• * Simon le magicien

    Activité à la Commanderie Majeure Notre-Dame du Temple

    Abbaye St Gérard de Brogne, 27 février 2019

    Dans la première partie de mon travail, j’ai tenté d’évoquer la définition et les origines de la gnose.

    Dans cette première partie, j’ai aussi cité le nom du père fondateur de la gnose : Simon le magicien.

    Qui était-il ? Tel est le sujet de cette deuxième partie.

    Simon le magicien

     * Simon le magicien

    Simon le Magicien ou Simon le Mage, selon les chrétiens, ou Simon de Samarie, serait né à Gitta en Samarie (Israël actuelle). Il n’existe aucune information sur sa date de naissance. Il serait mort probablement à Rome en 65 de notre ère.

    Comme tous les personnages appartenant à la mythologie chrétienne, son historicité révèle de nombreuses zones d’ombres. On ne peut même pas attester qu’il ait réellement existé mais néanmoins, on peut retrouver son nom dans « LES ACTES DES APÔTRES » et dans certains manuscrits apocryphes.

    Je voudrais ouvrir ici une parenthèse sur le mot « APOCRYPHE ».

    Dans le Larousse, on trouve la définition suivante :

    • Se dit d'un texte qui n'est pas authentique ; faux : Testament apocryphe.
    • Se dit de tout écrit qui, se présentant comme un livre inspiré de Dieu, ne fait pas partie du canon biblique juif ou chrétien.

    Je tiens à préciser que ce n’est pas parce qu’un testament, un Acte ou un Évangile n’est pas reconnu par l’Église qu’il est faux.

    Nous l’avons vu dans la première partie, grâce, notamment, à la découverte de la bibliothèque de Nag Hammadi.

    Il est vrai que, même si sa présence dans les textes bibliques est estompée, son empreinte va marquer durablement la chrétienté.

    Tout d’abord, avant de se convertir au christianisme, Simon le magicien aurait été médecin et astrologue. Il aurait également été initié à de nombreux secrets. On raconte qu’il avait voyagé en Égypte où il aurait tiré son enseignement et aurait développé sa pratique des arts occultes. On lui prête différents pouvoirs tels la lévitation, l’invisibilité, la psychokinésie, etc...  Comme d'autres hommes, itinérants, réalisant des miracles étaient assez nombreux à l’époque, il était même capable de faire apparaître et de traverser le feu sans se brûler. De tous les miracles qu’il était capable de réaliser, la guérison des malades par imposition des mains était le plus spectaculaire.

    Il aurait eu un certain nombre de disciples et certains le voyaient même comme la réincarnation du divin.

    Il parcourut alors les terres de Judée et de Samarie afin d’accomplir des miracles mais surtout d’augmenter sa connaissance des arts secrets ésotériques. C’est ainsi, tout naturellement, qu’il s’est retrouvé confronté aux partisans de la nouvelle religion naissante, le christianisme.

    Dans un premier temps, admiratif, il aurait proposé des échanges aux différents maitres des sciences occultes pour augmenter leurs connaissances mutuelles. Il proposa, même, une transaction commerciale afin de pouvoir acheter leurs secrets. Ce qui ne va pas du tout plaire aux Apôtres qui vont inventer le terme de Simonie ou corruption commerciale.

    A ce propos je vais vous citer un extrait des Actes des Apôtres, au chapitre 8, versets 9 – 25 :

     9 Un homme du nom de Simon se trouvait déjà dans la ville. Se présentant comme un personnage important, il exerçait la magie et provoquait l'étonnement du peuple samaritain.

    10 Tous, du plus petit jusqu'au plus grand, l'écoutaient attentivement et disaient : « Cet homme est la puissance de Dieu, [celle qui s'appelle] la grande. »

    11 Ils l'écoutaient attentivement parce qu'il les avait depuis longtemps étonnés par ses actes de magie.

    12 Mais, quand ils eurent cru à Philippe qui leur annonçait la bonne nouvelle du royaume de Dieu et du nom de Jésus-Christ, hommes et femmes se firent baptiser.

    13 Simon lui-même crut aussi et, après avoir été baptisé, il ne quittait plus Philippe; il voyait avec étonnement les [grands] miracles et signes qui s'accomplissaient.

    14 Les apôtres qui étaient à Jérusalem apprirent que les habitants de la Samarie avaient fait bon accueil à la parole de Dieu, et ils leur envoyèrent Pierre et Jean.

    15 Ceux-ci descendirent et prièrent pour eux afin qu'ils reçoivent le Saint-Esprit.

    16 En effet, il n'était encore descendu sur aucun d'eux; ils avaient seulement été baptisés au nom du Seigneur Jésus.

    17 Alors Pierre et Jean posèrent les mains sur eux et ils reçurent le Saint-Esprit.

    18 Voyant que l'Esprit [saint] était donné lorsque les apôtres posaient les mains sur les gens, Simon leur offrit de l'argent

    19 en disant : «Accordez-moi aussi ce pouvoir afin que celui sur lequel je poserai les mains reçoive le Saint-Esprit. »

    20 Mais Pierre lui dit: «Que ton argent soit perdu avec toi, puisque tu as cru que le don de Dieu s'achète à prix d'argent!

    21 Tu n'as ni part ni héritage dans cette affaire, car ton cœur n'est pas droit devant Dieu.

    22 Renonce donc à ta méchanceté et prie le Seigneur pour que cette pensée de ton cœur te soit pardonnée, si c'est possible.

    23 En effet, je vois que tu es rempli d'amertume et prisonnier du mal.»

    24 Simon répondit : «Priez vous-mêmes le Seigneur pour moi, afin qu'il ne m'arrive rien de ce que vous avez dit.»

    25 Après avoir rendu témoignage et prêché la parole du Seigneur, Pierre et Jean retournèrent à Jérusalem, annonçant la bonne nouvelle dans beaucoup de villages des Samaritains.

     

    Juste avant, Simon va se faire baptiser par Philipe et va se convertir au christianisme. Il va même devenir prêtre de cette religion. Par contre, les idées qu’il a tenté de défendre seront très différentes de celle de l’Apôtre Pierre qui lui, va donner naissance à l’église de Rome.

    Il faut bien comprendre qu’au 1er siècle de la chrétienté, il existait de nombreux courants au sein de l’église, diamétralement opposés, et qui défendaient des idées complètement antinomiques.

    Il faudra attendre 325, au Concile de Nicée, l’uniformisation des dogmes de l’Église.

    Nous verrons plus en détails ce sujet dans mes prochains parchemins.

     * Simon le magicien

    Que pensait et prêchait Simon le magicien ?

    Tout d’abord, il pensait que la femme était l’égale de l’homme.

    Lui-même était marié à une prostituée de la ville de Tire en Turquie nommée Hélène.

    Selon Justin et Irénée de Lyon, Simon est appelé Zeus par les simoniens, et sa compagne Hélène est appelée Athéna.

    Ils déclarent également qu'une statue a été érigée en l'honneur de Simon par Claude sur une île du Tibre à Rome avec l'inscription « Simoni Deo Sancto » (« à Simon Dieu saint »).

    Au 16ème siècle, une statue a effectivement été mise au jour sur l'île décrite.

    En revanche, l'inscription est adressée à « Semo Sanctus », une divinité sabine.

    Ceci conduit les historiens à penser que Justin le Martyr a confondu « Semo Sanctus » et Simon.

    Il pensait que la femme était la gardienne du savoir caché et que par elle, et par l’union avec elle, on pouvait avoir accès au grand savoir de l’univers car le serpent tentateur avait murmuré les secrets à Eve, la 1ère femme.

    Vous pouvez lire cela dans la Genèse chapitre 3, versets 1-24.

    Cette dernière était la gardienne du féminin sacré et de la transformation mystique.

    Il pensait que le monde était l’œuvre d’un Dieu maléfique, le Démiurge, et que cette prison gigantesque avait pour but de nous séparer de la connexion avec le vrai Dieu.

    Ce Dieu inconnu des hommes.

    Hors, il était important dans ce monde terrestre de profiter pleinement des plaisirs de la vie et notamment, l’union sexuelle pour atteindre la transcendance donc l’illumination.

    Il était important d’accéder à la connaissance, « la gnose », qui était le seul moyen de se connecter au véritable Dieu et de se libérer de ce monde matériel.

    Je reste vague à ce sujet pour le moment car nous devrions mieux comprendre ce terme dans les parchemins suivants.

    C’est ainsi que, naturellement, Simon attira de nombreux disciples et fidèles.

    À cette époque, un homme qui prônait les plaisirs de la vie avait sûrement la clé de la libération de l’âme.

    De plus, grâce à ces nombreux miracles, il n’a pas fallu longtemps pour que les fidèles et disciples voient en lui une émanation du divin, un prophète à l’égal de Jésus de Nazareth.

    Bien entendu, cela ne pouvait être toléré par l’Église de Rome.

    Le fait de sacraliser la femme, gardienne de tous les secrets, et de la mettre sur le même pied d’égalité que l’homme posait aussi un gros problème car, je le rappelle, au 1er siècle, la femme était considérée comme la gardienne des pêchés.

    Elle qui a donné la pomme du péché à Adam et fut séduite par le serpent tentateur.

    C’est ainsi qu’un duel de foi se créa entre Simon le magicien et Pierre l’Apôtre.

     * Simon le magicien

    Pierre nous le raconte, dans son Acte apocryphe, que je vais vous citer :

    Les Actes de Pierre, 32

    Alors, Simon, se tenant debout sur un lieu élevé et regardant Pierre, se mit à dire : « Pierre, maintenant que je m’élève sous les yeux de tous ces spectateurs, je te le dis : si ton dieu est puissant, lui que les juifs ont mis à mort – et ils vous ont lapidés, vous qu’il avait choisis –, qu’il prouve que la foi en lui est la foi en Dieu, que soit clair maintenant si elle est digne de Dieu. Car moi, en m’élevant, je ferai voir à toute cette foule qui je suis. » Et voilà qu’il s’éleva dans les airs, tout le monde le voyait de tout Rome, élevé au-dessus de ses temples et de ses collines ; les croyants, eux, détournaient les yeux vers Pierre. Et Pierre, à la vue de ce spectacle inouï, cria vers le Seigneur Jésus en disant : « Si tu laisses celui-ci faire ce qu’il a entrepris, alors tous ceux qui ont cru en toi seront scandalisés, et les signes et prodiges que tu leur as accordés par moi ne seront plus dignes de foi. Vite, Seigneur, montre ta grâce : que, tombant des airs, il ressente une extrême faiblesse, qu’il ne meure pas, mais qu’il soit épuisé et se brise la jambe en trois endroits. » Et, tombant des airs, il se brisa la jambe en trois endroits. Alors, on le lapida, puis chacun rentra chez soi, tous désormais ayant foi en Pierre.

    Le thème du combat aérien entre les défenseurs de deux systèmes religieux antagonistes se retrouve dans la littérature rabbinique (Phinées contre Balaam) et dans les Toledot Yeshu (les engendrements de Jésus).

    Selon l'historien Thierry Murcia : « Quoique l’épisode du combat entre Pierre et Simon le Mage (cycle 2) soit le plus anciennement attesté, il semble logique de penser que le récit (les récits) des Toledot (cycle 3) dépende plutôt – initialement – des légendes juives se rapportant à Balaam (cycle 1) ». (Toledot est la sixième parasha du cycle annuel juif de lecture de la Torah).

    Simon le magicien, hérétique de Samarie, est mort terrassé par la puissance de la foi de Pierre.

     * Simon le magicien

    Ce qu’il faut comprendre, c’est que tout ceci, n’est certainement qu’une allégorie mythologique mais le message reste le même.

    C’est la victoire de la foi chrétienne classique sur la foi chrétienne dissidente, l’hérésie gnostique.

    Il est le premier personnage de l’histoire que l’on peut voir dans les croyances gnostiques.

    Par contre, ce n’est peut-être pas le premier de l’histoire.

    Il y a peut-être d’autres avant lui mais nous n’en avons aucune trace.

    Il représente le premier cas d’hérésie gnostique qui sera vaincu par la foi chrétienne et sera le premier d’une longue série comme les Cathares, les Bogomiles, les Manichéens, et bien d’autres encore.

    Depuis l’aube de l’ère chrétienne, l’hérésie gnostique existe.

    Ces deux courants sont intimement liés et de nombreux courants gnostiques dans l’histoire vont se référer à Simon le magicien comme le premier d’entre eux, le premier persécuté.

    Il existe d’ailleurs un texte qui est attribué à Simon le magicien qui s’intitule : « Apophasis megalé ».

    Bien qu’empirique, on ne peut pas prouver que les textes soit bien de lui, c’est un prête-nom.

    Ce texte fait déjà étalage du courant dualiste et donc de la gnose chrétienne.

    C’est ainsi que l’on retrouve, au cours de l’histoire, de nombreux auteurs qui se lèvent et combattent l’hérésie qu’ils citent pour montrer que Simon le magicien était quelqu’un de mauvais.

    Je peux vous citer Dante Alighieri dans le 19ème chant de l’enfer de la divine comédie :

    Magicien Simon, et vous tous misérables,
    Qui, des choses de Dieu, ces dons inviolables,
    Promis à la vertu, faites, cœurs de vautour,

    Pour or et pour argent un trafic adultère !
    Ma trompette pour vous va sonner sur la terre :
    Je vous ai vus damnés au troisième cercle !

    Déjà notre œil plongeait au fond d'une autre tombe ;
    Nous étions sur un point du rocher qui surplombe
    Le milieu de la fosse ouverte à nos regards.

    O Dieu, que ta sagesse est sublime et profonde,
    Sur terre et dans le Ciel et dans le mauvais monde !
    Comme avec équité ta grâce fait les parts !

    Et aussi, on pourrait citer le poète français Guillaume Apollinaire qui va dédier un de ses poèmes à Simon le magicien intitulé « zone » du recueil « Alcools ».

    Pupille Christ de l'œil
    Vingtième pupille des siècles il sait y faire
    Et changé en oiseau ce siècle comme Jésus monte dans l'air
    Les diables dans les abîmes lèvent la tête pour le regarder
    Ils disent qu'il imite Simon Mage en Judée
    Ils crient s'il sait voler qu'on l'appelle voleur
    Les anges voltigent autour du joli voltigeur

    Mais si Simon le magicien est connu aujourd’hui, c’est notamment par le biais de l’un de ses disciples Basilide d’Alexandrie lui-même prêtre chrétien gnostique. Il sera l’auteur de sa propre version des évangiles qu’il va nommer l’Exégèse. On le retrouve dans le Codex II–6, pages 1–32 et Codex IV–1, pages 1–49 de la bibliothèque de Nag Hammadi.

    Il reprend le Saint-Christisme des mythes chrétiens, du Zoroastrisme, et des mythes égyptiens car pour lui, tous ces mythes traduisent un même langage.

    Il est très probable que ces écrits aient été écrits et traduits par rapport à la pensée de Simon.

    Frère Novice Joffroy B.

     Lien vers le parchemin suivantLa gnose - Les croyances


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