• * Jean le Baptiste est-il un saint ?

    Jean le Baptiste est-il un saint ?

    Lors de notre chapitre du mois de juin, consacré essentiellement à l’évocation de Jean le Baptiste, une question judicieuse a été posée lors du débat : peut-on considérer Jean le Baptiste, Jean le Précurseur comme un saint ?

    Puisqu’il semble bien que le Précurseur n’ait pas été « canonisé », la qualification de « saint » ne relèverait que de la tradition populaire. Tentons d’approfondir cette question !

    Qui est Jean le Baptiste ?

    1. Rappelons tout d’abord que Jean le Baptiste est un personnage émergeant à la fois de la tradition chrétienne et de la tradition musulmane. Il est connu respectivement sous les noms de « saint Jean-Baptiste » et sous celui de Yahyâ ibn Zakariya (Jean fils de Zacharie).

    Prédicateur en Judée avant Jésus de Nazareth, le personnage de Jean le Baptiste est très important dans les Évangiles. L’historien juif Flavius Josèphe fait une mention de « Jean, surnommé Baptiste », un petit peu moins développée que celle des Evangiles. Les Actes des Apôtres en parlent très brièvement.

    2. Dans le christianisme, Jean le Baptiste est le prophète qui a annoncé la venue de Jésus de Nazareth et l’a désigné comme l’« agneau de Dieu ». Il lui a donné le baptême sur les bords du Jourdain et a laissé ses propres disciples le suivre. Précurseur du Messie, il est donc présenté dans les Évangiles comme partageant beaucoup de traits avec le prophète Élie.

    3. La religion mandéenne en fait son prophète principal.

    4. C’est unsaint chrétien, considéré par l'islam comme un prophète descendant de 'Imran. Sa fête chrétienne est fixée au solstice d'été, le 24 juin.

    5. Jean, dit « le baptiste » est plus qu'un prophète. Son cousin Jésus lui-même l'a dit (Lc 7,26). C'est en effet un précurseur, celui qui marche devant, mais qui fait déjà partie du cortège, qui fait déjà partie des événements eschatologiques annoncés par les prophètes, ceux qui avaient prédit que la venue de Dieu serait préparée par un « Envoyé ».

    Le caractère exceptionnel de Jean-Baptiste est apparu très vite à ses contemporains qui hésitaient à le définir :

    • Les juifs se sont demandé s'il n'était pas le Messie en personne.
    • N'était-ce pas, en effet, le Bar-ha-Nash (le Fils de l'Homme), le Messie transcendant annoncé par le prophète Daniel (Dan 7,13) ?
    • N'était-ce pas Élie, ainsi que s'en inquiéta Hérode auprès de Jésus (Lc 9,8) ?
    • N'était-ce pas le prêtre, pourvu du rôle eschatologique qu'en attendaient les esséniens de Qumrân ?
    • N'était-ce pas un ange ? La question fut au centre des débats chez les Pères de l'Eglise, et l'on sait que le plus répandu des attributs de Jean-Baptiste dans l'iconologie orientale, ce sont les ailes. D'ailleurs, Origène aura sa réponse là-dessus. Pour lui, chez Jean-Baptiste, la nature angélique se trouve conjointe à la nature humaine.
    • Etait-ce enfin l'apôtre lui-même ? Un gnostique de l'époque, Héracléon, associe dans la même personne Jean l'Évangéliste et Jean le Baptiste, l'apôtre et le prophète.

    6. Il reste que pour ses contemporains, Jean-Baptiste est une grande figure religieuse du judaïsme. D'ailleurs, les pharisiens et les sadducéens n'allaient-ils pas se faire baptiser par Jean ? Au cours de l'histoire, et selon les régions et les religions, Jean-Baptiste sera vénéré ou oublié. Le judaïsme le redécouvre depuis une cinquantaine d'années, sous l'influence de l'exégète David Flusser, et aussi parce que les événements ont permis aux juifs de modifier leur attitude vis-à-vis des faits racontés dans l'Evangile. Aujourd'hui, pour les étudiants en théologie rabbinique de Jérusalem, l'enseignement de l'Evangile fait partie de la culture universitaire, les Évangiles constituant un élément important pour la connaissance de cette période de l'histoire.

    7. Les Syriens aussi sont particulièrement attachés à Jean-Baptiste, et pour cause. C'est dans la forteresse de Machéronte où Jean-Baptiste avait été incarcéré par Hérode que les gardes ont eu mission de le décapiter. La tête de Jean-Baptiste est aujourd'hui déposée dans un mausolée qu'abrite la grande salle de la Mosquée des Omeyyades à Damas. Les Syriens parlent  de Jean-Baptiste comme d'un ascète d'une exceptionnelle sainteté, comme d'un prophète aussi, qui appelle les hommes à l'adoration d'Allah, et dont la mort est entourée de circonstances merveilleuses.

    8. La branche du christianisme où Jean-Baptiste tient la plus grande place mystique, c'est l'orthodoxie. Pour la théologie orthodoxe, Jean-Baptiste appartient à un ordre de grâce absolument autre que celui de l'humanité commune. Il partage le même privilège que Marie d'être sanctifié dès le sein de sa mère, ce que le Boulgakof rapproche d'une sorte d'Immaculée Conception. Voilà pourquoi Jean-Baptiste  occupe une place privilégiée dans l'orthodoxie. Sur les icônes, qui s'intègrent à la célébration liturgique, Jean-Baptiste est situé sur le même plan que Marie, à côté de Jésus, comme une sorte de présence du monde invisible dans le monde sensible. Avant les saints. Avant les anges. Cela reflète une vision théologique fondamentale. Deux vocations majeures de Jean-Baptiste sont à retenir, qui font de lui le précurseur et le missionnaire.

    La vocation de Jean est d'éclairer le Messie et non pas de lui faire de l'ombre. Il doit diminuer pour que Jésus grandisse (Jn 1,30).

    Jean Baptiste est l'un des saints les plus vénérés de l'Église orthodoxe. Il a une place d’honneur dans l’iconostase de toutes les Églises orthodoxes du monde. Il est placé à la gauche de Jésus-Christ. Jean a été le dernier prophète de l'Ancien Testament, faisant ainsi figure de pont entre cette période et la révélation de la venue du Christ. Jésus lui-même a témoigné, en ce qui concerne Jean, « Jean était la lampe qui brûle et qui luit… » (Jean 5:35).

    9. L’Église lui a attribué plusieurs titres : Jean le Précurseur, Jean le Prophète, Jean le Messager, car il a annoncé et déclaré la venue du Christ, le Sauveur du Monde, avant même que Celui-ci ait commencé son ministère publique. « Moi, je vous baptise avec de l'eau, pour vous amener à la repentance, mais vient celui plus fort que moi… Lui vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu» (Matthieu 3:11). C’est parce qu’il annonce cette nouvelle que, sur certaines icônes, il est représenté avec des ailes, tel un ange, car le mot ange vient du grecque « angelos » qui signifie messager.

    Comme saint Jean Baptiste est un saint martyr, les couleurs liturgiques lors des célébrations eucharistiques sont rouges.

    Tout ceci ne nous permet pas encore de répondre à la question posée en chapitre :

    « Jean le Baptiste est-il un saint ? ».

    Alors il est peut-être utile de se demander ce qu’est un saint.

    Qu’est-ce qu’un saint ?

    Les saints sont des hommes ou des femmes – et dans certaines traditions des anges – distingués par différentes religions pour leur élévation spirituelle et proposés aux croyants comme modèles de vie en raison d'un trait de personnalité ou d'un comportement réputé exemplaire. Certains de ces saints peuvent être qualifiés de « martyrs » (« témoins »), lorsqu'ils ont payé de leur vie leur attachement à leur foi.

    De manière concise, la « sainteté » s'exprime comme le désir et la vocation de tout homme à rejoindre le Christ dans un état que l'on nomme « communion ». C'est, selon l'Évangile, une action impossible à l'être humain mais pas à Dieu et qui se fait par la collaboration de l'être humain à l'action divine dans le monde.

    Les saints au sens strict sont ceux qui, comme le « Bon Larron » à qui le Christ dit : « Aujourd'hui, tu seras avec moi au Paradis », sont parvenus à la béatitude éternelle, contemplent Dieu au Ciel et intercèdent pour les êtres humains ici-bas. Le « saint » est donc toute personne qui parvient à cette proximité.

    Aujourd'hui, la reconnaissance officielle du statut de saint passe par l'inscription dans le calendrier de l'Église appelé « martyrologe ».

    Les saints nous semblent souvent des êtres à part, inaccessibles, qui planent dans les hautes sphères de la perfection. Et pourtant, ce sont bien des hommes et des femmes comme nous.

    Dans l’enseignement catholique romain, une personne ne devient pas un saint tant qu’elle n’a pas été « béatifiée » ou « canonisée » par le pape ou l’éminent évêque. Dans la Bible, toute personne ayant reçu Jésus-Christ par la foi est un saint. Dans la pratique catholique romaine, les saints sont vénérés, priés, et quelques fois adorés. Dans la Bible, les saints sont appelés à vénérer, à adorer et à prier Dieu seul.

    Fort de ces dernières précisions, chacun pourra à présent se faire une idée de l’opportunité de qualifier de « saint », Jean le Baptiste, le Précurseur, le Messager et dernier prophète de l’Ancien Testament.

    Tentative de réponse proposée par le Frère André B.

     


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