• * Croyez à l'Evangile

    240218 – Liturgie du 1er dimanche de Carême

     Carême : « Croyez à l’Évangile » 

     1er dimanche de Carême 

    * Croyez à l'Evangile

    Introduction :

    Pour qui est familier de la Parole de Dieu, c’est-à-dire tout catholique pratiquant, les textes de ce jour apparaissent comme une relecture chrétienne de l’histoire sainte. C’est ce que fait saint Pierre, dans la seconde lecture, en nous parlant de Noé et du déluge comme d’une figure du baptême qui nous sauve maintenant.

    L’Évangile de Marc est lui aussi une relecture de l’Ancien Testament à la lumière du Christ. Tout le monde a surement à l’esprit toutes les images de l’histoire sainte qui sont dans cet évangile. Il est peut-être bon de les reprendre et de voir ce qu’elles nous disent du Carême.

    Père Damien Stampers – Diocèse de Blois

    Le rituel de l’imposition des cendres, qui ouvre la période du Carême, souligne à la fois notre égalité devant la mort et la possibilité de faire le bien durant notre vie terrestre.

    L’imposition des cendres nous rappelle notre condition humaine. Nous sommes des êtres de passage, des pèlerins sur cette terre. En cela, nous sommes tous égaux : personne ne peut se dire supérieur aux autres. Ce simple rappel est salutaire : il remet chacun à sa place.

    Si le temps de notre passage sur terre est compté, alors allons à l’essentiel !

    Cet appel à la conversion peut être entendu comme une invitation à accepter et à habiter pleinement notre condition finie. Une condition que le Christ a librement épousée en devenant « semblable aux hommes » (cf. Ph 2,7). Au cours de sa vie terrestre, il n’a cessé de manifester que la finitude humaine n’empêche pas de se comporter en homme de bien.

    L’Évangile est dès lors une invitation à faire de même en mettant en œuvre nos capacités à faire le bien. Des capacités qui nous viennent de Dieu et que nous découvrons et entretenons grâce à la prière, au jeûne et au partage.

    Bon chemin de Carême !

    Dominique Greiner, le 17 février 2023 sur le site « La Croix »

    Alliance de Dieu avec Noé qui a échappé au déluge

    * Croyez à l'Evangile

    1ère lecture : Noé et le déluge : Dieu renonce à la violence.

    Lecture du Livre de la Genèse (Gn 9, 8-15)

    Dieu dit à Noé et à ses fils :

    « Voici que moi, j’établis mon alliance avec vous, avec votre descendance après vous, et avec tous les êtres vivants qui sont avec vous : les oiseaux, le bétail, toutes les bêtes de la terre, tout ce qui est sorti de l’arche.

    Oui, j’établis mon alliance avec vous : aucun être de chair ne sera plus détruit par les eaux du déluge, il n’y aura plus de déluge pour ravager la terre. »

    Dieu dit encore : « Voici le signe de l’alliance que j’établis entre moi et vous, et avec tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour les générations à jamais : je mets mon arc au milieu des nuages, pour qu’il soit le signe de l’alliance entre moi et la terre.

    Lorsque je rassemblerai les nuages au-dessus de la terre, et que l’arc apparaîtra au milieu des nuages, je me souviendrai de mon alliance qui est entre moi et vous, et tous les êtres vivants : les eaux ne se changeront plus en déluge pour détruire tout être de chair. »

    – Parole du Seigneur –

    Texte fourni par l’Association Episcopale Liturgique pour les pays francophones

    * Croyez à l'Evangile

    Commentaire 1 a :

    Le récit de Noé, au début de la Genèse, clôt les récits de création. Il nous montre une création, voulue bonne par Dieu, en proie à la violence et au péché. Le déluge, relu par le Nouveau Testament et les Pères de l’Église, devient une figure du baptême en engloutissant le péché et en purifiant la terre de toute cette violence et ce péché. L’image est forte et violente mais elle signifie bien ce qu’est le baptême : la mort de la mort et du péché, l’eau qui engloutit tout ce qui défigure la création. Ce déluge ouvre la voie à une Nouvelle Alliance entre Dieu et l’homme, une alliance où Dieu s’engage à ne plus toucher à la vie de l’homme et à respecter sa création. Cette alliance noachique est passée avec l’humanité entière, elle précède celle avec Abraham ou Moïse.

    Notre lecture d’aujourd’hui oublie cependant le passage où, dans le cadre de cette alliance, on demande à l’homme de faire de même : ne plus tuer aucun être humain et respecter la création.

    Le Carême est ce temps où nous nous préparons à renouveler les vœux de notre baptême. Un temps où il nous est demandé de réfléchir à notre rapport à la vie, à notre alliance avec Dieu, à notre respect de nos frères et sœurs, à notre respect de la création. Cela se traduit par la prière, l’aumône et le jeûne. La fête de Pâques n’est-elle pas la fête de la recréation, d’une création renouvelée et purifiée dans le sang de la croix ?

    Père Damien Stampers – Diocèse de Blois

    * Croyez à l'Evangile

    Commentaire 1 b :

    Tout le monde sait que Noé a construit un énorme bateau (une arche) pour se soustraire au déluge, lui et tous les siens et des exemplaires de tous les animaux. Il avait été prévenu par Dieu du désastre imminent. Mais tous les autres êtres vivants avaient été submergés parce que c'était la seule manière que Dieu avait trouvée d'extirper le mal.

    Tout le monde sait aussi qu'après la fin du déluge, pour s'assurer que le niveau de l'eau avait baissé et que la terre était désormais habitable, Noé a envoyé plusieurs oiseaux en reconnaissance. En fin de compte c'est une colombe qui lui a rapporté un rameau d'olivier tout frais, preuve que la végétation revivait.

    Ce que tout le monde ne sait pas, c'est que la Bible n'est pas la première à avoir raconté cette histoire : le récit que nous avons entre les mains (les chapitres 6 à 9 du Livre de la Genèse) a été écrit entre 1000 et 500 av. J.C. Or, bien avant, au moins vers 1600 av. J.C., en Mésopotamie circulaient au moins deux légendes (celles d'Atra-Hasis et de Gilgamesh), qui racontent également un déluge : les récits du déluge, celui de la Bible et ceux de Babylone, se ressemblent beaucoup. Il est évident que l'auteur biblique connaissait les récits babyloniens. L'histoire est à peu près la même : un héros (Atra-Hasis ou bien Outnapishtim en Babylonie, Noé dans la Bible) averti par la divinité, construit un bateau et y fait monter toute sa famille et des spécimens de tous les animaux. Les écluses du ciel s'ouvrent et le déluge engloutit la terre. Lorsque la pluie cesse, le bateau s'arrête et le capitaine lâche des oiseaux qui partent en reconnaissance pour voir où en est l'asséchement de la terre. Quand la terre est redevenue habitable, le héros quitte l'arche avec sa famille et offre un sacrifice.

    Il y a donc d'énormes ressemblances entre le récit biblique et ses ancêtres babyloniens. Mais il y a aussi des différences, et ce sont elles qui nous intéressent. C'est là que l'on peut déchiffrer la Révélation.

    En ce qui concerne la cause du déluge, pour commencer, partout à cette époque, on est persuadé que Dieu est la cause première de tous les événements. Donc, dans les récits babyloniens et biblique, il ne fait aucun doute que le déluge a été commandé par la divinité. Mais ce n'est pas pour les mêmes raisons : à Babylone, on raconte que les dieux sont fatigués par les hommes qu'ils avaient créés pour leur bon plaisir et leur service, et qui, en fin de compte, troublent leur tranquillité. Dans la Bible, le message est tout différent : les hommes ne sont pas les jouets des caprices de Dieu. C'est leur conduite mauvaise qui a contrecarré le projet initial. Voilà ce que dit la Bible : « Le Seigneur vit que la méchanceté de l'homme se multipliait sur la terre : à longueur de journée, son cœur n'était porté qu'à concevoir le mal et le Seigneur se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre. Il s'en affligea et dit : J'effacerai sur la surface du sol l'homme que j'ai créé... Mais Noé trouva grâce aux yeux du Seigneur ». Ce qui veut dire que, pour l'auteur biblique, premièrement, les hommes sont responsables de leur destin. Deuxièmement, Dieu n'engloutit pas les innocents avec les coupables.

    Autre différence, à la fin du voyage, le déluge une fois terminé, dans l'épopée de Gilgamesh, le héros babylonien est emmené au ciel et devient lui-même une divinité : il échappe définitivement au sort de l'humanité, ce qui semble être le rêve des hommes, en général. La Bible entrevoit tout autre chose : Noé reste un homme avec lequel Dieu fait une Alliance. Le projet de la Création est renouvelé. L'auteur emploie les mêmes mots pour Noé et pour Adam : « Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre... » (Gn 9, 2 et Gn 1, 28).

    Ce renouvellement de la Création est accompagné d'une promesse d'Alliance de la part de Dieu : dans le texte pourtant très court que nous avons lu aujourd'hui, il y a cinq fois le mot « Alliance » : « J'établis mon Alliance avec vous », dit Dieu. Une promesse qui ne figure nulle part ailleurs que dans la Bible : un véritable pacte entre Dieu et les hommes, un projet bienveillant de Dieu sur l'humanité : voilà une idée que l'homme n'a jamais trouvée tout seul. Il a fallu la Révélation biblique.

    Et Dieu précise bien que cette Alliance concerne toute l'humanité et pour toujours : «Voici que moi, j'établis mon Alliance avec vous, avec tous vos descendants, avec tous les êtres vivants qui sont autour de vous...». Un peu plus haut, il y a cette phrase magnifique : « Tant que la terre durera, semailles et moissons, froid et chaleur, été et hiver, jour et nuit jamais ne cesseront. » (Gn 8, 22).

    Vous avez remarqué, d'ailleurs, que Noé est bien antérieur à Abraham, il n'est pas hébreu. Il est descendant d'Adam et très probablement, il habite en Mésopotamie, mais le texte ne précise pas où : la seule précision c'est le lieu où échoue l'arche, le mont Ararat (Gn 8, 4), une montagne de 5000 m au Nord de Ninive. Aujourd'hui c'est en Turquie orientale, à la frontière de l'Arménie. Ce que la Bible veut nous dire ici, c'est que Dieu n'a pas attendu le peuple hébreu pour faire Alliance avec toute l'humanité.

    Encore une différence avec les conceptions non bibliques : lorsque le rescapé offre un sacrifice, les dieux païens hument avec plaisir le parfum, ils sont contents et récompensent le héros en le divinisant. Avec le Dieu de l'Alliance, ce n'est pas donnant-donnant : Dieu a pris les initiatives pour le bonheur de l'homme et le sacrifice devient geste de reconnaissance de l'homme pour les dons que Dieu lui a accordés.

    Pour finir, l'un des traits de génie de l'auteur biblique, c'est, bien sûr, l'image extraordinaire de l'arc-en-ciel. Il existait évidemment depuis bien longtemps quand l'auteur de la Genèse a écrit son texte : mais quelle magnifique inspiration ! Cet arc-en-ciel qui semble unir ciel et terre, qui coïncide avec le retour de la lumière après la tristesse de la pluie, c'est un beau symbole pour l'Alliance entre Dieu et l'humanité. Sans compter le jeu de mots valable en hébreu comme en français : c'est le même mot qui désigne l'arc en ciel et l'arc de tir qui servait alors pour la guerre. L'image qui nous est suggérée, c'est Dieu qui laisse son arme posée au mur.

    On voit donc ici que déjà le travail de Révélation de la Bible était très avancé : la découverte d'un Dieu qui ne se venge pas de l'humanité et qui propose son Alliance parce qu'il veut que tout être vivant soit sauvé était déjà acquise. Plus tard, inspiré par le même Esprit de la Révélation, le Livre de la Sagesse (Sg 11, 23... 26) dira : «Tu aimes tous les êtres et ne détestes aucune de tes œuvres : aurais-tu haï l'une d'elles, tu ne l'aurais pas créée...Tu as pitié de tous parce que tu peux tout...Tu les épargnes tous car ils sont à toi, Maître qui aimes la vie

    Commentaires de Marie-Noëlle Thabut

    L’Alliance est le nom donné dans la Bible

    pour dire la relation personnelle de Dieu avec le peuple d’Israël.

    Elle est le fil conducteur entre l’Ancien et le Nouveau Testament.

    * Croyez à l'Evangile

    Psaume : 24 (25), 4-5ab, 6-7bc, 8-9

    R/ Tes chemins, Seigneur, sont amour et vérité pour qui garde ton alliance.

    Seigneur, enseigne-moi tes voies, fais-moi connaître ta route.

    Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi, car tu es le Dieu qui me sauve.

    R/ Tes chemins, Seigneur, sont amour et vérité pour qui garde ton alliance.

    Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse, ton amour qui est de toujours.

    Dans ton amour, ne m’oublie pas, en raison de ta bonté, Seigneur.

    R/ Tes chemins, Seigneur, sont amour et vérité pour qui garde ton alliance.

    Il est droit, il est bon, le Seigneur, lui qui montre aux pécheurs le chemin.

    Sa justice dirige les humbles, il enseigne aux humbles son chemin.

    R/ Tes chemins, Seigneur, sont amour et vérité pour qui garde ton alliance.

    Texte fourni par l’Association Episcopale Liturgique pour les pays francophones

    * Croyez à l'Evangile

    Commentaire 2 :

    Le psaume 24/25 est l'un de ceux qui nous sont proposés le plus souvent par la liturgie : ce qui veut dire qu'il doit être pour nous le modèle de la prière par excellence. Effectivement, on y trouve rassemblés les thèmes majeurs de la prière et de la foi d'Israël. Dans les quelques versets d'aujourd'hui, j'en retiens au moins trois :

    Premier thème : le Dieu qui sauve. C'est le premier article du credo d'Israël, et le verbe « sauver » dans la foi juive, est synonyme de « libérer ». Dieu a libéré son peuple de l'esclavage en Égypte, d'abord. Il l'a libéré de l'Exil à Babylone, ensuite : deux expériences de salut, de libération accompagnées d'un formidable déplacement géographique. Le don de la terre Promise, la première fois, puis le retour à Jérusalem.

    Mais il y a d'autres esclavages, et donc d'autres libérations : Dieu en se révélant progressivement à son peuple, l'a, par le fait même, libéré des idoles. Le pire esclavage au monde est celui de l'idolâtrie. Parce que, même en prison ou en esclavage, on peut encore arriver à garder sa liberté intérieure. Mais quand on est sous la coupe d'une idole, il n'y a plus de liberté intérieure. Ne serait-ce pas même la définition d'une idole : ce qui occupe nos pensées au point de prendre la première place dans notre vie, et en définitive, de penser à notre place !

    Ce Dieu libérateur invite ceux qui croient en lui à être à leur tour des libérateurs ; en ce début de Carême, il n'est pas inutile de nous rappeler le fameux texte d'Isaïe : «Le jeûne que je préfère, n'est-ce pas ceci : dénouer les liens provenant de la méchanceté, détacher les courroies du joug, renvoyer libres ceux qui ployaient, bref que vous mettiez en pièces tous les jougs ! N'est-ce pas partager ton pain avec l'affamé ? Et encore : les pauvres sans abri, tu les hébergeras, si tu vois quelqu'un nu, tu le couvriras : devant celui qui est ta propre chair, tu ne te déroberas pas. Alors ta lumière poindra comme l'aurore... ta justice marchera devant toi et la gloire du Seigneur sera ton arrière-garde.» (Is 58, 6-8).

    Deuxième thème de la foi d'Israël : la Loi est un cadeau de Dieu. C'est la conséquence de la découverte que Dieu nous libère. La Loi est donnée à Israël pour lui enseigner à vivre en peuple libre et pour être à son tour libérateur. « Seigneur, enseigne-moi tes voies... Dirige-moi par ta vérité, enseigne-moi... Le Seigneur enseigne aux humbles son chemin... Il montre aux pécheurs le chemin, sa justice dirige les humbles ».

    Après avoir dicté la Loi à Moïse, Dieu lui a dit, comme une confidence : « Si seulement leur cœur était décidé à me craindre et à observer tous les jours tous mes commandements, pour leur bonheur et celui de leurs fils, à jamais ! » (Dt 5, 29) et Moïse a dit au peuple : « Vous veillerez à agir comme vous l'a ordonné le Seigneur votre Dieu sans vous écarter ni à droite ni à gauche. Vous marcherez toujours sur le chemin que le Seigneur votre Dieu vous a prescrit afin que vous restiez en vie, que vous soyez heureux et que vous prolongiez vos jours dans le pays dont vous allez prendre possession » (Dt 5, 32 - 33).

    On notera au passage l'image du chemin : « Seigneur, enseigne-moi tes voies, fais-moi connaître ta route... Le Seigneur montre aux pécheurs le chemin, il enseigne aux humbles son chemin. » Et le verbe « diriger » évoque bien lui aussi l'image d'un chemin : « Dirige-moi par ta vérité... Sa justice dirige les humbles ».

    L'image du chemin est typique des psaumes pénitentiels : parce que le péché, au fond, c'est une fausse route. Celui qui parle ici et qui demande à Dieu de lui indiquer le bon chemin (« Seigneur, enseigne-moi tes voies, fais-moi connaître ta route... ») est un pécheur qui sait d'expérience qu'il a bien du mal par lui-même à rester sur le droit chemin. En français aussi, soit dit en passant, on emploie l'image du chemin pour désigner notre conduite morale, puisqu'on parle du « droit chemin ». Et, en hébreu, le mot « conversion » signifie « demi-tour ». Dans la Bible, le pécheur qui se convertit fait un véritable demi-tour. Il tourne le dos aux idoles, quelles qu'elles soient, qui le faisaient esclave et il se tourne vers Dieu qui le veut libre. Au fond, le véritable examen de conscience, ce pourrait être celui qui nous fait découvrir ce qui nous empêche d'être libres pour aimer Dieu et nos frères.

    Troisième thème de la foi d'Israël : Dieu est Amour, il n'est que Don et Pardon. « Rappelle-toi, Seigneur, ta tendresse, ton amour qui est de toujours ». On reconnaît là un écho de la définition que Dieu a donnée de lui-même à Moïse dans le Sinaï : «Dieu miséricordieux et bienveillant, lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté...» (Ex 34, 6). Ce qui veut dire, une fois encore, qu'on n'a pas attendu le Nouveau Testament pour accueillir cette révélation. L'amour de Dieu est de toujours, l'Ancien Testament le sait très bien : après l'expérience de la libération d'Égypte, après la découverte de ce Dieu qui propose son Alliance à son peuple, on a pu réfléchir en termes neufs sur l'acte créateur de Dieu. Et, du coup, la conception du peuple d'Israël sur la création s'est mise à différer considérablement de celle des autres peuples. Désormais, on a compris que l'acte créateur de Dieu est un acte d'amour. Si Dieu a créé l'humanité, ce n'est pas pour satisfaire ses caprices ou son désir d'avoir des esclaves, comme on croyait en Mésopotamie, c'est par amour.

    Un amour qui s'étend à l'humanité de tous les pays et de toutes les époques : c'est ce qu'exprime le récit du Déluge, qui est notre première lecture de ce premier dimanche de Carême. En Israël, quand on pense à l'Alliance proposée par Dieu à son peuple élu, on n'oublie jamais qu'elle s'inscrit dans un cadre plus large qui est l'Alliance de Dieu avec toute l'humanité.

    Enfin, puisqu'il est Amour, Dieu n'attend rien en retour : l'amour est toujours gratuit, ou alors ce n'est pas de l'amour ! Il suffit de se laisser combler. Décidément ce psaume 24/25 est tout indiqué pour entrer en Carême !

    Commentaires de Marie-Noëlle Thabut

    Être baptisé, c'est s'engager pour Dieu ...

    * Croyez à l'Evangile

    Épître : Le baptême vous sauve maintenant.

    Lecture de la Première Lettre de saint Pierre apôtre (1 P 3, 18-22)

    Bien-aimés, le Christ, lui aussi, a souffert pour les péchés, une seule fois, lui, le juste, pour les injustes, afin de vous introduire devant Dieu ; il a été mis à mort dans la chair, mais vivifié dans l’Esprit.

    C’est en lui qu’il est parti proclamer son message aux esprits qui étaient en captivité.

    Ceux-ci, jadis, avaient refusé d’obéir, au temps où se prolongeait la patience de Dieu, quand Noé construisit l’arche, dans laquelle un petit nombre, en tout huit personnes, furent sauvées à travers l’eau.

    C’était une figure du baptême qui vous sauve maintenant : le baptême ne purifie pas de souillures extérieures, mais il est l’engagement envers Dieu d’une conscience droite et il sauve par la résurrection de Jésus Christ, lui qui est à la droite de Dieu, après s’en être allé au ciel, lui à qui sont soumis les anges, ainsi que les Souverainetés et les Puissances.

    – Parole du Seigneur –

    Texte fourni par l’Association Episcopale Liturgique pour les pays francophones

    * Croyez à l'Evangile

    Commentaire 3 a :

    La suite de Jésus depuis le premier appel, jusqu’à la mort de celui-ci et sa résurrection, donne de comprendre le sens profond de toute chose, indique le mouvement global de la vie. Pierre, le premier des témoins, en quelques phases ramassées, campe notre véritable situation.

    Nous qui avons reçu le baptême, à l’orée de ce nouveau temps liturgique, souvenons-nous pleinement de la signification de ce signe qui marque notre liberté, ce signe nous appelle à œuvrer au devenir de l’humanité entière. Nous sommes tous appelés à entrer pleinement dans le projet du Père.

    Hâtons-nous d’aller à lui sur son chemin... donnons à cette eau régénératrice de couler en nous vers les autres, tous les autres... Soyons solidaires de tous durant cette marche vers Pâques, comme nous y invite le Saint Père.

    Le Carême a commencé...

    Commentaires du Père jésuite Jean-Luc Fabre – Jardinier de Dieu – Le 17 février 2018

    * Croyez à l'Evangile

    Commentaire 3 b :

    On sait peu de choses sur les circonstances de la rédaction de cette lettre. On suppose qu'il s'agit d'une période de persécution, ce qui explique les encouragements prodigués à plusieurs reprises par l'apôtre. Par exemple : « Au cas où vous auriez à souffrir pour la justice, heureux êtes-vous... Soyez toujours prêts à justifier votre espérance devant ceux qui vous en demandent compte (sous-entendu devant les tribunaux). » (1 P 3, 14-15). Et c'est là que commence notre texte d'aujourd'hui par les mots « Car le Christ est mort pour les péchés, une fois pour toutes... ». Traduisez : votre espérance s'appuie sur la mort et la résurrection du Christ, c'est cet événement pascal qui doit vous donner toutes les audaces.

    Puis Pierre applique une nouvelle fois à Jésus l'image du Serviteur souffrant d'Isaïe (Is 53) : « Lui, le juste, il est mort pour les coupables... » Pierre n'a pas besoin d'en dire plus car, un peu plus haut, dans cette même lettre, il a longuement développé ce thème : « Le Christ a souffert pour vous, vous laissant un exemple afin que vous suiviez ses traces. Lui qui n'a pas commis de péché et dans la bouche duquel il ne s'est pas trouvé de tromperie ; lui qui, insulté, ne rendait pas l'insulte, dans sa souffrance ne menaçait pas, mais s'en remettait au juste Juge ; lui qui, dans son propre corps a porté nos péchés sur le bois, afin que, morts à nos péchés, nous vivions pour la justice ; lui dont les meurtrissures vous ont guéris. Car vous étiez égarés comme des brebis, mais maintenant vous vous êtes tournés vers le berger et le gardien de vos âmes. » (1 P 2, 21-24). Les lecteurs de Pierre, visiblement familiers de l'Ancien Testament, reconnaissaient là presque mot pour mot le portrait du Serviteur décrit par Isaïe. Ils connaissaient aussi la suite, c'est-à-dire le triomphe du Serviteur : « Il est haut placé, élevé, exalté à l'extrême » disait Isaïe (53, 1). Là encore, Pierre fait l'application à Jésus-Christ : « Dans sa chair, il a été mis à mort, dans l'esprit (c'est-à-dire par l'Esprit), il a été rendu à la vie... (il est ressuscité), il est monté au ciel, au-dessus des anges et de toutes les puissances invisibles, à la droite de Dieu. »

    Et tout ceci, c'était pour nous, « afin de nous introduire devant Dieu » comme dit Pierre. Et l'expression « pour nous » est à entendre au sens le plus large possible : c'est-à-dire que, tous, qui que nous soyons, pouvons bénéficier de cette œuvre du Christ : « Il est mort pour les coupables ». Même ceux qui, au temps de Noé, n'avaient pas été dignes de monter dans l'Arche, même ceux-là ont entendu désormais le message du salut : « Il est allé proclamer son message à ceux qui étaient prisonniers de la mort. Ceux-ci, jadis, s'étaient révoltés au temps où se prolongeait la patience de Dieu, quand Noé construisit l'arche. »

    Donc, s'il fallait résumer le début de ce passage, on pourrait dire : le Christ est mort pour tous une fois pour toutes. Reste à savoir comment nous entrons dans ce salut offert : Pierre répond « par le Baptême ». Reprenant l'exemple de Noé, il dit : «Noé construisit l'arche, dans laquelle un petit nombre de personnes, huit en tout, furent sauvées à travers l'eau. C'était une image du Baptême qui vous sauve maintenant...». Il veut dire ici que les baptisés sont comme Noé sortant à l'air libre après le Déluge. Noé, parce qu'il était un homme au cœur droit, a pu entendre et accepter la proposition d'Alliance de Dieu : « Voici que moi, j'établis mon alliance avec vous... » (Gn 9, 9 : notre première lecture). A notre tour, sortant des eaux du Baptême, nous pouvons entrer dans la Nouvelle Alliance : il nous suffit d'être prêts à nous « engager envers Dieu avec une conscience droite ». « Être baptisé, ce n'est pas être purifié de souillures extérieures, mais s'engager envers Dieu avec une conscience droite, et participer ainsi à la résurrection de Jésus Christ. »

    On retrouve ici en filigrane un autre thème cher à Pierre, celui de la pierre d'achoppement : pour celui qui croit, Jésus-Christ est un rocher sur lequel il s'appuie. Pour celui qui refuse de croire, Jésus-Christ est la pierre d'achoppement, le rocher qui fait tomber. L'eau joue le même rôle : cause de mort pour ceux qui refusent de croire, cause de vie pour les baptisés. L'eau a noyé les contemporains de Noé... elle a noyé les Égyptiens (au temps de Moïse). La même eau a porté le bateau de Noé et a protégé le peuple en se retirant devant lui et en faisant des remparts de part et d'autre de son passage. La même eau peut faire de nous des frères de Jésus-Christ, par le Baptême : il nous suffit de croire, avec une « conscience droite ».

    Désormais, nous sommes comme Noé : il a été sauvé, mis à part, en quelque sorte, pour être le signe et le témoin de la volonté de Dieu de faire Alliance avec l'humanité tout entière. À notre tour, baptisés, nous sommes signes et témoins de l'Alliance universelle. Pierre insiste sur cette universalité de la proposition d'Alliance de Dieu : c'est pour cela qu'il note le nombre huit : « Quand Noé construisit l'arche... un petit nombre de personnes, huit en tout, furent sauvées à travers l'eau. » Huit, dès l'Ancien Testament, était le nombre de la Création nouvelle, puisque la première Création (Gn 1) se déroulait en sept jours. Ces huit personnes (Noé, sa femme, et les trois couples de ses enfants) étaient ceux par qui Dieu reprenait son projet de création. Ce n'était encore qu'une image : la véritable recréation commence avec la résurrection du Christ, la nouvelle humanité naît dans les eaux du Baptême : c'est pour cela que de nombreux baptistères chrétiens des premiers siècles ou des clochers d'églises sont octogonaux.

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    Commentaires de Marie-Noëlle Thabut

    Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance.

    L’homme ne vit pas seulement de pain,

    mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.

    Ta Parole, Seigneur, est vérité, et ta loi, délivrance.

    « Les temps sont accomplis : le Règne de Dieu est tout proche ».

    * Croyez à l'Evangile

    Évangile : « Jésus fut tenté par Satan, et les anges le servaient. »

    Évangile de Jésus Christ selon saint Marc (Mc 1, 12-15)

    Jésus venait d’être baptisé.

    Aussitôt l’Esprit le pousse au désert et, dans le désert, il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient.

    Après l’arrestation de Jean, Jésus partit pour la Galilée proclamer l’Évangile de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. »

    – Acclamons la Parole de Dieu –

    Texte fourni par l’Association Episcopale Liturgique pour les pays francophones

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    Commentaire 4 a :

    L’appel à la liberté dans l’Esprit.

    Jésus est tenté pendant 40 jours, chez saint Marc (1 jour chez les autres Évangélistes synoptiques). Ces 40 jours sont une figure des 40 ans au désert vécus par le peuple hébreu après la libération d’Égypte. Comme pour Jésus, cela a lieu après le baptême, symbolisé par le passage de la Mer Rouge. Le temps du désert est le temps de l’Alliance mosaïque, le temps de la rencontre avec Dieu, le temps de la tentation. Le temps d’expérimenter la liberté que Dieu a donné à son peuple. Jésus revit l’histoire de son peuple et l’accomplit en ne cédant pas à la tentation.

    Le Carême est aussi ce temps de désert pour les baptisés. Un temps qui nous rappelle que nous sommes libres en Jésus Christ et que nous avons, dans la liberté, à faire alliance avec Dieu, à le rencontrer et à faire face aux tentations de ce monde. C’est une image de ce que nous sommes appelés à vivre dans ce temps de Carême.

    Le temps du désert et de la révélation.

    « Les temps sont accomplis, le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. » Jésus reprend les paroles des prophètes de l’Ancien Testament. Après le rappel de la création et de l’Exode, c’est le temps des prophètes qui nous est proposé à la méditation. La vie avec les bêtes sauvages nous ramène à la nouvelle création et à la venue du Messie, annoncés en Is 11.

    L’Évangile dont il est question n’est pas seulement celui des Évangélistes, les Évangiles ne sont pas encore écrits, mais bien la Bonne Nouvelle de tout l’Ancien Testament et de tout le Nouveau Testament. Cette Bonne Nouvelle, cet Évangile, c’est la Parole de Dieu qui nous accompagne depuis la création, en passant par l’Exode et les temps prophétiques, c’est la Bonne Nouvelle de Dieu qui est avec l’homme depuis les commencements. Elle s’accomplit et s’incarne en la personne du Christ, qui devient lui-même Bonne Nouvelle et Évangile.

    Le temps du Carême est ce temps où l’on reprend conscience du grand mystère qui s’accomplit à Pâques, de cet accomplissement qui est continuité de l’Histoire Sainte et non une rupture entre les anciens et les nouveaux. A Pâques, par les 9 lectures de la Vigile Pascale, nous relisons notre vie avec Dieu depuis la création jusqu’au mystère de Pâque qui est nouvelle création, nouvel Exode, nouvelle libération, nouvelle Alliance, tout en accomplissant et en reprenant ce qui précédait.

    Commentaires du Père Damien Stampers – Diocèse de Blois

    * Croyez à l'Evangile

    Commentaire 4 b :

    Chaque année, le premier dimanche de Carême, nous lisons le récit des Tentations chez l'un des trois Évangélistes synoptiques. Cette année, nous les lisons dans Saint-Marc, c'est-à-dire dans la version la plus discrète possible : « Jésus venait d'être baptisé. Aussitôt, l'Esprit le pousse au désert. Et dans le désert il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages et les anges le servaient. »

    Marc ne nous précise pas de quelles tentations il s'agit, mais la suite de son Évangile nous permet de les deviner : ce sont toutes les fois où il a dû dire non. Parce que les pensées de Dieu ne sont pas celles des hommes, et que, homme lui-même, il était entouré d'hommes, il a dû faire sans cesse le choix de la fidélité à son Père. En parcourant rapidement le seul Évangile de Marc, nous pouvons déjà en découvrir quelques unes.

    L'épisode qui nous vient tout de suite à l'esprit, parce qu'il est typique, c'est ce qui s'est passé près de Césarée de Philippe : «Jésus s'en alla avec ses disciples vers les villages voisins de Césarée de Philippe. En chemin, il interrogeait ses disciples : Qui suis-je, au dire des hommes ? Ils lui dirent Jean le Baptiste ; pour d'autres, Elie ; pour d'autres, l'un des prophètes. Et lui leur demandait : Et vous, qui dites-vous que je suis ? Prenant la parole, Pierre lui répond : Tu es le Christ. Et il leur commanda sévèrement de ne parler de lui à personne.» (Mc 8, 27-30).

    Cette sévérité même est certainement déjà signe d'un combat intérieur. Et tout de suite après, Marc enchaîne « Il commença à leur enseigner qu'il fallait que le Fils de l'Homme souffre beaucoup, qu'il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu'il soit mis à mort et que, trois jours après, il ressuscite. » (Ce qui, évidemment, cadrait mal avec le titre glorieux qui venait de lui être décerné par Pierre). Et vous connaissez la suite : « Pierre, le tirant à part, se mit à le réprimander. Mais lui, se retournant et voyant ses disciples, réprimanda Pierre ; il lui dit : Retire-toi ! Derrière moi, Satan, car tes vues ne sont pas celles de Dieu mais celles des hommes. » Il y a là, dans la bouche de Jésus l'aveu de ce qui fut la plus forte peut-être des tentations : celle d'échapper aux conséquences tragiques de l'annonce de l'Évangile.

    Tentation terriblement subtile : car elle s'accommode parfaitement bien d'un beau discours. C'est au moment même où Pierre vient de faire la plus belle déclaration, le plus bel examen de théologie, qu'il est pour le Christ occasion de tentation.

    Aussitôt après, Jésus en tire les conséquences pour ses interlocuteurs : « Si quelqu'un veut venir à ma suite, qu'il renonce à lui-même et prenne sa croix, et qu'il me suive. En effet, qui veut sauver sa vie la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l'Évangile la sauvera. » (Mc 8, 34-35).

    Jusqu'à la dernière minute, à Gethsémani, il aura la tentation de reculer devant la souffrance : « Mon âme est triste à en mourir... Père, à toi tout est possible, écarte de moi cette coupe ! Pourtant, non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ! » (Mc 14, 34-36) Il est bien clair ici que sa volonté doit faire effort pour s'accorder à celle de son Père.

    Jésus a eu certainement, on vient de le voir, la tentation de ne pas souffrir. Il a connu aussi celle de réussir. Là encore, son entourage l'y poussait. Le succès pouvait bien devenir un piège : « Tout le monde te cherche » (Mc 1, 37), lui disaient ses disciples à Capharnaüm. Je vous rappelle le contexte. Le matin du sabbat à la synagogue, d'abord, où il avait délivré un possédé, puis la journée au calme chez Simon et André, où il avait guéri la belle-mère de Pierre. Le soir tous les alentours étaient là, qui avec son malade, qui avec son possédé. Et il avait guéri de nombreux malades. La nuit suivante, avant l'aube, il était sorti à l'écart pour prier. Déception à la maison quand le jour s'était levé : s'il était parti ?

    « Tout le monde te cherche »... Il avait dû s'arracher : « Allons ailleurs dans les bourgs voisins, pour que j'y proclame aussi l'Évangile : car c'est pour cela que je suis sorti. » (Mc 1, 38). Pour cela et pas pour autre chose... Elle est là, la tentation : se laisser détourner de sa mission.

    Cela a commencé très tôt, certainement, quand il a fallu affronter les moqueries de quelques proches. Toute vocation au service des autres impose des arrachements. Sa propre famille a parfois été un obstacle à sa mission : « Les gens de sa parenté vinrent pour s'emparer de lui. Car ils disaient il a perdu la tête » (Mc 3, 21).

    Cette souffrance de l'incompréhension traduit une autre sorte de tentation, celle de convaincre par des actes spectaculaires : «Les Pharisiens vinrent et se mirent à discuter avec Jésus ; pour lui tendre un piège, ils lui demandent un signe qui vienne du ciel. Poussant un profond soupir, Jésus dit : Pourquoi cette génération demande-t-elle un signe ? En vérité, je vous le déclare, il ne sera pas donné de signe à cette génération... Et les quittant, il remonta dans la barque et il partit sur l'autre rive.» (Mc 8,11-12). Très certainement, quand Jésus décide brusquement de fausser compagnie à ses interlocuteurs du moment, que ce soient ses amis ou ses adversaires, c'est qu'il a un choix à faire.

    Ce choix est celui de la fidélité à sa mission : qu'il soit le Messie, tout le monde y pense depuis le début. Mais le problème c'est qu'une fois encore, les pensées de Dieu ne sont pas les nôtres. Par exemple, on attendait, on espérait un Messie politiquement puissant, qui chasserait l'occupant romain et restaurerait la liberté politique d'Israël. Jésus a dû sans cesse prêcher la seule grandeur de l'amour. C'est pour cela qu'à plusieurs reprises, il impose le secret à ceux qui ont entrevu son mystère (que ce soit à la Transfiguration ou ailleurs) : il ne veut pas laisser son entourage s'engager sur une fausse piste.

    Je reviens à l'épisode des Tentations. Marc trouve ici le moyen de nous faire comprendre en quelques mots que, grâce à Jésus, le mal est définitivement vaincu : les quarante jours ne sont pas plutôt écoulés, en effet, que Jésus, ne se laissant aucunement freiner dans son élan par la nouvelle de l'arrestation de Jean-Baptiste, débute sa prédication par l'annonce la plus audacieuse qui soit. « Les temps sont accomplis » ! Manière de dire que le fameux « Jour de Dieu » annoncé par les prophètes s'est enfin levé.

    On ne s'étonne pas non plus qu'il ait vécu paisiblement au désert pendant quarante jours (nombre symbolique) au milieu des bêtes sauvages : car c'est bien ainsi que le prophète Isaïe avait défini l'harmonie qui règnera dans la création nouvelle : « Le loup habitera avec l'agneau, le léopard se couchera près du chevreau. » (Is 11).

    L'Évangéliste Marc n'écrit pas comme saint Paul, mais à sa manière, il nous présente Jésus comme l'homme véritablement libre par rapport à toutes les tentations, celui qui est le premier-né de l'humanité nouvelle.

    Commentaires de Marie-Noëlle Thabut

    * Croyez à l'Evangile

    Homélie :

    Nous venons de lire les lignes qui suivent le récit du Baptême de Jésus qui est raconté tout au début de l’Évangile selon saint Marc. Son séjour au désert suit ce premier épisode de la vie de Jésus que Marc met en tête de son Évangile. Tout son Évangile se propose de scruter et de mieux connaître la vie de Jésus.

    Les textes de la Parole de Dieu dans la liturgie du Carême de l'année B nous invitent à nous préparer à célébrer avec foi le mystère de la Mort et de la Résurrection de Jésus.

    I – Jésus au désert

    Pour saint Marc le séjour de Jésus au désert est un événement majeur de la vie de Jésus et pourtant il nous le présente en trois lignes seulement. Sa présentation est très différente du récit traditionnel des trois tentations de Jésus racontées par l’Évangile de saint Mathieu où Satan offre à Jésus la satisfaction de tous ses désirs humains représentés par le pain, puis le prestige et la première place dans la société et enfin le pouvoir sur tous les royaumes du monde.

    Saint Marc n'entre pas dans les détails comme saint Mathieu. Il se contente de nous rappeler que, pendant son séjour au désert, Jésus a vécu un moment fort au départ de la mission qui sera la sienne et que Jean-Baptiste avait entrevue lorsqu’il le présentait comme l’ « Agneau de Dieu », mission confirmée par l’Esprit lors du Baptême de Jésus où il est révélé à tous et à toutes comme le « Fils bien-aimé » (Marc 1, 11).

    Mettons-nous à la place de Jésus. Il sent peser sur ses épaules tout le poids de cette mission qu'il découvre de façon plus claire maintenant. Il s’y est préparé intérieurement jusqu’alors, peut-on penser, mais maintenant c’est le passage à l’action. Retiré au désert il va préparer ce qui s'en vient.

    « Parmi les bêtes sauvages » il vit en harmonie avec la nature et « les anges le servaient » précise saint Marc pour indiquer la teneur spirituelle de ce temps de rencontre intérieure et de passage. Ainsi, Jésus affermit en lui la volonté de répondre totalement au plan de Dieu. Il triomphe des peurs et des attaques sournoises de Satan que saint Marc ne précisent pas. Au terme de ces quarante jours, Jésus, après l’arrestation de Jean-Baptiste, part en Galilée pour « proclamer l’Évangile de Dieu ».

    II – La mission de Jésus

    Jésus se lance donc avec confiance dans sa mission perçue avec plus de netteté au désert. Pour lui comme le souligne saint Marc « Les temps sont accomplis ». Sans hésitation, Jésus donne le signal de l'entrée dans les temps nouveaux. Il sait maintenant qu’il porte en lui depuis sa naissance une mission qui va maintenant se dévoiler tout au cours des trois prochaines années.

    Les temps nouveaux dont il est question sont la réponse à l’attente du peuple d’Israël. « Le Règne est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile ». Dieu se fait non seulement proche mais il se fait humain avec les humains portant leurs limites, leurs espoirs et leurs désirs les plus profonds. Jésus, Fils bien-aimé du Père, est l’un de nous. Il est l’Évangile, la Bonne Nouvelle (Cf. Marc 8, 35 et 1, 11).

    Dans ses quarante jours de prière et de lutte au désert, Jésus porte en lui ces temps nouveaux. Il les prépare dans son cœur. Il les habite. Il en dessine les contours. Il en voit la richesse et la profondeur. Son message alors prend forme. Sa prédication subséquente le présentera avec force dans ses paroles et dans ses gestes que saint Marc se plaît à nous raconter simplement sans commentaires.

    L’Évangile de saint Marc, en effet, ne se lance jamais dans de longs plaidoyers comme c’est le cas dans celui de saint Jean, par exemple. Saint Marc raconte la vie de Jésus en se contentant de rappeler les principaux faits qui nourrissent la foi des disciples de Jésus que furent les premiers chrétiens. Souhaitons que notre foi se laisse illuminer par la lumière de Dieu comme celle des premiers chrétiens.

    III – Le Carême : un chemin pascal

    Le Carême de cette année – qui est l'année liturgique B – est un chemin qui nous fait suivre Jésus de plus près. Il est explicitement pascal, en ce sens que l’horizon du parcours quadragésimal n’est pas seulement le Vendredi Saint, c’est aussi Pâques où le Ressuscité éclaire toute la route parcourue, la sienne et la nôtre. Le défiguré du Vendredi Saint devient le transfiguré de Pâques.

    Pour nous aider dans le parcours de ce chemin pascal en ce Carême, après l'Évangile sur la Tentation de Jésus le 1er dimanche du Carême et celui de sa Transfiguration le 2ème dimanche, les Évangiles des dimanches suivants tirés de l’Évangile de Jean portent sur le mystère de la Mort-Résurrection du Seigneur :

    • l’annonce du relèvement du temple de son corps (Jean 2, 13-25) ;
    • fin de l'entretien avec Nicodème sur la vie nouvelle (Jean 3, 14-21) ;
    • démarche des Grecs qui viennent trouver Jésus qui frémit à l'idée de sa Passion (Jean 12, 20-31).

    Je me suis permis de vous indiquer la tonalité de notre Carême cette année dans la liturgie de l’Église qui nous accompagnera jusqu’à Pâques pour nous aider à y entrer résolument avec cœur.

    Chaque année le temps du Carême nous est donné comme un moment où nous pouvons faire le point pour aller plus loin.

    Ce temps du Carême nous permet aussi de nous libérer de nos poids et de nos péchés en rencontrant le Seigneur dans le sacrement de la Pénitence et de la Réconciliation.

    Conclusion

    Est-il besoin, en terminant, de rappeler que le chemin du Carême se nourrit de la Parole de Dieu et des gestes que l’Église nous a proposés le Mercredi des cendres : la prière, l’aumône et le jeûne ? Ces trois gestes sont à la portée de toutes et de tous. Ils prennent les formes qu’on leur donne sous l’inspiration de l’Esprit. Je vous invite à les identifier pour vous-mêmes.

    Que ce temps du Carême, comme le disait si bien la prière d'ouverture de ce premier dimanche, nous aide à « progresser dans la connaissance de Jésus-Christ » et à « nous ouvrir à sa lumière par une vie de plus en plus fidèle ». Amen !

    Mgr Hermann Giguère P.H. – Le 16 février 2021

    Faculté de théologie et de sciences religieuses de l'Université Laval – Séminaire de Québec

    * Croyez à l'Evangile

    Prières :

    1. Seigneur, conduits par l'Esprit de notre baptême, à l'appel de ton Fils, nous commençons aujourd'hui notre marche de Carême. Que Dieu tout-puissant nous donne d'aller jusqu'au bout de notre démarche de conversion, qu'il nous pardonne nos péchés et nous conduise à la vie éternelle.

    2.

    Dieu tout-puissant,

    toi qui nous invites chaque année

    à vivre le Carême en vérité,

    donne-nous de progresser

    dans l’intelligence du mystère du Christ

    et d’en rechercher la réalisation

    par une vie qui lui corresponde.

    Lui qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,

    Dieu, pour les siècles des siècles.

    Extrait du site des acteurs de la responsabilité catéchétique - Conférence des Evêques de France

    3. Demandons à Dieu de soutenir son Église au cours du Carême, et confions-lui les besoins de notre monde...

    Dieu notre Père, tu nous appelles en ce Carême,

    à marcher à la suite de ton Fils, dans la fidélité à notre baptême.

    Que ton Esprit nous conduise et nous donne d'annoncer aux hommes

    de notre temps la Bonne Nouvelle de ton Amour.

    Par Jésus, le Christ, notre Seigneur. Amen !

    Vie liturgique, revue de pastorale liturgique publiée par Novalis

    * Croyez à l'Evangile

    Conclusion : Le peuple de l’Alliance

    Depuis mercredi dernier, nous sommes entrés dans le temps du Carême. Cette période de quarante jours ressemble au grand nettoyage du printemps. Il nous suggère de mettre au propre nos relations avec Dieu. En effet, nos relations sont salies par l’idée que nous nous faisons de lui. Trop souvent, nous pensons qu’il ne voudrait pas notre bien.

    Pour laver cette idée, la première lecture nous renvoie à l’histoire de Noé. Le Livre de la Genèse nous rapporte que, dès le départ, les hommes se sont détournés de Dieu. Ils ont sombré dans la violence. Le péché nous est présenté comme une rupture avec Dieu. Mais après le déluge, Dieu se manifeste à Noé. Il conclut avec lui une alliance de paix, une alliance universelle. C’est Dieu qui prend l’initiative. Il le fait sans condition. Même si son peuple est infidèle, Dieu reste toujours fidèle à son alliance. Cette bonne nouvelle nous rejoint tous en ce début du Carême. Si nous sommes prisonniers de nos lourds penchants ou écrasés par nos lourds soucis, Dieu prend parti pour nous. La preuve, nous la trouvons dans les Évangiles : le Christ tient si fort à nous qu’il est mort pour nous sur une croix.

    Dans sa lettre, saint Pierre revient sur le déluge : il attire notre attention sur le petit nombre de sauvés, huit en tout. Ce nombre lui permettra de mettre en valeur la grandeur du salut en Jésus : le déluge est comme une figure du baptême. Il est bien plus qu’une simple purification. La famille de Noé est ressortie vivante des eaux du déluge. Désormais, c’est l’eau du baptême qui nous sauve. Nous sommes sortis de tout ce qui nous menait vers la mort et conduits vers Dieu. C’est lui qui fait alliance avec nous et qui nous invite à marcher avec lui.

    L’Évangile nous présente précisément celui qui accomplit cette œuvre de Salut. Jésus vient d’être baptisé par Jean au bord du Jourdain. Il a été désigné comme le Fils bien aimé du Père. Aussitôt après cet événement, l’Esprit le pousse au désert. En fait la traduction est trop faible. Il faudrait dire : “L’Esprit le chasse au désert”. Nous devons aussi souligner l’importance de ce “Aussitôt” qui revient souvent dans l’Évangile de Marc. Il y a là un message important pour notre Carême. Ce n’est pas “Je commence demain ou plus tard…” C’est aujourd’hui et maintenant que le Seigneur attend ma réponse à son appel.

    Quand nous lisons cet Évangile, nous pensons aux Hébreux qui, au temps de Moïse, furent jetés au désert par Pharaon. Ils y ont vécu un exode qui a duré quarante ans. Avec l’Évangile de ce dimanche, nous voyons Jésus qui commence un nouvel exode. Les Hébreux allaient vers la Terre promise. Jésus va vers son Royaume et nous entraîne à le suivre. Tout au long de ce Carême, nous sommes invités à faire une “conversion”, un demi tour et à réorienter notre vie vers lui. Dans un monde marqué par les vacarmes des moteurs et les hurlements de la radio et de la télévision, nous penserons à réserver des zones de désert, de silence pour retrouver Dieu. Jésus est le Chemin, la Vérité et la Vie. C’est par lui et avec lui que nous allons au Père.

    Au désert, le peuple hébreu s’est révolté contre Dieu. Jésus a lui aussi connu les tentations et les épreuves qui sont celles de tous les humains. Mais parce qu’il est habité par l’Esprit, il en est sorti vainqueur. Bien mieux qu’avec Noé dans la première lecture, cette victoire du Christ sur les forces du mal est le point de départ d’une Nouvelle Alliance. Cette Alliance Nouvelle et Éternelle est offerte à “toutes les nations qui sont sous le ciel.” (Actes 2. 5) C’est LA Bonne Nouvelle que Jésus proclame à travers la Galilée : « Les temps sont accomplis, le règne de Dieu est tout proche » : « Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle ». Annoncer La Bonne Nouvelle c’est dire que le règne de Dieu est en train de commencer. Le projet de Dieu est en train de se réaliser.

    Tout au long de ce Carême, nous sommes invités à suivre Jésus au désert. Il veut nous associer à sa victoire. Souvent, nous demandons à Dieu de nous protéger. Or voilà qu’aujourd’hui, il nous conduit sur le lieu du combat. Il nous met en face de nos responsabilités. Mais il ne nous laisse pas livrés à nos seules forces. C’est avec le Christ que nous pourrons être victorieux des forces du mal. Nous pouvons vraiment nous appuyer sur lui. Son amour nous est acquis une fois pour toutes et rien ne peut nous en séparer.

    Dans notre vie, le Carême n’est pas un contre temps fâcheux. C’est un temps de libération. Nous sommes invités à nous libérer de tout ce qui nous empêche d’aller vers les autres et vers Dieu. C’est un temps pour aimer : “Quarante jours à prendre comme on prend des vacances, quarante jours à ne rien faire d’autre que d’aimer”. Jésus nous ouvre le chemin. Nous vivons dans un monde imprégné par l’indifférence, l’incroyance, la “non foi”, la mauvaise foi. C’est pour ce monde que le Christ est venu. À travers notre vie et notre témoignage de foi, tous doivent pouvoir reconnaître que « le règne de Dieu s’est approché ». Entrons résolument dans cette alliance que le Seigneur nous propose.

    Abbé Jean Compazieu – Le 13 février 2021

    Synthèse de recherches mise en page par le Frère André B.

    * Croyez à l'Evangile

    Méditation proposée par notre Frère Chapelain Jean-Paul VS :

    Dieu tout puissant, toi qui nous invites chaque année à vivre le Carême en vérité, donne-nous de progresser dans l’intelligence du mystère du Christ et d’en rechercher la réalisation par une vie qui lui corresponde.

    Références :

    http://www.gcatholic.org/calendar/2022/General-D-fr.htm

    https://www.catholique-blois.net/actualite/commentaires-evangile/annee-2021/1er-dimanche-de-careme-b-21-fevrier-2021#:~:text=Dieu%20dit%20%C3%A0%20No%C3%A9%20et,est%20sorti%20de%20l'arche.

    https://www.la-croix.com/Debats/Careme-Croyez-lEvangile-2023-02-17-1201255612

    https://www.aelf.org/2024-02-18/belgique/messe

    https://www.catholique-blois.net/actualite/commentaires-evangile/annee-2021/1er-dimanche-de-careme-b-21-fevrier-2021#:~:text=Dieu%20dit%20%C3%A0%20No%C3%A9%20et,est%20sorti%20de%20l'arche.

    https://jardinierdedieu.fr/article-etre-baptise-c-est-engage-envers-dieu-100043841.html

    https://www.catholique-blois.net/actualite/commentaires-evangile/annee-2021/1er-dimanche-de-careme-b-21-fevrier-2021#:~:text=Dieu%20dit%20%C3%A0%20No%C3%A9%20et,est%20sorti%20de%20l'arche.

    http://thierry-jallas.over-blog.com/article-commentaires-de-marie-noelle-thabut-annee-liturgique-b-1er-dimanche-de-careme-26-fevrier-2012-99762769.html

    https://www.hgiguere.net/Homelie-pour-le-1er-dimanche-du-Careme-Annee-B-Les-temps-sont-accomplis_a994.html

    https://dimancheprochain.org/9079-homelie-du-1er-dimanche-du-careme-6/

    Magnificat du dimanche 18 février 2024 page 240


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