• * Le symbolisme de l'Apocalypse

    Approche du symbolisme de l'Apocalypse de Jean

    Introduction : le mot « Apocalypse »

    Le mot « apocalypse » est un terme qui s'est chargé au fil des siècles d'une série de connotations et de travestissements qui l'ont éloigné de son sens d'origine pour souvent évoquer une catastrophe massive et violente.

    Dans l’inconscient de nombreux chrétiens, l'Apocalypse est synonyme de destruction, de fin du monde que certains aiment à prédire périodiquement....

    Comment ce texte peut-il évoquer pour tant de gens des images de fin du monde, alors que les spécialistes le traduisent comme un message d'espoir ? Les images terrifiantes utilisées par l'auteur de l'Apocalypse n'étaient pas destinées à faire peur, mais plutôt à aider des gens en difficulté et les avertir que la fin de leurs malheurs est proche.

    Le mot « Apocalypse » est aussi devenu populaire pour de mauvaises raisons. Cette perception est notamment liée à la difficulté d'appréhender un genre littéraire déroutant qui ne trouve pas de comparaison dans la littérature contemporaine.

    En grec, « apocalypse » signifie « dévoilement », ou, selon la racine latine, « révélation ». Il s’agit d’un texte concernant des événements ou des personnages dans un langage codé et que l’écrivain met sous l’autorité divine, comme si c’était Dieu lui-même qui « dévoilait » ce que lui seul peut connaître.

    Dans la Bible et dans les livres de la tradition juive, avant et après le Christ, les « apocalypses » désignent des discours qui cherchent à interpréter les événements passés ou présents de manière symbolique, c’est-à-dire avec des images.

    Par exemple dans le livre de Daniel, les rois païens qui ont fait ou faisaient la guerre au petit royaume de Juda (Babylone, les Mèdes, les Perses et le royaume d’Alexandre le Grand) sont successivement représentés par un lion aux ailes d’aigles, par un ours dressé sur ses pattes et dévorant les restes d’une proie, par un léopard doté de quatre têtes et quatre ailes, enfin par une bête monstrueuses ayant dix têtes, chacune représentant un des rois successeurs d’Alexandre. La dixième tête finit par dominer les autres et à se poser en maître arrogant du monde : par elle, Daniel désignait le nouveau tyran du Proche Orient, le roi grec Antiochus IV Épiphane, le plus terrible persécuteur de la nation juive 170 ans seulement avant Jésus-Christ.

    Il y a plusieurs passages du Nouveau Testament qui sont des discours d’apocalypse : par exemple les discours de Jésus arrivé à Jérusalem quelques jours avant sa mort, dans les évangiles de Matthieu (ch. 24-25), de Marc (ch. 13) et de Luc (21,5-36) ; certains passages des épîtres de Paul (2 Th 1,6-12 ; 2,3-12) ou de Pierre (2 P 3,10) utilisent la même manière de parler.

    La littérature apocalyptique constitue un genre littéraire ancien qui est probablement apparu à l'époque de l'exil du peuple juif à Babylone — au 6ème siècle av. J.-C. — avec les textes d'Ézéchiel, de Joël et de Zacharie avant de s'épanouir avec Daniel (vers 165 av. J.-C.) qui sert de modèle à l’Apocalypse de Jean mais aussi aux apocalypses apocryphes juives et chrétiennes ou encore aux textes apocalyptiques de Paul de Tarse.

    Dans les littératures juives et chrétiennes, le genre de ces écrits se définit par certaines relations entre leur forme, leur contenu et leur fonction sans qu'ils appartiennent pour autant à un mouvement ou un milieu particuliers. Ils ne témoignent d'aucun courant théologique spécifique et peuvent véhiculer des idéologies très éloignées, voire opposées.

    On peut cependant déceler comme terreau commun à ce genre prophétique une ossature narrative qui a pour fondement une vision-révélation divine transmise à un homme, généralement par l'entremise d'un être surnaturel, dans une représentation du monde caractérisée par la présentation de deux ordres de la réalité : celui de l'expérience humaine sensible et celui d'une réalité spirituelle invisible et inaccessible à l'expérience courante mais déterminant pour le destin humain. La révélation elle-même procède d'une réalité transcendante qui propose à la fois une dimension temporelle, dans la mesure où elle propose un salut eschatologique, et spatiale, dans celle où elle annonce l'imminence d'un monde nouveau.

    Trois traits apparaissent également caractéristiques de ce genre de littérature :

    1°) le voyant de l'apocalypse est un écrivain qui, à la différence d'un prophète, consigne ses visons dans un écrit ; 

    2°) celui-ci est souvent pseudépigraphique (Un pseudépigraphe est un ouvrage dont le nom de l'auteur ou le titre sont faux.) ;  

    3°) l'auteur fait usage de nombres, d'objets et de personnages symboliques, sans s'attacher à rendre cohérent ce symbolisme.

    Mais qui est donc l’auteur de cette Apocalypse ?

    L'auteur de l'Apocalypse

    L'auteur de l'Apocalypse est inconnu. À quatre reprises dans le texte, le voyant s'attribue le nom de « Jean », qui est un prénom très fréquent dans les écrits néotestamentaires. Celui-ci se décrit comme exilé forcé sur l'île de Patmos « à cause de la Parole de Dieu et du témoignage de Jésus », dans ce qui pourrait s'apparenter à l'idée contemporaine de « délit d'opinion ».

    L'analyse exégétique contemporaine s'oppose à la tradition car rien ne permet d'identifier Jean de Patmos à l'apôtre Jean ; avant tout, l'auteur ne revendique jamais ce titre et exprime que pour lui le groupe des apôtres appartient au passé. De la même manière, il n'utilise pas davantage le titre d'« Ancien » (Presbytre).

    L'auteur a vraisemblablement été un personnage important des communautés judéo-chrétiennes d'Asie Mineure aux sept Églises desquelles il s'adresse et dont le texte peut laisser penser qu'il était un prophète itinérant.

    En se fondant sur l'analyse exégétique et textuelle, il est vraisemblable que sa langue soit l'araméen voire l'hébreu, ce qui rend possible la thèse des chercheurs qui en font un prophète apocalyptique judéo-chrétien qui aurait fui la Palestine à la suite de la révolte juive des années 60 et se serait réfugié en Asie Mineure — peut-être à Éphèse — avant de s'exiler sur l'île de Patmos, peut-être sous la pression de ce que la tradition chrétienne appelle « la persécution de Domitien » mais dont la réalité est largement mise en question par les historiens.

    Les relations de cet auteur avec la tradition et l'école johanniques sont débattues. Mais une majorité de chercheurs incline à ne pas associer Jean de Patmos aux courants johanniques, même si des contacts ont pu avoir lieu.

    « L’Apocalypse » ou « Apocalypse de Jean » ou encore « Livre de la révélation », également appelé « Révélation de Jésus-Christ »(en grec ancien : apokálupsis Iēsou Christoũ) suivant les premiers mots du texte, est le dernier livre du Nouveau Testament canonique.

    Selon d’autres sources, l'œuvre aurait été composée vers la fin du 1er siècle par un auteur judéo-chrétien qui se nomme Jean et qui réside à Patmos au moment de l’écriture du texte, et que la tradition a identifié parfois à l'apôtre Jean, fils de Zébédée, ou à Jean le Presbytre.

    Une autre tradition, contestée dès son apparition au 2ème siècle, estime que le même auteur aurait écrit « l'Evangile selon Jean ».

    Le mot « apocalypse » est emprunté au latin « apocalypsis » (« révélation »), lui-même emprunté au grec ancien  « ἀποκάλυψις,  apokálupsis » (« découvert »). Il provient du verbe grec « καλύπτω, kalúptô » (« cacher »), précédé du préfixe de privation « ἀπό ápó ». Littéralement donc « dé-caché », et donc par extrapolation, « dévoilé aux yeux », « retrait du voile », « le voile est levé ».

    Étymologiquement, le mot « apocalypse » signifie donc « dévoilement » ou, sous un aspect religieux, « révélation ». Il appartient à un genre littéraire juif puis chrétien de type ésotérique qu’on appelle « la littérature apocalyptique » et qui présente une grande diversité mais qui a en commun un goût prononcé pour l'allégorie ainsi que pour le symbolisme et dont « l’Apocalypse de Jean » constitue un modèle du genre.

    Le texte, d'essence prophétique et dont l'auteur se réclame d'Ézéchiel, se présente ainsi comme une « révélation de Jésus-Christ » (Ap 1,1) qui dévoile à Jean « quel est le sens divin de son époque et comment le peuple de Dieu sera bientôt délivré ».

    Ce n’est que bien plus tard que les écritures religieuses assimileront le mot pour l’associer au jugement dernier et donc à la découverte de la vérité de Dieu.

    Pour Laurence Gardner, auteur de l’ouvrage « La descendance de Marie Madeleine au-delà du Code Da Vinci », l’Apocalypse de Jean est très différent des autres livres de la Bible car ce n’est pas une chronique suivie. C’est un livre de type visionnaire : Jean semble comme assis dans un théâtre, regardant les évènements qui se déroulent sur la scène devant lui ! Essentiellement, c’est plus ou moins ce qu’est l’Apocalypse car il n’est en réalité qu’une continuation chronologique des Evangiles et des Actes des Apôtres. Son statut a été obscurci, à cause de l’interposition d’une série d’Epîtres de Paul, de Pierre, et autres ouvrages secondaires (vingt et un livres au total !) entre les Evangiles et les Actes, et lui. L’Apocalypse devrait faire suite aux Actes, alors que les autres livres et épîtres ne forment rien de plus qu’une annexe au Nouveau Testament.

    Au premier abord, il peut sembler déconcertant que l’Apocalypse fût incluse dans le Nouveau Testament, car elle est postérieure aux vies post-résurrectionnelles de Jésus, de Marie-Madeleine et de leur descendance.

    Cependant, l’inclusion de l’Apocalypse s’est révélée être une remarquable stratégie car sa nature ésotérique a permis à Rome de la tourner à son avantage considérable, en donnant une interprétation fausse de son texte. Cela prévalait bien évidemment quand les gens n’avaient pas de Bibles qu’ils auraient pu lire eux-mêmes !

    Dans l’Apocalypse (16 :16), la grande guerre finale entre la Lumière et l’Obscurité (c’est-à-dire entre le bien et le mal) doit avoir lieu sur les hauteurs de Meggido, un important champ de bataille palestinien, où une forteresse militaire gardait les plaines de Jezréel, au sud des collines galiléennes.

    Le « Manuscrit de Guerre » décrit en détail le combat prévu entre les Enfants de la Lumière et les Fils des Ténèbres à la grande bataille de Har Meggido. D’un côté, il devait y avoir les tribus d’Israël, de l’autre, les Romains, et diverses factions païennes. Ce devait être un violent combat moral entre la Lumière qu’est Israël, et les Ténèbres de la Rome impériale.

    A une époque ultérieure, cet ancien concept fut adopté et adapté par la naissante Eglise de Rome. La bataille de Har Meggido fut sortie de sa localisation spécifique, et appliquée à l’échelle du monde, avec Rome (l’Obscurité devenant la Lumière) du jour où l’Empereur Constantin se mit à la tête du christianisme.

    Pour que la domination des évêques catholiques prévalût, il fut décrété que le Jour du Jugement n’était pas encore venu. A ceux qui obéiraient aux principes modifiés de l’Eglise catholique romaine, était promise l’entrée au Royaume des Cieux, car ils étaient sanctifiés par les évêques.

    A Har Megiddo fut attribuée une dimension surnaturelle et Armageddon fut entouré d’une aura de terreur. Il marquait ainsi la terrifiante fin de toutes choses. La seule voie vers le salut était une obéissance absolue au pouvoir de Rome. Cela se révéla être l’une des manœuvres politiques les plus ingénieuses de tous les temps jusqu’à ce que les Manuscrits de la Mer Morte furent découverts !

    Présentation succincte de l’Apocalypse

    Un livre bien construit

    Le livre de l’Apocalypse commence par une introduction dans laquelle nous apprenons que l’auteur s’appelle Jean et qu’il se trouve en exil sur une île de la Mer Méditerranée, Patmos. On pense souvent que c’est le même Jean qu’on trouve dans les évangiles, le fils de Zébédée, mais ce n’est pas sûr. C’est pourquoi on parle de l’Apocalypse de Jean pour le distinguer des autres livres d’apocalypse qui ont été écrits avant et après le premier siècle de l’ère chrétienne.

    Après l’introduction, toujours dans le chapitre 1, Jean nous fait part d’une vision étonnante, celle d’un homme glorieux vêtu comme le grand-prêtre de Jérusalem ou comme le Fils de l’homme du chapitre 7 du livre de Daniel. Il tient dans sa main sept étoiles, symboles des sept communautés chrétiennes qui dépendaient de la communauté d’Ephèse. Il est puissant, lumineux, revêtu de sainteté, sa parole est comme une épée, capable de pénétrer les cœurs et d’annoncer des châtiments.

    Les deux chapitres suivants, les chapitres 2 et 3, sont plus faciles à lire : ils nous rapportent sept lettres ou sept messages adressés aux sept communautés : Ephèse, Smyrne, Pergame, Thyatire, Sardes, Philadelphie, Laodicée. On appelle cela un « cadre épistolaire » (qu’on retrouve à la conclusion du livre).  C’est un peu comme si on écrivait des lettres à Abidjan et aux diocèses qui lui sont rattachés : Grand-Bassam, Yopougon, Agboville, etc. Les lettres transmettent de la part du Christ, car c’est le Christ qui en est l’auteur, à la fois des encouragements face aux épreuves et des corrections pour certaines formes d’infidélité. Ce sont des textes qu’on devrait lire plus souvent, notamment pendant le temps du carême.

    Voici le plan général du livre : 

    · Les chapitres 1à 3 contiennent l'introduction du livre et les lettres aux sept Églises d'Asie. 

    Chapitre 1 : « les choses que tu as vues » 

    1/1. 3        - Introduction 

    1/4-9         - Adresse et présentation 

    1/10-16    - Vision de la gloire du Seigneur 

    1/17-20    - Mission confiée à Jean par Jésus-Christ

     

    Chapitre 2 et 3 : « et celles qui sont » 

    2/1. 7        Ephèse: image de la première Eglise qui suit le départ des apôtres 

    2/8-11      Smyrne: premières persécutions 

    2/12-17    Pergame: christianisation 

    2/18-29    Thyatire: cléricalisme 

    3/1. 6        Sardes: image du protestantisme 

    3/7-13      Philadelphie: réveil évangélique 

    3/14-22    Laodicée: Eglise de la fin des temps. Orgueil et tiédeur 

    · Les chapitres 4 à 5 sont le compte-rendu de visions reçues par l'auteur montrant la majesté et la puissance de la justice de Dieu et du Christ. 

    · Aux chapitres 6 à 9, de même que dans le chapitre 11, Jean raconte avoir vu un livre scellé de sept sceaux, sceaux représentant mille années de l'histoire temporelle de la terre. Ces chapitres traitent avant tout des événements contenus dans le septième sceau (voir Ap 8-9, 11:1-15). 

    · Le chapitre 10 parle d'un livre avalé par Jean. 

    · Le chapitre 12 rapporte la vision du mal qui commença dans le ciel lorsque Satan se rebella et fut chassé. La guerre qui commença là-bas continue à faire rage sur la terre. 

    · Au chapitre 13, ainsi que dans les chapitres 17 à 19, Jean décrit les royaumes terrestres pervers dominés par Satan et leur sort, ainsi que la destruction finale du mal. 

    · Les chapitres 14 à 16 décrivent la justice des saints au milieu du mal, juste avant la seconde venue du Christ. 

    · Enfin, les chapitres 20 à 22 décrivent le millénium, la création d'une deuxième terre et la nouvelle Jérusalem. 

    Chapitre 4 à 22 : « et celles qui doivent arriver après elles… » 

    4/5            - scènes célestes 

    6               - Première série de jugements (les sceaux) 

    7               - le reliquat des nations et d'Israël 

    8/9            - Deuxième série de jugements (les trompettes) 

    10/11        - Ministère des 2 témoins 

    12             - Satan, l'accusateur est précipité du ciel vers la terre avec les anges déchus 

    13             - vision des 2 « Bêtes », l'Antichrist et le faux prophète, puissances démoniaques, politiques et religieuses. 

    14/15        - deux groupes de martyres 

    16             - Troisième série de jugements (les coupes) 

    17/18        - Jugement de l'Eglise Romaine c'est à dire « La Grande Babylone » 

    19             - Apparition glorieuse de Jésus-Christ 

    20             - règne de Jésus-Christ et jugement final 

    21             - Eternité et Nouvelle Jérusalem céleste 

    22             - Conclusion et dernières paroles de Jésus-Christ

    La partie principale du livre commence au chapitre 4

    Il est facile de diviser cette partie en trois : dans un premier temps les chapitres 4 et 5 nous transportent dans le sanctuaire de Dieu situé au Ciel ; on ne voit pas Dieu, car il est invisible, mais on nous représente d’autres personnages qui forment sa cour céleste : quatre animaux symboliques (les « 4 vivants »), 24 Anciens dont les trônes sont placés autour de celui de Dieu et autour de l’autel, et des millions de millions d’anges. 

    Au chapitre 5, de manière inattendue, un nouveau personnage fait son apparition : le Christ sous la forme d’un agneau. Attention : on ne pourra jamais représenter visuellement exactement cet agneau car il faudrait le représenter à la fois comme une victime de sacrifice égorgé et comme un lion puissant, le lion de Juda, symbole de la royauté. On nous dit que cet Agneau, pourtant animal sans armes, faible face aux bêtes féroces, a reçu l’autorité sur tout l’univers et toutes les puissances célestes. Plus encore, il reçoit la même adoration, la même louange que Dieu ! 

    Avec le chapitre 6 commence la partie qui est la plus longue et la plus connue

    C’est là en effet qu’on trouve les descriptions de châtiments, de guerres entre armées célestes, de chiffres symboliques, etc. Le récit est organisé par la succession de trois séries de symboles : une série de châtiments sont décrits à l’occasion de l’ouverture de sept sceaux ; mais, lorsque l’Agneau ouvre le septième sceau, une nouvelle série de châtiments arrive à chaque fois que retentit la trompette du Temple céleste ; de même, lorsque le septième ange sonne pour la septième fois, une autre série de châtiments commence, sous la forme de sept coupes contenant des catastrophes…

    Sept sceaux ouverts les uns après les autres, puis sept sonneries, puis sept coupes versées sur la surface de la terre. Apparemment, cela ressemble à une succession d’événements, mais, quand on lit de plus près, c’est plutôt une superposition de situations symboliques qui renvoient à des situations historiques semblables, contemporaines. Autrement dit, pour essayer de comprendre ce qui se passe dans le monde – la persécution des chrétiens – Jean utilise plusieurs types d’images : elles se succèdent dans le récit, mais en fait c’est toujours la même chose qui est visée.  

    En réalité, cette deuxième partie du livre de l’Apocalypse, les chapitres 6 à 20, la plus longue, se répartit en deux sous-parties. 

    Première sous-partie : du chapitre 6 au chapitre 11.

    Les châtiments qui viennent du Ciel sont des catastrophes cosmiques : ce sont des fléaux comme la famine ou la peste, ou encore la guerre ; puis des étoiles qui tombent du ciel ou le soleil qui perd sa lumière… Ce sont les mêmes fléaux qu’on lit dans les écrits de l’Exode ou des prophètes de l’Ancien Testament, ce qui veut dire qu’il n’y a rien de nouveau là-dedans. On ne nous parle pas de personnages qui viennent nous détourner de Dieu, car, dans cette partie, l’auteur parle comme les prophètes Isaïe ou Jérémie, qui adressaient au peuple de la Loi leur message de conversion ; le peuple connaissait leur Dieu, leur Loi, la force de leur liturgie… et pourtant, ils restaient attachés à l’injustice sociale et à l’idolâtrie… Le mal se trouve dans le cœur endurci, incapable de prendre au sérieux la prédication des prophètes. 

    La description du mal prend une toute autre forme. En effet, on nous dit de manière imagée que, si le peuple de Dieu et les hommes en général ont tant de difficulté à adorer le vrai Dieu, c’est à cause du Diable, de Satan. Il n’agit pas seul : il utilise des intermédiaires qui se comportent comme le Christ ou comme l’Esprit Saint, faux sauveurs et faux prophètes. 

    Ils nous sont décrits sous la forme de monstres mi-hommes mi-animaux, extrêmement puissants, rusés, déterminés à ruiner le peuple de Dieu, ceux qui demeurent fidèles à Dieu et à son messie, le Christ Agneau. Le monstre principal, donc Satan, a la forme d’un dragon. Dans l’Ancien Testament, le dragon correspond à la fois à un serpent et à un crocodile. Ici, il a sept têtes (symbole de l’intelligence) et sur ses têtes dix cornes (symboles de la force) réparties bizarrement. Il porte aussi des couronnes, symboles de l’autorité royale. Il se déplace partout. Les autres monstres ont leur forme composée de plusieurs parties d’animaux sauvages ou puissants : panthère, ours, lion. 

    Deuxième sous-partie : à partir du chapitre 12. 

    La deuxième sous-partie, celle qui commence au chapitre 12, est connue pour un autre type de symbole, celui de la Femme. En fait, l’Apocalypse présente trois femmes, trois symboles du peuple : la Femme enveloppée du soleil et qui enfante dans la douleur, c’est l’Église dans sa condition terrestre, donnant naissance, génération après génération,  au messie royal annoncé par le Ps 2, immédiatement persécuté. Au chapitre 17, une autre femme apparaît, présentée comme une prostituée, symbolisant la ville perverse, sans doute Rome, la capitale du monde, le centre du commerce et du pouvoir. Cette femme est soumise au pouvoir du Dragon et de ses serviteurs, elle profite des persécutions. 

    La troisième Femme symbolique apparaît tout à la fin du livre, dans la troisième partie, qui est une extraordinaire page d’espérance. C’est la dernière page de toute la Bible chrétienne, ce qui veut dire que toute la Bible s’achève sur une vision éblouissante, celle d’une ville qui est aussi une Femme, symbole de la ville parfaite, magnifique, pure, toute prête et parée comme une épouse le jour de ses noces. 

    La conclusion du livre

    La conclusion du livre est un avertissement aux lecteurs : qu’ils n’en restent pas à la simple lecture, mais qu’ils mettent en pratique ce qu’ils auront lu !  

    Trois monstres, trois femmes, mais toujours un seul Seigneur, le Christ Agneau, celui à qui le Dieu unique a remis toute autorité et puissance. S’il est le Seigneur, si Dieu lui a remis tout pouvoir, alors pourquoi met-il tant de temps à vaincre et à éliminer les causes du Mal ? Il en faut du temps au Christ pour arriver à bout du Mal ! On lit des pages et des pages de combats, de victoires du Christ et de victoires du Dragon… 

    Cela semble ne jamais finir ! Et c’est bien un des enseignements de l’Apocalypse de Jean de nous dire qu’il ne faut pas s’attendre à une fin des temps pour demain. La fin des temps, on ne la connaîtra jamais ; il faut bien se mettre cela dans la tête. En l’attendant, nous avons une chose seulement à faire : rester fidèles à celui qui sera le vainqueur définitif, Jésus le Christ, l’Agneau dont le Sang nous sauve et nous lave.

    Clefs de lecture de l'Apocalypse de Jean

    Clef A : Le monde est sous l’emprise du démon ; mais tout est racheté dans le Christ Agneau vainqueur proclamé dans le cadre du mystère pascal, célébré le Jour du Seigneur.

    Clef B : Les images ne sont pas des paraboles, mais renvoient à des réalités théologiques ou historiques.

    Clef C : L’arrière-fond vétérotestamentaire : la plupart des pièces du puzzle à reconstituer.

    Clef D : Découvrir les réalités historiques derrière les images (jeter la couronne : Hérode et Octave).

    Clef E : Il y a des tableaux qui se superposent plutôt qu’une trame historique ou logique.

    Clef F : Châtiments, car, selon la tradition biblique, Dieu veut conduire les hommes à la conversion.

    Clef G : Le temps est dilaté par le recours à l’origine et la projection dans le futur : vérité définitive.

    Clef : La valeur des nombres, surtout 3, 4, 7, 10, 12, 1000.

    Parole et images

    L’Apocalypse de Jean se présente comme une mise en scène de style cinéma : fondu – enchaîné ; zoom sur une partie des acteurs.

    C’est un langage qui « montre » plus qu’il n’explique. « Je vis » : 46 x ; « J’entendis » : 27 x. 

    Caractéristique du témoignage. Il faut écouter l’Apocalypse les yeux fermés. La méthode de lecture doit donc beaucoup à la cinématographie. La Parole se donne en images ; les images doivent nous renvoyer à la Parole. Si l’on veut rester fidèle à cette technique du langage imagé, il faut éviter toute formalisation systématique, toute simplification conceptuelle.

    D’autant plus qu’un grand nombre d’images sont polysémiques : l’agneau est à la fois la victime du sacrifice (pascal) et le jeune bélier royal, deux figures qui, normalement, ne vont pas ensemble ! Carrefour de deux figures réunies par le thème de la mort – résurrection du Christ pour la libération de son peuple. Il peut y avoir contradiction entre les diverses figures réunies en une image ; mais cette contradiction est porteur de sens à un autre niveau que celui de la réalité historique. Les réalités vers lesquelles nous orientent les images sont beaucoup plus riches qu’elles.

    Comment lire l’Apocalypse de Jean ?

    L'auteur écrit ce long message d'espérance dans la perspective d'une intervention finale et totale de Dieu en faveur de l'Eglise. Il y a donc une continuité qui part de la résurrection du Christ (l'Agneau égorgé mais vainqueur, debout, au chapitre 5) et aboutit à l'entrée dans la gloire de la Jérusalem nouvelle (chapitre 22). Cependant, à l'intérieur de ce cadre qui relève du dessein de salut, l'auteur ne suit pas un ordre d’événements comme on le ferait dans un livre d’histoire moderne. Il juxtapose plutôt plusieurs descriptions du mal et du combat.

    Comme au théâtre…

    Du début à la fin nous sommes comme des spectateurs d’une pièce de théâtre : des multitudes de figurants apparaissent tour à tour, accomplissant des actions souvent terrifiantes. La scène se déroule en trois lieux différents et on passe constamment d’un lieu à un autre :   

      • Il y a tout d’abord le Ciel, en fait le sanctuaire de Dieu, entouré de ses anges qui lui rendent gloire et qu’il envoie sur terre pour exécuter ses décisions.  
      • Puis, il y a la terre, avec les hommes, les chrétiens et les païens, les villes et les campagnes, les armées et les commerçants. On nous parle de Jérusalem comme d’une ville qui appartient au passé. On nous parle de Rome comme du centre du monde politique. Souvent on nous donne à voir et à entendre les chrétiens persécutés. Dieu leur envoie les anges pour qu’ils les marquent du sceau de l’Agneau (7,1-8 – une croix sur le front ? On ne saura jamais). 
      • Enfin, il y a les abîmes, situés sous la terre, là où sont jetés le Diable et ses serviteurs, pour un châtiment horrible et sans fin. 

    Dieu ne descend jamais sur la terre et le Christ non plus, sauf pour le combat final. C’est pourquoi il envoie ses anges. Le Dragon, lui, peut circuler dans le Ciel. Il n’a pas accès au Sanctuaire. Il envoie sur terre les deux monstres, la Bête de la mer et la Bête de la terre, et les utilise pour que s’accomplisse son projet d’aliénation de tous les hommes à lui-même : il veut qu’ils soient marqués au bras ou à l’épaule comme on marquait les soldats des légions romaines ou les esclaves (13,16). 

    Donc, lire l’Apocalypse de Jean, c’est passer du Ciel à la Terre, de la Terre aux Abîmes, de la Terre au Ciel. Et tout se terminera au Ciel, le cosmos, ou plutôt l’humanité sera transformée en une Jérusalem céleste, magnifique ! 

    Il faut ajouter un lieu particulier : on nous parle de disciples de l’Agneau qui sont morts et qui attendent la fin des temps sous l’autel. Qu’est-ce que cela signifie ? C’est mystérieux. Ce qui est sûr, c’est qu’ils ne sont pas dans le séjour des morts comme les anciens se l’imaginaient, mais à l’abri des combats, tout proches de Dieu, où ils attendent la fin des temps.

    Un langage symbolique

      

    Les symboles dans l’Apocalypse sont légion. Au 4ème siècle, saint Jérôme disait déjà que l’Apocalypse contient autant de mystères que de mots ! Dans l’Apocalypse, tout n’est que symbole ! Mais il n’y a pas que le nombre qui impressionne : tout aussi remarquables sont l’originalité et l’audace de certaines images, de même que la manière dont elles sont agencées.

     

    Elles défilent en cascade, s’entrechoquent, se fondent les unes dans les autres en surimpression… L’auteur s’impose comme un grand créateur qui aura pris plaisir à exploiter la théâtralité de son sujet.

     

    Bon nombre des symboles contenus dans l’Apocalypse avaient déjà cours depuis longtemps dans les religions mésopotamiennes, égyptiennes, perses et hellénistiques, notamment pour le symbolisme astral et pour la représentation de la cour céleste avec sa multitude d’anges et de chérubins.

     

    Il faut toujours se rappeler que les images et les expressions que nous lisons du début à la fin sont avant tout symboliques. Les anges n’ont pas de trompette et le peuple de Dieu ne sera pas une ville entourée de remparts avec des maisons faites de diamants de toutes les couleurs ! Les étoiles ne tomberont pas sur la terre et le soleil ne peut pas perdre son éclat d’un seul coup !

     

    Par exemple, on nous dit que 144 000 serviteurs de Dieu sont marqués du sceau (7,4). Et les autres ? Il n’y aurait que 144 000 sauvés et tout le reste de l’humanité serait perdue ? En fait, il faut interpréter ce nombre non pas comme le nombre exact des sauvés, mais comme désignant l’immense groupe des sauvés, innombrables (1.000) comme le peuple parfait, car 144 = 12 x 12, 12 étant le nombre symbolique du peuple de Dieu.

     

    De l’Ancien Testament à l’Apocalypse

    L’Apocalypse est un livre rédigé grâce à une multitude de textes provenant de l’Ancien Testament. Pour bien comprendre ce livre, il faut bien connaître les passages de l’Ancien Testament qu’il utilise du début à la fin. 

    Si l’on observe le grand Arc de triomphe de Constantin, près du Colisée à Rome, édifié vers l’an 320 pour commémorer la victoire de Constantin et son accession au pouvoir unique, on peut remarquer que les architectes ont tout simplement réutilisé des statues en provenance du Forum de Trajan. De même, beaucoup d’édifices de Rome ont utilisé les nombreuses colonnes qui soutenaient les voûtes et les toits des immenses Thermes de Caracalla. C’est pareil pour le livre de l’Apocalypse. 

     

    Presque tous pensent que c’est un livre rapportant des visions célestes communiquées directement par Dieu et incompréhensibles sauf aux initiés ! C’est faux ! Celui qui a écrit l’Apocalypse, Jean, n’avait pas un savoir ésotérique, comme on dit, mais il a réinterprété l’histoire des chrétiens de la fin du premier siècle en cherchant dans les livres des prophètes Isaïe, Jérémie, Ézéchiel et Daniel les images, les formules qui lui convenaient.

     

    Il a fait un travail de rédacteur en utilisant sa grande connaissance des Écritures en fonction de sa théologie de l’histoire, et non comme s’il était drogué ou dans une sorte de rêve surpuissant pendant lequel tout lui aurait été dévoilé et qu’il aurait transcrit immédiatement avec sa plume ou en dictant à un secrétaire… C’est dommage pour ceux qui voudraient que ce livre soit un livre à secrets, un livre qui fascinerait parce qu’il est plein de secrets, mais ce n’est pas la réalité !

     

    Par exemple, le personnage impressionnant, à la voix puissante comme une trompette ou comme les vagues de l’océan quand il y a une tempête, vient du chapitre 13 du livre de Daniel. Mais il y a ajouté des éléments tirés de la description du grand prêtre dans le livre du Lévitique, comme sa grande robe blanche et sa ceinture en or.

     

    Ou encore les 4 animaux sur lesquels est posé le trône divin sont repris au début du livre d’Ézéchiel : ce sont eux qui tirent le char divin quand il circule au-dessus des nuages (Cf. les 4 représentations des Évangélistes).

    Au cœur de l’histoire : la liturgie

    On est certain qu’au moment où Jean écrit son Apocalypse le Temple de Jérusalem est en ruines. Les Juifs ne peuvent donc plus avoir de liturgie avec trompettes, offrande de sacrifices d’animaux et d’encens, avec pèlerinages, processions et libations… Quel drame ! Or, c’est par la liturgie que le monde peut être sauvé !

    L’Apocalypse est une réponse très forte à ce drame : elle affirme qu’il n’y a plus besoin du Temple de Jérusalem et même nulle part au monde. Il n’y a pas d’autre sanctuaire qu’au Ciel… Dieu agit dans l’histoire des hommes depuis ce sanctuaire sans passer par un sanctuaire fait de main d’homme, même pas celui de Jérusalem, le centre du monde selon la tradition biblique et juive ! Depuis son sanctuaire, Dieu intervient en envoyant ses anges et son Logos, l’Agneau vainqueur !

    C’est pourquoi beaucoup d’images qu’on lit dans l’Apocalypse de Jean nous renvoient au culte du Temple, mais transféré au Ciel. Pour l’instant, seuls les anges et les créatures y participent ; à la fin du livre, tous les fidèles de l’Agneau, transportés au Ciel, chanteront la gloire de Dieu et de l’Agneau. Ils le feront « devant le trône, les palmes à la main » comme lors de la grande procession de la fête des Tentes.

    Notons que l’Apocalypse ne parle pas de sacrifices à offrir : celui de l’Agneau, égorgé, dont le sang nous lave, est définitif et son efficacité s’étend à l’ensemble de l’humanité et pour tous les temps. Le seul culte est la louange et la fidélité à l’Évangile. Mais avant de parler de louange, l’Apocalypse parle d’adoration, du début à la fin. Sans doute pour s’opposer à l’adoration et à la vénération de l’empereur.

    Au cœur de l’histoire, il y a donc une splendide et puissante liturgie… Mais elle se passe au Ciel. La liturgie chrétienne se passe sur la terre. Nos méditations, nos veillées, la célébration de messes, nos prières de dévotion devraient être l’écho, le prolongement de la liturgie céleste…   

    Le présent et le futur

    Ainsi, nous n’avons pas besoin de chercher à décoder des formules indiquant par avance les événements qui marqueront la fin des Temps, identifiant des tyrans ou des catastrophes… On pense généralement que l’Apocalypse de Jean est un livre qui annonce des événements pour le futur. En fait, ceux qui pensent ainsi ignorent que les autres livres d’Apocalypse n’ont pas pour but de prédire l’avenir mais d’interpréter le présent et d’encourager les lecteurs à s’attacher à Dieu pour braver les persécutions ou rester fidèles face à l’influence des cultures païennes. 

    Plus précisément, l’Apocalypse de Jean parle du présent en montrant que ce qui se passe aujourd’hui correspond au plan de Dieu et que cela va continuer encore pendant longtemps jusqu’au jour où Dieu, dans une décision libre et imprévisible, mettra fin au pouvoir du Mal. Il ne prétend pas annoncer des guerres qui auront lieu 1.000 ou 2.000 ans plus tard ! 

    On dit par exemple que le nombre 666, qui désigne la Bête de la Mer, est un nombre codé. En fait, la Bible dit que c’est un nombre d’homme ; donc, il désigne un homme et on peut le comprendre avec un petit calcul.

    En effet, quand on sait que les hébreux utilisaient des lettres pour dénommer les nombres et quand on additionne certaines lettres, celles qui composent le nom de NERON CAESAR, on obtient tout simplement 666. Ou encore, les mathématiciens connaissent tous la formule appelée « nombre triangulaire », qui s’obtient en additionnant tous les nombres antérieurs à tel nombre donné ; et bien, 666 est le nombre triangulaire de 36, lui-même fruit de la multiplication de 6 par 6. Or, 6 est le nombre  inférieur à celui de la plénitude, 7. Donc, c’est comme si on nous disait que la Bête de la Mer était un gouvernant qui essayait d’atteindre par lui-même la plénitude de l’Esprit de Dieu et qu’il n’y arriverait jamais : il ne peut pas dépasser le nombre 6 !

    Autre exemple : on nous dit qu’on marque les serviteurs de Dieu au front pour les distinguer des hommes païens au milieu de qui ils vivent. Et on nous dit qu’ils sont au nombre de 144.000. Puis, on nous fait voir une foule immense, des millions de personnes qui sont passés par le martyre et sont restés fidèles. Ils suivent l’Agneau partout. Mais, à l’époque où Jean écrit, il n’y a eu qu’un petit nombre de martyrs ! Que nous dit Jean ? Il nous dit qu’il y en aura tout au long de l’histoire du monde ! Il voit la persécution de Domitien, qui s’est achevée récemment ; il l’interprète en fonction de celle de Néron, qui ne concernait qu’une centaine de chrétiens ; il envisage les persécutions qui auront lieu dans le futur. Mais il en exagère le nombre pour glorifier le martyre et encourager les chrétiens à qui il écrit de se préparer à le subir en pensant plus à la gloire qui les attend qu’aux souffrances et aux renoncements.

    Un livre qui s’appuie sur l'histoire

    L’île de Patmos

     

    L’île de Patmos est une petite île située à l’est des îles grecques des Sporades, en Mer Égée, proche de la Turquie. Des documents anciens témoignent qu’elle a servi de lieu de déportation au temps des Romains. En effet, une fois arrivés sur cette petite île, les prisonniers ne pouvaient s’échapper sinon par bateau et les cachettes étaient faciles à trouver… 

     

    Les destinataires

     

    L’Apocalypse de Jean est écrit pour les chrétiens d’Asie mineure, autour des sept grandes villes situées à proximité de la capitale régionale qu’était Éphèse, évangélisée par Paul puis par des disciples de Jean. Il existe des documents historiques concernant les communautés juives et chrétiennes qui habitaient dans ces villes. 

     

    Les persécutions de chrétiens 

     

    Les événements affectant les communautés chrétiennes au temps de Domitien (fin du 1er siècle) sont interprétés dans la lumière de la persécution de Néron (64-68). Ils seront limités dans le temps et font partie de l’histoire du salut, pourvu qu’on demeure fidèle. 

     

     « Les textes contemporains font des allusions imprécises à une recrudescence de la persécution sous le règne de Domitien : ainsi la Lettre aux Corinthiens de Clément de Rome. On ne connaît rien de précis sur ces épreuves. Domitien fit exécuter certains de ses parents ainsi que des sénateurs sous l’inculpation d’athéisme et d’adoption des mœurs juives. S’agissait-il de chrétiens ? » (Lepelley, H.C., t. 1, p. 231). 

     

    Victorinus (fin du 3ème s.) : « Lorsque Jean eut ses visions, il se trouvait dans l’île de Patmos, condamné aux mines par l’empereur Domitien. Là, il vit la révélation... Lorsqu’il fut libéré, il transmit cette révélation qu’il reçut de Dieu ». Jérôme donne un récit encore plus détaillé : « Pendant la 14ème année après la persécution de Néron, Jean fut banni à l’île de Patmos et là, il écrit l’Apocalypse... À la mort de Domitien et à l’appel du sénat, il retourna à Éphèse, Nerva était l’empereur. » Eusèbe dit : « Jean, l’apôtre et l’évangéliste, raconta ces choses aux églises lorsqu’il retourna après son exil dans l’île, à la mort de Domitien ». 

     

    Un des traits historiques qu’on retrouve dans l’Apocalypse est le phénomène de l’adoration de l’empereur. Que ce soit de son vivant ou à sa mort, il était normal et quelquefois même obligatoire de le vénérer comme un dieu et de lui élever des temples, des autels et des statues. Les Romains étaient très attachés à la religion officielle de l’Empire et tous se devaient de la pratiquer. C’est ce qu’on retrouve au chapitre 7, où nous lisons que la Bête de la mer oblige les hommes à adorer la Bête de la terre, qui représente donc l’Empereur. On sait par des documents anciens que Domitien, l’empereur régnant Jean rédigeait l’Apocalypse, demandait qu’on lui rende un culte sous le titre clair de « Dominus et deus ».

     

    Néron avait développé la musique, la poésie et le théâtre. Les représentations théâtrales étaient devenues très compliquées et toute une technique avait été élaborée pour obtenir des effets dramatiques ou comiques. C’est ce qu’on retrouve dans le récit des prodiges que le Dragon et la Bête de la Mer réalisent au chapitre 13 : ils correspondent fort bien à la mise en scène théâtrale qui consiste à faire descendre des figurants du toit. Ce sont d’excellents moyens de séduire le peuple. Ce sont des liturgies païennes très médiatiques, dirions-nous aujourd’hui ! 

     

    Quel est le but de l’Apocalypse de Jean ?

      

    L’Apocalypse de Jean a été écrite en premier lieu pour encourager les fidèles du Christ à persévérer au milieu des persécutions auxquelles ils étaient soumis. Jean veut leur faire comprendre qu’elles font partie du dessein de Dieu, et qu’il n’y a pas une contradiction avec l’espérance en la victoire définitive du Christ. En effet, il faut savoir que les premiers chrétiens, au temps de Paul et de Pierre, attendaient le retour glorieux du Sauveur dans un avenir proche. Ils pensaient qu’ils avaient la mission de faire connaître l’Évangile aux nations. Mais alors pourquoi tant de persécutions ? Pourquoi Dieu semble-t-il insensible, absent, inactif ? Comment annoncer la Parole de Dieu dans un contexte de tyrannie païenne, de recherche de pouvoir, de gloire, de la part de gouvernants qui se prennent pour Dieu, qui veulent être comme Dieu et éliminent tous ceux qui n’entrent pas dans leur politique, qui s’opposent à leurs intérêts ? Cela existe encore aujourd’hui, me semble-t-il.

     

    À une chrétienté en proie au découragement, l’Apocalypse de Jean répond : 

     

    ·       en réaffirmant fortement la seigneurie et la victoire du Christ sur l’ensemble de l’histoire et de la création, actuellement cachée mais au dernier jour totalement réalisée ; 

    ·       en dénonçant les persécutions, présentées comme les effets d’un Mal personnifié, en lutte contre le Christ lui-même à travers ses disciples, les saints ; 

    ·        en recourant aux écrits vétérotestamentaires pour fonder dans la première révélation les intuitions nouvelles et montrer comment l’histoire postérieure à la glorification du Christ, prophétisée par les Écritures, est vraiment dans les mains du Dieu d’Israël ; 

    ·       en élargissant la perspective et en présentant l’interaction des acteurs du drame en fonction du cadre plus vaste de l’histoire à venir, de sorte que le Persécuteur n’est pas seulement considéré dans sa réalité individuelle et circonscrite dans un temps et un espace précis (p. ex. dans le cas de l’identification de la bête de la Terre avec l’empereur Néron, 13, 18, et de la ville de Rome aux 7 collines, 17), mais aussi et surtout comme élément d’un Mal fondamental et universel. Autrement dit, l’empereur qui ordonna la persécution de l’Église dans les années 64-65 (Néron) ne fut qu’un acteur particulier d’un drame qui se joue à un niveau plus profond et sur une échelle plus étendue de l’histoire de l’humanité.

     

    Le genre littéraire d'Apocalypse

    Des discours formatés

    Diverses « apocalypses » ont vu le jour à l’intérieur de la tradition juive dès le troisième siècle avant Jésus-Christ (deuxième partie de Daniel), proposant de scruter le présent (la persécution d’Antiochus IV) et l’avenir (en particulier l’avènement du Jour de Dieu) et mettant ces intuitions sous l’autorité d’un personnage du passé. La validité de certaines a été reconnue et leur a permis d’entrer dans le Canon des livres inspirés, en particulier celles d’Ézéchiel, de Zacharie et de Daniel.

    Ces discours utilisent tout un langage imagé

    Certaines images ont pour but de manifester que le contenu vient de Dieu : le visionnaire voit les cieux ouverts ; il entend une voix céleste ; il doit manger un livre présenté par un ange ; des connaissances lui sont transmises par un ou des anges.

    D’autres images sont utilisées pour impressionner, faire peur : des rois sont comparés à des ours énormes (Antiochus Epiphane dans le livre de Daniel) ; la puissance de Dieu est telle qu’elle est capable de bouleverser les étoiles du ciel, d’occasionner des tremblements de terre ; le châtiment divin va se réaliser sous la forme de famines, de guerres...

    Tout au long de l’Apocalypse de Jean, il nous est rappelé à plus de cinquante reprises que Jean « voit » ou « entend » : « Et je vis… », « Et j’entendis… ». De plus, par trois fois, la vision s’effectue après un déplacement « en esprit » : il se dirige vers l’Ange pour lui demander son livre qu’il mange (10,8-11) ; il se déplace vers la grève de la mer pour assister au surgissement de la Bête de la mer (12,18) ; il est emporté dans le désert pour y voir Babylone, symbole de la cité corrompue (17,3) ; il est emporté sur une haute montagne pour y contempler la Jérusalem céleste (21,10).

    Ce qu’il perçoit provoque en lui des réactions sensibles, tout comme il ressent la durée : « Et je pleurais fort de ce qu’il n’y eut personne digne d’ouvrir le livre et de le lire » (5,3) ; « Et il se fit un silence d’environ une demi-heure » (8,1). Son extase comporte des dialogues avec les personnages, un Ancien, un Ange ou une voix : ils prennent la parole, s’adressent à Jean qui leur répond (5,5; 7,13; 21,9) ou se met à écrire (10,4; 14,13; 19,9; 21,5), ou encore se prosterne à tort devant eux (19,10).

    Des « révélations » ?

    L’inspiration n’existe que sur la base d’une certaine compétence de la part de l’auteur, car elle utilise un certain fonds de culture et de connaissances religieuses, susceptible de porter les intuitions qui lui appartiennent en propre. De fait, l’étude de l’Apocalypse fait apparaître combien ce livre est le fruit d’une longue réflexion, correspondant à un réel souci d’élaborer son œuvre à partir d’une multitude d’éléments vétérotestamentaires et d’adresser aux lecteurs un enseignement qui réponde à ce dont ils ont besoin. Pas plus dans l’Apocalypse que dans les autres livres inspirés, la part qui relève directement de l’inspiration surnaturelle ne peut être distinguée de ce qui relève du travail humain.

    Les deux sont totalement intégrés l’un dans l’autre, au cours d’une longue méditation et d’une patiente maturation ouvertes à l’action de l’Esprit Saint.

    En employant le titre de « Révélation », on entend aussi définir le livre comme n’étant pas d’abord le fruit d’un raisonnement humain, d’une réflexion rationnelle savamment calculée pour aboutir à des conclusions plus ou moins certaines, mais d’une vision intuitive du passé, du présent et du futur, du dessein de Dieu et de la manière dont il se réalisera au cours de l’histoire.

    En réalité, on ne peut pas expliquer comment la victoire du Christ change le cours de l’histoire et le guide imperceptiblement envers et contre tout ce qui semble le vouer à l’échec, pas plus qu’on ne peut comprendre rationnellement en quoi consiste le Mal et comment il agit dans la conscience individuelle ou collective des hommes.

    Quant à la manière dont s’accomplira le temps, l’histoire temporelle, avec la transformation finale de l’univers à travers laquelle toute la création participera de la glorification du Premier-né, on ne peut prétendre s’en faire une idée précise par simple mode de déduction. C’est davantage le domaine de l’intuition. Celle-ci doit cependant être accompagnée d’une authentique réflexion capable de la maintenir dans la fidélité aux fondements de la foi.

    Les apocalypses du Nouveau Testament

    Ce qui caractérise les apocalypses du Nouveau Testament, c’est qu’elles concernent les événements de la fin des temps et qu’elles les présentent comme des catastrophes. Plus exactement, elles ont pour but de nous dire que le jugement de Dieu sera radical et définitif ; que les hommes doivent s’y préparer comme on se prépare à une catastrophe, c’est-à-dire en se libérant des biens de ce monde.

    Donc les Evangélistes ont cherché dans les textes de l’Ancien testament des images susceptibles de bouleverser le lecteur. Mais ils écrivaient à des lecteurs habitués à lire les livres d’Isaïe, d’Ezéchiel et de Daniel, de sorte que les lecteurs païens ne peuvent pas les comprendre s’ils ne font pas l’effort d’intégrer le langage des prophètes bibliques.

    Cependant, pour comprendre ces textes, il faut se rappeler que la fin des temps a commencé dès la mort et la résurrection du Christ. On l’oublie trop souvent. C’est extrêmement important. Par exemple, la première partie de l’Apocalypse de Jean est remplie d’annonces et de réalisations de châtiments : guerres, famines, pestes, cataclysmes… Mais nous, nous croyons que Dieu ne châtie plus : la mort du Christ nous a délivrés des châtiments ! Il a pris sur lui tous nos péchés ! Nous ne pouvons plus lire l’Apocalypse de Jean comme les apocalypses d’Isaïe et d’Ézéchiel !

    Est-il possible de résumer l’Apocalypse ? 

    Quand on essaie de réaliser un résumé de l'Apocalypse de Jean, on se trouve rapidement dans l'embarras. Ce petit livre se présente d'une façon tellement multicolore et multiforme ! Comme dans un « feu d'artifice », une image émerge, puis aussitôt une autre, tandis qu'une autre s'y mêle au-dessus, au milieu ou au-dessous. Les scènes se déroulent les unes après les autres tout en paraissant simultanées. À première vue, il n'y a pas de construction logique déterminée. 

    C'est pourquoi jusqu'à aujourd'hui en exégèse on discute vivement sur l'ordre interne de ce petit livre. Il y a presque autant de propositions de structure que de commentaires sur l'Apocalypse. 

    Puisque la raison d'être de ce parchemin ne peut pas être d'ajouter un autre essai aux nombreux déjà parus, je me limiterai à donner ici un aperçu des différentes formes littéraires de l'Apocalyptique. 

    La forme épistolaire 

    La première chose qui frappe, c'est la forme épistolaire, selon laquelle ce petit livre est écrit. Après un avant-propos, l'Apocalypse commence par une introduction épistolaire (1,4-8) et se termine par un souhait final, comme nous pouvons le constater dans la première épître aux Corinthiens (16,22s.) ou dans l'épître aux Hébreux (13,25) : « La grâce du Seigneur Jésus soit avec tous ! » De plus, ce petit livre contient également, dans une forme épistolaire, des lettres, envoyées à sept communautés de la province d'Asie Mineure. Ceci nous montre que dans ces sept communautés, représentantes de toutes les communautés chrétiennes de la province, le contenu de l'Apocalypse devait être communiqué comme une espèce de « circulaire ». 

    Les septénaires 

    Ce qui, avec les sept lettres, apparaît pour la première fois comme une caractéristique de la structure, à savoir les séries de sept, se retrouve tout au long du livre : clairement dans le cas des sept sceaux, des sept trompettes et des sept coupes de la colère, et moins apparemment pour les sept visions de la fin du livre (respectivement introduites par : « Alors je vis... » : 19,11.17.19; 20,1.4.11; 21,1) ou pour les sept béatitudes présentes dans l'ensemble du livre. 

    De telles structures numériques sont importantes pour la mémorisation. Mais elles représentent aussi une espèce de langage secret qui ne s'ouvre qu'aux initiés : le nombre « sept » est le nombre de la perfection, comme le nombre « trois » est le nombre divin, et « quatre » est celui du monde (quatre Vivants, 4,6 et autres ; quatre cavaliers apocalyptiques (6,2-8) ; quatre coins de la terre, quatre vents (7,1). 

    Du nombre « sept » dérive la moitié : « trois et demi ». « Trois et demi » est le temps limité par Dieu ; il apparaît sous plusieurs formes : « trois ans et demi » = « un temps et deux temps et un demi temps » (12,14; cf. Dn 7,25; 12,7) = 42 mois (11,2; 13,5) = « 1260 jours » (1 1,3; 12,6).

    Du sept aussi dérive indirectement le « six », qui se manifeste ensuite dans le « nombre de la bête » : 666 (13,18). La bête désirait être divine (trois fois le même chiffre) et parfaite (« sept »), mais elle n'arrive qu'au triple « six » marque de son arrogance contre Dieu. 

    Insertions 

    Toutefois ces séries de sept ne sont pas simplement des images, ni des événements racontés les uns les autres. Ils sont interrompus sans cesse par des insertions. Ainsi, avant l'ouverture du septième sceau, les élus d'Israël sont marqués sur le front (7,1-17) et après l'ouverture du septième sceau, il ne se déroule pas simplement un autre événement comme dans le cas des six premiers sceaux, il y a au contraire une grande pause : « environ une demi-heure » (8,1). 

    Une nouvelle série de sept commence ensuite par la remise des sept trompettes aux sept anges. Cependant, avant même que l'on joue de ces trompettes, un « autre ange » est introduit. Celui-ci « offre à Dieu les prières de tous les Saints ». C'est seulement après cette « insertion » que « les sept anges se préparent à jouer des sept trompettes » (8,6). 

    De même avant la sonnerie de la septième trompette, on trouve une telle « insertion » (10,1-11,14) : la septième trompette est annoncée par un « ange puissant » qui donne à manger un petit livre au visionnaire. Ensuite le Temple est mesuré et on annonce la venue de deux témoins qui trouveront la mort à Jérusalem. 

    Annonces préliminaires

    À vrai dire, cette « insertion » appartient déjà aux visions décrites plus tard à partir du chapitre 12. Par la technique de l' « insertion », l'auteur de l'Apocalypse anticipe en partie quelque chose qu'il développe ultérieurement. 

    Une anticipation analogue se trouve avant les sept coupes de la colère : le jugement sur Babylone est déjà annoncé en 14,6-20, avant qu'il ne soit accompli lors du versement de la septième coupe de la colère (17,1 -19,10). De telles annonces préliminaires permettent aussi de créer un suspens.

    Tandis que notre pensée occidentale s'attendrait à un enchaînement linéaire qui classerait les images les unes après les autres, le visionnaire, Jean, travaille avec des insertions et des inclusions, avec des anticipations et des développements. Alors que cette technique littéraire dynamique agit plutôt en embrouillant les lecteurs — du moins au premier abord — l'auteur a besoin de facteurs « stabilisateurs » dont voici quelques exemples. 

    Les répétitions

    Ainsi, l'Agneau apparaît non seulement dans la vision de la salle du trône (5,1ss.) et ouvre ensuite le sceau du livre (6,1ss.), mais il se présente encore en 14,1ss. avec son cortège et à la fin du livre dans la Jérusalem céleste en compagnie de Dieu lui-même (21,22s.). 

    Il en est de même pour le trône de Dieu. Il joue un rôle central non seulement dans la vision de la salle du trône encadrant la vision d'effroi et dans la vision de la Jérusalem céleste, mais aussi à l'intérieur de la vision d'effroi elle-même où on ne le perd pas de vue. Il permet ainsi aux lecteurs et aux auditeurs d'être sûrs de qui détient le vrai pouvoir (7,9-17; 14,1-5; 19,110). 

    Il est remarquable aussi que toutes séries de fléaux — les sept sceaux, les sept trompettes, les sept coupes de la colère — se terminent par des hymnes devant le trône de Dieu. De cette façon, ces hymnes montrent que tout ce qui est effrayant ne doit pas vraiment terrifier. Celui qui est capable de chanter en prison, dans la souffrance et la persécution, est plus fort que son bourreau. 

    Les encadrements 

    Cette certitude qu'en fin de compte les persécuteurs n'ont pas de prise sur les croyants, le visionnaire la donne aussi à l'aide du procédé stylistique d'un cadre dans lequel il situe sa vision d'effroi : Dieu, « celui qui est, qui était et qui vient » (1,4), est le Puissant au début du livre dans la vision céleste de la salle du trône (Ap 4s.) et il exerce son pouvoir à la fin dans la « Jérusalem céleste » (Ap 21s.); il est « l'Alpha et l'Oméga » (1,8; 21,6; 22,13).

    La relecture 

    Dans l'ensemble, Jean amène son lecteur et auditeur en voyage, dans un mouvement qui, comme pour le chemin de l'Exode, le conduit par des plaies vers la Terre Promise, vers l' « être avec Dieu » vers la « Jérusalem céleste ». 

    Pour les lecteurs et auditeurs initiés dans les Écritures, ce n'est pas un voyage inconnu. Ils en savent déjà amplement. L'auteur de l'Apocalypse rassure ses destinataires. Ils se trouvent dans « leur monde » dans leur Écriture Sainte. 

    La référence directe aux plaies du récit de l'Exode se trouve spécialement développée dans les fléaux déclenchés par les sept trompettes, mais aussi en relation avec les coupes de la colère : Grêle (8,7; cf. Ex 9,23ss) ; eau changée en sang (8,8; 16,3s; cf. Ex 7,20s.) ; Soleil, lune et étoiles qui s'obscurcissent (8,12; cf. Ex 10,22) ; Sauterelles (9,3; cf. Ex 10,13ss.) ; Ulcères (16,2; cf. Ex9,9s.) ; Ténèbres (16,10; cf. Ex10,21s.) ; Grenouilles (16,13; cf. Ex 8,1ss.). 

    Dans cette « relecture » de l'histoire de l'Exode, les lectrices et les lecteurs vivent « leurs » plaies et accomplissent leur propre sortie, plus seulement d'Égypte, mais dans le cœur même de l'Empire romain (Pablo Richard).

    Interprétations générales

    Le langage hautement symbolique de ce livre a ouvert la voie à de très nombreuses interprétations, qui diffèrent selon les sensibilités et les époques. Cependant cinq grands courants sont en général retrouvés.  

    1.   Le premier courant inclut la thèse idéaliste, qui voit l'Apocalypse comme un combat entre les forces du bien et celles du mal. Tout est affaire de symboles. Parmi les adeptes de cette interprétation, Clément d'Alexandrie et Origène (3e siècle) peuvent être notés.  

    2.   Le deuxième courant inclut la thèse prétériste (praeter : avant), qui considère l'Apocalypse comme un livre d'histoire y retrouvant des événements comparables à ceux survenus durant la guerre de Judée (1er siècle). 

    3.   Le troisième courant, la thèse présentiste ou historique, fait le rapprochement de l'actualité et des événements décrits dans le texte. De nombreuses personnalités illustres ont soutenu cette vision, comme Wycliffe, Luther, Joseph Mede ou encore Isaac Newton. 

    4.   Le quatrième courant, thèse futuriste, voit dans ce livre une peinture des événements à venir, une prophétie. Cette dernière conception donne  lieu à de multiples interprétations, visant à rattacher les symboles à des événements du présent. 

    5.   Enfin, le cinquième courant, la thèse mystagogique, la plus permanente dans l'exégèse, qui voit dans ce livre une description de l'Église elle-même, dans sa liturgie, en tant que Jérusalem céleste. À ce titre, ce qui y est dévoilé correspond aussi aux aspects de l'Église terrestre qui n'est que son reflet en perpétuel devenir (sa liturgie, ses sacrements, ses temps – y compris ses derniers). 

     

    Approche du symbolisme de l'Apocalypse de Jean

    Œuvres inspirées par le livre biblique

     L’Apocalypse de Jean semble être le livre du Nouveau Testament qui a été le plus illustré. Mosaïques, icônes, fresques, peintures, tapisseries, enluminures, gravures ont puisé dans ce livre comme à une source puissante et intarissable, pour le plus grand bonheur des artistes qui les ont conçues, mais aussi du public. Bon nombre de ces créations artistiques ont été exposées dans les plus grandes cathédrales et les plus grands musées du monde.

     

    Fichier:Tapisserie de l'apocalypse.jpg

     

    Tenture de l'Apocalypse. Angers

      Fichier:Autun St Lazare Tympanon.jpg

     Tympan de la cathédrale Saint-Lazare d'Autun, représentant le « Jugement dernier »

    L'importance de l'Apocalypse dans le christianisme occidental a rendu ce thème très présent dans les beaux-arts, notamment au moyen âge et à la Renaissance. Il est moins systématiquement utilisé dans l'orthodoxie, même si elle connait de très belles représentations du Jugement dernier. 

    La musique a également abondamment traité le sujet : 

    ·    Une partie du texte des messes de Requiem se réfère au Jugement dernier et à l'Apocalypse (Dies Irae en particulier). 

    ·    Pierre Henry en a donné une interprétation musicale. 

    ·    Bob Marley se réfère abondamment à l'Apocalypse dans ses chansons, notamment dans son célèbre Redemption Song et dans Natural Mystic (où il évoque notamment les trompettes). 

    ·    L'album 666 des Aphrodite's Child.

    Le point de vue de l’Eglise catholique

    Les interprétations du livre de l'Apocalypse donnent lieu, indubitablement, aux débats les plus échauffés sur ces passages de la Bible. L'Église Catholique n'a pas officiellement interprété les passages difficiles de l'Apocalypse. Mais plusieurs universitaires catholiques les ont commentés et ont débattu de leurs multiples interprétations.

    L'Église Catholique autorise une très grande palette de possibilités d'interprétations qui inclut des formes de futurismes, prétérismes, historicismes et idéalismes. Par un exemple, un catholique peut croire que le livre de l'Apocalypse décrit le combat du bien et du mal comme les vivent des chrétiens pris individuellement, ou bien l'Église (idéalisme), et faire des assertions prophétiques à propos d'événements encore à venir (futurisme), et aussi se référer aux événements qui sont déjà arrivés soit dans l'Église primitive soit dans l'histoire ultérieure de l'Église (prétérisme et historicisme). 

    Dans la sphère de l’Eglise catholique, il semble exister quatre approches principales du livre de l'Apocalypse : futuriste, prétériste, historiciste, et idéaliste :

    ·         les futuristes croient que la plupart du contenu du livre de l'Apocalypse n'est pas encore accompli ;

    ·         les prétéristes disent que tout ou presque tout son contenu a été accompli au cours du premier siècle ;

    ·         les historicistes affirment que les événements décrits dans l'Apocalypse se sont actualisés plusieurs fois au cours des deux derniers millénaires ;

    ·         et les idéalistes croient que le livre de l'Apocalypse est allégorique et n'a rien ou que peu à voir avec des événements historiques.

    La flexibilité catholique se base sur le fait que l'Écriture, inspirée par Dieu, a souvent des significations différentes, quoique complémentaires.

    Depuis les premiers temps, l'Église, suivant en ceci l'exemple du Christ et des Apôtres (i.e., Luc 24:25-27; 1 Cor 10:1-4), a compris que l'Écriture devait avoir des sens différents, un sens littéral et un sens spirituel (CCC 115). Comme l'explique le catéchisme : le sens spirituel est toujours enraciné dans le sens littéral : « Le sens littéral est la signification portée par les mots de l'Écriture et découverte par l'exégése qui suit les règles véritables de l'interprétation. Tous les autres sens de l'Écriture Sacrée sont basés sur le sens littéral » (CCC 116).

    Une erreur commune est de considérer que les catholiques interprètent l'Écriture – spécialement le livre de l'Apocalypse – « symboliquement », tandis que les évangéliques l'interprètent « littéralement ».

    Cet argument a souvent été utilisé pour expliquer pourquoi l'Église catholique rejette un règne terrestre et millénaire du Christ, quoique peu de « littéralistes » se soucient d'interpréter littéralement les autres images de l'Apocalypse, comme « la Bête », « le dragon », « les sauterelles », et « les quatre cavaliers ».

    L'Église catholique dit relativement peu de choses à propos des événements futurs qui conduisent à la Seconde Venue du Christ. Beaucoup de ses enseignements sont des réfutations (explicites ou implicites), pas des affirmations, de croyances particulières comme la dichotomie dispensationaliste entre l'Église et Israël, l'Enlèvement « secret », et le royaume terrestre et millénaire.

    Ce qu'elle enseigne est aussi clair que succinct : il y aura une Seconde Venue, un temps d'épreuve que devra endurer l'Église, un Antéchrist, une conversion d'Israël au Christ, un jugement définitif de tous les peuples, et l'accomplissement du Royaume qui a déjà commencé dans l'Église. 


    En tenant compte de ces paramètres, les chrétiens peuvent explorer librement, fouiller les écritures, et chercher à mieux comprendre la Parole de Dieu.

    Pour conclure, du moins provisoirement

    L'Apocalypse, dernier livre de la Bible, jouit d'une réputation détestable : on veut généralement y trouver l'annonce prophétique des catastrophes qui annonceront la fin du monde.  C'est un total contresens. Il n'est besoin, pour s'en convaincre, que de lire les premiers mots du livre : « Apocalypse de Jésus-Christ » et, un peu plus loin : « Heureux celui qui lit (ces paroles)... ». Le livre est donc un écho du message de Jésus-Christ, un message de bonheur.  

    La parole de Dieu a une efficacité qui dépasse les limitations humaines. Elle ne vieillit pas et ce qu'elle accomplit demeure à jamais : Dieu est, selon l'Apocalypse, celui qui était, qui est et qui vient. Ce livre prophétise aussi bien sur ce qui est arrivé, sur ce qui arrive, que sur ce qui doit arriver plus tard.

    Il faut pourtant reconnaître qu'on y trouve des descriptions étonnantes et des chiffres mystérieux. Ce ne sont pas des indications codées invitant à des identifications passées, présentes ou à venir, ni à des calculs chronologiques. Il s'agit d'un langage symbolique emprunté aux prophètes de l'Ancien Testament et dont il faut saisir la signification. 

    L'Apocalypse de Jean est, dans la Bible, un livre bien étrange qui semble plein de secrets redoutables que l'on tente toujours à nouveau de percer. Or, depuis quelques années, on a découvert d'anciens écrits juifs qui projettent sur l'Apocalypse une lumière nouvelle : les malheurs des fidèles y sont considérés comme l'aspect visible et superficiel d'une histoire en réalité glorieuse ; l'intervention dernière de Dieu a commencé et l'histoire présente en révèle les signes à qui sait voir.

    L'Apocalypse est la transposition chrétienne de ce message : depuis la venue du Christ, le monde est entré dans l'ère finale, Satan est défait et la victoire de Dieu et des siens est certaine. 

    C'est un message de dimension cosmique, mais le fantastique est mis au service d'un évangile à vivre présentement sur la terre. Les chrétiens d'Asie mineure du 1er siècle risquaient la persécution et la mort à refuser le culte de l'empereur. L'Apocalypse leur dit que le totalitarisme du pouvoir n'est le plus fort qu'en apparence.

     

    Le Christ est le vrai vainqueur et les chrétiens peuvent participer à cette victoire dès maintenant et pour l'éternité. Loin d'être un recueil de menaçantes prophéties sur la fin du monde, l'Apocalypse est un message de vie qui appelle à une constante vigilance pour mieux servir le Seigneur de l'univers. 

      

    L'Apocalypse n'est pas un livre de terreur : il est un livre du désir. Pour les croyants, ce n'est pas la fin du monde qui est redoutée, mais la continuation sans clôture discernable de l'épreuve qu'ils ne cessent de subir.

     

    Si tel est ton désir, mon Frère, je te souhaite à présent une lecture de l’Apocalypse en espérant t’en avoir facilité l’accès.

     

    Synthèse de recherches mise en page par le Frère André B.

    Sitographie

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Apocalypse

    http://lepeupledelapaix.forumactif.com/t13236-les-interpretations-faites-a-lapocalypse-de-saint-jean

    http://www.jeuxvideo.com/forums/1-89-280022-1-0-1-0-interpretations-de-l-apocalypse.htm

    http://www.bible-service.net/site/942.html

    http://formationkt.over-blog.com/article-apocalypse-de-jean-53077262.html

    http://www.cosmovisions.com/textApocalypse.htm

     

    Bibliographie

    Alexander John H.

    L'Apocalypse verset par verset

    Genève-Paris, La Maison de la Bible, 9e édition, 2001

     

    Bernard Allo E.

    Saint Jean, L'Apocalypse

    Éditions Large, 1933

     

    Brütsch Ch.

    La clarté de l'Apocalypse

    Commentaires bibliques

    Editions Labor et Fides, Genève, 1966

     

    Cothenet E.

    Le Message de l’Apocalypse

    Editions Mame/Plon, 1995

     

    Delebecque E.

    L’Apocalypse de saint Jean

    Commentaire grammatical et philologique

    Editions Mame, 1992

     

    Gardner Laurence

    La descendance de Marie Madeleine au-delà du Code Da Vinci

    Guy Trédaniel Editeur, Parie, 2007

     

    Herrmann Léon

    La vision de Patmos

    Texte grec de l'Apocalypse, avec traduction française en regard

    Bruxelles, Collection Latomus LXXVIII, 1965

     

    Läpple A.

    L'Apocalypse de Jean

    Editions du Cerf, 1970

     

    Prévost Jean-Pierre

    Les symboles de l’Apocalypse

    Editions Bayard, 2012

     

    Prigent Pierre

    L'Apocalypse de saint Jean

    Editions Labor et Fides, 2000

     

    Saout Y.

    Je n’ai pas écrit l’Apocalypse pour vous faire peur

    Editions Bayard, 2000

     

    Steiner Rudolf

    L'Apocalypse de Jean

    Présentation selon une autre perspective que la tradition des églises chrétiennes

    Editions Triades, 2005

     

    Urs von Balthasar Hans

    L’Apocalypse

    (Court et dense commentaire).

    Éditions du Serviteur, 2000


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