• * Jacques de Molay

    230524 – Rubrique « En Chapitre de Commanderie »

    Parchemin présenté le 24 mai 2023 à la Commanderie Majeure Notre-Dame du Temple

     JACQUES de MOLAY 

    Une présentation du dernier Grand Maître historique de notre Ordre

    Jacques de Molay est né entre 1245 et 1250, probablement en 1248 au nord-ouest de la comté de Bourgogne (actuelle Franche Comté).

    Il s’agissait d’une terre d’Empire (Saint-Empire Germanique) proche de la terre de France et du duché de Champagne.

    Sa famille est de petite noblesse depuis 1138. 

    Son père Girard 1er est seigneur de Molay. Sa mère, sans aucune certitude, pourrait être Lucie de Dommarien.

    Deux membres de sa famille de la génération précédente seraient partis en croisades. Le premier, un clerc, aurait collecté des décimes dans la Grèce Franque et le second, un chevalier, aurait combattu.

    Dans sa jeunesse Jacques de Molay rentre « au Temple » à Beaune. Il y est reçu par deux dignitaires : Humbert de Peyraux et Amory de la Roche.

    1265 : une première date importante

    Il devient Chevalier du Temple en 1265 en la chapelle de la maison de Beaune. Il est âgé de 16 à 18 ans, ce qui correspond bien à l’âge requis pour un chevalier de son rang.

    L’année 1265 correspond, pour les chrétiens d’Orient, à un grand recul face aux armées musulmanes (Mamelouk). Les forteresses de Terre-Sainte nécessitent un besoin urgent d’hommes, de chevaux et d’armes. C’est sans doute à ce moment que le jeune chevalier templier est envoyé en Terre Sainte. C’est aussi à partir de ce moment que l’on perd sa trace. On ne sait dire s’il est resté en Terre Sainte ou s’il est revenu en Occident.

    En 1273, le Grand Maître Guillaume de Beaujeu (21ème Grand Maître) et dernier Grand Maître d’Orient est élu.

    En 1291, le Grand Maître Guillaume de Beaujeu est tué entre le 15 et 25 mai à Saint-Jean d’Acre. La défaite des chrétiens en Terre Sainte est inévitable.

    On ne sait dire si Jacques de Molay se trouvait à Saint-Jean d'Acre.

    L’Ordre se replie à Chypre et y établit son quartier général.

    Thibault de Gaudin assume l'intérim de la charge de Grand Maître.

    A l’automne 1291 se tient le chapitre général de l’Ordre en vue de l’élection du nouveau Grand-Maître.

    A ce moment, on ne sait dire si Jacques de Molay occupait une fonction importante au sein de l’ordre.

    Toutefois, lors de ce chapitre général, il intervient fermement et est écouté, puisque élu ! Il a un certain charisme et il est supposé qu’il « murmurait » avec d’autres contre le Grand-Maître Guillaume de Beaujeu. Ce qui va un peu à l’encontre de son vœu d'obéissance.

    Il est probable qu’il ait été écarté de fonctions importantes au sein de l’ordre par son attitude. 

    1292

    Thibault de Gaudin décède en 1292 et l’élection de Jacques de Molay en qualité de Grand Maître est confirmée le 20 avril de la même année.

    Il se trouve donc Grand Maître de l’Ordre et sous l’autorité unique du pape.

    D’illustre inconnu, il devient un personnage de premier rang !

    Ce n’est pas un politicien et il n’est pas préparé aux manigances de la politique.

    Il n’est cependant pas un inculte. Il correspond en latin et en français. Il comprend le catalan. Il est ouvert à d’autres cultures. C’est aussi un homme de guerre possédant la géographie du terrain. Il va être confronté à une situation qu’aucun Grand Maître avant lui n’avait eu à vivre.

    Il veut relancer la croisade par une réforme opérative et matérielle avec l’appui du pape Boniface VIII. Les provinces du Temple doivent être solidaires entre elles. Le monde d’occident, du Portugal à l'Irlande, se doit d’être impliqué avec l’Orient latin.

    Le Grand Maître espérait pouvoir reconquérir la Terre Sainte en une décennie. Il l’avait promis au pape et en était convaincu.

    Il est resté trois ans en occident et il a pris le temps de rencontrer les souverains concernés.

    Il n’était pas possible de se passer des Ordres militaires pour reconquérir la Terre Sainte. Soit fallait-il les unir, soit les réformer…

    Le Grand Maître et ses conseillers, à la demande du pape Boniface VIII, ont étudié la question. L’association des Templiers, des Hospitaliers et des Teutoniques dans une moindre mesure était nécessaire. C'étaient eux les forces armées sur le terrain avec qui il fallait composer.

    Après la chute d’Acre, le rapport de forces entre les chrétiens et les Mamelouks était nettement en faveur de ces derniers.

    Une alliance avec les Mongols de Perse est envisagée. Le khan mongol Ghazan envoie un ambassadeur à Nicosie, capitale du royaume de Chypre, pour nouer cette alliance. Jacques de Molay décide de le faire escorter jusqu’au pape pour appuyer cette initiative diplomatique qui n’aboutira pas.

    Néanmoins, sans attendre l’accord du pape, une alliance entre Ghazan, les Templiers de Jacques de Molay, les Hospitaliers de Guillaume de Villaret et le royaume de Chypre est nouée. Une flotte est levée en vue d’un raid sur l’Égypte. Rosette et Alexandrie sont pillées avant de regagner Chypre.

    Cette alliance ne se poursuivra pas. Cela prouve également que le Grand Maître dispose d’une liberté de décision militaire approuvée par le pape.

    Le projet pour reprendre pied en Terre Sainte suppose de créer une tête de pont pour que la marine puisse amener les ressources nécessaires pour les armées chrétiennes.

    Arouade, une île située dans la mer de Méditerranée, à trois kilomètres au large des côtes syriennes, en face de la ville de Tartous, avait été prise par les Templiers et une forteresse y avait été construite. Une force permanente placée sous le commandement du maréchal de l’ordre Barthélemy de Quincy y était stationnée.

    Faute de renforcer cette garnison, les Musulmans délogent les frères du Temple en août-septembre 1302, massacrent les sergents syriens et emmènent en captivité les Templiers survivants au Caire.

    La reconquête devra venir d’occident et ce n’est plus d’actualité pour les hommes de pouvoir en Europe.

    L’année 1303

    L’autorité pontificale est de soumettre toute autorité temporelle.

    Le pape est le seul chef, à l’ordre duquel tout le monde est tenu d’obéir et qui est le seigneur de tout le temporel et de tout le spirituel, celui qui a la plénitude du pouvoir.

    C’est le pontife suprême, successeur de Saint-Pierre.

    Celui qui n’entend pas cela est voué à l'excommunication.

    Philippe IV le Bel était en conflit avec l’autorité pontificale. Il considérait ne pas avoir, en son royaume, de supérieur au temporel.

    Il était le petit-fils de Saint-Louis (Louis IX) et voulait être affranchi du pouvoir pontifical depuis la moitié du siècle.

    Son but était d’usurper le vicariat christique à l’encontre du droit et de toute légitimité.

    Son conseiller et chancelier, Guillaume de Nogaret, mettra tout en œuvre pour qu’il puisse arriver à ses fins. 

    Le pape Boniface VIII n’est pas celui qui fléchira devant le monarque.

    Il accepte quelques compromis d’ordre financier mais avec des conditions bien strictes.

    Le 30 avril 1303, le pape tient à Latran un consistoire solennel pour confirmer l’élection d’Albert de Habsbourg. Il est élu et promu empereur et monarque de tous les rois et princes. (Soumission au Roi des Romains et à l’Empereur) sous peine d'excommunication. Le pape envisageait peut-être une croisade contre le Roi de France.

    En réaction, à Paris le 14 juin 1303, Guillaume de Plaisians lit un acte d’accusation à l’encontre du Pape, en présence du roi, de Prélats, Barons et Docteurs de l’Université. C’était un projet de Nogaret.

    Il est dit du pape qu’il est un faux pasteur, hérétique et criminel.

    Guillaume de Nogaret est chargé par son roi de capturer le pape en Italie et de le citer devant un concile général.

    L’attentat d’Anagni

    Le 07 septembre 1303, Guillaume de Nogaret, à la tête de quelques centaines de chevaliers et d’hommes d’armes, entre dans la ville d’Anagni où le pape prend ses quartiers d’été. Ils assiègent et prennent d'assaut le palais du pape et le retiennent prisonnier jusqu’à ce qu’il soit libéré par la population le 9 septembre.

    Le pape, rentré à Rome sous bonne escorte, ne survit que quelques semaines à ce coup de main et s’éteint au Vatican le 11 octobre 1303.

    En 1304, son successeur, Benoît XI annule toutes les condamnations envers Philippe le Bel et décède le 7 juillet.

    En 1305, Bertrand de Got, connu par la suite sous le nom de Clément V devient pape le 14 novembre. C’est un Français et il est à penser qu’il a été mis en place avec l’aide de Philippe IV le Bel.

    Il installe la papauté à Avignon en 1309 et se trouve donc sous la protection du Roi de France. Était-il en position pour s’opposer à ce roi ?

    En 1306, Clément V a le projet de faire des Templiers une milice pontificale et le quartier général du Temple est transféré à Paris.

    C’en est fini de la gloire de l’Ordre, de l’épopée templière et des exploits des chevaliers à la croix pattée dans les déserts de la Terre-Sainte.

    Le 13 octobre 1307, sous les ordres de Philippe IV le Bel, tous les Templiers de France sont arrêtés. C’est la dernière ligne droite de la machination.

    L’Ordre du Temple étant un état dans l’Etat, il doit disparaître.

    Suite à l’arrestation du Grand Maître, la marge de manœuvre des Templiers est très faible. C’est au pape que revient la défense de l’Ordre et les décisions à prendre à son encontre.

    Le 16 octobre 1311 s’ouvre le Concile de Vienne en Isère, chargé de juger l’Ordre du Temple. Philippe IV le Bel va utiliser tous les moyens pour influencer l’intégrité du procès. C’est un procès à charge, sans preuves avérées, seule l’accusation est privilégiée. Les accusations les plus graves pour l’époque sont avancées (idolâtrie, démonologie, sodomie et hérésie). De plus, étant soumis à la question, les aveux peuvent être obtenus par le torture. L’Ordre du Temple ne peut en sortir vainqueur.

    Il est dissout le 22 mars 1312 au Concile de Vienne (Isère). 

    L’ensemble des biens est attribué à l’Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem (Bulle « Vox in excelso »).

    Le Grand Maître Jacques de Molay connaît très bien les conséquences de la relapse et pourtant il reviendra sur ses aveux.

    L’abbé Bernard de Clairvaux avait écrit : « Le chevalier templier est vraiment un chevalier intrépide et sûr de tous les côtés, car son âme est protégée par la foi tout comme son corps est protégé par une armure d’acier. Il est donc doublement armé et n’a à craindre ni les démons ni les hommes. Non pas qu’il ait peur de la mort, non, il la désire. Pourquoi devrait-il craindre de vivre ou de craindre de mourir alors que vivre est Christ, et mourir est un gain ? »

    Il sera condamné à mort et exécuté le 11 mars 1314, brûlé vif sur l’île aux juifs à Paris. C’est un vieil homme ayant passé de nombreuses années en prison et à l’isolement. Que pouvait-il encore attendre ?

    Pour sauver la mémoire du Temple, le Grand Maître n’aura plus eu d’autre alternative que de soumettre cette injustice au jugement de Dieu. 

    En 1319, Le Roi du Portugal, Denis 1er a obtenu du pape Jean XXII que l’Ordre du Temple, avec ses hommes et ses biens, devienne l’Ordre du Christ qu’il avait créé et placé sous sa protection. En 1357, Tomar deviendra le siège de cet ordre.

     

    JACQUES DE MOLAY DERNIER GRAND MAITRE DE L’ORDRE DU TEMPLE

    Aujourd’hui encore Jacques de Molay fascine.

    Parmi les vingt-trois Grands Maîtres qui se sont succédé à la tête de l’Ordre du Temple, il est sans doute le seul dont le public intéressé par l’histoire garde la mémoire.

    Les Rois Maudits, publiés entre 1955 et 1960 par Maurice Druon, l’ont immortalisé et des films ont répandu son nom dans le monde entier.

    Pourtant, s’il est ancré dans le mythe, Jacques de Molay n’a pas beaucoup capté l’attention des historiens.

    Malgré sa célébrité, le dernier supérieur de l’Ordre du Temple reste un personnage méconnu au sujet duquel bien des incertitudes persistent.

    Si des pans entiers de sa vie échappent, notamment pour ses jeunes années, des archives inédites jettent un nouvel éclairage après une analyse plus serrée de toutes les sources disponibles.

    Jacques de Molay n’a pas toujours été un héros.

    Pendant plus de quatre siècles, entre sa mort, en mars 1314, et le milieu du 18ème siècle, le dernier grand-maître de l’ordre du Temple a même été largement oublié.

    Son retour s’est opéré, à Paris, au tournant du Consulat et de l’Empire.

    En mai 1805, le dignitaire sera mis sur scène grâce à la tragédie de Raynouard, Les Templiers, qui triomphe à la Comédie Française. 

    L’année suivante, au Salon de Paris, il sera représenté par l’artiste peintre Richard, à l’instant d’aller au supplice, dans un tableau acquis par l’impératrice Joséphine de Beauarnet et exposé à la Malmaison.

    A l’époque, les courants maçonniques reconstitués après la Révolution française ont pignon sur rue et sont sous la bienveillance de Napoléon Bonaparte lui-même.

    Jacques de Molay devient une incarnation de la vertu malheureuse, le prototype du héros tragique.

    A Paris, l’anniversaire du martyr de Jacques de Molay est célébré, avec faste, en l’église Saint-Paul. 

    Cette cérémonie se fait chaque année en présence des Maréchaux d’Empire et des régiments de la Garde Impériale.

    Un catafalque avec des supposées reliques, en l'occurrence des bouts d’os calcinés sont présentés.

    Bien sûr, cette mise en lumière du personnage ne s’est pas produite à partir de rien. 

    Plusieurs périodes avaient vu la mémoire du dignitaire refleurir, la Renaissance au premier chef, à la faveur de l’humanisme et du protestantisme, mais nul n’en parla jusqu’à ce que, dans les années 1740, tout un courant de la Franc-maçonnerie, alors en pleine expansion, développant les hauts grades, reprenant la terminologie hiérarchique du Temple, recourut pour la première fois au templarisme.

    La Franc-maçonnerie soutenant que l’ordre conduit par Jacques de Molay, malgré le procès et le verdict de suppression qui s’en est suivi, n’avait pas disparu.

    Un personnage est ainsi né, aux traits héroïques, sublimé par la peinture d’histoire, comme par l’estampe, la musique ou le feuilleton. Il a touché des catégories sociales très larges gagnant cette « immortalité populaire ».

    Cela fait partie d’une masse de déchets traditionnels, dans lesquels il y a beaucoup de mensonges avec très peu de vérité. 

    L’histoire nourrit les légendes et les légendes trahissent l’histoire.


    Conclusion

    Le Grand Maître Jacques de Molay, durant les 15 ans de son gouvernement, s’est attaqué à donner à son Ordre sa plus grande efficacité pour son profit et son indépendance. C’était un homme de son temps, c’était un homme des croisades. Son objectif était, comme il l’avait promis au pape, de reconquérir Jérusalem.

    Ainsi sur la foi de l’ensemble des sources disponibles, quelques fois inédites et en tout cas lues à nouveau frais, le parcours de Jacques de Molay, malgré certaines lacunes irrémédiables, a pu être reconstruit avec plus de continuité et de cohérence.

    Parchemin présenté par le Frère Écuyer Jean-Pierre T. 

    Bibliographie :

    Le présent parchemin est réalisé sur base de recherches et de la lecture du livre suivant :

    Philippe Josserand

    Jacques de Molay dernier Grand Maître des Templiers

    Editions Trajectoire, 2019

     * Jacques de Molay

    Philippe Josserand est titulaire d’un doctorat en histoire et maître de conférences en histoire médiévale à l’université de Nantes. 

    Mise en page par le Frère André, Grand Chancelier Prieural


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