ta mère »…Et depuis cette heure-là, Jean la prit chez lui.

    Cette scène, qui signifie le terme des souffrances du Christ sur la croix, peut être interprétée de façon symbolique. Si la filiation spirituelle qui existe entre Jean et la Mère de Notre Seigneur est considérée d’un point de vue essentiellement chrétien, elle recèle néanmoins une révélation de la plus haute importance.

    C’est une référence à la divinité que les anciens nommaient « Grande Déesse », qu’il s’agisse d’Isthar, d’Isis, d’Hécate ou de Déméter ou de la Brigitt celte, étant à la fois Mère et Fille du Dieu Créateur. Ainsi Marie est la Mère de toute Initiation et donc de tout enseignement, de toute Connaissance. D’ailleurs Gé, la terre, n’est-elle pas Déméter « la mère des Dieux » ou plutôt « des Initiés ». Déméter, la terre-mère est la mère du blé, alors qu’à Dyonisos était consacré le vin. Le Christ a réuni les deux mystères du pain et du vin en instaurant l’eucharistie.  Cet aspect apporte toute la légitimité de la garde de Marie, confiée par Jésus à Jean dont, parmi tous les disciples, lui seul a l’aptitude et la confiance.

    Il s’agit d’une forme de passation d’un flambeau, d’un trésor inestimable que représente symboliquement Marie. Marie c’est la Connaissance réservée aux initiés et Origène confirme cette notion dans un fragment extrait d’un évangile non-canonique des hébreux : « Ma Mère qui est le Saint-Esprit ».

    Symboliquement Jean accueille chez lui le principe initiateur, la Connaissance, ce qui est parfaitement en accord et en harmonie avec sa mission terrestre qui est de garder cette Tradition ou Connaissance jusqu’aux temps voulus par le Christ pour son second avènement. En cela Jean obéit au Christ, qui, Lui, est le gouverneur du Soleil, la Lumière qui éclaire le monde. Le Christ est l’un des multiples enfants du Dieu Unique qui dirige l’immensité de notre univers.

    Les pères de l’Eglise sont unanimes pour dire que par ce don nous avons tous reçu Marie pour Mère et que par conséquent nous sommes tous ses fils et que nous devons nous comporter comme tels. Jean ayant été le disciple qu’elle aimait comme son propre fils implique que Marie nous aime et nous protège comme ses propres enfants. Jean en parlant de Jésus à Nicodème s’écria avec admiration : « Dieu a aimé le monde jusqu’au point de donner son Fils unique pour sa rédemption et son salut ».

    Nous pouvons également dire que Jésus-Christ a aimé Jean jusqu’au point de lui confier sa Mère pour sa consolation et son bonheur. Mais Dieu a aimé tellement le monde qu’il a confié à Jean la Connaissance afin que l’humanité effectue sa rédemption.

    Mais cette si grande faveur fut accompagnée d’une immense souffrance pour Jean en voyant son Maître, son bienfaiteur attaché à la croix, expirer au milieu de tant d’opprobres, de tourments et d’ignominies. Quelle douleur dut-il ressentir de voir souffrir la très sainte Vierge, sa Mère désormais, à l’agonie de son fils très aimé.

    L’une des priorités de Jean fut sans nul doute de pourvoir aux besoins et à la protection de la Vierge Marie, tout comme il assurera secrètement le patronage et la protection de l’Eglise durant l’ère des poissons.

    C’est ce qu’il fit à Jérusalem et en Judée ainsi qu’à Éphèse où Marie se retira pour quelques temps lorsque l’Eglise naissante fut dispersée par les persécutions d’Hérode. Si Jean s’est vu confier Marie pour Mère, nous dirions qu’il devait en assumer le bien-être terrestre, alors qu’à l’inverse Marie devait assurer la protection céleste de ce nouvel enfant adopté sur la recommandation de son fils mourant Jésus, jusqu’à ce que ce dernier revienne.

    Dans le choix des territoires que firent les apôtres pour aller prêcher l’enseignement du Christ, saint Jean s’est vu confier les contrées d’Asie Mineure. C’est sans doute pour cela que Marie se retira à Éphèse, l’une des plus grandes villes de l’Asie, sous la protection de Jean.

    Jean parcourut bon nombre d’autres contrées de l’Orient, entre autres pays celui de Parthes, car sa première épître avait autrefois pour inscription « aux Parthes ». Les Jésuites qui ont annoncé le nom de Jésus-Christ dans les Indes, rapportent qu’il alla jusqu’aux extrémités de l’Orient. Il demeura malgré tout le plus longtemps à Hiéropolis, province de Phrygie, jusqu’à la venue de saint Philippe. Les évêques d’Éphèse et de ses environs devinrent ses successeurs et ses disciples.

    Nous savons que dans l’Apocalypse, Jean écrit aux sept églises qui sont en Asie, à savoir aux évêques d’Éphèse, de Smyrne, de Bergame, de Thyatire, de Philadelphie, de Sardes et de Laodicée qu’il qualifie d’Anges à cause des soins qu’il eut des peuples que la divine providence lui avait confiés.

    C’est à Rome, où il fut conduit sous les ordres de l’empereur Domitien, qu’il subit son martyre. Il y fut fouetté et plongé dans une marmite d’huile bouillonnante d’où il serait ressorti indemne. Ensuite, c’est pendant son exil à Patmos qu’il écrivit son si admirable et incomparable Apocalypse qui, selon saint Jérôme, ne contient pas moins de mystères et de paroles que d’évènements qui représentent, sous des figures scellées, les persécutions que doit subir l’Église de Pierre jusqu’à la fin d’un monde.

    Revenons un instant sur le supplice infligé par l’empereur Domitien à Jean. En réalité, ce passage semble relater un évènement d’une tout autre portée qu’une torture. Un bain d’huile bouillante (forcé par la puissance terrestre de l’empereur) d’où il ressort sain et sauf représente plus un acte similaire au Baptême plutôt qu’à une torture. Il en ressort indemne car il est affranchi de toute corruption de la chair (Il est donc vierge de toutes souillures ; il est pur et affranchi de tout attachement aux principes physiques de ce monde).

    L’huile est un élément essentiel de la vie religieuse. L’usage rituel et sacrificiel de l’huile est caractéristique des régions du Proche-Orient. Non seulement elle fournissait éclairage et nourriture, mais elle est symbole de Lumière, de Pureté et de Prospérité. Dans les rites d’onction, le symbolisme de l’huile est renforcé considérablement puisque l’onction des rois d’Israël leur conférait autorité, puissance et gloire de la part de Dieu. L’huile de l’onction est regardée comme un symbole de l’Esprit de Dieu.

    L’oint est ainsi intronisé dans la sphère divine et nul ne doit porter la main sur lui. Tous les rois de France très chrétiens étaient oints de la Sainte Ampoule, et malheur à ceux qui attentaient à leur vie. L’onction est donnée au début et au terme de la vie d’un homme comme l’Alpha et l’Oméga constitue son début et sa fin.

    L’huile est toujours reliée à l’olivier qui est le signe de la Paix retrouvée et de la Lumière qui éclaire tout homme oint. C’est pour cela que Jean est dit « le patron des fabricants de chandelles ». N’a-t-il pas reçu « l’Initiation solaire »  et démontre ainsi comment tout homme doit devenir un Temple qui recèle la flamme divine, l’étincelle du Christ (gouverneur solaire) en nous ?

    Ainsi ce « supplice », dont Jean sort vainqueur, est en rapport avec une forme de consécration de très haute portée, dont ses suppliciés n’imaginaient pas un instant la signification. Ce bain d’huile (forcé) débute son apostolat. A partir de ce moment, il est mis en situation de devenir une Lumière, un Phare, une Chandelle qui éclaire et permet à chacun de construire son propre Temple intérieur, de faire du monde un Temple Universel.

    Après que Nerva, successeur du cruel empereur Domitien, eut rappelé d’exil tous ceux qui avaient souffert sous son prédécesseur, Jean obtint la liberté de retourner à Ephèse. Les chrétiens de Patmos le prièrent avant son départ de leur laisser par écrit la doctrine du salut qu’il leur avait enseignée, et que, pour les satisfaire, il composa son Évangile qu’il dicta à Prochore, l’un des sept premiers diacres qui l’avaient suivi.

    Pour dicter son Évangile, il ordonna un jeûne à tous ses fidèles et se retira avec Prochore sur une haute montagne, où, debout les bras étendus vers le ciel, il entra en très haute contemplation des vérités éternelles. Après maints éclats de tonnerre, une voix prononça ces mots : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était avec Dieu ». C’est ainsi que saint Prochore eut l’insigne honneur d’être son secrétaire pour rédiger un si admirable ouvrage.

    Dans son Évangile, Jean s’attache plus à relater les discours que les actes de son Maître et s’étend particulièrement sur les deux premières années de prédications de Jésus que les autres Évangélistes, Marc, Matthieu, et Luc n’avait que survolés. Jean inculque de façon si sublime la doctrine de filiation divine, qu’il a acquis des plus anciens Pères de l’église le qualificatif de Théologien par excellence et d’Aigle des Évangélistes, symbole sous lequel il est représenté dans Ézéchiel et dans l’Apocalypse, lui qui a voyagé en esprit jusque dans le sein de la divinité pour en découvrir les plus profonds secrets.

    Dans son Apocalypse il parle de la génération éternelle du Verbe, de sa demeure immuable en Dieu, de sa consubstantialité parfaite avec Dieu, de la création du monde par ce Verbe, comment toutes choses reçurent la vie par lui. Il y annonce le mystère de l’incarnation, en disant que ce Verbe consubstantiel au Père a été fait chair. Il y enseigne aussi le mystère de la justification, assurant que ceux qui ont reçu ce mystère ont eu le pouvoir d’être faits enfants de Dieu par une génération qui n’est pas de la chair et de l’homme, mais toute divine. En fait, il n’y a pour dire peu ou pas de vérité catholique dont il ne donne les principes et ne jette les fondations.

    Jean, au contraire de saint Paul qui reçut des enseignements divins pour lui seul, fut instruit en faveur des peuples et pour servir l’Eglise Universelle. Selon saint Jean Chrysostome, les Anges mêmes auraient reçu de « l’Apôtre bien aimé » des choses qu’ils ne savaient pas, notamment les principautés et les puissances.

    Outre son Apocalypse et son Évangile, Jean a également écrit trois Épîtres :

    • la première aux Parthes (appelée aujourd’hui Epître aux fidèles en commun),
    • la seconde à une dame du nom d’Electa (illustre pour sa piété et sa noblesse),
    • la troisième à Caïus (chrétien fort charitable et grand hospitalier).

    Dans sa première Épître, il montre pourquoi il est nécessaire pour plaire à Dieu de porter tout le monde à la charité envers le prochain, vertu qui témoigne de l’amour que l’on a pour le Seigneur. Il y déclare que celui qui hait son frère est dans les Ténèbres, tandis que celui qui l’aime est dans la Lumière, puis il affirme : « Dieu est Amour ».

    Dans la seconde Épître, il dit comment et combien il est salutaire d’éviter les hérétiques, craignant qu’à cause d’eux les fidèles puissent être atteints par une aussi mauvaise compagnie.

    Dans le troisième, il démontre comment il faut prendre exemple sur le bien car celui qui fait le bien est de Dieu et celui qui fait le mal ne voit pas Dieu ; or pour être Vivant en Dieu, il faut le voir en Soi.

    Quelle ne fut pas la joie du peuple d’Éphèse au retour du céleste Apôtre qu’ils considéraient comme leur père spirituel, bien sûr, mais plus que cela : comme leur pasteur, leur gardien, leur Maître, leur sauveur contre Apollonius de Thyane qui avait séduit une partie du peuple par sa magie, ses enchantements, ses faux miracles.

    Notre Seigneur le fit triompher de cet imposteur par de réels miracles et par le glaive de sa parole. Jean ressuscitât quelques morts vers l’an 98, ce dont témoignent Eusèbe et Sozomène. Il y a aussi la conversion d’un jeune homme qui se faisait appeler « Capitaine des voleurs ». Ce dernier avait été confié par Jean à un évêque, qui, malgré ses recommandations ne sut pas le garder dans les grâces de Dieu. Lorsque Jean, à son retour d’exil, demanda à l’évêque où était le précieux trésor qu’il lui avait laissé en toute confiance, ce dernier lui répondit : « Je ne l’ai plus, dit-il tout confus, je ne l’ai plus, il est mort ». « Il est mort, répliqua saint Jean, et de quelle manière est-il mort ? » « C’est à Dieu qu’il est mort, dit l’évêque, puisqu’il a mieux aimé la compagnie des bandits que celles des humbles fidèles de l’église ». A ces mots, Jean invita l’évêque à le suivre et lui dit : « Ne nous décourageons point, allons chercher cette brebis perdue, pour la ramener au bercail ».

    Jean retrouva la brebis sur la montagne proche. Le capitaine des voleurs s’enfuit à son arrivée, ne pouvant supporter la présence du saint homme. « Pourquoi fuyez-vous votre Père ? », dit Jean, « c’est Jésus-Christ qui m’a envoyé pour vous retrouver », ajouta-t-il. A ces paroles, le jeune homme stoppa sa course, baissa les yeux, plein de honte qu’il était d’avoir trahi la confiance du saint. Sans même lever la tête, il jeta ses armes et courut vers Jean. Il fondit en larmes et tomba dans les bras de Jean et prit la liberté de l’embrasser, tout en cachant sa main droite toute souillée de ses rapines et de ses meurtres pour ne pas toucher le Divin Apôtre.

    Ces évènements sont rapportés par Clément d’Alexandrie, Eusèbe de Césarée, saint Jean Chrysostome, Cassien, Siméon Métaphraste, Synaxaire (Nicéphore Calixte) et bien d’autres auteurs forts célèbres des premiers siècles. Par son comportement, Jean fit voir que, outre les secrets du ciel puisés dans le sein de son Maître, il en avait également tiré le feu de la charité et de la miséricorde divine envers les pêcheurs.

    Puis un jour qu’il prêchait à Éphèse, une nuée blanche le souleva et le déposa sur le seuil de la maison de Marie. Il entra et salua très respectueusement la Très Sainte Vierge Marie qui en pleurant de joie s’exclama :

    « Mon fils Jean, te souviens-tu des recommandations de ton Maître à mon égard. Voici que le Seigneur va me rappeler à lui et que les juifs se proposent de détruire les restes de mon corps par le feu. Mais toi, fais donc porter cette palme, que m’a apporté un ange du paradis, devant mon cercueil lorsque vous me conduirez au tombeau. Cette palme est comme un rameau vert avec des feuilles lumineuses comme l’étoile du matin ». Sur quoi Jean lui dit : « Oh ! Comme je voudrais que tous mes frères soient ici pour préparer tes funérailles et proclamer tes louanges ! »

    Sur quoi les apôtres furent ravis des lieux où ils prêchaient et sur une nuée furent déposés devant la maison de Marie. Ils se demandèrent pour quelle raison si soudaine ils étaient réunis ici. Alors Jean sortit et leur annonça la mort prochaine de Marie et ajouta : « Prenez garde mes frères à ne pas pleurer quand elle sera morte, afin que le peuple en voyant vos larmes ne vienne à être troublé et ne se dise : « ces gens qui enseignent aux autres la résurrection n’y croient pas eux-mêmes, auraient-ils peur de la mort ?».

    Quand l’heure fut arrivée de conduire Marie dans sa dernière demeure, Jean dit à Pierre : « tu porteras la palme de Marie devant le cercueil, car le Seigneur t’a fait le berger de ses brebis ». Pierre répondit à Jean : « Jean, c’est à toi que reviens de porter cette sainte palme devant le cercueil, car le Seigneur t’a élu quand tu étais encore vierge de toute souillure, tu porteras donc cette palme et moi je porterai le cercueil » (Voir page 29 et 30).

    C’est après l’épisode du bain forcé que Jean, de retour à Patmos, écrivit sa Révélation, son Apocalypse.

    Quelques auteurs ont cru qu’il n’était pas mort, mais que le Seigneur l’avait réservé ainsi qu’Enoch et Elie. D’autres disent qu’il est mort par la faute de Trajan dans d’affreux tourments, ou d’autres disent aussi qu’il partit de mort naturelle, alors que son corps ne fut pas retrouvé dans son tombeau.

    Tous les Pères de l’Eglise et les écrivains ecclésiastiques lui prêtent de grandes éloges et de grandes grâces qu’il a reçus du ciel. Jean a incarné toutes les qualités des saints et de ceux qui vécurent en sainteté. Il fut prophète, apôtre, évangéliste, docteur, martyr et vierge, et surtout il a été le seul à recevoir autant de faveurs de notre Seigneur Jésus-Christ et de la Vierge Marie, sa Sainte Mère. Il fut le disciple que Jésus aimait le plus, celui à qui il enseigna les mystères du ciel, celui qui reçut le plus d’affection, et celui à qui il confia son plus précieux trésor, sa Divine Mère.

    Saint Jérôme rapporte que Jean, étant devenu extrêmement vieux, ne pouvait plus faire de longs discours. Aussi répétait-il sans cesse ces paroles : « Filioli, diligite alterutrum », traduit par : « Mes Petits Enfants, Aimez-vous les uns les autres ». Ces mêmes disciples, ennuyés de l’entendre toujours répéter cette même leçon lui demandèrent pourquoi. Il répondit tout simplement : « Je le fais, parce que c’est le précepte du Seigneur, et que si on le garde bien, il n’en faut point davantage pour être sauvé ».

    C’est à Patmos, un jour que Jean tombe en extase et voit le Christ lui apparaître sous la forme d’un jeune homme dont le rayonnement dépassait celui du soleil. Le Christ lui révéla l’Apocalypse, la Révélation des choses qui doivent arriver tout au long de l’ère des Poissons et à la fin de ce temps.

    Il y aura à la fin des temps, ou de ce temps actuel, un accroissement de l’iniquité, la venue d’un Antéchrist qui combattra les fidèles. Cet ultime combat du Bien contre le Mal verra l’Antéchrist jeté en enfer avec le diable et ses anges démoniaques, puis la consommation de toute chose par le feu Divin qui précèdera le triomphe du Fils de l’Homme, la résurrection de tous et le Jugement Dernier. Le livre de l’Apocalypse qui termine l’Ecriture Sainte se termine avec la descente de la Jérusalem Céleste, de la Cité Sainte et Eternelle.

    Lorsque son heure fut arrivée, Jean ordonna à ses disciples de creuser une tombe en forme de croix dans le sable. Après leur avoir fait ses adieux il s’y allongea et ordonna qu’on le recouvre, d’abord jusqu’aux genoux, puis jusqu’au cou et au lever du soleil ils le recouvrirent totalement. A cette annonce les autres disciples allèrent sur sa sépulture et constatèrent qu’il n’y était plus.

    Saint Jean est ressuscité et monté au ciel comme avant lui Marie, réalisant la révélation énigmatique donnée à saint Pierre : « Si je veux qu’il reste jusqu’à ce que je revienne, que t’importe, suis-moi ».

    Si le texte de l’Apocalypse nous reste inaccessible, c’est en grande partie parce que nous le considérons à l’extérieur de nous-même, alors que si nous l’analysions comme l’alliance du temporel et du spirituel au sein de nos êtres, nous serions chacun et collectivement en mesure de nous réaliser.

    L’Apocalypse est le résumé symbolisant la science des initiés. Il serait vain d’y chercher la trame des évènements à venir sur un plan purement matériel. Il s’agit plus d’une trame philosophique transcendantale et prophétique de l’histoire. Ce texte révèle notre devenir individuel et doit éveiller nos consciences à l’importance à la fois humaine et spirituelles de nos vies. Saint Jean semble avoir divisé son récit en sept périodes tout au long desquelles l’Eglise doit passer pour triompher définitivement et établir la Nouvelle Jérusalem. Son récit septénaire concerne également les sept âges d’une vie humaine durant lesquelles un homme peut effectuer sa rédemption et sa réintégration dans la sphère Divine.

    On remarque les rapprochements entre l’Evangile de Jean et la Gnose. Il existait autrefois des gnostiques samaritains du nom de Sabéens (les baptiseurs) et de mandéens (manda, la gnose) qui les précédèrent. Ils entretenaient des rapports étroits avec les Esséniens dont Jean le Baptiste aurait été le chef.

    Leur rite principal était le baptême par immersion totale dans l’eau. Ils pratiquaient également le partage du pain. De là à y voir la préfiguration de la cène, il n’est qu’un pas. D’ailleurs, les Mandéens, dont il subsisterait des représentants en Iran, furent appelés « Chrétiens de Saint-Jean ». Les Mandéens repoussent l’Ancien Testament comme étant une imposture. Ces rapprochements expliqueraient donc l’intérêt pour l’histoire du courant johannite dans l’Église et la préférence du Christ pour les Samaritains.

    Depuis le début de l’ère chrétienne, il existe deux Églises, celle de Pierre et celle de Jean. L’Église de Pierre, symbolisée à Rome par la basilique du même nom, est appelée exotérique, et s’adresse au plus grand nombre des fidèles. Celle de Jean, symbolisée par la basilique du même nom à Rome (la basilique de Latran est consacrée aux deux saints Jean), est dite ésotérique car réservée à un petit nombre capables de comprendre la profondeur des enseignements christiques. Ce sont ces derniers qui sont les conducteurs, les guides spirituels de la fin de notre temps.

    Le premier courant est judéo-chrétien et représente la Loi. Au centre se situe un courant helléno-chrétien qui représente la Foi, courant qui revendiqua la spiritualité universaliste du Christ qu’Etienne opposa au premier. Ensuite, et à la fois au centre de ces deux tendances se place le courant johannite qui est l’alliance du mysticisme qui déclare que Dieu est Amour et de la philosophie spéculative de Platon, Plotin, Clément d’Alexandrie… considérant que Dieu est Esprit. L’Eglise de Pierre est l’Eglise de la Loi, de la Lettre, celle de Jean est l’Eglise de l’Esprit.

    La Gnose johannite enseigne que Dieu est Esprit et Amour. Elle guide le néophyte pas à pas vers la Connaissance des mystères Divins. Réunissant Connaissance et Amour, le cherchant peut ainsi édifier son Temple intérieur.

    Comme l’a écrit Léonard de Vinci, qui était johannite, il ne s’agit pas de réciter maintes et maintes prières ou formulations stéréotypées pour plaire à Dieu, mais plutôt lui rendre hommage en admirant sa création. « Le gnostique chrétien, dit-il, se sent constamment en présence du Christ. Il est en communion permanente avec Lui, chaque pensée, chaque parole, chaque actes de sa vie est conditionnée par la Connaissance et l’Amour de Dieu et de la Création ».

    Frère André B., Grand Chancelier Prieural

     


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