• * Le choix des armes

    Le choix des armes du futur Chevalier Templier

    Introduction

    Poursuivant mes recherches consacrées à l’Ordre du Temple et à ses aspects ésotériques, je me propose d’évoquer dans ce parchemin la préparation de l’Écuyer qui aspire au grade de Chevalier de l’Ordre du Temple.

    De nos jours, le but de la profession spirituelle de l’Écuyer est de lui permettre de faire le point sur les fondements personnels de son parcours initiatique et sur la démarche spirituelle qu’il souhaite poursuivre au sein de notre Ordre. La tâche de l’Écuyer est de se préparer spirituellement pour un évènement très important : celui de son armement en tant que Chevalier de l’Ordre du Temple. C’est par un long travail de réflexion qu’il s’y préparera.

    Il ne s’agit pas d’une simple démarche administrative, mais d’un travail longuement mûri dont l’aboutissement sera l’apparition des motivations de cette noble quête, en révélant de manière intrinsèque la voie empruntée.

    Tout au long de ce temps de préparation, il lui faut aussi concevoir et soumettre son projet strictement personnel comportant ses armes, sa devise et son nom « in ordine » qui lui appartiendront et qui le désigneront à partir du moment où il deviendra Chevalier de l’Ordre du Temple.

    Ce parchemin me donne aussi l’occasion de rappeler la définition de l’héraldique ou science du blason, c'est-à-dire l'étude des armoiries ou armes, puis de préciser ce que l’on entend par choix d’un nom, d’une devise et des armes.

    Enfin, comme il me paraît indispensable que tous les membres de notre Commanderie connaissent le sens profond que revêtent les termes d’ « Écuyer » et de « Chevalier », j’analyserai aussi ces deux termes qui nous semblent pourtant familiers.

    La préparation des armes, devise et noms in ordine

    Pour être valable, la proposition d’armes, de devise et de nom « in ordine » faite par tout Ecuyer doit être soumise à l’approbation du Héraut d’Armes de notre Commanderie et doit recevoir cette approbation, avant la date prévue pour l’armement. Chaque Ecuyer a donc tout intérêt à accomplir ce travail en temps voulu, sachant que le processus d’approbation, ainsi que le travail de recherche qui la précède, prend un certain temps. Ceci sera le cas surtout si certains éléments ne sont pas conformes aux normes ou ont déjà été attribués, et qu’un échange de nouvelles propositions s’avère nécessaire. Il convient donc de faire preuve de vigilance et de prudence !

    Dans sa forme, le travail de l’Écuyer comprend quelques pages pour présenter son projet d’armes, de nom d’Ordre et de devise, avec les motivations qui l’ont conduit à entrer et persister dans cette voie initiatique qu’il a choisi de vivre et de suivre au sein de notre Ordre. Il doit exprimer sa vie intérieure et son chemin spirituel pour lequel il aspire à devenir Chevalier, un écrit totalement personnel et intime.

    C’est pourquoi ce travail se doit d’être le fruit d’une longue maturation. Cette profession spirituelle doit être le reflet de l’âme et de son contenu doit émerger le cœur mis à nu du candidat.

    Ce travail unique, personnalisé et dénué de tout emprunt extérieur sert à permettre au prétendant d’expliquer le cheminement qui l’aura conduit à élaborer son projet d’armes, de nom d’Ordre et de devise, exprimant ainsi son projet de vie, motivé par le seul but d’appliquer sa découverte dans le monde profane.

    L’Écuyer doit donc se préparer à acquérir un nouveau nom et une devise personnelle et à se choisir des armes. C’est par eux qu’il sera connu dans l’Ordre. L’Écuyer recevra une nouvelle vêture qui marquera son rang de Chevalier Templier et il portera des armoiries qui lui seront personnelles.

    Son nom révèlera l’intimité de son être, précisera sa qualité inaltérable du Chevalier Templier. C’est dans la solitude intérieure, l’humilité et le silence de l’être que sera entendu ce nom qui viendra compléter le portrait spirituel de son porteur.

    Sa devise exprimera une perspective de développement moral et spirituel, et surtout l’axe principal selon lequel elle se réalisera.

    Son projet d’armes sera un portrait intime traduisant les tendances majeures, les potentialités ou les réalisations de son porteur, exprimant ainsi la géographie de l’âme, exposant à qui saura le comprendre, l’architecture subtile de l’individu. Cette réalité intérieure ne se découvre qu’avec le regard intérieur, car c’est en profondeur que celui-ci contemple le blason pour en pénétrer le sens et en percer les mystères : c’est ainsi qu’il connaîtra sa nature essentielle, sa vocation véritable et son identité spirituelle.

    Ces choix doivent émerger d’une profonde contemplation de sa nature et de ses caractéristiques essentielles, ainsi que des forces spirituelles qui le guident dans sa démarche spirituelle.

    Les efforts consacrés à cette tâche dépendront naturellement de la personnalité de chacun, de son implication et, dans une certaine mesure, de son originalité et de ses désirs personnels. Le Héraut d’Armes de notre Commanderie est là pour guider l’Ecuyer dans sa démarche. Il ne désire que l’aider, afin que les réalisations soient valides et significatives des caractéristiques qu’il désire exprimer, et qu’elles contribuent à son épanouissement dans l’Ordre par l’enseignement qu’il dispense.

    Nom d’Ordre

    Le Nom d’Ordre est obligatoirement en latin. Il prend toujours la forme : « Eques a… » ou « Eques ab… ». Les mots latins « a » ou « ab » signifient « à » ou « aux » et introduisent une attribution. En français, l’on dira par exemple : « Chevalier aux trois Roses ». Les deux formes du mot latin possèdent la même signification, la seule différence tient au fait que « a » est utilisé devant un terme commençant par une consonne et « ab » devant un terme commençant par un « h » ou par une voyelle. Comme les Armes et la devise que l’Écuyer choisira doivent exprimer sa personnalité, son attitude devant la vie et ses espérances, son nom doit en donner l’essence et la substance en deux ou trois mots judicieusement choisis.

    Devise

    Le choix d’une devise est une responsabilité personnelle. Idéalement, elle doit correspondre aux caractéristiques de l’individu ou à ses espérances les plus chères. Il n’est pas impératif de rédiger cette devise en latin ou dans toute autre langue classique mais, en tout cas, comme sa signification doit être claire et sans ambiguïté, elle doit au moins être grammaticalement correcte pour préserver sa signification.

    Armes

    Il y a des règles précises attachées à l’octroi d’Armes et, dans l’Ordre des Chevaliers Templiers, les lois de l’héraldique doivent être suivies aussi strictement que possible.

    Le Héraut d’Armes peut donner, à chaque Écuyer qui le sollicitera, toutes les recommandations nécessaires pour être certain qu’elles sont intégralement respectées.

    Toutefois, il faut garder à l’esprit le principe fondamental qui les sous-tend : depuis les temps les plus anciens, les Armes furent conçues pour être visibles et clairement identifiables à distance. Cela signifie qu’il existe un code des couleurs et des figures ou emblèmes qu’elles peuvent comporter. Les premières armoiries, d’ailleurs, étaient fort simples pour éviter tout risque de confusion. En fait, au cours des siècles, les mêmes principes ont été maintenus.

    La première règle qu’il est précieux d’avoir en mémoire est que ce que nous nommons « couleurs » se subdivise en deux catégories : métaux et émaux. Les diverses couleurs se nomment « émaux » en héraldisme. Les métaux sont l’or (le jaune) et l’argent (le blanc).

    La couleur, en héraldique, désigne l'attribut coloré d'un champ ou d'un fond. Il s'agit de couleurs symboliques : ainsi, le gueules se représente par un rouge, qu'il soit vermillon, écarlate, carmin ou autre. Les couleurs sont réparties en trois groupes :

    • les métaux, composés essentiellement de l'or (jaune) et de l'argent (blanc) ;
    • les émaux, composés essentiellement de l'azur (bleu), du gueules (rouge), du sable (noir), du sinople (vert) et du pourpre (violacé) ;
    • les fourrures, composés essentiellement de l'hermine et du vair, ainsi que de leurs innombrables variantes (mais dont seuls le contre-vair et la contre-hermine sont d'usage fréquent) ; ce sont en fait des compositions « bichromatiques », réunissant un émail et un métal.

    Occasionnellement on trouve de l’orange, du marron, du violet, mais ces teintes sont rares. Moins distinctes, on les qualifie d’« entachées » et elles sont souvent associées à des aspects négatifs de leur porteur (couardise, perfidie, etc.) tels que perçues par celui qui concède les Armes. Aucune distinction n’est faite entre les couleurs claires ou foncées.

    La règle fondamentale est que l’on ne doit pas mettre émail sur émail, ni métal sur métal. Ainsi un émail rouge (gueules) ne peut être mis sur du bleu (azur) par exemple, car ce sont tous deux des émaux, mais ils peuvent être mis sur un métal (or ou argent). De même un métal peut être mis sur un métal.

    A première vue, cela semble complexe, mais le but poursuivi est d’avoir un résultat le plus facilement lisible possible. Cette restriction ne s'applique pas aux fourrures, qui peuvent se superposer indifféremment sur un métal, une couleur ou même une autre fourrure. Il existe de nombreuses autres règles, et le Héraut d’Armes peut aider tout Écuyer qui le sollicite à s’assurer qu’elles sont respectées.

    Les règles du blason étant respectées, demeure le choix des Armes. Elles sont une option personnelle de leur porteur. Ceci étant dit, quelques précautions doivent néanmoins être prises. Ceux dont la famille possède déjà des armoiries peuvent être tentés de choisir des Armes qui en dérivent, de même pour leur devise s’il en existe déjà une familiale. Il est évident que de telles Armes préexistantes seraient en accord avec les lois de l’héraldique. Mais outre le fait que dans notre Ordre les Armes doivent être une expression personnelle de leur porteur, dans de nombreux pays le fait de conférer des Armes est régi par un Collège Armorial qui délivre une patente.

    Dans ce cas, le détenteur de cette patente est le seul légalement autorisé à arborer ces armoiries, avec pour exception le légitime descendant du détenteur de la patente qui en hérite, ou dans le cas de famille noble, celui qui hérite du titre auquel les Armes sont liées. Avoir le même nom que le légitime détenteur d’un blason ne constitue pas un droit de porter ses Armes.

    Les Armes ne sont pas associées à un nom, mais sont personnelles et, dans certains pays, appartiennent à une famille. Avoir un nom de famille particulier ne confère aucun droit à une quelconque modification d’armoiries se référant à l’histoire des différentes personnes qui les portèrent. Cela n’est pas sans répercussions dans les nécessaires restrictions apportées par l’Ordre, car toute utilisation publique d’Armes appartenant légitimement à quelqu’un d’autre comporte le risque de poursuites par la partie lésée, qui, naturellement, dispose de la Patente de ces armoiries ou d’un titre de propriété similaire. Si le risque est faible, les conséquences pécuniaires peuvent être importantes.

    L’acceptation d’une proposition d’Armes par les Officiers de l’Ordre et de notre Commanderie en particulier, ne constitue en aucune façon un quelconque droit sur ces Armes à l’extérieur de l’Ordre lui-même. Elles demeurent une marque propre à l’Ordre et n’ont aucune validité en dehors de lui.

    Une fois le projet de blason approuvé, il y a lieu de le reproduire sur un support en bois fourni par un Officier de notre Commanderie. A vos pinceaux, mes Frères !

    Le choix des armes du Chevalier Templier

    Abordons à présent quelques aspects un peu plus théoriques.

    Un blason, des armes, un écu, des armoiries

    Qu’entend-on par « armes » ?

    Les armes sont des emblèmes peints sur un écu (bouclier), qui doivent pouvoir être décrites dans la langue du blason, et qui désignent quelqu'un ou quelque chose. Elles ont le même rôle qu'une marque ou un logo ou un nom propre : elles sont la manière héraldique d'identifier, de représenter ou d'évoquer une personne, physique ou morale (maison ou famille, ville, corporation…). Les armes sont généralement considérées comme la propriété (intellectuelle) de cette personne, qui en est titulaire.

    Qu’est-ce qu’un « écu » ?

    L’écu ou écusson est l'élément central et principal des armoiries. C'est le support privilégié sur lequel sont représentées les armes. Cependant, plusieurs armes peuvent être représentées sur un même écu, sans nécessairement représenter une personne unique : ce peut être l'union de deux armes représentant un mariage, ou la superposition de nombreuses armes. Un écu représente donc des armes, ou une alliance d'armes. Dans tous les cas, l'écu délimite graphiquement le sujet dont parle la composition, et est suffisant pour identifier des armes ou une alliance.

    Qu’entend-on par « armoiries » ?

    Les armoiries sont ce qui est représenté graphiquement sur un objet armorié (exemple : l'écu). Les armoiries comprennent l'ensemble de la panoplie formée par l'écu, qui désigne le sujet, et ses ornements extérieurs éventuels (support, couronne, collier d'ordre…), qui disent quelque chose sur ce sujet.

    Certains ornements extérieurs (cimiers, tenants) font partie des armes (et leur sont systématiquement associés). Certains sont arbitraires ou fantaisistes (lambrequins, symboles allégoriques ou votifs), mais la plupart sont la représentation héraldique de titres, de charges ou de dignités : ils sont attribués officiellement et peuvent varier suivant l'état du titulaire à un instant donné.

    Que signifie le verbe « blasonner » ?

    « Blasonner » signifie décrire des armoiries suivant les règles de la science héraldique. Au sens strict, le blason est donc un énoncé, qui peut être oral ou écrit. C'est la description des armoiries faite dans un langage technique, le langage héraldique. Le blasonnement est l'action qui consiste à décrire des armoiries et donc à énoncer le blason qui est représenté.

    Qu’est-ce qu’un blason ?

    Le blason est ce qui en résulte : c'est la description, en termes héraldiques, de tout ce qui est significatif dans des armoiries, et plus spécifiquement sur l'écu. Le mot « blason » a une origine obscure. Il vient peut-être du francique blâsjan (torche enflammée, gloire), plus probablement du latin blasus signifiant « arme de guerre ». 

    La science du blason est très ancienne. Elle se fonda moins d'un siècle après que la mode des armoiries se fut établie au Moyen Âge.

    La correspondance entre un blason et sa représentation est au centre de l'héraldique : la donnée d'un blason doit permettre de représenter correctement des armoiries, et la lecture correcte d'armoiries doit conduire à un blason qui rend compte de tous ses traits significatifs. Deux représentations (ou armoiries) sont équivalentes si elles répondent au même blason. Ce sont alors les mêmes armes. Mais il peut y avoir plusieurs manières équivalentes de blasonner des armes.

    Les définitions ci-dessous m’ont paru précises, mais leur précision est loin de refléter l'usage réel, et reste donc très théorique. Car, en pratique, les termes « blason », « armes », « écu »... sont souvent employés les uns pour les autres, aussi bien dans des ouvrages de vulgarisation que dans les travaux d'auteurs faisant autorité.

    Qu’est-ce que « l’héraldique » ?

    L’héraldique, science du blason ou étude des armes, c'est aussi un champ d'expression artistique, un élément du droit médiéval et du droit d’Ancien Régime. Plus récemment, elle a été admise parmi les sciences auxiliaires de l'histoire au même titre que la sigillographie  (La sigillographie est l'étude des sceaux. Elle est considérée comme une des sciences auxiliaires de l'histoire. Sigillographie a pour synonyme sphragistique, terme utilisé surtout par les germanophones.)la vexillologie (La vexillologie est la branche de l’histoire qui se préoccupe des drapeaux, bannières, étendards, etc.), la phaléristique (La phaléristique est la science auxiliaire de l’histoire, qui a pour objet l’étude des ordres, décorations et médailles.), la diplomatie (La diplomatie est la connaissance des traditions qui règlent les rapports mutuels des États, art de concilier leurs intérêts respectifs.)... 

    L'héraldique s'est développée au Moyen Âge dans toute l'Europe comme un système cohérent d'identification non seulement des personnes, mais aussi en partie des lignées (le blason pouvant être transmis par héritage en traduisant le degré de parenté) et des collectivités humaines, ce qui en fait un système emblématique unique en un temps où la reconnaissance et l'identification passaient rarement par l'écrit.

    Apparue au 12ème siècle au sein des membres masculins de la noblesse, elle s'est rapidement diffusée dans l'ensemble de la société occidentale : femmes, clercs, paysans, bourgeois, communautés... Par la suite, on s'en est également servi pour représenter des villes, des régions, des pays, des corporations de métiers.

    L’héraldique est ce qui est relatif au langage du blason, à la science des hérauts, aux dessins des armoiries. Plus spécifiquement, c’est la discipline ayant pour objet la connaissance et l'étude des armoiries.

    L’héraldique recouvre quatre disciplines connexes que je vais aborder à présent.

    • Le blasonnement

    Historiquement, l'héraldique est la science des hérauts, qui dans les tournois annoncent les chevaliers en décrivant dans leur langue propre les armoiries qu'ils portent sur leur bouclier.

    Cette discipline se prolonge dans l’héraldique théorique, qui a pour objet de préciser les règles du blason, son vocabulaire, sa grammaire et sa sémantique. Elle peut devenir un sport intellectuel à part entière, consistant à décrire en termes de blason des figures très variées et originales, parfois très éloignées des compositions traditionnelles, dont la légitimité est de rester fidèle à un certain génie héraldique.

    • La composition

    La branche traditionnelle de l'héraldique s'attache à la création et à la composition des armes et blasons, pour le compte de celui qui souhaite en devenir titulaire. Cette héraldique s'appuie d'une part sur la généalogie du titulaire, d'autre part sur la symbolique particulière qu'il souhaite attacher à ses armes. L'héraldique n'étant plus réglementée en tant que telle sauf dans certains pays, cette composition poussée par la vanité du client peut parfois conduire à des excès : l'héraldique a conduit à créer de très nombreux meubles inutiles, par simple souci d'originalité. La règle fondamentale de la noblesse est que c'est au titulaire de donner du prestige à ses armes, non l'inverse, et une sobriété prudente est de mise.

    • La décoration

    La branche artistique de l'héraldique s'intéresse à la représentation graphique des blasons sous forme d'armes et d'armoiries, pour armorier toute sorte de supports.

    • L’héraldique historique

    L’héraldique historique est une science auxiliaire de l'histoire. D'une part, elle s'appuie sur les documents et meubles armoriés pour obtenir des informations particulières sur l'histoire de leur titulaire. D'autre part, elle analyse la composition de ces armes et blasons, pour étudier d'une manière générale les symboliques sociales.

    L’héraldique et le héraut

    Les figures peintes sur l'écu, stabilisées et énoncées par des hérauts, ont donné naissance à l'héraldique. L'héraldique est essentiellement la science des hérauts, et son origine ne peut se comprendre qu'à travers leur rôle.

    Le premier élément à avoir été armorié, dans un but militaire, a donc été l'écu du chevalier. Puis ces éléments ont été repris sur tout son équipement, pour permettre de reconnaître le titulaire (sur la cotte d'armes) mais aussi le représenter (bannière) ou marquer sa propriété (caparaçons, housse ou flanchières des chevaux)…

    Ce lien entre des armes et leur titulaire a ensuite été repris dans la composition des sceaux. Les armoiries sont ainsi devenues l'image de la personnalité juridique. La pratique des sceaux armoriés a étendu l'usage des armoiries à toutes les entités capables d'avoir un sceau. Cette pratique est encore vivante dans l'usage de chevalières armoriées, qui sont en principe destinées à servir de sceaux C'est pourquoi elles sont gravées en creux, et normalement portées au petit doigt.

    Le choix des armes du Chevalier Templier

    Terminons enfin cette recherche en abordant les deux « grades » qui concernent la problématique de l’armement.

    Le Chevalier

    Aux alentours de l'an mille, le terme latin miles (guerrier) a commencé à se répandre. Il désigne alors le chevalier. Ce chevalier se caractérise par le fait qu'il soit un guerrier à cheval, mais il n'est que rarement désigné par le terme equites signifiant cavalier. À l'époque où le système féodal s’est répandu, la seigneurie en était la structure de base. C'était un système devant maintenir l'ordre et la justice et ayant pour centre le château-fort.

    Le chevalier était alors un guerrier appartenant à la maison du seigneur : celui-ci devant s'entourer d'un groupe de soldats professionnels qui l'aidaient à maintenir l'ordre et à exploiter les habitants de la seigneurie et les passants. Ils participaient à cette exploitation du peuple et partageaient avec le seigneur les profits de la seigneurie.

    Dès le 11e siècle, miles devient synonyme de vassus, le vassal. Le chevalier était bel et bien le serviteur armé du châtelain : il faisait ses premières armes contre les paysans libres (les Vilains) de l'an mil et imposait le système féodal et le respect des coutumes par la force. Le château-fort et son donjon servaient alors plus à contrôler et à dominer la population qu'à la protéger...

    La chevalerie est le terme qui désigne l'institution féodale des chevaliers et les valeurs qui lui sont associées, ou lui sont devenus associées par le biais de la littérature, notamment la prouesse (le courage), la loyauté (l'honneur), la largesse (la générosité) et la notion d'amour courtois.

    Le mot « chevalerie » est un dérivé de cheval, lui-même du bas latin caballus, « mauvais cheval » (à distinguer du latin classique equus), dont les mots « cavalerie » et « cavalier » sont aussi dérivés. Le terme sous-entend une forte distinction entre les chevaliers, combattants professionnels d'élite, montés à cheval, et les paysans et les bourgeois, souvent considérés comme médiocres combattants, qui fournissaient la masse de l'infanterie, et, plus tard, de l'artillerie.

    La chevalerie a peu à peu développé ses valeurs et ses coutumes propres, sous l'influence notamment de l'Eglise et de la « courtoisie » des troubadours et trouvères, eux-mêmes fréquemment issus de la noblesse. D'une fonction militaire au service de l'aristocratie terrienne, la chevalerie est devenue une fraternité, puis un groupe social, enfin une institution. Certaines traditions de la chevalerie sont remarquables, notamment la cérémonie de l'adoubement. Les vertus traditionnelles de la chevalerie, vues par le prisme de la littérature, sont de nobles sentiments tels la piété, l'humilité, la bravoure, la courtoisie, la foi et l'honneur.

    L'usage des armoiries vient de l'évolution de l'équipement militaire entre le 11ème et le 12ème siècle et rend progressivement impossible de reconnaître le visage d'un chevalier. Le casque des chevaliers – qui figure encore dans les ornements extérieurs – enveloppait progressivement la face. Le nez était protégé par un nasal ; la coiffe du haubert – qui protégeait la tête et le cou – tendait à couvrir le bas du visage. Puis le casque fut fermé par une vantaille (Partie grillagée de la visière du heaume ou du casque, par où l'on pouvait respirer), puis définitivement clos par une visière mobile. Pour se faire reconnaître dans les mêlées des batailles et des tournois, les chevaliers ont alors pris l'habitude de peindre des figures distinctives sur leurs boucliers (meubles et pièces, ou figures géométriques).

    L'Écuyer

    L'écuyer, du latin scutiger ou « scutarius » (On trouve aussi comme synonyme scutifer ou armiger) était, à l'origine, un gentilhomme qui accompagnait un chevalier et portait son écu.

    De là, le terme « écuyer » a été employé comme titre pour un jeune homme qui se préparait à devenir chevalier. Le terme est ensuite devenu, à l'époque moderne, un rang détenu par tous les nobles non titrés. C'est toujours un titre de noblesse en Belgique.

    Les chevaliers, à l'époque des tournois, devaient présenter leurs armes afin de s'identifier. Ils étaient assistés en cela par leur écuyer, jeune homme chargé de tenir leur écu armorié. En général, l'écuyer s'occupait également de l'équipement du chevalier et de son cheval, et il apprenait le métier de chevalier à partir de 14 ans.

    Lorsque des figures distinctives ornent l’écu, l’écuyer qui le porte peut représenter le chevalier, même en son absence. L'écuyer qui porte l'écu sur sa poitrine est d'ailleurs sans doute à l'origine des tenants, dans les ornements extérieurs des armoiries, puisque les cinq régions principales de l'écu (chef, cœur, flancs dextre et sénestre, pointe) renvoient justement aux parties du corps de celui-ci. Comme l’écuyer est vu de face, « dextre » et « sénestre » sont inversés en héraldique par rapport à leur signification primitive : la dextre de l’écuyer est à la gauche de l’observateur, et inversement.

    Le choix des armes du Chevalier Templier

    En guise de conclusion toute provisoire…

    La composition d'un blason représente graphiquement la situation d'un titulaire par rapport à un certain ordre social, entre le 12ème siècle et le 19ème siècle. L'étude du blason suppose donc une certaine connaissance de la société et de son organisation en noblesse, rangs, ordres, coutumes... Cependant, avoir des armoiries n'a jamais historiquement été l'apanage d'une classe noble.

    Les armes ne sont pas nobles par nature, elles ne sont au départ que l'enseigne de leur titulaire. C'est à ce titulaire qu'il appartient de s'« ennoblir », c’est-à-dire de manifester sa noblesse par ses actes, en attirant gloire et honneur sur ses armes. La reconnaissance sociale officielle de ce caractère noble, ou « anoblissement », ne vient que reconnaître une noblesse qui a été acquise préalablement.

    Le titulaire d'un blason est la « personne » que désigne ce blason. Les armes appartiennent à un certain titulaire, dont les attributs sont représentés par les ornements extérieurs. C'est l'ensemble de cette relation que représentent les armoiries.

    La composition d'armes nouvelles traduit ce que le titulaire met en avant par rapport à un tissu de liens et de droits sociaux : symbolique primitive, mais aussi appartenance à une lignée (par les armes de sa famille), affirmation de sa généalogie (par composition des armes de ses parents, grands parents), mariage (par composition des armes du conjoint), fiefs sur lesquels on a des droits réels ou supposés, actuels ou passés.

    Tout Écuyer doit donc réfléchir avec soin au choix de ses Armes, devise et nom. Ils le représenteront et parleront de lui à ses Frères Chevaliers. Il prendra soin et joie dans ce travail. Il n’est pas particulièrement ardu, mais plus chaque Ecuyer s’impliquera dans cette tâche, plus grand sera le profit qu’il en retirera ; plus il y mettra de soins, plus grands seront les fruits de sa méditation. Tout doit être clair, spécifique, identifiable et personnel.

    Il convient donc de prendre le temps de bien réfléchir, et de ne pas oublier que notre Héraut d’Armes ne peut guère approuver les propositions d’armes, de devise ou de nom in ordine du jour au lendemain. Il aura des recherches à faire, et s’il n’approuve pas les propositions, l’Écuyer concerné sera appelé à les modifier. Donc il est important de prévoir un préavis suffisant (au moins deux mois) bien avant la date de l’armement comme Chevalier.

    Le Héraut de notre Commanderie peut éviter des difficultés et des retards éventuels en fournissant aux Écuyers quelques explications à la suite de leurs propositions, de sorte qu’il puisse suggérer d’autres solutions en temps utile.

    Puisse ce travail être utile à tous mes Frères !

    Frère André B.

     

    Ouvrages à consulter pour aller plus loin :

    Gérard de Sorval, Le langage secret du Blason, Editions Dervy, Paris, réédition 2003

    Raymond Lulle, Livre de l'Ordre de Chevalerie, Les voies du Sud - La Différence, 1991


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