• * 55 - L'offrande du pain et du vin (1)

    220303 – L’offrande du pain et du vin (1)

    Regard sur la liturgie – 55

     L’offrande du pain et du vin dans la liturgie eucharistique 

     * 55 - L'offrande du pain et du vin

    Introduction : La présentation

    La présentation du pain et du vin ouvre la liturgie eucharistique de la messe. Elle fait présenter au Seigneur les espèces, « fruit de la terre » et « de la vigne », qui deviendront le pain de la vie et le vin du « Royaume éternel ». En effet, c’est bien l’action de l’Esprit-Saint qui permettra à l’Église de faire de ce pain et de ce vin le Corps et le Sang du Christ, rendant présent et actuel le mystère pascal au cœur de l’assemblée liturgique.

     * 55 - L'offrande du pain et du vin

    Un rite charnière

    La réforme opérée par le Missel de Paul VI en 1965 visait à retrouver un rite qui consiste à faire ce que Jésus lui-même a fait : « il prit du pain [...], une coupe. ».

    Il ne s’agit pas d’anticiper l’action de grâce eucharistique ni la consécration qui fera de ce pain et de ce vin le Corps et le Sang du Christ ! L’option retenue par la réforme se rapprochait de la pratique romaine des premiers siècles, alors que l’offertoire tridentin, par-delà les influences médiévales, se raccrochait plus à la tradition gallicane.

    Le premier changement conséquent est la dénomination du rite, désigné désormais comme « préparation des dons », même si la Présentation générale du Missel romain de 2002 infléchit le vocabulaire en reprenant parfois l’ancienne dénomination de « l’offertoire ».

    Un autre changement réside dans le fait que c’est « un usage à recommander » (PGMR, n° 73) que de faire apporter les offrandes par les fidèles. Il s’agit donc bien de préparer la table pour le repas eucharistique.

    Les prières sont inspirées, quant à elles, des prières de bénédiction juive et fonctionnent pour ainsi dire en « miroir », la prière sur le vin étant une reprise de celle sur le pain. La nouvelle traduction du Missel a remanié ces paroles devenues familières en précisant l’initiative première de Dieu, source de toute bénédiction : « tu es béni, Seigneur, Dieu de l’univers : nous avons reçu de ta bonté le pain […] le vin […]. ».

    Dans la même optique, la prière accompagnant la goutte d’eau verser dans le calice fait dire désormais non plus « Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’Alliance, puissions-nous être unis à la divinité de celui qui a pris notre humanité », mais « de celui qui a voulu prendre notre humanité ».

    Un changement notable est intervenu avec le retour de l’ « Orate frates » dans une traduction littérale, choix déjà retenu par de nombreuses traductions en langues vernaculaires depuis le Missel de 1969, telles qu’en italien ou en allemand :

    Le prêtre : « Prier, frères et sœurs : que mon sacrifice, qui est aussi le vôtre, soit agréable à Dieu le père tout puissant ».

    L’assemblée : « Que le Seigneur reçoive de vos mains ce sacrifice à la louange et à la gloire de son nom, pour notre bien et celui de toute l’Église ».

    Dans l’ordo de 1969, la prière est adressée à tout le peuple et non plus comme jadis aux seuls ministres entourant l’autel. D’autre part, la demande de prière pour le prêtre est devenue une invitation à entrer dans l’action eucharistique. Certaines expressions y trahissent cependant sa destination première : voilà pourquoi le dialogue bien connu désormais « Prions ensemble au moment d’offrir le sacrifice de toute l’Église, etc. » est conservé comme alternative.

    La « prière sur les offrandes » conclut l’ensemble de cette séquence, la première de la liturgie eucharistique de la messe.

     * 55 - L'offrande du pain et du vin

    L’offrande : de qui de quoi ?

    Le changement de dénomination de ce rite au moment de la réforme liturgique n’est pas anodin et rejoint une question théologique en réalité assez cruciale : comment articuler offrande des fidélités et offrande du Christ, sans pour autant les confondre ? Fallait-il, à partir de ce souci, gommer tout à fait la dimension de l’offrande que l’on peut associer à la présentation des dons offertoire ? Et sinon, quelle forme lui donner ? S’agit-il d’une anticipation ? D’une réponse à l’unique sacrifice du Christ ? Mais alors, dans le déroulé des actes liturgiques, la réponse arriverait avant le don ! Si donc on ne veut rien anticiper, est-il possible de faire autre chose qu’une simple préparation « matérielle » ? Si l’on développe un geste, fût-il de « déposition » et non d’oblation, est-il possible qu’il ne génère aucun symbolisme ?

    La préparation des dons, telle qu’elle se présente dans la liturgie de Vatican II, est ré-enchâssée dans l’ensemble de la liturgie eucharistique, de sorte qu’une participation intérieure du peuple de Dieu à la dynamique eucharistique du Christ est possible. Cela est rendu intelligible grâce au style des prières qui accompagnent la préparation des dons ainsi qu’au mouvement d’ensemble qui la positionne clairement comme ouverture de la célébration eucharistique. Il s’agit pas d’offrir, au sens de consacrer, avant que ne vienne sur le pain et le vin l’Esprit, mais bien plus de promouvoir la participation active du peuple de Dieu tout entier au mouvement eucharistique du Christ lui-même.

    Comment le peuple croyant qui célèbre s’unit-il à la seule offrande, définitive, du Christ au Père à la louange de sa gloire (Ep 1, 12) ?

    La manière dont nous célébrons l’eucharistie réajuste l’idée chrétienne de sacrifice et les représentations de l’offrande humaine en les greffant sur le tronc de l’action de grâce. Ainsi, place est faite à l’offrande humaine en tant qu’action de grâce, insérée dans l’agir du Christ, dans sa Pâque, rendue possible et orientée vers elle. Le fait que la présentation des dons, à la messe, fasse déjà pleinement partie de la liturgie eucharistique invite à ne pas séparer l’action de grâce pour l’offrande du Christ de l’offrande de soi « par le christ notre Seigneur ». A travers cela c’est bien la notion de la participation des fidèles à la liturgie eucharistique qui reçoit son sens plénier, lorsqu’elle est comprise comme ce qui permet aux chrétiens de placer l’offrande de leur vie en celle du Christ. C’est ce que fait dire la prière eucharistique III : « Que l’Esprit-Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire, pour que nous obtenions un jour l’héritage promis ».

    Père Michel Steinmetz

    Le Père Michel Steinmetz, curé à Strasbourg, est responsable du service de pastorale liturgique et sacramentel, et enseignant à la faculté de théologie de Strasbourg.

     * 55 - L'offrande du pain et du vin

    Il nous a paru utile de prolonger cet article du Père Michel Steinmetz par quelques précisions relatives à la liturgie eucharistie, à ses origines, son sens et sa mise en œuvre

    La liturgie eucharistique

     * 55 - L'offrande du pain et du vin

    C'est lors de la dernière Cène que le Christ Jésus a institué le sacrifice et le banquet pascal par lequel le sacrifice de la croix est sans cesse rendu présent dans l´Église lorsque le prêtre, représentant le Christ Seigneur, accomplit cela même que le Seigneur lui-même a fait et qu´il a transmis à ses disciples pour qu´ils le fassent en mémoire de lui.

    La liturgie eucharistique est chronologiquement le troisième temps fort de la messe, elle fait suite à la liturgie de la Parole. Découvrons-en les différentes étapes successives.

    La préparation des dons

    Au commencement de la liturgie eucharistique, les dons qui deviendront le Corps et le Sang du Christ sont apportés à l’autel.

     * 55 - L'offrande du pain et du vin

    D´abord, l´autel, ou table du Seigneur, qui est le centre de toute la liturgie eucharistique, doit être préparé en y plaçant le corporal, le purificatoire, le missel et le calice, à moins que celui-ci ne soit préparé à la crédence.

    Puis les offrandes sont apportées : faire présenter le pain et le vin par les fidèles est un usage à recommander. Le prêtre ou le diacre reçoit ces offrandes à un endroit favorable, pour les déposer sur l´autel. Même si les fidèles n´apportent plus, comme autrefois, du pain et du vin de chez eux, ce rite de l´apport des dons garde sa valeur et sa signification spirituelle.

    De l´argent, ou d´autres dons au profit des pauvres ou de l´Église, peuvent être apportés par les fidèles ou recueillis dans l´église. Les fidèles chargés de la collecte les déposent à un endroit approprié, hors de la table eucharistique, par exemple devant l’autel, au sol

    Le pain et le vin sont déposés par le prêtre sur l’autel, geste qu’il accompagne des formules établies. Le prêtre peut encenser les dons placés sur l´autel, puis la croix et l´autel lui-même, pour signifier que l’oblation de l´Église et sa prière montent comme l´encens devant la face de Dieu. Puis, le diacre ou un autre ministre encense le prêtre, à cause de son ministère sacré, et le peuple, en raison de sa dignité baptismale.

    Ensuite le prêtre se lave les mains sur le côté de l’autel, rite qui exprime le désir de purification intérieure.

     * 55 - L'offrande du pain et du vin

    La prière sur les offrandes

    Lorsqu´on a déposé les offrandes et terminé les rites d´accompagnement, la préparation des dons se termine et on se prépare à la Prière eucharistique par l´invitation à prier avec le prêtre et par la prière sur les offrandes.

    A la messe, une seule prière est dite sur les offrandes. Elle se termine par la conclusion brève : « Per Christum Dominum nostrum » (Par Jésus, le Christ, notre Seigneur). Si cependant elle fait mention du Fils à la fin, ce sera : Qui vivit et regnat in saecula saeculorum (Toi qui règnes pour les siècles des siècles).

    Le peuple s’unit à la prière et la fait sienne par l’acclamation « Amen ».

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    La fraction du pain

    Le prêtre rompt le pain eucharistique, aidé, le cas échéant, par le diacre ou un concélébrant. Le geste de la fraction a été accompli par le Christ lors de la dernière Cène. En effet, le Christ prit le pain et la coupe, rendit grâce, fit la fraction et les donna à ses disciples, en disant : « Prenez, mangez, buvez ; ceci est mon Corps ; ceci est la coupe de mon Sang. Vous ferez cela en mémoire de moi ».

    Ce geste de fractionnement du pain a donné son nom à toute l’action eucharistique à l´âge apostolique, signifie que les multiples fidèles, dans la communion à l´unique pain de vie, qui est le Christ, mort et ressuscité pour le salut du monde, deviennent un seul Corps (1 Co 10, 17).

    La fraction commence après le rite de la paix, et se fait avec le respect qui s’impose, en évitant de le prolonger sans nécessité ou de lui donner trop d’importance. Ce rite est réservé au prêtre et au diacre.

    Le prêtre rompt le pain et met dans le calice une parcelle de l’hostie pour signifier l’unité du Corps et du Sang du Seigneur dans l’œuvre du salut, c’est-à-dire le Corps du Christ Jésus vivant et glorieux. L’invocation « Agnus Dei » (Agneau de Dieu) est ordinairement chantée par la chorale ou le chantre, et le peuple y répond, ou bien elle est dite à haute voix. Cette invocation accompagne la fraction du pain et peut donc être répétée autant de fois qu´il est nécessaire jusqu’à ce que le rite soit achevé. La dernière fois, elle est conclue par les mots « dona nobis pacem » (donne-nous la paix).

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     La fraction du pain : origine, sens et mise en œuvre 

    Repas du Seigneur – Fraction du pain

    Avec le repas du Seigneur chez Paul (1 Corinthiens 11, 20), la Fraction du pain, que l’on trouve aussi dans l’Évangile selon saint Luc (Luc 24, 35) et dans les Actes des Apôtres (Actes 2, 42) est le premier nom de la messe et donc un nom évangélique. Et si, chronologiquement, c’est « repas du Seigneur » qui vient en premier puisque la première épître de Paul aux Corinthiens date de l’année 56, il ne fait guère de doute que Luc, en parlant de « fraction du pain », dans son évangile datant des années 70-80, donc postérieur à Paul, s’appuie sur une tradition orale bien antérieure à l’écrit. De plus, pour une raison qui apparaît moins en français qu’en grec – langue dans laquelle les mots Klaeïn : rompre, et Klasis : fraction, ont la même racine – il faut ajouter à fraction du pain, tous les cas où nous rencontrons le verbe rompre et l’expression rompre le pain, dans les quatre récits de l’institution de l’eucharistie (Matthieu, Marc, Luc, 1 Corinthien 11) et les Actes des Apôtres (2, 46 et 20, 7-11).

    L’origine du geste

     * 55 - L'offrande du pain et du vin

    Rompre le pain n’est pas un geste inventé par Jésus. Ce geste est accompli par le père de famille à tous les repas religieux les jours de shabbat et de fête, et tout particulièrement lors de la Pâque, où la galette de pain est sans levain (a-zyme). Il a lieu au début du repas, dans le Qiddush ( Kiddouch), après que le père a prononcé la bénédiction. C’est à l’intérieur même du rituel juif que Jésus le fait. La nouveauté n’est donc pas le geste de la fraction, mais les paroles instituant l’eucharistie : « Ceci est mon corps » que Jésus ajoute à la bénédiction juive.

    Il faut, pour comprendre ce geste, faire allusion également à un autre rituel juif contenant un geste de partage, celui des sacrifices de communion (selon les mots de la Bible de Jérusalem) ou de paix (selon la TOB), dont fait partie le sacrifice pascal. Il s’agit d’un seul acte religieux, mais en deux temps : le premier au Temple où l’agneau est sacrifié et partagé ; le second à la maison où est mangé la part de l’agneau qui revient à la famille – le sang étant la part de Dieu et la cuisse droite la part du prêtre sacrificateur. Ainsi est réalisée une communion entre les trois, puisque c’est comme si Dieu, le prêtre et la famille mangeaient le même repas en étant convives à la même table.

     * 55 - L'offrande du pain et du vin

    Le geste de Jésus

    Jésus, à la Cène, fait donc un geste juif auquel il donne un sens chrétien, un sens christique. Il accomplit ainsi les quatre actions juives que contient ce geste, comme il est redit dans le récit de l’institution et comme le refait le rituel de l’eucharistie en quatre actions successives :

    1. Jésus prit du pain : cela est refait à chaque présentation des dons.
    2. Il le bénit (ou il rendit grâce) : c’est la prière eucharistique.
    3. Il le rompit : c’est la fraction du pain.
    4. Et le donna : c’est la communion.

    La fraction du pain n’est donc pas un petit geste de souvenir, et encore moins un mime (c’est pourquoi il ne faut pas faire la fraction dans le récit de l’institution, en disant les mots : « Il le rompit », mais en faire une action séparée après l’action de grâce). La fraction du pain est constitutive de l’eucharistie, comme la Prière eucharistique. Par la volonté de Jésus lui-même, elle fait partie du « cela » dans le «Vous ferez cela en mémoire de moi. ».

     * 55 - L'offrande du pain et du vin

    La prière eucharistique

    Grande prière de louange adressée au Père, au cours de laquelle les chrétiens font mémoire de la mort et de la résurrection de Jésus, c’est par la prière eucharistique qu’ils demandent à l’Esprit-Saint d’agir dans le cœur des hommes et dans l’Église.

    La prière eucharistique est le sommet de toute la célébration. Seul le prêtre la prononce, agissant au nom du Christ et de l'assemblée. Pourtant, l'assemblée n'est pas passive. Dans le silence et l'écoute, elle s'unit au prêtre par la foi, exprimant son adhésion par son acclamation après la consécration et son grand « Amen » à la fin de la prière eucharistique.

    En même temps qu'une prière, la prière eucharistique est aussi une action. C'est la deuxième des quatre actions du Christ à la Cène, exprimées par les quatre verbes du récit de l'Institution : Il prit le pain (préparation des dons), Il rendit grâce (prière eucharistique), Il le rompit (fraction du Pain), et le donna à ses disciples (Communion).

    Le dernier repas de Jésus, c’est ce grand mystère qui est au cœur de l’Eucharistie. Le prêtre refait les gestes que Jésus a faits au cours de son dernier repas. Depuis Pâques et depuis des siècles, à travers ces gestes, Jésus se rend présent au monde et à son Église, dans le sacrement de l’Eucharistie. A la consécration, au nom de l’assemblée, le prêtre prie le Seigneur d’envoyer son Esprit sur les offrandes. L’Esprit-Saint rend réelle la présence du Christ dans le pain et le vin, comme Jésus l’a promis au cours de son dernier repas. Le pain et le vin deviennent Corps et Sang du Christ. Ainsi Jésus se fait nourriture pour celui qui le reçoit.

     * 55 - L'offrande du pain et du vin

    Le sens de la fraction du pain

    La fraction du pain est éminemment une action symbolique. Cela signifie que le symbole n’est pas dans l’objet, le pain, mais dans ce qui est fait avec cet objet, avec ce pain consacré. Qu’est-ce qui est donc fait ?

    « Le geste de la fraction, accompli par le Christ à la dernière Cène, a désigné toute la célébration eucharistique à l’âge apostolique. Ce rite n’a pas tellement un motif pratique, mais il signifie que nous qui sommes nombreux, en communiant à l’unique pain de vie, qui est le Christ, nous devenons un seul corps (1 Corinthien 10, 17). » (Présentation générale du Missel romain, n° 56c)

    1 – Un motif pratique

    Que ce rite n’ait pas tellement un motif pratique, vient de ce que le passage de petites à de grandes assemblées a provoqué l’industrialisation de la fabrication du pain qui a permis qu’il soit préfractionné sous la forme d’hosties. Avec la galette (que l’on voit heureusement réapparaître dans certains monastères ou communautés religieuses), le motif était bel et bien pratique. On voit aussi, avec bonheur, apparaître l’usage d’une grande hostie dorée (de 15 ou 20 centimètres de diamètre), et avec lui, un renouveau de la nécessité et de l’importance de la fraction.

    Quoi qu’il en soit, aujourd’hui, il faut absolument préserver un minimum de fraction, parce qu’il faut absolument garder le sens de ce geste. Comme nous allons le voir, la fraction du pain ne fait pas l’eucharistie, au sens et à l’effet que nous attribuons à la consécration. Mais c’est elle qui contient et révèle le sens de ce sacrement, malgré le côté dérisoire que la liturgie actuelle, même réformée par Vatican II, lui réserve. Si les chrétiens de l’âge apostolique ont désigné toute la célébration eucharistique par cette expression, il y a donc en elle une raison qu’il serait dangereux d’abandonner ou de minimiser.

    2 – Un seul corps

    Le texte de la Présentation générale du Missel romain nous met sur la voie de la compréhension de cette fraction, mais il faut l’expliquer un peu plus. Il fait allusion à un verset de la première épître de saint Paul aux Corinthiens (1 Corinthien 10, 17) qu’il faut relire : « Puisqu’il y a un seul pain, la multitude que nous sommes est un seul corps, car nous avons tous part à un seul pain. ».

    Cette phrase de saint Paul nous oblige bien à revenir à la galette : « il y a un seul pain ! » (On peut s’imaginer facilement ce dont il s’agit : une grande galette plate, non garnie, un peu comme une pâte de pizza sans levain sur laquelle on n’aurait déposé aucune garniture). Et voici le sens profond de la fraction du pain.

    Donc, il n’y a qu’un seul pain qui, par la puissance du Saint-Esprit, nous présente le corps sacramentel du Christ. Ce pain consacré est rompu en autant de parts qu’il y a de communiants à qui ces parts vont être données, à la communion. Mais chaque participant recevant une part du corps sacramentel du Christ devient, par la même, ce qu’il reçoit, selon la très forte formule de saint Augustin : « Devenez ce que vous recevez. ».

    Par la fraction du pain, on va donc du corps sacramentel rompu, à la construction du corps mystique. L’unique pain mis en parts fait des participants un unique corps.

    En fait, il s’agit là de la théologie la plus classique. Mais il semble bien que cette compréhension de l’eucharistie ne soit pas très bien passée dans la mentalité commune des fidèles.

    • Est-ce une conséquence du fait que, pendant près de mille ans, on a très peu communié (au moins une fois l’an, à Pâques, se trouvait déjà obligé de demander le IVème Concile de Latran, en 1215) ?
    • Est-ce une conséquence du fait que, pour contrebalancer cette absence de communion et pour maintenir l’importance de l’eucharistie, la piété populaire stimulée par le clergé, mit en relief le culte de la Présence réelle pour elle-même, parfaitement légitime par ailleurs, mais insuffisante si elle ne conduit pas à la communion ? Toujours est-il qu’il y a là un manque qui ne sera comblé que par une juste restauration de l’importance donnée au geste sensible et signifiant de la fraction du pain.

     * 55 - L'offrande du pain et du vin

    3 – Sacrifice de communion

    Un acquis plus récent, dû aux progrès de l’exégèse et des sciences liturgiques, vient renforcer notre insistance sur le poids de la fraction du pain. Cet acquis concerne ce que nous avons mentionné plus haut au sujet du sacrifice juif de communion (ou de paix). Nous disions que de l’agneau offert en sacrifice, il était fait trois parts pour que soit établie une communion de convivialité entre Dieu, le prêtre et telle famille célébrant la Pâque. Or, l’eucharistie est bien une communion à Dieu par l’intermédiaire de la manducation d’une victime sacrifiée, le Christ ressuscité après avoir été mis à mort au calvaire. Le rapport à l’agneau pascal est clair : « Voici que le Christ, notre agneau pascal (notre Pâque) a été immolé (1 Corinthien 5, 7) ».

    Mais, dans le sacrement de l’eucharistie, nous avons du pain, et non un agneau ! Expliquons-nous.

    Le sacrifice du Christ est parfait et unique (Hébreux 10, 12) ; il a eu lieu « une fois pour toutes » (Hébreux 7, 27 ; 9, 12 ; 10, 26). Dans l’Eucharistie, le Christ ressuscité continue bien à s’offrir à son Père, mais de façon non sanglante. Puisque le sacrifice du Christ est unique et parfait, il n’est pas question que soit encore versée une seule goutte de sang. Or, Jésus lui-même, pour maintenir sa présence offerte au-delà de sa vie terrestre et de sa mort, a remplacé l’agneau par ce qui l’entourait, dans le repas pascal, à savoir la galette de pain et le vin. Jésus remplace l’agneau partagé par le pain rompu, et le sang versé par le vin consacré. Mais l’acte pascal de l’agneau mis en parts est bien là. Voilà pourquoi, à la messe, nous prenons ce qui a la forme du pain, nous croyons que c’est le corps du Christ, et nous chantons et disons : « Voici l’agneau de Dieu… ».

    4 – Fraction et sacrifice

    Il faut donc lire, maintenant, dans la fraction, non seulement le geste juif de partage, mais le sacrifice de communion du Christ donnant sa vie en partage à l’humanité (à la multitude) et dont l’eucharistie est le sacrement. Quand le père d’une famille juive rompt le pain, c’est une chose qu’il rompt. Quand le prêtre, à la messe, rompt le pain, c’est quelqu’un !

    Là se trouve une des clefs du faux débat entre la messe-sacrifice et la messe-repas. Ainsi comprise (et expliquée, espérons-le !), la fraction du pain nous révèle et nous fait saisir qu’elle est l’un et l’autre, c’est-à-dire un repas sacrificiel. Plus encore ! En tant qu’il est constitutif de l’acte eucharistique (Cf. les quatre verbes), le geste de la fraction du pain nous fait vivre l’eucharistie comme repas sacrificiel.

    5 – Fraction ou partage ?

    Il est juste de dire que certains, il est vrai, préfèrent traduire la « Klasis tou artou » par « partage du pain », plutôt que par « fraction » (c’est le cas de Xavier Léon-Dufour, par exemple, dans « Le partage du pain eucharistique selon le Nouveau Testament », éditions du Seuil, Paris, 1982). On sent évidemment tout ce qu’a d’intéressant le mot et la notion de partage. Il nous semble pourtant qu’il faille garder le mot fraction et ce, pour deux raisons.

    – Le verbe grec Klaô signifie vraiment : briser, rompre, et c’est le verbe (ou son substantif : Klasis) que nous livre le Nouveau Testament dans tous les cas.

    – Garder les mots « fraction » ou « rompre », permet de maintenir davantage le lien du geste avec l’aspect sacrificiel de la messe, quitte à en faire davantage l’objet d’homélies, ou plus exactement de catéchèses mystagogiques (explication des mystères célébrés), à l’exemple de l’Église du temps des Pères (Ambroise de Milan, Cyrille de Jérusalem, Jean Chrysostome, Augustin, etc.).

    6 – Pour une éthique eucharistique

    Tout en gardant les mots « fraction » et « rompre », il faut inlassablement redire aux chrétiens que leur participation à la « fraction du pain » implique un certain comportement dans le monde, une éthique, dont la première manifestation est bien le partage. Ce n’est apparemment pas un hasard si, dans le « sommaire » des Actes des apôtres (Actes 2, 42 : « Ils étaient assidus à… »), la « communion fraternelle » précède immédiatement la « fraction du pain ». La communion fraternelle dans la vie du disciple (et donc le partage) est une condition de la vérité de la fraction du pain dans la célébration eucharistique, et, a fortiori, une conséquence. L’application de cette théologie de la fraction réclame alors avec urgence que le geste soit bien fait pour lui-même et que la plénitude de son sens soit retrouvée et prêchée.

    – Face à une conception trop individualiste de la communion comme union personnelle du communiant au Seigneur, ce geste invite à retrouver la dimension mystique de la communion comme construction du Corps du Christ, c’est-à-dire comme union aux autres communiants par l’union au Christ.

    – Face à une conception de la communion trop uniquement considérée comme acte de piété et de dévotion, ce geste invite à redécouvrir l’indispensable rapport entre l’acte liturgique de la fraction du pain et la pratique vécue de la communion fraternelle. La situation de tant d’exclus de notre société actuelle renforce encore la nécessité du partage comme comportement constitutif de la vie eucharistique du chrétien. Qu’on ne s’imagine pas qu’il s’agisse ici de dérivation vers une sorte de théologie politique !

    – Commentant l’épisode d’Emmaüs à ses fidèles, saint Augustin disait : « Accueille l’étranger si tu veux reconnaître le Seigneur ».

    – Et saint Jean-Chrysostome : « Veux-tu honorer le corps du Christ ? Ne commence pas par le mépriser quand il est nu. Ne l’honore pas ici avec des étoffes de soie pour le négliger dehors où il souffre du froid et de la nudité. Car celui qui a dit : “Ceci est mon corps” est le même qui a dit : “Vous m’avez vu affamé et vous ne m’avez pas nourri”. »

    7 – Pour un monde nouveau

    Par sa place dans l’acte eucharistique du Christ et par les actes de partage fraternel qu’il engage, le geste de la fraction du pain annonce le monde nouveau du Royaume de Dieu : « Je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle » (Apocalypse 21, 1) ; et surtout : « Voici que je me tiens à la porte et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi » (Apocalypse 3, 20).

    On sait que l’expression : « Jésus-Christ, pain rompu pour un monde nouveau » constitua le thème du congrès eucharistique international de Lourdes en 1981. Il nous en reste plusieurs chants solides, notamment :

    • D 284 « Pain rompu pour un monde nouveau » ;
    • D 293 « C’est toi, Seigneur, le pain rompu ».

    Reprendre ces chants pour les fêtes eucharistiques ou comme chant de communion maintiendra vivant ce qu’ils chantent dans la foi et le cœur des fidèles.

    Nous terminerons cette recherche par un examen de quelques directives pratiques.

     * 55 - L'offrande du pain et du vin

    La mise en œuvre

    – La fraction du pain doit être faite pour elle-même. On attend pour la commencer que l’assemblée ait achevé le geste de paix.

    – La fraction du pain a un chant : l’Agneau de Dieu.

    – Le chant est constitutif du rite.

    – Le ministre du culte fait le geste durant le chant. Il le fait lentement, visiblement, avec une ou plusieurs grandes hosties.

    Le rassemblement dominical et la fraction du pain sont indissociablement liés depuis le début de l’Église.

    Un pain et un vin authentiques pour la célébration de la messe !

    Le pain et le vin consacrés au cours des célébrations eucharistiques doivent être authentiquement de blé et de raisin, sans mélange, et élaborés correctement. Car la norme de l’utilisation du blé et du vin de la vigne pour l’eucharistie n’est pas purement « disciplinaire » – susceptible d’être modifiée – mais,  elle a une « motivation théologique » enracinée dans des données de foi : elle est biblique, historique, théologique.

    Le Christ, qui a institué l’eucharistie avec du pain azyme de blé et du vin de la vigne, s’est lui-même comparé au grain de froment (Jn 12, 24) et à la vigne (Jn 15, 1) : seul le pain de froment est la matière de ce sacrement, et seul le vin de la vigne est la matière propre du sacrement de l’eucharistie.

    Il est absolument interdit d’utiliser du vin dont l’authenticité et la provenance seraient douteuses: en effet, l’Église exige la certitude au sujet des conditions nécessaires pour la validité des sacrements.

    C’est à l’Évêque, premier dispensateur des mystères de Dieu, modérateur, promoteur et gardien de la vie liturgique dans l’Église qui lui est confiée, que revient de veiller sur la qualité du pain et du vin destinés à l’Eucharistie et, donc, sur ceux qui les préparent.

    Le saint Sacrifice eucharistique doit être célébré avec du pain azyme, de pur froment et confectionné récemment en sorte qu’il n’y ait aucun risque de corruption. Par conséquent, le pain fabriqué avec une autre matière, même s’il s’agit d’une céréale, ou le pain, auquel on a ajouté une autre matière que le froment, dans une quantité tellement importante que, selon l’opinion commune, on ne peut pas le considérer comme du pain de froment, ne constitue pas la matière valide de la célébration du Sacrifice et du Sacrement de l’Eucharistie.

    Ceux qui confectionnent le pain et produisent le vin pour la célébration doivent être vivement conscients que leur œuvre est orientée au Sacrifice Eucharistique, et ceci demande, de leur part, honnêteté, responsabilité et compétence.

    En guise de conclusion provisoire :

     * 55 - L'offrande du pain et du vin

    La messe dans l’Église catholique

    La messe est le rite liturgique central de l'Église catholique, englobant la liturgie de la Parole et la liturgie de l'Eucharistie, où le pain et le vin sont consacrés et deviennent corps et sang du Christ. Tel que défini par l'Église au Concile de Trente, dans la Messe, « le même Christ qui s'est offert une fois d'une manière sanglante sur l'autel de la croix, est présent et offert d'une manière non sanglante ».

    L'Église décrit la Sainte Messe comme « la source et le sommet de la vie chrétienne ». Elle enseigne que le pain sacramentel et le vin, par la consécration par un prêtre ordonné, devient le corps sacrificiel, le sang, l'âme et la divinité du Christ comme le sacrifice sur le Calvaire rendu vraiment présent une fois de plus sur l'autel. L'Église catholique permet uniquement aux membres baptisés en état de grâce de recevoir le Christ dans l'Eucharistie.

    Nous espérons que ce parchemin aura retenu la meilleure attention de nos fidèles lecteurs car il s’agissait, pour nous, de diffuser une information capitale pour la bonne compréhension de la partie eucharistique de la messe contemporaine.

    Synthèse de recherches proposées par les Frères André et Jean-Paul, Chevaliers de la Sainte-Croix de Jérusalem

    Bibliographie :

    Père Michel Steinmetz

    Une seule offrande à la louange de sa gloire

    Magnificat du mois de février 2022 page 421 à 423

    Sitographie :

    https://liturgie.catholique.fr/la-messe/la-liturgie-eucharistique/

    https://liturgie.catholique.fr/la-messe/la-liturgie-eucharistique/799-la-fraction-du-pain/

    https://fr.zenit.org/2017/07/08/un-pain-et-un-vin-authentique-pour-la-celebration-eucharistique-texte-complet/

    https://www.latoilescoute.net/le-deroulement-de-la-messe

    https://catholique-belley-ars.fr/je-cherche/comment-prier/la-messe/la-liturgie-de-leucharistie

    https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/ccdds/documents/rc_con_ccdds_doc_20030317_ordinamento-messale_fr.html

    https://stringfixer.com/fr/Mass_(Roman_Rite)


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