• * Réflexions sur la Grâce et le Baptême

    Réflexions sur la Grâce et le Baptême

    Je voudrais partager avec vous mes réflexions personnelles sur le baptême chrétien. Elles sont basées en très grande partie sur le texte que le pasteur de ma communauté m’a demandé de rédiger et de lire le jour de mon baptême.

    L’origine de ces réflexions est le fruit d’une année de travail avec le pasteur sur différentes thématiques chrétiennes en préparation de mon baptême, lui-même alimenté par des années de développement spirituel dans différents courants de pensés.

    Comme vous allez pouvoir vous en rendre compte dans cette introduction, je me suis fait baptiser « sur le tard », il y a à peine quelques mois, et ce à cause d’un cheminement spirituel atypique, ou devrais-je dire, inversé.

    Normalement, nous héritons de la religion de nos parents, et celle-ci nous pousse plus tard à approfondir l’aspect spirituel en rejoignant des groupes comme l’Ordre du Temple, en tout cas pour ceux qui n’ont pas été dégoûtés par la religion et qui éprouvent une curiosité saine, une soif d’approfondir le Grand Mystère Divin.

    Dans mon cas, je suis né dans une famille athée et quand, arrivé à l’âge adulte, jeune adulte, ma curiosité envers ce Grand Mystère m’a poussé à chercher à comprendre d’avantage, j’ai d’abord rejoint certains groupes spirituels, et de fil en aiguille, après maintes années je suis arrivé à l’Ordre du Temple.

    A mon arrivée dans l’Ordre, bien que chrétien, je n’appartenais à aucune église, persuadé qu’il n’en existait aucune qui avait la même compréhension, la même interprétation du Christ que moi. Donc, peu après mon arrivée, j’ai eu l’envie d’approfondir l’aspect religieux manquant en moi et je me suis mis en quête d’une église, persuadé de ne rien trouver ! Mais je me suis trompé. Quelle belle leçon d’humilité cela fut pour moi !

    J’ai donc trouvé en l’église protestante réformée le mouvement christique qui semble le mieux me convenir. Je ne creuserai pas plus cet aspect : ce serait un parchemin à part entière, surtout qu’il devrait être écrit, abordé, de telle manière à n’heurter aucune autre croyance, aucune autre religion, car je suis persuadé qu’aucune des religions chrétiennes existantes, et j’irais même jusqu’à inclure les courants judaïques et musulmans, ne sont dans l’exactitude et que chacune de ces religions permet à chacun d’entre nous de vénérer le même Dieu mais d’une manière qui nous parle le plus, un peu comme si nous mangions tous de la glace mais que certains préfèrent le gout chocolat, d’autres le gout vanille !

    Je pense que la plupart de mes frères et sœurs ne sont pas passés par un baptême à l’âge adulte et donc il pourrait sembler de prime abord que ces réflexions ne sont point utiles mais, sans vouloir dévoiler tout le travail et ce dans un ordre totalement chaotique, je me permettrais de dire que ces réflexions personnelles sur mon baptême peuvent être extrapolées sur notre manière de vivre notre vie et de prendre des décisions et qu’elles sont construites, comme nous allons le voir, sur ma conception de la Grâce Divine, sujet ô combien universel.

    Mais ces réflexions peuvent tout aussi bien convenir au baptême d’un enfant, plus parlant d’un point de vue catholique ou autre religion pédobaptiste (1), mais cette fois pas du point de vue du baptisé, de l’enfant, qui, du fait de son jeune âge, n’est pas en mesure de prendre conscience de cette décision mais plutôt du point de vue des parents qui, eux, prennent la décision de faire ou de ne pas faire baptiser leur enfant, et ce pour telle ou telle raison.

    Donc nous allons parler de mon baptême. Alléluia ! Soyons dans l’allégresse ! Faisons sonner les cloches !

    C’est beau d’être joyeux, d’être ému, mais qu’est-ce que cela apporte vraiment ? Suis-je différent après, comparé à avant ? Oui et non. La réponse, ou plutôt devrais-je dire les réponses à cette question sont complexes et fort personnelles car elles dépendent de notre manière de concevoir le baptême, de l’interpréter. A travers les quelques paragraphes qui suivront, je vais essayer d’éclaircir sa symbolique, au moins celle qui me parle, le chemin qui m’a mené jusque ici, au midi de ma vie, et ce que je pense que le baptême m’apportera.

    Mais d’abord, ce que le baptême n’est pas. Non, la communauté ne m’accueillera pas davantage. Non, Dieu ne me pardonnera pas plus. Non, Jésus ne m’aimera pas davantage. Alors ce baptême ne change-t-il rien ? Ne sert-il à rien ?

    En observant le baptême, en méditant dessus, il me fait penser à la Grâce Divine dans sa caractéristique sous-jacente mais uniquement dans le sens où il est l’image terrestre de la Grâce, le symbole humain de la Grâce Divine, comme nous nous sommes fait à l’image de Dieu. Pour le comprendre, nous devons d’abord comprendre la Grâce et c’est seulement à ce moment que nous pourrons voir le sens et le changement profond et imperceptible que le baptême apporte.

    La Grâce est le pardon ; elle est l’Amour, sans limites, sans conditions, incomparable et immensurable à toute forme d’Amour terrestre, mais ce n’est pas cette caractéristique que j’assimile au baptême mais la conséquence qui en découle sur nos vies.

    Elle est donc un don de Dieu totalement indépendant de nos actions, paroles ou pensées mais qui engendre une responsabilité lourde de conséquence, lourde car celui qui accepte de recevoir la Grâce, même si nous ne pouvons pas la refuser, accepte en même temps la responsabilité, la prise de conscience, qui opère en nous un changement fondamentale et c’est cette caractéristique que je retrouve dans le baptême.

    Creusons plus cette notion de « Grâce » qui ne nous oblige à rien et nous donne tout, qui nous laisse le choix d’avancer en harmonie ou en dissonance avec le Plan divin.

    Ce Plan divin – et les traits de la Grâce qui le composent – nous a été révélé par les Saintes Écritures et ce pour nous aider à éclairer notre route, pour nous montrer le chemin. Mais à travers les siècles, nous n’avons jamais réussi à maintenir le cap ; nous avons à chaque fois erré, avec la seule conséquence de retarder le Plan divin, la Grâce nous étant de toute façon acquise.

    Combien de fois Dieu n’est-il pas intervenu pour nous remettre dans le droit chemin, le chemin de l’Amour fraternel ? Combien de fois nous sommes-nous égarés ?

    Ces Saintes Écritures se sont montrées insuffisantes pour garder notre regard sur cette Grâce qui brille en nous, de nous garder sur le chemin de la fraternité et donc, dans un ultime effort, Dieu dans son incommensurable bonté s’est fait chair en son Fils Jésus-Christ pour nous montrer par son sacrifice sur la croix l’immensité de son Amour et sa Grâce qui en découle.

    Qui y-a-t-il de plus beau, de plus prenant que de voir Dieu dans son infinité s’humilier devant nous, par amour, pour nous sortir de notre désespoir et de notre errance ? Ce sacrifice, la Grâce faite chair, est marquée à jamais en nous et, des siècles après, elle continue d’influencer et de montrer le chemin.

    Mais comme dans toute l’Œuvre divine, passée, présente ou future, nous avons le choix de le suivre ou pas, toujours sans autre conséquence que de retarder l’arrivée du Royaume de Dieu.

    En regardant le monde d’aujourd’hui, nous pouvons facilement voir les effets désastreux de la conséquence de ne pas suivre le chemin du Plan Divin.

    Non, ce n’est pas une punition de Dieu : juste une conséquence de la manière dont Dieu nous aime. Il nous aime tellement qu’il accepte que nous ayons choisi le chemin de la dissonance ! Mais c’est à nous d’accepter les conséquences de nos choix, tel un enfant qui veut devenir adulte doit accepter que ses choix, quels qu’ils soient, aient des conséquences, agréables ou désagréables.

    La route à suivre est celle de la fraternité, de l’acceptation de l’autre, mais y parviendrons-nous un jour ? Pourtant cette question n’a aucune importance ! Dieu, dans sa miséricorde, continuera de nous pardonner et de nous accueillir sans réserve. Et, en plus, ce monde où beaucoup de choses vont de travers est un terrain fertile pour certains d’entre nous qui arriveront à tirer les marrons du feu, certes au détriment des autres. Alors pourquoi devrions-nous aimer notre prochain au lieu de nous occuper exclusivement de notre petite personne ? Dieu nous pardonnera de toute façon !

    C’est cette question sur l’égoïsme, sur le faire ou ne pas faire, qui explique tant la responsabilité liée à l’acception, à la prise de conscience, de la Grâce que la signification, l’utilité du baptême.

    Je m’explique : la Grâce ne nous oblige à rien, ne change rien ; elle est acquise, irrévocablement acquise et nous avons donc le choix.

    C’est notre libre arbitre de vivre notre vie en contemplant notre nombril, en nous repliant sur nous-même, en ne nous occupant de rien d’autre que de notre bonheur matériel et éphémère.

    N’est-il donc pas plus confortable de nager dans ce bonheur matériel même si c’est au détriment des autres ? Pourquoi choisirais-je le bonheur d’autrui au-dessus du mien ? Je défie n’importe qui, qui a été touché par cette Grâce, par le message universel d’Amour de Jésus, de vivre exclusivement pour soi sans s’occuper des autres.

    J’ai reçu, ou plutôt j’ai vu, cette Grâce comme un feu qui ne s’éteint jamais dans les obscurités de mon être que je ne puis plus jamais éteindre ni ignorer. De la prise de conscience et à cause de la responsabilité qui s’ensuit, je ne puis faire autrement que d’essayer, et je dis bien essayer, de vivre dans l’exemple du Christ, en remerciement pour ce merveilleux cadeau de la Grâce.

    Je dis « à cause » et pas « grâce à » car cette responsabilité à la lourde conséquence de mettre en lumière les obscurités, les ténèbres qui restent au fond de moi, de me montrer mes manquements, et, à chaque fourvoiement, de me faire ressentir une forte culpabilité, non pas dans la crainte de perdre l’Amour de Dieu, qui m’est acquis, mais liée à une tristesse d’avoir été incapable de remercier Dieu dans sa juste mesure. Je sais que je place la barre fort haut, mais je ne veux pas revenir en arrière et cette hauteur me permet de me tirer en avant.

    Je viens de loin : au début,  je vivais en égoïste, je voulais toujours plus, plus pour moi, pas pour les autres, moi en premier. Mais, un jour, au détour d’un chemin tortueux, d’une mer agitée, Dieu m’a montré sa Grâce : certes rien qu’une petite lueur au fond de mon être sombre, mais suffisante pour que je ne puisse l’ignorer.

    Comment pouvais-je continuer de vivre ma vie comme avant ? J’aurais eu l’impression de cracher consciemment dans le visage de Dieu. Non, je ne pouvais pas. Et j’ai donc pris la décision facile de changer ma façon de vivre. Mais de facile il n’y avait que la décision.

    La mise en pratique fut et est beaucoup plus difficile, mais Dieu a toujours été là avec moi. Dieu me guide mais me laisse le choix de la route et de ma vitesse de croisière, et même si la route a été longue et parfois difficile pour arriver ici aujourd’hui, je n’aurais jamais voulu que Dieu pilote ma vie à ma place : je n’aurais rien appris. Ce libre arbitre est une lourde responsabilité mais il me permet de grandir, d’évoluer et c’est cette évolution qui est le Plan divin, l’Œuvre divine.

    Cette Grâce est donc non seulement une bouée de secours mais également une source d’apprentissage par le libre arbitre qu’elle engendre et les choix de faire ou de ne pas faire qui s’offrent à nous. Ce concept divin de l’indissociabilité de la Grâce et du libre arbitre se transpose au concept humain du baptême où nous avons le choix de le subir ou pas, sans conséquence. Maintenant, en appliquant cette conception au baptême, nous pourrons mieux comprendre ce qu’il représente pour moi et pourquoi j’ai décidé de le demander.

    Le baptême est à comprendre sur 3 niveaux différents et complémentaires.

    • Le premier niveau, au plan humain, est un rituel d’accueil dans la communauté, mais l’accueil, je l’avais déjà et sans réserve, et donc le rituel, de prime abord, aurait était inutile mais en inversant notre attente il devient ma manière de remercier la communauté de m’avoir ouvert sa porte, sans contrainte, sans conditions, avec bienveillance et suivant les préceptes de notre Maître Jésus.
    • Le deuxième niveau, en suivant le même principe mais au plan divin cette fois, est mon remerciement à Dieu, mon cri de joie et de ralliement. Il est une marque indélébile que je ne puis jamais enlever, comme le feu éternel de la Grâce, ce qui a été ne pourra jamais ne pas avoir été, mais ce n’est pas une manière d’être accepté par Dieu, acceptation qui m’est de facto acquise, comme je l’ai inlassablement répété.
    • Le troisième niveau est au niveau symbolique et initiatique, celui qui permet et opère le changement profond et imperceptible. Ce troisième niveau, dans le cadre du baptême d’enfant, ne pourra pas s’appliquer au baptême lui-même mais plutôt à la confirmation de sa foi, et par confirmation je veux parler du moment où, à l’âge mûr, la religion passe d’une habitude, d’une tradition, à une foi profonde.

    En regardant le rituel du baptême dans son ensemble, y compris mon cheminement de vie qui m’a amené ici, au jour de mon baptême, je trouve que ce baptême symbolise par analogie la Passion du Christ. Le chemin vers la crucifixion étant mon cheminement tortueux, avec toute la lourdeur de la tâche mais parsemé d’éléments qui me permettent de tenir et d’avancer. Ce chemin se termine évidement par la crucifixion et la mort, symbolisé par l’immersion, suivi de la résurrection, symbolisé par l’émersion, début d’un nouveau chemin de vie.

    Non, je ne suis pas différent, non mon nouveau chemin n’est pas une brusque volte-face ; il est une continuation qui passe nécessairement par ce point de flexion mais qui m’offre des racines solides sur lequel je peux faire grandir mon arbre de vie.

    Oui, ma foi en Dieu, en Jésus-Christ, m’a profondément changé. Par ce choix conscient de me faire baptiser, choix libre et sans contrainte, j’ai voulu marquer ma décision, mon choix, de suivre la voie de l’Amour fraternel, la voie que le Fils Jésus nous a enseignée.

    Oui, c’est une route impossible ; oui, il y aura toujours de l’obscurité, mais ce n’est pas l’aboutissement qui est important mais le cheminement, et avec Dieu à mes côtés, quelles que soient les épreuves, les difficultés, les tempêtes rencontrées, je veux naviguer en son nom et pour sa gloire.

    Il n’y a que cette fraternité qui puisse transformer notre enfer terrestre en son royaume. C’est à travers Son Œuvre divine, et non à travers mes gloires, que je puisse trouver le bonheur et notre devise est plus que jamais notre pierre angulaire de la construction de notre temple : « Non nobis, Domine, non nobis, sed Nomini Tuo da gloriam ».

    Frère Novice Kevin R.

    Parchemin présenté à la Commanderie Majeure N D du Temple, le 22 février 2017

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    (1) pédobaptiste : qui préconise ou pratique le baptême des enfants.


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