• * 151227 Saint Jean l'Évangéliste

    Excellences, dignes chevaliers et nobles Dames du Temple, mes bien aimés Écuyers et Novices, très chers Frères et Sœurs,

    nous venons de célébrer, par un rituel très particulier, propre à notre commanderie de stricte observance, la fête de celui qui fut l'un des douze apôtres du Christ et l'un des quatre Évangélistes.

     * Saint Jean l'Evangéliste

    Jean l’Évangéliste apparaît dans plusieurs épisodes du Nouveau Testament : il assiste à la pêche miraculeuse, à la transfiguration du mont Thabor...

    Différentes scènes du Nouveau Testament témoignent de la présence de Jean auprès du Christ : Jean est auprès de Jésus au Mont des Oliviers et lors de la Cène. Au pied de la croix, il soutient Marie que le Christ lui a confiée. Saint Jean fut, parmi les apôtres, le seul à être resté fidèle à Jésus dans ses souffrances. Il le suivit dans l'agonie du calvaire et accompagna la Mère de Jésus dans ces douloureux instants.

     * Saint Jean l'Evangéliste

    Un peu plus tard, il quitta la Palestine. La Tradition nous rapporte qu'après la mort de Jésus et la dispersion des apôtres, Jean se serait rendu en Asie et se serait fixé à Éphèse, où Marie l’aurait rejoint. Il y aurait été arrêté alors qu'il était déjà très âgé et aurait été jeté dans l'huile bouillante dont il serait sorti indemne. Exilé sur l'île de Patmos, l’île des Sporades, il y aurait rédigé l'Apocalypse qui porte son nom. Amnistié, il put retourner à Éphèse et y rédigea son Évangile.

    Dans l'Évangile et au sein du collège apostolique, saint Jean occupe une place de choix. Représentant l'amour, il marche à côté de Pierre qui, lui, symbolise la doctrine. Jésus semble avoir réservé à cet apôtre les plus tendres effusions de son cœur. Plus que tout autre, en effet, Jean pouvait rendre amour pour amour au divin maître.

    C’est dans cet amour du Christ qu’il semble avoir puisé cette charité et cette science des choses de Dieu, qu'il répandit dans ses écrits et au sein des peuples auxquels il porta le flambeau de l'Evangile.

    Il était juste que saint Jean, ayant participé aux souffrances de la Passion, goûtât, l'un des premiers, les joies pures de la Résurrection. Le jour où le Sauveur apparut sur le rivage du lac de Génésareth, pendant que les disciples étaient à la pêche, saint Jean fut le seul à le reconnaître. « C'est le Seigneur », dit-il à saint Pierre. Tout l'Evangile le prouve : Jean était donc bien le disciple que Jésus aimait le plus.

    Les noms de Janus, Johan, Juana, Jehan, Jean ont la même racine hébraïque Yôhânân que l’on peut traduire par « Yahveh fait grâce », ou « la grâce de Yahveh », latinisée puis francisée.

    Ainsi, Jean l’Évangéliste est considéré comme le disciple préféré de Jésus. C'est lui qui posa sa tête sur le cœur du maître. Il est logiquement symbolisé par un aigle, seul animal à pouvoir fixer le soleil dans tout son éclat. D’où son surnom d’Aigle de Patmos !

     * Saint Jean l'Evangéliste

    Permettez-moi, à présent de tenter une synthèse des messages ésotériques que véhicule l’œuvre du disciple préféré de Jésus.

    Dans l’Évangile de Jean, il est souvent question du « disciple bien-aimé ». Celui-ci n’est jamais identifié par son prénom. Cependant, il est une figure très proche de Jésus.

    Au niveau du récit, tout ce que nous apprenons sur son nom, c’est qu’il est « aimé ». En ne lui donnant pas de nom concret, le narrateur veut peut-être laisser une figure disponible à laquelle le lecteur peut s’identifier.

    De plus, en précisant que c’est le « Disciple aimé » qui « rend témoignage de tout cela et l’a rapporté par écrit » (21,24), le narrateur nous enseigne que le témoignage et l'Evangile prennent leur source dans l’amour de Jésus.

    Et si le Disciple aimé « demeure », n’est-ce pas pour nous révéler, par son nom et par son écrit, l’identité réelle de tout disciple de Jésus : celle de « bien-aimé » ?

    Comme certains spécialistes, je me suis demandé s’il ne s’agissait pas là d’une idéalisation, d’un personnage modèle mais sans consistance historique, du disciple parfait tel que l’Évangéliste voudrait que nous le devenions tous.

    Ne serions-nous pas tous appelés à devenir des disciples bien-aimés ?

    Ne serions-nous pas tous supposés nous pencher sur la poitrine de Jésus ?

    Ne serions-nous pas tous appelés à le contempler sur la Croix, à devenir ses frères et sœurs en prenant sa mère pour la nôtre ; à découvrir le tombeau vide, à ne rien y voir mais à croire, à suivre Jésus ressuscité jusqu’à ce qu’il vienne (Cf. Jean 21,20-23) ?

    Je pense en effet qu’il est fort probable que Jean l’Évangéliste ait souhaité que nous nous identifions comme lecteurs au disciple bien-aimé et que nous développions ses qualités.

    Dans la doctrine trinitaire, l’Évangile selon Jean me semble le plus important en matière de christologie car il énonce implicitement la divinité de Jésus dont il fait le « logos » incarné.

    Le titre grec de logos – « Verbe / Parole » – qui scande le Prologue pour ne plus apparaître ensuite dans l'Evangile, est une notion qui traverse les cultures de l’antiquité, présente tant dans la philosophie grecque classique que dans le stoïcisme. L'allusion claire aux premiers versets de la Genèse puis les différentes allusions à la tradition sapientiale de l'Ancien Testament montrent que l'auteur a puisé dans la théologie juive telle qu'elle était présente dans le monde gréco-romain.

    Le choix du terme « logos » permet d'insister sur une expression de Dieu qui, dans le quatrième Évangile, se manifeste comme une parole incarnée et intelligible : « Au commencement était le Verbe, et le Verbe était tourné vers Dieu, et le Verbe était Dieu ». C'est Jésus qui va incarner ce « Verbe divin » à la suite d'un Prologue qui a pour objet de révéler la véritable identité du héros du récit qui va suivre. Ainsi, pour le quatrième Évangile, l'histoire de Jésus dans son intégralité doit être lue à partir de l'affirmation selon laquelle il est la Parole de Dieu faite chair.

    Il s'agit ainsi d'une christologie de l'incarnation dans laquelle le Fils préexistant, vivant en unité avec le Père et jouant un rôle de médiateur de la création, s'incarne pour que Dieu soit présent au sein de cette création et de l’humanité.

    D'un point de vue christologique, la conception de Jésus dit « de Nazareth » en tant que Logos a joué un rôle important dans l'établissement de la doctrine de la divinité de Jésus-Christ. Jésus, en tant que « Verbe incarné », détermine la place du Christ en tant que Dieu le Fils dans la Trinité, de la manière indiquée par le concile de Chalcédoine.

    Jean décrit Jésus comme une brève manifestation du Verbe éternel, dont l'esprit immortel reste toujours présent auprès du chrétien fidèle. L’Évangile selon Jean le montre aussi comme un être profondément humain qui éprouve des émotions telles que la tristesse et la joie, la lassitude et l'élan, la compassion et la colère.

    Dans la lecture chrétienne traditionnelle, l'Evangile de Jean se concentre beaucoup plus que les autres sur la relation mystique qui unit le Père et le Fils. On affirme souvent que c'est en s'appuyant sur cet Évangile qu'a été produite la doctrine de la Trinité.

    Ce quatrième Évangile traite plus spécifiquement que les autres de la relation du Rédempteur aux croyants. Ce qui marque avant tout les esprits, c'est bien sûr le développement du thème – johannique par excellence – de la primauté de l'amour dans la doctrine chrétienne et la vie du chrétien.

    L’Amour, c’est le commandement majeur, le commandement principal de Jésus. Jésus a expliqué avec relativement peu de paroles ce que veut dire « aimer ».

    « Voici mon commandement : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » (Jean 15,12). Comme je vous ai aimé... c’est-à-dire, jusqu’au point de mourir sur la croix pour nous. N’est-ce pas cela l’extraordinaire mesure de l’amour chrétien ?

    Tous les commandements de Dieu sont compris dans ce commandement que nous a donné Jésus. En cela, le christianisme est la doctrine la plus simple du monde : nous valons ce que vaut notre cœur.

    L’amour véritable est un don de soi : il requiert sacrifice, abnégation et fidélité.

    L’essentiel du message ne nous suggère-t-il pas qu’une petite flamme puisse un jour s’allumer chez chacun d’entre nous et nous rendre vivants, car utiles et féconds dans l’éternité ?

    Et cela, seul le réveil, la renaissance, la « connaissance » peuvent le produire. Ne serait-ce pas dans ce laps de temps qui nous est imparti que nous pourrions gagner notre éternité ou notre néant ? N’est-ce pas le fond même de la renaissance initiatique que nous sommes venus chercher dans l’Ordre du Temple ?

    Frère André


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