• * L'Amour

    220927

    Rubrique « En Chapitre de Commanderie »

    Lors du Chapitre du 27 avril 2022, le parchemin ci-dessous a été présenté sous forme de dialogue par cinq Chevaliers, membres de la Commanderie Majeure Notre-Dame du Temple.

     L’Amour 

    Mes bien chers Frères et Sœurs,

    Il y a de nombreuses semaines, en nous penchant sur les écrits de Jean l’Évangéliste, nous avons pris conscience qu’au sein du collège apostolique, saint Jean occupe une place de choix, représentant l'Amour.

    C’est pourquoi j’ai proposé au Conseil prieural de prévoir l’Amour comme nouveau sujet de réflexion lors d’un de nos Chapitres. Et nous y voici !

    Pourtant, noble Frère Commandeur, nous avons coutume de nous appeler « Frères » et « Sœurs ». Ne devrions-nous pas prioritairement réfléchir sur la fraternité qui nous unit ?

    Certes, Frère Gardien, la notion de fraternité a aussi une grande importance au sein de notre Ordre, et, je vous le concède bien volontiers, nous pourrions peut-être commencer nos réflexions en rappelant la distinction que nous pouvons opérer entre Amour fraternel et amitié fraternelle.

    Mes bien chers Frères et Sœurs, on peut parler de fraternité à l’échelon d'un groupe telle la fraternité au sein d'une association qui unit ceux qui luttent pour une même cause : la fraternité d’armes qui unit des combattants, ou encore la fraternité scoute, la fraternité qui unit les Francs-maçons, la fraternité monacale, la fraternité sportive…

    Au sens le plus large, mes bien chers Frères et Sœurs, la fraternité universelle s'exprime notamment dans des idéaux comme le christianisme, l'œcuménisme, dans le dialogue interreligieux, dans l'universalisme, le cosmopolitisme, l'internationalisme ...

    Le concept de fraternité fait résonner l'idée que tous les hommes sont frères et devraient se comporter comme tels, les uns vis-à-vis des autres. C'est le sens de la devise de la République française « Liberté, Égalité, Fraternité ».

    La fraternité est un état d'unité, entre plusieurs personnes. C'est un sentiment qui dépasse l'égo, qui rassemble plusieurs «moi» pour faire un «nous».

    Cet ensemble porte à son fondement le respect de la personne humaine, le « moi ». C'est donc un ensemble de personnes assemblées, de volontés personnelles combinées en un mouvement.

    Il était sans doute utile de nous rappeler comment nous pouvons comprendre le sens de la fraternité qui nous unit, de par le serment que nous avons tous prononcé dès notre Réception au grade de Novice.

    En effet, Frère Gardien, rappelons-nous tous cette question essentielle qui nous a amené à notre prestation de serment : « Promettez-vous d’aimer et de venir en aide à vos Frères ? ». Question à laquelle nous avons évidemment tous répondu de manière affirmative, sans quoi nous ne serions pas ici !

    Vous venez donc de prononcer le verbe « aimer », noble Frère Commandeur.

    Cette heureuse transition va nous permettre d’entrer dans le vif du sujet de ce jour !

    Vous nous avez donc proposé de réfléchir sur le concept de l’ « Amour », noble Frère Commandeur.

    C’est là un bien vaste sujet pour un mot de cinq lettres !

    Frère Prévôt, l’Amour peut en effet revêtir plusieurs sens que nous allons tenter de développer ce soir.

    Mais la diversité d'emplois et de significations du mot Amour le rend difficile à définir de façon unie et universelle, même en le comparant à d'autres états émotionnels.

    Nous connaissons tous l'amour désir, qui fonde souvent le couple...

    Nous connaissons également l'amour affectif, qui nous fait aimer nos proches...

    En tant que concept général, l'amour renvoie la plupart du temps à un profond sentiment de tendresse et d'empathie envers une personne.

    Toutefois, même cette conception spécifique de l'amour comprend un large éventail de sentiments différents, allant de la passion amoureuse et de l'amour romantique, à la tendre proximité sans sexualité, de l'amour familial ou de l'amour platonique et à la dévotion spirituelle de l'amour religieux.

    Pour tenter d’y voir un peu plus clair, noble Frère Commandeur, peut-être pourrions-nous commencer par quelques instants de méditation agrémentés par des accents musicaux appropriés.

    Oui, Frère Prévôt, laissons nos Frères et Sœurs méditer quelques instants sur ce qu’évoque pour eux l’Amour avec un A majuscule puis laissons-les s’exprimer librement !

    Mes Frères et Sœurs, qu’évoque pour vous le mot « Amour » ?

    N.D.L.R. : Le Frère Commandeur a accordé successivement la parole à chacun de celles et ceux qui ont manifesté le désir de s’exprimer.

    .................

    Mes Frères et Sœurs, je vous remercie pour ces premières interventions de votre part.

    Frère Grand Prieur, si vous souhaitez déjà intervenir très brièvement en guise de conclusion à ces premiers propos, vous avez la parole.

    N.D.L.R. Le Frère Grand Prieur Magistral a conclu brièvement les propos entendus et a apporté quelques précisions supplémentaires.

    Cette brève conclusion nous a rappelé que…

    … l’Amour rejoint la physique, en citant les quatre forces que sont : la gravitation, l’électro magnétisation et les deux forces nucléaires.

    Le Frère Grand Prieur Magistral a également cité une phrase de Bernard de Clervaux : « Seul l’Amour conduit à Dieu. » ainsi qu’une phrase de saint Augustin : « La mesure de l’Amour est d’aimer sans mesure. ».

    Comme nous venons de l’entendre, Frère Commandeur, le verbe français « aimer » peut effectivement renvoyer à une grande variété de sentiments, d'états et de comportements, allant d'un plaisir général, lié à un objet ou à une activité, à une attirance profonde ou intense pour une ou plusieurs personnes.

    L'amour désigne un sentiment intense d'affection et d'attachement envers un être vivant ou une chose qui pousse ceux qui le ressentent à rechercher une proximité physique, intellectuelle ou même imaginaire avec l'objet de cet amour.

    Dans le cas d'une autre personne, l'amour peut conduire à adopter un comportement particulier et aboutir à une relation amoureuse si cet amour est partagé.

    Peut-être pourrions-nous à présent survoler quelques pistes historiques, noble Frère Commandeur, afin de savoir quand le mot « Amour » est apparu et quels sens il a pu prendre, par exemple, dans la Grèce antique…

    Oui, Frère Prévôt, l’étymologie du mot « Amour » et ses premières traces dans la Grèce antique pourraient en effet nous intéresser et venir conforter l’une ou l’autre des interprétations personnelles de nos Frères et Sœurs.

    Le terme est employé au 13ème siècle en langue française sous la forme « amor », une forme provenant du latin.

    On le note dès les « Serments de Strasbourg » en 842 dans une forme romane dans la locution « Pro deo amur », c’est-à-dire « pour l'amour de Dieu ».

    Le terme « amour » recouvre quatre sentiments distincts de la Grèce antique : l'éros, la philia, l'agapè et la storgê.

    La storgê est l’amour entre parent et enfant, particulièrement l'amour mère-enfant.

    La philia se rapproche de l'amitié telle qu'on l'entend aujourd'hui : c'est une forte estime réciproque entre deux personnes de statuts sociaux proches, qui mène aussi à l'entraide. Elle ne pouvait exister à l'époque qu'entre deux personnes du même sexe, du fait de l'inégalité entre hommes et femmes.

    L’agapè est l'amour du prochain proche de l'altruisme. Aujourd'hui, nous parlerions de « don désintéressé ». Il se caractérise par sa spontanéité. Ce n'est pas un acte réfléchi ou une forme de politesse mais une réelle empathie pour les autres qu'ils soient inconnus ou intimes.

    Dans la tradition chrétienne des Pères de l'Église, le mot « amour » est assimilé au concept de charité, bien que celui-ci soit plus proche d'une relation matérielle établie avec des personnes en souffrance.

    L’agapè originel ne revêt pas cette connotation morale de responsabilité devant une autorité divine.

    L’éros, lui, c’est l'amour au sens d’être amoureux ; l'amour des poètes, pour ainsi dire. Cet amour est parfois romantique ou passionné, et s'accompagne presque toujours du désir sexuel.

    Noble Frère Commandeur, peut-être pourrions-nous aussi survoler brièvement quelques approches philosophiques ?

    Oui, Frère Prévôt.

    Depuis l’Antiquité, en effet, l’Amour occupe aussi les philosophes.

    L’amour a longtemps été tenu à l’écart de la tradition philosophique occidentale.

    Aujourd’hui pourtant, des philosophes le voient comme un questionnement central dans leur réflexion.

    S’il a inspiré et inspirera sans doute encore les plus belles pages de la littérature, l’amour n’a pas fait bon ménage avec la tradition philosophique occidentale.

    Il serait faux d’affirmer que les grands philosophes ne se sont pas exprimés sur leur conception de l’amour : de Platon à Jean-Paul Sartre en passant par Montaigne et Jean-Jacques Rousseau, notamment, nombreux sont ceux qui en ont offert leur propre vision.

    L’amour, au sens général, est un élan du cœur qui nous porte vers un être. On peut même parler d’une philosophie de l’amour, comme on parle de la philosophie du vivant ou de la connaissance.

    La Philosophie de l’amour est le domaine de la philosophie sociale et l’éthique qui tente d’expliquer la nature de l’amour.

    L’enquête philosophique de l’amour cherche à distinguer les différentes sortes d’amour. Elle se demande si et comment l’amour est ou peut être justifié.

    Elle interroge la valeur de l’amour ainsi que les rapports entre aimés.

    C’est grâce à Platon, grâce à son Banquet, que la question a acquis ses lettres de noblesse.

    Pour Platon : « Toute aspiration en général vers les choses bonnes et vers le bonheur, voilà l’Amour ».

    Pour Tolstoï : « L’amour a toujours pour base le renoncement au bien individuel ».

    Pour Descartes : « L’amour est une passion qui peut naître en nous sans que nous apercevions en aucune manière si l’objet qui en est la cause est bon ou mauvais ».

    Pour Spinoza : « L’amour n’est autre chose qu’une joie accompagnée d’une cause extérieure ».

    Finalement, noble Frère Commandeur, ces points de vue nous laissent plutôt penser que l’amour est un objet insaisissable, une alchimie d’émotions et de pulsions imbriquées, qui échappe à notre compréhension !

    Mes Frères et Sœurs, nous ne pouvons pas passer sous silence l’Amour fraternel tel qu’il est vivement recommandé dans l’Ordre du Temple.

    L'amour fraternel, Frère Commandeur ? Et s'il s'agissait de quelque chose qu'on apprend, et non de quelque chose qui nous arrive ?

    L'amour fraternel que le Seigneur demande à ses « amis » trouve sa source dans l'amour paternel de Dieu.

    L’amour fraternel, enrichi par l’amour de Dieu, invite à reconnaître la dignité de chacun des membres de notre famille, même si les épreuves de la vie l’ont affaibli ou isolé.

    L'amour fraternel, c’est celui qui se rapporte à des frères et à des sœurs, au lien qui les unit.

    Et le lien qui nous unit, c’est notre serment d’appartenance à l’Ordre des Chevaliers du Temple de Jérusalem !

    Mais pourquoi est-il si important de témoigner de l’amour à ceux qui partagent notre foi, Frère Grand Prieur ?

    Tout simplement parce que l’amour est l’essence du vrai christianisme, Frère Prévôt !

    Sans amour, nous ne pouvons être proches de nos Frères, et surtout nous ne sommes rien aux yeux de l’Être Suprême que la plupart d’entre nous appellent « Dieu ».

    Pourquoi l’amour est-il primordial, Frère Commandeur ?

    Pourquoi est-il important que les chrétiens se manifestent un amour empreint d’abnégation ?

    Nous pouvons lire dans les « Actes des Apôtres » : « Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir » (Actes 20:35).

    Cette formule de Jésus énonce une grande vérité : l’amour désintéressé porte en lui sa récompense.

    S’il y a beaucoup de bonheur à recevoir de l’amour, il y en a plus encore à en donner !

    Le principal sens donné au mot « amour » dans les Écritures est celui d'un engagement résolu au sacrifice en faveur d'un autre. Nous démontrons que nous aimons Dieu lorsque nous obéissons à sa Parole.

    De puissants sentiments peuvent accompagner l'amour biblique, mais c'est l'engagement de la volonté qui rend cet amour constant et invariable. Les sentiments peuvent changer, tandis que l'engagement à aimer selon le modèle biblique est durable. Cette caractéristique marque l'authenticité du disciple de Jésus-Christ.

    Jean l’Évangéliste, disciple de notre Maître spirituel, est celui qui a rendu témoignage de la Vérité et qui a été choisi pour transmettre aux hommes l’Évangile de l’Amour.

    Lors de la célébration de la Saint-Jean d’hiver, nous avons placé notre temple sous l’égide de la Connaissance et de l’Amour.

    Quel message particulier nous a été transmis dans le cadre de cette célébration ?

    L’Amour, c’est la connaissance intime des êtres.

    Nous savons que nous sommes passés des Ténèbres à la Lumière parce que nous aimons nos Frères et que nous cherchons la Vérité.

    Celui qui dit être dans la Lumière et qui a son Frère en haine n’est-il donc pas encore dans les Ténèbres, Frère Commandeur ?

    L’Amour n’est pas pour l’homme un sentiment qu’il conçoit seulement par sa  sensibilité.

    L’Amour, comme le feu divin, est chaleur pour le cœur de l’homme et Lumière pour son intelligence.

    L’Amour, comme la Lumière est l’essence de la Vie.

    L’Amour, c’est l’espoir de la vie nouvelle.

    Toute création porte en elle une étincelle de cet Amour.

    Le véritable Frère Templier est celui qui arrive à découvrir en lui cette étincelle et qui se donne pour tâche qu’elle devienne en lui une flamme brillante pour que, consumé par son feu, il renaisse purifié, tel le Phénix !

    L’Amour est le principe éternel des êtres et leur éternelle fin.

    L’Amour, c’est le lien profond qui relie la sagesse d’aujourd’hui à celle d’hier.

    L’Amour est l’idéal absolu de l’Homme.

    Lors de toute célébration de la Saint-Jean l’Évangéliste, notre Frère Grand Prieur, assisté de nos Frères Gardien et Prévôt dédient le temple au feu de l’Amour fraternel.

    A la prison des jugements de valeur, l’Initié préfère la Vérité qui affranchit et l’Amour qui unit.

    Car, qui prend conscience de la solidarité de la Vie, en aime toutes les manifestations.

    Comme le Soleil, symbole de lumière, anime le monde de sa chaleur et l’éclaire de ses rayons, de même, la Sagesse éclaire l’intelligence de l’homme et l’Amour anime son cœur.

    Lors de la célébration de la Saint-Jean l’Évangéliste, nos Frères et Sœurs Novices peuvent découvrir que l’Amour brille en l’homme lui-même, mais que l’homme ne saurait répandre la Lumière que s’il devient Lumière lui-même.

    Quant à nos Frères et Sœurs Écuyers, ils ont pu découvrir que, bien que la Lumière de l’Amour brille en l’homme lui-même, elle n’est pas une flamme immobile.

    Rappelons-nous, mes Frères et Sœurs, cette image forte de cette cérémonie : le feu sacré de la Saint-Jean.

    Qu’il brûle en nos cœurs, nous purifie et nous donne la force et l’amour véritable !

    Je vous remercie, mes Frères et Sœurs, pour votre participation à cette réflexion.

    Puissiez-vous tous et toutes en retirer le meilleur profit, pour votre édification personnelle et pour l’édification de notre temple, car tel est notre but.

    Ce parchemin a été tracé et mis en page par le Frère Grand Chancelier Prieural


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