• * Au pied de la Croix

    Rubrique « La Saint-Jean à la Commanderie de Saint-Léger »…

    … à l’occasion de la Saint-Jean, ce 27 décembre 2021

     L’Apôtre Jean au pied de la Croix du Christ 

    Dans le Quatrième Évangile, la croix n’est pas le lieu de l’abaissement et de l’humiliation, mais celui de l’élévation et de la glorification du Fils (cf. 3,14-15 ; 12,27-34). La croix n’est donc pas l’échec de la mission de Jésus, mais, ironiquement, le lieu de la proclamation de sa royauté. Alors qu’il semble dépouillé de tout, le roi divin règne sur l’ensemble du monde civilisé. Et de son trône, il garde l’initiative, le contrôle de la situation : il s’adresse aux siens et livre sa dernière volonté.

     * Au pied de la Croix

    Jésus est en train de mourir sur la croix. Jean se tient près de Marie.

    Jean a le courage d’accompagner Jésus jusqu’au bout.

    Jésus donne Marie pour mère à Jean, le disciple bien-aimé.

    Jean devient ainsi, symboliquement, le fils de Marie.

    Ce tableau descriptif a inspiré la piété chrétienne.

    Jean reçoit de Jésus la charge de s’occuper de sa mère et inversement.

    Marie devient la « Mère », mais pas simplement de Jean !

    Jean devient l’être aimé, le « frère », le témoin premier.

     * Au pied de la Croix

    Ici, les siens sont représentés par quatre femmes et le disciple bien-aimé. Dans l’Évangile de Jean comme dans les Évangiles synoptiques, des femmes sont présentes autour de Jésus en croix, même si leur liste diffère d’un Évangile à l’autre – Marie Madeleine étant la seule commune à toutes ces traditions.

    La particularité johannique, c’est qu’elles apparaissent avant la mort de Jésus, et au pied de la croix, alors que les Évangiles Synoptiques font mention d’elles après la mort de Jésus et à distance de la croix. Dans le Quatrième Évangile, ce sont ces différences qui vont permettre à Jésus de s’adresser souverainement aux siens, aux croyants, avant de rendre l’esprit.

    Dans ce groupe de croyants, Jean se focalise sur deux figures importantes du récit : la mère de Jésus et le disciple bien-aimé. Ces appellations mettent bien sûr en évidence leur anonymat. En omettant de les nommer, c’est le lien de proximité les unissant à Jésus qui est ainsi mis en exergue : « mère » et « bien-aimé ». C’est donc bien à ses proches, à ses intimes, que Jésus adresse son testament. Lui qui part vers son Père, lui qui sera désormais absent, ne les laisse pas dans le désarroi. Il prend soin d’eux jusqu’au bout, comme il l’a fait tout au long de son long discours d’adieu (chap. 13-17).

     * Au pied de la Croix

    Jésus s’adresse à sa mère en ces termes : « Femme, voici ton fils ». Puis au disciple : « Voici ta mère » (v. 27). Jésus les confie donc l’un à l’autre. Mais quel est le sens de cette double déclaration ? Nous pourrions certainement comprendre cette scène, au premier degré, comme une marque d’affection et d’attention portée par Jésus sur sa mère, la plaçant sous la protection matérielle du disciple bien-aimé et pourvoyant ainsi à ses besoins de femme âgée (cf. Ex. 20,12). Mais s’arrêter là limiterait grandement l’intérêt et l’intention didactiques de cette scène. Car clairement, la relation mère/fils ainsi instaurée par Jésus ne se limite pas au droit de succession et à l’affection filiale. Bien davantage : l’annonce de Jésus fonde une nouvelle famille fictive, la familia dei, l’Église, dans laquelle le disciple bien-aimé est établi comme successeur de Jésus. Il devient ainsi le remplaçant humain du Fils, recevant métaphoriquement la responsabilité du Fils envers sa mère.

     * Au pied de la Croix

    Dans cette famille nouvellement constituée et qui perdurera après le départ du Fils, le disciple a donc un rôle spécifique à jouer. En lien avec le portrait qui en est fait tout au long de l’Évangile, c’est probablement celui de témoin exemplaire qui est ici souligné. Lui qui est présenté dans le récit comme l’intime de Jésus (reposant sa tête contre la poitrine de Jésus) et comme le témoin oculaire privilégié des moments clefs de la Passion (l’annonce de la trahison, l’interrogatoire chez Anne, la crucifixion, le tombeau vide…), est à même d’assurer la juste interprétation de la révélation que le Christ a proclamée et incarnée tout au long de son ministère terrestre. C’est à lui que Jésus confie cette mission, c’est sur lui que repose la communication de son œuvre.

    Remarquez, mes bien-aimés Frères et Sœurs, que ce texte ne présente pas de réciprocité dans les rôles impartis. Non, le disciple est le seul investi d’une mission. À la fin de la scène, reconnaissant le rôle que Jésus lui a souverainement confié, il obtempère : « Dès cette heure-là, il la prit chez lui » (v. 27). Cette remarque est importante car elle remet en cause l’interprétation mariologique, si répandue, selon laquelle la mère de Jésus serait appelée à agir en tant que « mère de tous les croyants », représentés dans cet extrait de l’Évangile de Jean par le disciple bien-aimé. Mais ici, seul le disciple agit envers la mère, seul celui-ci accueille et prend soin.

    La mère de Jésus est donc simple réceptrice du soin. Mais dans le cadre symbolique ainsi exposé, il est impossible de la considérer comme unique destinataire du témoignage fidèle du disciple bien-aimé. C’est que, au-delà de sa propre personne, elle représente tous ceux qui sont réceptifs au salut, ceux qui croient, les intimes de Jésus. Ceux sont eux, membres de la famille nouvellement constituée, qui sont confiés à la direction de ce disciple, le témoin par excellence et digne de confiance.

    Par le don ultime de sa Mère au disciple qu’il aimait, Jésus inaugure un nouveau mode de relation entre Marie et ses disciples. De même que la Sainte Vierge, Notre-Dame, a porté le Seigneur dans son sein, l’a mis au monde, nourri et éduqué de telle manière qu’il advienne à sa vie d’homme et réalise pleinement sa vocation de fils d’Israël, de même, le Seigneur institue sur la Croix, Marie, Mère de tous ses disciples, avec pour mission de les faire advenir à la vie nouvelle dans le Christ, et à l’accomplissement plénier de leur vocation de fils de Dieu ; fils dans le Fils, et membres de son Corps qui est l’Église.

    Sur la Croix s’opère donc un mystérieux passage pour la Vierge Marie, une véritable « Pâque ». De Mère de Jésus qu’elle était sur le plan charnel et humain, elle devient Mère de l’Église sur le plan spirituel et mystique, par la grâce opérante de la Parole de Jésus.

     * Au pied de la Croix

    La maternité de la Vierge Marie envers tous les membres de l’Église est une réalité si importante, si essentielle, qu’elle est devenue dans l’Église catholique un article de foi, solennellement réaffirmé par le Concile Vatican II.

    Le rôle de la Vierge Marie ne s’est donc pas terminé à la fin de sa vie terrestre. Il continue aujourd’hui. Car notre Dieu « n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants » (cf. Mt 22. 32) ! C’est aujourd’hui que la Vierge Marie nous enfante à la Vie nouvelle dans le Christ. C’est aujourd’hui que Jésus nous confie sa Mère comme notre Mère. C’est aujourd’hui que sa Parole « Voici ton fils… voici ta Mère » s’accomplit.

    Conclusion :

    Le disciple que Jésus aimait a accueilli la mère de Jésus. Ainsi il s'est conformé d'une manière inconditionnelle à la parole de Jésus. La mort de Jésus est un événement souverainement efficace. Dans l'Évangile de Luc, la conversion du bon larron en est la preuve. Dans l'Évangile de Jean, la perspective est plus mystérieuse et comme plus prometteuse. La petite communauté faite de la mère de Jésus et du disciple bien-aimé est une annonciatrice de la communauté chrétienne. Le moment dramatique de la mort de Jésus est le point de départ d'une Église reconnaissable à l'amour que l'on y exerce les uns pour les autres. Des traductions plus subtiles portent au lieu de « Dès cette heure-là », « à cause de cette heure-là ». Cela signifie que la mort de Jésus n'est pas que le point de départ dans le temps de la première communauté, mais sa cause ou sa source.

    Le disciple bien aimé accueille la Mère de Jésus parmi les siens, parmi sa propre communauté, dans ce qu’il possède de plus précieux puisqu’il fut capable de reconnaître la grande dignité de cette femme dans la communauté des croyants et dans l’histoire du salut. Il ne l’a pas seulement accueillie comme sa Mère, il fut aussi, par elle, accueilli comme un fils. Ce disciple bien aimé devint donc un véritable frère pour celui qui est suspendu à la croix.

     Le Frère Commandeur de St-Léger


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