• * Réflexions sur la première règle

    Tu n’auras de cesse dans la quête de la Lumière

    Parchemin d'un Frère Novice

    Notre Frère Allan nous propose son analyse personnelle de ce premier point de la Règle de vie du Templier :

    # de cesse : tu ne t'arrêteras jamais, ta recherche couvrira toute ta vie.
                        Persévérance et durée : deux qualités du Chevalier.

    # la quête :  quête = chercher ; recherche obstinée de quelqu'un, de quelque chose.
                        Quête de Dieu, quête de la Vérité.

    # Lumière : aboutissement de la quête dans le respect à soi, à autrui et le service envers les autres.

    Replaçons cette règle dans son contexte historique :
    Quand les Croisés rescapés s'en retournent en Occident, à la création des deux ordres militaires et religieux, les Templiers et les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem ont pour objectifs :
    1. de défendre les pèlerins, qui sont faibles et démunis : ils font oeuvre d'assistance.
    2. de servir en chevalier le souverain du Royaume de Jérusalem : ils font oeuvre de défense.
    Soldats de Dieu, ils sont les seuls à pouvoir revêtir le manteau blanc, symbole de cette lumière vers laquelle ils tendent.
    La pensée directrice est de combattre par la force de l'esprit et sans répit, les vices et les "démons" dans cette lutte intérieure de l'homme contre lui-même, contre cette armée de vices qui se cache parfois derrière une apparente vertu.
    C'est une motivation profonde, un engagement de tous les instants et d'une portée "universelle" : quels que soient le contexte historique, le milieu social et la culture ambiante, le Chevalier ne peut, et ne veut, déroger à l'Esprit qui anime et forge sa quête pour le conduire dans la lumière de la connaissance de soi et des autres.

    Frère Novice Allan B.
    N.B. Parchemin présenté en chapitre le 25 janvier 2017 

    Qu'est-ce que la "Lumière" pour nous, Chevaliers de l'Ordre du Temple ?

    Les sens abstraits du mot « lumière » et de ses dérivés dans le langage courant peuvent nous aider à la transposition de la lumière exotérique à la Lumière ésotérique.

    Avoir une lueur d’espoir, faire la lumière sur une affaire, être lucide, entendre un exposé lumineux, éclairer un débat… sont autant de métaphores qui indiquent l’achèvement d’états abstraits, intellectuels ou affectifs, qui étaient obscurs, embrouillés, angoissants, ou bien la présence d’un état de clarté consciente.

    Quant aux « Lumières » du 18ème siècle, elles traduisent le mouvement philosophique qui prôna la suprématie du raisonnement sur les croyances religieuses et la certitude des faits sur les spéculations cérébrales entre autres caractéristiques de cet humanisme aujourd’hui dépassé par les découvertes scientifiques et l’avènement de la psychologie.

    A leur époque, « les Lumières » ont néanmoins eu le mérite de clarifier un certain obscurantisme dans lequel des populations étaient plongées depuis longtemps.

    Enfin, la lumière, physique ou imaginaire, est signe de disparition du sombre, du brumeux, du nuageux, d’effacement de l’imprécis, de libération de l’occulte, de l’énigmatique, du mystérieux.

    Si vous voulez bien vous rappeler, mes Frères, que la lumière joue un rôle fondamental dans la constitution même de la matière-énergie et dans la circulation de l’information visuelle, nous ne devons pas nous étonner qu’elle occupe une fonction centrale dans l’expérience mystique.

    Du latin populaire « luminaria », dérivé de « lumen », qui vient du latin ecclésiastique, pluriel neutre, signifiant lampe, flambeau, astre, le terme « lumière » est employé très fréquemment en Franc-maçonnerie. Il s’applique à des choses assez diverses en apparence.

    La Lumière symbolise les influences célestes et spirituelles. Elle constitue la plus grande partie de l’enseignement initiatique car elle est censée se dévoiler sous ses différents aspects, au fur et à mesure de notre cheminement dans la Voie spirituelle.

    Le fait d’être reçu Novice est étroitement lié à la réception de la Lumière. 

    D'une manière globale, la lumière a un caractère sacré.

    La Réception au grade de Novice marque, pour celui qui la vit, le passage d'un monde à un autre, de l'obscurité à la clarté, de l'inculte à la culture, de l'ignorance au savoir et du profane au sacré.

    La démarche initiatique se veut être une quête spirituelle de la Lumière dans le sens de la recherche de la Connaissance. Chaque Novice, chaque Écuyer, chaque Chevalier Templier se réclame à la fois de la Genèse et du Prologue de saint Jean dans son cheminement initiatique.

    Tentons à présent une approche du symbolisme de la Lumière puisque un de nos objectifs est la quête de la Lumière.

    Approche du symbolisme de la Lumière

    Le symbolisme de la Lumière est inséparable de celui des Ténèbres. A toute phase d’obscurité, de ténèbres, suit une phase de lumière, de pureté et de régénérescence.

    Le symbolisme de la sortie des Ténèbres est présent comme une des principales constituantes des rites initiatiques dans toutes les traditions. Le simple exemple du jour qui succède à la nuit est accessible à tous.

    Pour le Templier, cette expérience initiatique de la Lumière se présente sous un double aspect :

    • à la fois celui d’une prise de conscience progressive du monde environnant où il commence à discerner sa part d’illusions,
    • et aussi celui d’un bouleversement soudain de l’être qui opère une conversion, … une conversion qui le fait sortir d’un univers profane et d’une situation historique conditionnée pour le mettre en quête de la Vérité et de la Lumière de l’Esprit dont il est porteur.

    D’après la Bible, la lumière est aussi le Fiat Lux de la Genèse, l’illumination qui ordonnance le chaos par une vibration sonore créatrice. Selon le Prologue de l’Évangile de Jean – sur lequel nous prenons tous nos engagements maçonniques – la lumière primordiale s’identifie au Verbe.

    Le rituel de Réception mène le postulant à sortir progressivement des Ténèbres pour l’amener graduellement à la découverte de la Lumière.

    L'être qui frappe à la Porte de la Salle capitulaire est en quête de Vérité et de retour à l’Unité principielle, qui correspond précisément au passage des Ténèbres (au pluriel) à la Lumière (singulier).

    La Lumière qui éclaire nos Travaux en Salle capitulaire n’est pas celle de l’illumination intellectuelle. L’intellection n’est que l’une des composantes de cette illumination que nous associons à l’Initiation et de cette lumière que nous associons au Travail maçonnique.

    La fonction propre de la lumière est de déployer un « milieu » où les choses et les êtres se donnent à voir. N’est-ce pas d’abord en ce sens que la Lumière « éclaire nos Travaux » ? Dans l’espace de la Salle capitulaire, qui reproduit l’espace du Monde, comme tout espace sacré, toutes les paroles sont perçues, et l’attention de chacun est dirigée sur leur sens. On laisse leur sens se dévoiler et par conséquent on permet à la vérité de se dévoiler à travers elles.

    L’harmonie de la Commanderie, lieu de recherche en commun de la Vérité et du Bien, est la manifestation d’une parcelle de cette lumière ; l’harmonie, l’unité de la Commanderie sont indissociables de cette transparence qu’on appelle Lumière. La connaissance de la Lumière peut aussi signifier l’ensemble de toutes les vertus.

    La lumière représente le mode de conscience auquel l’homme peut accéder, lorsqu’il triomphe de l’opacité des pulsions instinctuelles et dirige son regard vers les formes intelligibles qui constituent l’ordre du monde dans son unité, sa vérité et sa beauté.

    En « recevant la Lumière », au soir de notre Réception, nous avons acquis la connaissance d’un fait simple et « évident » dont la reconnaissance est au fond de toutes les religions et de toutes les traditions initiatiques, à savoir que nous ne pouvons comprendre et créer que par participation à la Source éternelle de la Conscience et de la Créativité, que nous appelons Dieu, Créateur de l’Univers, et que le rituel invoque afin qu’il éclaire et protège nos Travaux.

    L’homme ne peut espérer participer au règne de la Lumière qu’à condition de réaliser en lui-même la juste et difficile proportion entre la pensée et le cœur, entre la lucidité et la ferveur.

    Pour nous aider à mieux assimiler cette quête de la Lumière, notre Salle capitulaire est ornée de trois bougies (une rouge, une verte, une blanche) ainsi que d'un sanctuaire allumé par le Frère Prieur en début de tout Chapitre. Le feu qui brûle au sommet de chacune de ces bougies provient de la bougie noire disposée en dehors de la Salle capitulaire, dans un lieu symbolisant les Ténèbres. 

    La Lumière étant assimilée à la Connaissance, le feu devient un « instrument de connaissance » et acquiert ainsi une dimension symbolique de toute première valeur : il est celui qui éclaire, celui qui illumine, qui transforme les Ténèbres en champ lumineux, celui qui permet de voir... donc de savoir. Le feu est un révélateur de l'essence des choses.

    Les cierges au sommet desquels brûle le feu ont leur propre signification. Celle-ci nous est rappelée à chaque Ouverture des Travaux par le Frère Gardien chargé de les allumer. Leur lumière éclaire la quête spirituelle de tous les Initiés présents, quel que soit leur grade.

    Le feu se veut à la fois d'essence divine, tant il sait être purificateur mais aussi implacable en certains instants, et initiateur par sa faculté à montrer le chemin, à permettre à l'homme de voir et comprendre.

    Le passage des Ténèbres à la Lumière

    Passer des Ténèbres à la Lumière, n’est-ce pas être Initié ? La Réception au grade de Novice est sans doute une très belle cérémonie au début du chemin spirituel que nous offre l'Ordre des Chevaliers du Temple de Jérusalem. Les Frères s’accordent généralement à reconnaître que la toute première des initiations successives est celle qui leur a laissé l’imprégnation la plus profonde.

    Consciente de ses devoirs et après une approche prudente, la Commanderie a jugé que le Profane, en toute humilité, était digne de la rejoindre. Le candidat a frappé à la porte de la Salle capitulaire et c’est ainsi que, dans les Ténèbres, grandes lui furent ouvertes les portes de la Commanderie réunie en Chapitre.

    Au cours de la cérémonie de Réception, tout candidat n'a en réalité reçu qu'une faible lueur. Ce ne sera que plus tard, s'il la mérite, qu'il pourra recevoir la Vraie Lumière, en passant au grade d'Écuyer. Mais sa quête de Lumière ne s'arrêtera pas là ! En effet, notre première règle nous le laisse entendre : nous n'aurons de cesse de chercher la Lumière, la Vraie Lumière.

    Avions-nous vraiment conscience de vivre dans les Ténèbres ? Connaissions-nous cette quête ? Lors de notre propre Réception dans l'Ordre, savions-nous réellement ce que nous cherchions ? Pourtant, à chaque fois, le rite mystérieux s’est accompli et la Lumière fut donnée, sous forme de "faible lueur".

    De même que nos yeux ont dû s’accoutumer à la lumière qui avait jailli, de même, notre personne a dû s’habituer progressivement à l’idéal templier qui est loin de nous avoir été révélé dans son entièreté lors de cette Réception : ce n’est pas en quelques instants qu’on devient un Chevalier plein de sagesse au sein de l'Ordre du Temple.

    Quel sens devons-nous donner à l'expression " n'avoir de cesse " ?

    C’est par un travail continu parmi nos Frères et Sœurs, avec elles et eux, mais surtout, par un travail opiniâtre sur lui-même que le Chevalier Templier pourra accéder à une connaissance plus grande et plus complète d’abord de lui-même, puis d’autrui. C’est en jugulant le repos complaisant et confortable des habitudes égoïstes que l’on perçoit ce qu’on peut apporter à d’autres, peut-être moins favorisés. En les aidant, en leur tendant une main secourable, en les guidant s’ils le demandent, le Novice, l’Écuyer, le Chevalier augmente la richesse et la perfection dans son cœur.

    La Lumière donnée est donc l’une des clefs d’un enseignement symbolique destiné à nous élever. Mais à nous élever vers quoi ? Que venons-nous chercher en Commanderie templière lors de ses Chapitres dans la Salle capitulaire ?

    Dans la solitude de sa nuit dans les Ténèbres, le Profane a frappé à la Porte de la Salle capitulaire et, dans un moment d’acceptation totale, il s’abandonne librement entre les mains de ses futurs Frères et Sœurs.

    Au cours de cette cérémonie de Réception de Novices, le rituel initiatique a déroulé les fastes de ses symboles. Dans le creuset des arcanes, l’alchimie du Grand Œuvre tend à prendre corps, à emporter le présomptueux vers sa fin, vers une nouvelle vie, vers un autre commencement, vers le retour à la Lumière. Quand enfin elle est là, elle est aveuglante !

    Le Frère nouvellement reçu a-t-il réfléchi à ce qu’il pourrait découvrir en chevalerie templière ? Ce qu’il vient de découvrir correspond-il à ce qu’il avait imaginé avant cette Réception ? Au soir de la cérémonie, il est sans doute encore un peu tôt pour donner une réponse car ce qu’il découvrira au sein de sa Commanderie, au sein du Grand Prieuré, au sein de l'Ordre des Chevaliers du Temple de Jérusalem, c’est un perfectionnement de lui-même des points de vue sagesse et moral parce que c’est là notre ambition de devenir meilleur et de rendre meilleurs, c’est-à-dire plus complètement humains.

    Conclusion : nous ne devons jamais cesser de rechercher à nous rapprocher de Dieu

    Rappelons que l’Ordre du Temple, conformément à sa tradition, proclame formellement l’existence de Dieu, Créateur de l’Univers, et reconnaît l’immortalité de l’âme, parcelle divine de l’homme. Il proclame également l’obligation pour le Templier de s’insérer dans le plan divin, conçu pour l’homme par le Créateur, en suivant la loi morale des dix commandements et surtout la Loi d’Amour révélée par le Christ, tout premier Grand Maître du Temple. Enfin l’Ordre du Temple invite ses Chevaliers à avoir une sincère dévotion envers Notre Dame, la Vierge Marie, mère du Christ, ainsi nommée par saint Bernard de Clairvaux, père spirituel de l’Ordre. L’Ordre du Temple est d’esprit chrétien et œcuménique ; toutes les familles chrétiennes sont représentées en son sein. Il est souverain et ne dépend d’aucune tutelle religieuse, politique ou autre.

    Si le but suprême de l'Ordre du Temple est la recherche de la Lumière, encore faut-il donner un sens plus personnel à cette expression et de chercher des réponses de plus en plus précises aux questions suivantes :

    • Que suis-je venu faire parmi mes Frères et mes Sœurs ?
    • Chercher la Lumière ? Pourtant je n'ignore pas qu'elle ne se confère point !
    • Que peut-elle être ? Certains y croient et l'appellent « Dieu ». D'autres pensent la détenir et l'appellent « Raison ». Enfin certains la devinent et la cherchent : ils l'appellent « la Vérité ». 
    • La Lumière, n’est-ce pas aussi la connaissance de soi ?

    N'est-ce pas en nous-même qu'elle se trouve et qu'elle apparaîtra une fois que nous serons sortis des Ténèbres. Ce qui importe donc, finalement, n'est-ce pas de chercher ?

    Si la Lumière luit effectivement dans les Ténèbres, comme nous le dit saint Jean dans le Prologue de son Évangile, cette Lumière est aussi présente en nous, dans notre cœur.

    L’esprit du Temple, c’est d’abord en soi-même la construction du Temple, celui de la lumière et de l’esprit qui est toujours attaqué par les fils des Ténèbres. C’est un combat incessant car il n’y a pas de valeur acquise dans la voie du Temple.

    Ne pourrions-nous pas penser que dans tout homme luit une parcelle de Lumière, une étincelle de divinité qu’il nous faut protéger ? A nous d’entretenir cette flamme, de protéger cette petite étincelle divine !

    Pour pouvoir travailler en vue de notre élévation spirituelle, il nous faut construire nos connaissances par nos recherches personnelles, par l'introspection, par l'écoute attentive des points de vue exprimés par nos Frères plus anciens, par l’expression de leur expérience et par les ajustements appropriés des Frères Chevaliers qui ont déjà acquis un peu d'expérience. Chacun d'entre nous n'est qu'un individu isolé, qui brille de sa propre lumière. Mais tous les « Templiers» réunis dans leur fraternité ne forment-ils pas un ciel constellé de lumières qui sont autant de luminaires pour éclairer le monde ? Dès lors notre devoir de Templier ne consiste-t-il pas à rayonner dans le monde profane, à poursuivre l’œuvre toujours inachevée du Créateur de l’Univers ?

    Frère André B. Grand Chancelier Prieural


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires

    Vous devez être connecté pour commenter