• * Symboles de la Table capitulaire

    Travaux en Chapitre à la Commanderie de Saint-Léger

    Le 17 janvier 2020

    Les Novices les plus récemment admis au sein de notre Commanderie sont capables d'énoncer les quatre symboles essentiels et de les situer sur la Table capitulaire :

    La Pierre brute - la Corde - le Sablier - le Mortier et son Pilon

    Un autre Frère Novice, deux Frères Écuyers et un Frère Chevalier nous présentent ces quatre symboles et tentent d'en développer le symbolisme.

    1.

     * Symboles de la Table capitulaire

    Avant la cérémonie de Réception, la Pierre brute s'est imposée au regard de tout Impétrant lors de son court séjour dans le Cabinet de réflexion. Même si trouver une signification précise pouvait lui sembler prématuré, il lui était difficile d'ignorer sa présence.

    Pendant les Chapitres, la Pierre brute n'échappe pas non plus au regard car elle occupe une place en vue sur la Table capitulaire.

    La Pierre brute sera donc le sujet que je vais développer à présent.

    La Pierre brute

    Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, faisons d'abord un détour par la Bretagne. Enfouies dans le sol de Carnac et de La Trinité-sur-Mer, de grosses pierres verticales pointent vers le ciel. Ce sont des menhirs. Nous ne connaîtrons sans doute jamais leur véritable sens mais, quatre mille ans après, elles nous émeuvent toujours. Ces pierres dressées créent une présence puissante. Elles nous intriguent et nous incitent à leur trouver une signification.

    Le moment est donc venu de tenter de répondre aux questions sur leurs origines, leurs caractéristiques essentielles et les symboles qu'elles représentent.

    Quelques repères historiques et religieux

    Notre relation à la pierre est si ancienne que nous avons baptisé les débuts de l'histoire humaine « l'âge de la pierre ».

    De tous temps, la pierre a fait partie de l'humanité.

    Chauffée sur un feu, elle servait à la cuisson des aliments.

    Érigée en structures, elle abritait les vivants ou les morts.

    Depuis l'Antiquité, la pierre est utilisée comme matériau de base servant à la fabrication d'outils et d'armes, ce qui augmentait l'efficacité des premiers hommes dans leur environnement.

    Avec le temps, outils et armes ont été dotés d'un manche en bois et d'autres accessoires. Leur usage est devenu de plus en plus perfectionné, voire sophistiqué, au point que certains sont devenus de véritables objets de vénération pour tous les peuples de la terre.

    Dans la tradition ésotérique chrétienne, le Christ est associé à une pierre. Il a changé le nom de Simon et l'a appelé « Pierre », lui donnant ainsi une symbolique plus élevée.

    La pierre brute est devenue un rocher autour duquel se sont rassemblés tous les chrétiens. C'est ainsi que, selon la citation, « la pierre est devenue vivante ».

    Le premier pape s'appelait Pierre, ainsi qu'une centaine de saints et une dizaine de rois, ce qui a rendu ce prénom extrêmement courant. Le plus célèbre est le premier apôtre de Jésus, choisi par le Christ pour devenir chef de l'Église. Après avoir prêché toute sa vie, il meurt à Rome en 66.

    Le prénom Pierre est aujourd'hui parmi les plus utilisés. Parmi les Pierre connus : Arditi, Bellemare, Cardin, Curie, Palmade, Desproges, et bien d'autres.

    Les différents « messages » symboliques de la pierre

    Dans la tradition chrétienne, le Temple doit être construit avec de la pierre brute et non avec de la pierre taillée car « ... en levant ton ciseau sur la pierre, tu la rendrais profane » (Exode, Ch. 20 verset 25).

    La tradition professe que la pierre taillée n'est qu'une action humaine qui désacralise l’œuvre de Dieu.

    Elle symbolise donc l'activité humaine par opposition à l'énergie créatrice.

    Dans le Livre des Rois, la pierre brute est symbole de liberté, la pierre taillée étant celui de la servitude et des ténèbres car c'est un matériau de construction qui engendre sueur et esclavage. Associée au feu, elle  est rejetée par les volcans du centre de la Terre jusque dans les airs. Ou alors, elle provient du ciel, avec la foudre et la fureur des Dieux, météorites ou roches noires venues du cosmos.

    Chez les Celtes, le culte avait lieu sur la pierre, il s'adressait au dieu dont la pierre brute était devenue le lieu de résidence.

    Aujourd'hui encore, la messe romaine est célébrée sur une pierre placée dans une cavité sur l'autel et dans laquelle sont placées des reliques de saints martyrs.

    La pierre brute est considérée comme androgyne, l'androgynat constituant la perfection de l'état primordial. À ce titre, elle doit demeurer brute et naturelle. La pierre taillée révèle un changement d'état artificiel, car celui qui la travaille perturbe l'ordre divin, d'où ce choix des pierres vierges pour édifier les autels.

    Cette même tradition se retrouve dans l'érection des autels védiques. Dans le « Sharkara » védique, la pierre doit respecter les prescriptions d’un rituel qui exige que les orifices des pierres soient l'œuvre de la nature et non du travail de l’homme.

    La pierre brute est une matière passive ambivalente. Elle s'avilit si seule l'activité humaine s'exerce sur elle. Si, au contraire, l'activité céleste et spirituelle agit en vue de la transformer en  pierre taillée achevée, celle-ci s'ennoblit.

    Le passage de la pierre brute à la pierre taillée par Dieu et non par l'homme symbolise le passage de l'âme obscure à l'âme illuminée. 

    Jean-Paul Roux est un historien français spécialiste des mondes turc et mongol, et expert en culture islamique. Dans son étude sur les croyances altaïques, il oppose la signification symbolique de la pierre à celle de l'arbre. Semblable à elle-même depuis que les ancêtres les plus reculés l'ont érigée ou y ont gravé leurs messages, la pierre est éternelle.

    Elle résiste à l'usure du temps et elle sert de support pour la transcription des faits marquants de l'histoire de l'humanité.

    Elle symbolise la vie statique, tandis que l'arbre, soumis à des cycles de vie et de mort, et pourvu du don inouï de la perpétuelle régénération, est le symbole de la vie dynamique.

    Cette pierre-principe est représentée par des pierres dressées qui incarnent parfois l'âme des ancêtres, notamment en Afrique Noire, dont on connaît, d'autre part, l'association au phallus.

    Les pierres dites « de foudre » sont pour la plupart des silex préhistoriques. Elles étaient considérées comme la pointe de la flèche de l'éclair par temps d'orage. Comme telles, elles étaient pieusement conservées et vénérées. Tout ce qui tombe des régions supérieures participe à la sacralité. C'est pourquoi les météorites étaient honorés car abondamment imprégnés du sacré sidéral. Ces pierres, notamment en Afrique, sont associées au culte des dieux du ciel et font parfois l'objet d'adoration.

    Les pierres de foudre sont d'abord en elles-mêmes des puissances chargées d'un pouvoir magique, parfois fétichiste.

    Les croyances évoluant, les pointes des flèches, les haches et les autres pierres qui sont regardées comme des projectiles tombés du ciel, sont considérées comme envoyées « de là-haut » par un lanceur de Tonnerre.

    Par la suite, leur symbolique évolue encore et ces projectiles façonnés par l'homme deviennent, par exemple, la hache double minoenne, le trident qui est l'arme de Poséidon, et la céraunie (Cf. le kéraunos de Zeus), c'est-à-dire cette combinaison de la fourche d’éclair jouant aussi, avec ses deux bords tranchants, le rôle de la hache. Tous ces objets devenant des symboles du « Pouvoir qui fait trembler ».

    Selon la tradition biblique, la pierre symbolise la sagesse en raison de son caractère immuable. Elle est souvent associée à l'eau. Ainsi, Moïse, à l'entrée et à la sortie du désert, fait jaillir une source en frappant une pierre (Exode, ch. 17, verset 6). Or, l'eau symbolise aussi la sagesse.

    Un bétyle est une pierre sacrée de forme variée, vénérée comme une idole dans le monde arabe. Dans les sources antiques, il s'agit plus particulièrement de météorites, au sens strict ou supposé. Les anciens y voyaient la manifestation d'une divinité tombée du ciel. Les bétyles étaient ordinairement l'objet d'un culte et parfois d'offrandes.

    En hébreu, le terme bétyle, d'origine sémitique, est employé à propos de la vision de Jacob et  signifie « maison de Dieu » (Beth-el). Le bétyle est vénéré particulièrement par les Arabes devant le Prophète en tant que manifestation de la présence divine. Il était un des réceptacles de la puissance de Dieu. C'est la tête couchée sur une pierre que Jacob reçut en songe la révélation de la destinée réservée par la puissance de Dieu à sa descendance (Genèse, Ch. 28, versets 11-19). Il érigea ensuite cette pierre en monument où vinrent en pélerinage des foules israélites. Dans le rêve du patriarche, l'échelle qui montait de cette pierre symbolisait la communication entre le ciel et la terre, entre Dieu et l'homme.

    Dans l’Égypte ancienne, la pierre sacrée d'Héliopolis portait le nom de Benben. Ce bétyle figurait la colline primordiale, la dune sur laquelle le dieu Atoum, dieu « qui advient de lui-même », s'était posé pour créer le premier couple. Sur cette colline, sur la pierre Benben, le soleil s'était levé pour la première fois. Sur elle, le phénix venait se poser. La pyramide et l'obélisque ne sont pas sans rappeler le Benben primitif.

    Je terminerai – sans l'épuiser – cette approche du symbolisme de la pierre en évoquant les pierres mises en tas et leur valeur symbolique.

    Dans les cols des Andes péruviennes, tout comme en Sibérie, la coutume veut que les voyageurs ajoutent une pierre à des tas qui, avec le temps, prennent des dimensions pyramidales.

    Cette tradition est interprétée comme étant un exemple de l'âme collective. Toute accumulation d'objets modestes doués d'âme renforce la potentialité de chacun d'eux et finit par créer une nouvelle âme extrêmement puissante.

    La Pierre brute et le travail sur soi

    Travailler sa pierre brute est un devoir, un engagement pris par le Frère Novice dès son entrée dans l'Ordre du Temple. Tous, nous avons la volonté de participer à une évolution positive de notre société et à l’amélioration de la condition humaine. Mais avant cette noble tâche, une autre nous attend, plus personnelle et plus individuelle : travailler sur soi-même à l'édification de son Temple intérieur et à l'amélioration de son individualité morale et spirituelle. Ce processus est semé d'embûches, les a priori et les idées préconçues ne facilitent pas la tâche.

    Tailler sa pierre brute équivaut à se remettre en question en se regardant au plus profond de soi et en mobilisant son énergie intérieure. Selon la nature de la roche-mère, la pierre brute peut être dure ou tendre. Cette différence rendra le travail à réaliser  plus ou moins difficile.

    Dans l'Ordre du Temple, le Frère Novice est symbolisé par la pierre brute. Les différences de dureté ou d’état des pierres brutes se traduisent chez les Frères Novices par leur potentiel à s’ouvrir et à assimiler l’enseignement qui leur est prodigué. Les inégalités et les aspérités symbolisent les défauts conscients ou inconscients du profane devenu Novice.

    Dégrossir la pierre brute est son travail essentiel et sa raison d'être. La persévérance est importante, c'est une activité de longue haleine. Le Frère Novice doit s’atteler à rendre sa pierre brute aussi conforme que possible à l’architecture de son Temple et à s’approprier au mieux les valeurs universelles de l'Ordre.

    La Pierre brute symbolise donc les imperfections de l’esprit et du cœur que le futur Chevalier de l'Ordre du Temple doit s’appliquer à corriger. Cependant, la pierre brute doit être façonnée par un ouvrier qui doit apprendre à bien connaître l’œuvre à construire. D'où la nécessité pour lui de s'appliquer à l'enseignement qui lui est donné.

    Mais il faut raison garder : travailler sur un chantier à dégrossir la pierre, ce n’est pas construire le temple, mais tout d'abord discipliner son corps et maîtriser ses émotions.

    Se remettre personnellement en question n'est jamais chose aisée car l'ego rend le polissage de la pierre brute difficile.

    Le Frère Novice aura besoin d’un accompagnement. Dans notre Commanderie de Saint-Léger, il pourra compter sur le soutien de tous ses Frères et Sœurs pour parcourir un chemin dont il découvrira un jour l'importance.

    Conclusion

    Car dans ce très long voyage, le Frère Novice découvrira que ce n'est pas la destination qui compte, mais le chemin. Le chemin parcouru et, surtout, celui qui reste à parcourir.

    Frère Écuyer Vincent M.

    2.

     * Symboles de la Table capitulaire

    La corde

    La corde est le symbole du lien entre le ciel et la terre entre la naissance et la mort. Elle symbolise la cohésion dans notre ordre ainsi que la fraternité. Chaque nœud, de celle-ci, représente un Frère de notre Commanderie. La corde symbolise toujours ce lien entre les Frères, surmontant les difficultés ensemble, s'élevant par le travail, reliant les cœurs et les corps et symbolisant l'universalité de l'Ordre.

    La corde relève de façon générale, de la symbolique de l’ascension, comme l’arbre, l’échelle ou le fil d’araignée.

    La corde nouée symbolise, quant à elle, toute forme de lien et possède des vertus secrètes ou magiques.

    Elle est la représentation de la vie, de notre vie dans l’ordre des Templiers, dans notre parcours de l’initiation au passage à l’Orient Eternel.

    On utilise l’expression « avoir la corde au cou » pour le marié, rapport à son asservissement pour sa femme…La corde au cou, si l’on se réfère à l’acception profane courante de cette expression, c’est à son mariage que se rend le postulant !

    C’est un peu vrai au sens des noces chimiques que nous avons vues dans le cabinet de réflexion. Mais si l’on revient au sens originel de l’expression, on trouve qu’avoir la corde au cou, c’est être dans l’état de celui que l’on va pendre.

    Son destin est scellé, il n’a plus aucune échappatoire, aucun degré de liberté. En jouant sur les mots on pourrait dire que le postulant a remplacé sa belle cravate, son beau foulard, symbolisant une position sociale, par une cravate de chanvre qui en est la contrepartie.

    Cette corde vient en contre point des promesses contenues dans la tenue vestimentaire, de celui qui réclame l’entrée du Temple.

    Elle marque son état encore profane la dépendance des valeurs de ce monde, dans laquelle il est, son manque de liberté réelle dont il n’a pas conscience.

    Les yeux bandés, l’état de dépendance est encore pire que ce que laissait entrevoir la corde.

    Celui qui avait l’habitude de se diriger s’en remet entièrement à celui qui le guide. Fugitivement, il se surprend à comprendre et à admirer ceux dont c’est le lot quotidien et qui s’en accommodent.

    Du point de vue initiatique, qui est le nôtre, celui qui guide est un Initié, quelqu’un qui connaît déjà le chemin, et les épreuves qui le jalonnent. Celui qui est guidé, à partir du moment où il s’est lancé sur le chemin, doit lui faire une totale confiance. Une très légère transposition sur le plan intérieur à l’individu nous montre à quel point c’est vrai là aussi.

    Lancé dans une démarche dont il ne sait rien ou si peu, il ne peut que faire confiance à son guide.

    A la fin de notre vie, notre corps meurt. La corde du pendu symbolisera la mort.

    Mais la corde peut également avoir d’autres sens ou significations :

    • La corde tient notre tabar. Elle est le fil de notre existence qui se boucle, donnant un nouveau destin, celui d'être réuni avec vous dans ce chapitre.
    • La corde que l'on met à notre cou lors de la cérémonie de Réception au grade de Novice dans notre Ordre. En retirant la corde du cou, nous sommes libérés de notre attachement au monde profane. On libère ainsi l'être de ses liens artificiels pour lui proposer de s'intégrer librement à une nouvelle vie.
    • La corde est aussi un outil universel qui permet tout tracé (par exemple utiliser un cordeau à tracer pour faire des marquages en menuiserie).
    • La corde est un lien entre l’enfant qui va naître et sa mère. Ne parle- t’on pas de couper alors le cordon ombilical ?
    • La corde est faite de plusieurs fils torsadés. C’est cette association de fils, et leur torsion qui donnent la solidité de la corde. Les fils qui la composent proviennent de fibres végétales, comme le chanvre, le lin, le coton ; ou animal, comme la laine.

    Nous pouvons trouver la corde associée à différents objets, et dans différents domaines :

    • Les cordages d’un navire à voiles sont extrêmement nombreux, cependant aucun ne porte le nom de corde, sauf celui de la cloche de quart. La marine possède son propre vocabulaire : drisse, hauban, amarre, etc. 
    • La corde de l’arc, arme de chasse ou de guerre.
    • Les cordes de la harpe, de la guitare, du piano, …. (son, musique).
    • La corde d’argent qui relie le corps astral au corps physique. Invisible aux yeux de chair, la corde d’argent se rompt à la mort. Elle a quatre ramifications :

             ° La première est liée au cerveau.

             ° La seconde est liée au cœur.

             ° La troisième est liée au plexus solaire.

             ° La quatrième est liée au foie.

    • La corde-ceinture des moines et des moniales (Une moniale, religieuse ou nonne, aussi appelée « sœur » ou familièrement « bonne sœur », est une femme membre d'une communauté religieuse féminine, devant généralement obéir aux vœux de pauvreté, chasteté et obéissance) symbolise l’humilité, la pauvreté, mais aussi la force spirituelle de ceux qui la portent.

    La corde, par sa couleur blanchâtre et sa forme, évoque les intestins. L’expression « Avoir les intestins noués » a pour origine cette corrélation.

    La corde vibre, la corde propulse, la corde retient. Elle sert de lien qui emprisonne, qui aliène. Elle donne la mort par pendaison, mais elle est, dans d’autres circonstances, la corde qui sauve, comme la cordée des alpinistes.

    La corde à 13 nœuds était utilisée par les bâtisseurs du Moyen Âge. Elle servait à tracer des plans au sol pour définir les proportions de l’édifice, château ou cathédrale.

    La corde de maçonnerie permet de vérifier le bon alignement d’une construction ou d’un montage.

    Avoir plusieurs cordes à son arc signifie avoir plusieurs ressources pour parvenir à ses fins.

    Le symbolisme de la corde est lié également à celui du Fil.

    Pour conclure sur une expression, je dirai : « On tient les buffles par les cordes, et l’homme par ses mots ».

    Frère Axel V. - Chancelier de la Commanderie de St-Léger

    3. 

     * Symboles de la Table capitulaire

    Le Sablier

    1. Introduction

    Le sablier, thème de mon parchemin d'aujourd'hui, est riche en symboles et en interprétations diverses, et c'est en cela que réside tout son intérêt. Car il faut savoir que le sablier, n'est pas très fiable en tant qu'appareil de mesure du temps. 

    Aux 17ème, 18ème et 19ème siècles, ils étaient utilisés dans la marine pour établir les quarts de veille, ainsi que dans les églises et les tribunaux pour limiter la durée des sermons et des plaidoiries.

    2. Définition du symbole

    Avant d'entrer dans le vif du sujet, intéressons-nous tout d'abord à l'origine du mot « symbole ». Ce mot est issu du grec ancien « Symbolon » qui signifie « objet coupé en deux ». L'étymologie du mot comporte à la fois les idées de séparation et de réunion.

    Voilà une définition qui convient à merveille au sablier. En effet, celui-ci est composé de deux compartiments en verre, superposés et identiques, ceux-ci étant à la fois séparés et réunis par un goulet étroit où s'écoule le sable fin.

    Heureux hasard ou coïncidence fortuite ? Quoi qu'il en soit, sablier et symbole ont un point commun : leur définition.

    3. Quelques représentations symboliques

    Le sablier est souvent utilisé, entre autres usages, pour réglementer certains jeux de société en obligeant  un des joueurs à limiter son temps de réflexion avant de prendre une décision (déplacer un pion, par exemple), pendant que son adversaire attend patiemment son tour.

    Voilà déjà un message véhiculé par le sablier : gestion du temps, patience et maîtrise de soi.

    3.1. La fuite du temps

    Mais le premier sens symbolique du sablier, le plus évident, c'est « la chute éternelle du temps, son écoulement inexorable et son aboutissement dans le cycle humain, à la mort »  (Lamartine à propos de son poème Le Lac).

    Pour l'homme, le sablier est une allégorie sur la fuite du temps et la fragilité des choses. Le temps est précieux, il ne faut pas le gaspiller, chaque minute peut être la dernière.

    Dans les célèbres poèmes « Ode à Cassandre » et « Sonnet pour Hélène », Ronsard traite la fuite du temps en rappelant que la beauté est éphémère et que la jeune fille, une fois vieille, ne sera plus l'objet d'intérêts amoureux. Souvenons-nous des célèbres vers du poète : « Cueillez, cueillez votre jeunesse : comme à cette fleur la vieillesse fera ternir votre beauté ».

    Le temps est un vertige existentiel que l'être humain vit dans une relative indifférence, avec l'illusion qu'il est renouvelable à l'infini. Il se rend compte de son erreur quand il réalise tout à coup que les enfants ont grandi, que les rides se sont installées et que le monde a changé ... Symbole par excellence de la période qui sépare le berceau de la tombe, le sablier nous rappelle une réalité élémentaire : le relatif de toute vie humaine.

    Juste un mot sur l'apparence translucide du sablier qui est offerte à celui qui observe l'écoulement du sable. Cette visibilité lui permet d'être fixé sur l'état d'avancement de l'écoulement, ce qui lui confère la maîtrise du temps et de l'espace.

    3.2. Le retournement du sablier

    Les grains de sable qui s'écoulent du haut vers le bas peuvent être comparés au déroulement d'une vie avec son potentiel d'évolution. Lorsqu'il n'y a plus de sable dans le compartiment du haut, lorsque les possibilités d'expansion sont épuisées, le mouvement s'arrête et le cycle est clôturé. C'est alors que le sablier peut être renversé.

    Retourner le sablier signifie entamer un nouveau cycle en inversant la tendance. Chez l'homme, le retournement signifie changer le mode d’agir et de penser et amorcer un mouvement ascendant, synonyme d'élévation spirituelle.

    Voilà donc un autre message véhiculé par le retournement du sablier : la promesse d'une vie nouvelle faite d'élévation spirituelle.

    3.3. Le grain de sable

    Le sable est une poussière minérale provenant de la désagrégation de roches calcaires ou siliceuses. Il se trouve en abondance dans les plages, les dunes et dans les grands déserts sablonneux.

    Un seul grain de sable peut empêcher une mécanique de fonctionner. Il est alors le détail minuscule qui met en péril un projet longuement échafaudé. Il évoque la fragilité des entreprises humaines.

    Le sable évoque également la fluidité, il se dérobe sous nos doigts. Il revêt un caractère instable et peu fiable. Construire des châteaux de sable revient à échafauder des projets irréalisables.

    Le sable fin à l'intérieur du sablier symbolise la vie corporelle. Il nous enseigne que celle-ci est poussière face à l'immensité de l'univers.

    Quant à la stérilité du sable, elle évoque le néant des choses. Le sable s’écoule de façon monotone comme une vie sans idéal.

    L'écoulement grain par grain révèle que le temps s'égrène de manière irréversible. A terme, l'arrêt du mouvement est annonciateur de mort. Omnes vulnerant, ultima necat.

    Par contre, dans la Bible, le sable est cité à différentes reprises comme symbole positif, notamment de l'innombrable, de la postérité, des jours de la vie et de la pensée divine.

    3.4. L'infiniment grand et l'infiniment petit

    Le grain de sable est quantité négligeable. C'est l'infiniment petit. Mais par son grand nombre, il devient une force, une puissance. C'est l'infiniment grand (on parle d'une mer de sable ou d'un océan de sable).

    Dans une de ses Pensées, Blaise Pascal s'interroge sur l'infiniment petit et l'infiniment grand, qu'il reformule en les qualifiant de Néant et d'Infini. A la question  « Qu'est-ce l'homme dans la nature ? », Pascal répond  « Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant ». Cette métaphore décrit de façon explicite la tragique position de l’homme, perdu entre l’infiniment grand et l’infiniment petit, égaré entre ses prétendues connaissances et l’infini de la sagesse divine, désorienté par un passé déjà révolu et un avenir qui n’a pas encore eu lieu.

    Fort de ce constat, Pascal conclut que la foi et l’humilité sont les seuls secours et que tout travail terrestre est insignifiant pour l'homme, si ce n'est la prière et le renoncement.

    3.5. Le point central du sablier : présent et éternité

    Le point central du sablier est le mince goulot, l'étranglement médian par où passent les grains de sable. C'est le lien entre le haut et le bas, la jonction entre le plein et le vide, entre le passé et l'avenir. C’est l’instant présent, incarné par chaque grain de sable qui change d'espace lorsqu'il  traverse l'étranglement. C'est l’éternel présent.

    Les premières réflexions autour du temps sont apparues chez les Grecs de l'Antiquité qui ont défini plusieurs types de temps.

    Le Kairos, tout d'abord, qui qualifie un moment précis et opportun, celui du basculement décisif, avec la notion sous-jacente d'un « avant » et d'un « après ».

    Le Kairos est donc « l'instant T », celui de l'opportunité car avant c'est trop tôt, après c'est trop tard.

    Le Kairos est le temps métaphysique qui n'a rien à voir avec le Chronos ou temps physique que l'on peut mesurer chronologiquement.

    Kairos constitue une autre dimension du temps, une notion immatérielle, mesurée non pas par la montre, mais par le ressenti. Un exemple concret de Kairos ? En prenant de l'âge, nous avons l'impression que le temps passe plus rapidement et que les années deviennent de plus en plus courtes par comparaison avec celles de notre jeunesse.

    Kairos a donné en latin opportunitas (l'opportunité, l'occasion à saisir).

    3.6. Temps profane et Temps sacré

    Dans nos Commanderies, la pratique nous apprend que la question du Temps se pose d'une manière particulière qui va nécessiter une méthode adéquate. Cette méthode s'appelle le rituel, plus précisément le rituel d'ouverture des travaux, placé comme il se doit en début de Chapitre. Il se présente sous la forme d’une cérémonie au cours de laquelle il est de coutume de s'informer de l'heure au début des travaux. Il en sera de même à la fin des travaux avec le rituel de fermeture des travaux.

    La fonction, je dirais même la vocation du rituel, est de rendre l’édifice profane propre à sa destination de Temple.

    C'est pourquoi le rituel s'attache à construire un espace et un temps sacrés, c'est-à-dire un lieu à l’abri du regard des profanes où le temps historique n’a pas de prise.

    Par convention, le temps et l'espace sont relativisés et revêtus d'autres qualités. Le temps peut sembler figé, mais cette pseudo immobilité n'est qu'apparente, elle traduit bien le caractère universel de notre Ordre.

    Le rituel est indispensable à la prise de conscience et à la révélation de notre homme intérieur. C’est dans le temps sacré que l’homme est en situation de pouvoir répondre le mieux aux questions qui donnent du sens à sa vie : qui suis-je ? Quel est mon devenir ?

    A l'image du sablier et de ses deux compartiments, le rituel s’impose comme la jonction entre le terrestre et le céleste, entre la matière et l’esprit. Lorsque l’espace et le temps sont devenus sacrés par l'intermédiaire du rituel, les Frères et Sœurs quittent l'espace et le temps profanes pour entrer dans l'Espace et le Temps sacrés. Pendant toute la durée du Chapitre, le temps historique est aboli au bénéfice du Temps sacré. Lorsque le Chapitre se termine, le rituel agit dans l'autre sens, un peu comme si on retournait le sablier, ce qui signifie le retour des Frères et Sœurs dans l'espace et dans le temps profanes.

    4. L'homme et sa place dans le Temps

    Dans mon introduction, je relevais que le sablier était riche en interprétations symboliques diverses. Je vous en ai présenté six, celles qui me semblaient les plus parlantes, mais il en existe d'autres. En philosophie, le temps est une question majeure. Pythagore, Platon, Aristote, Kant, Hegel, Heidegger, Nietzsche, Schopenhauer, Bergson, Sartre, Gaston Bachelard, et bien d'autres, ont élaboré leur propre conception du temps du temps.

    Le temps est un concept inventé par l’être humain pour appréhender les changements dans le monde. Il structure notre pensée et notre vie quotidienne, au point même que la précision de sa mesure a toujours fait l'objet de recherches scientifiques. Actuellement, la mesure du temps se fait grâce à l’atome de césium, avec une précision de l’ordre de 16 chiffres après la virgule d’une seconde !

    La « génération Y » (née entre 1980 et 2000) fonde son rapport au temps en fonction des nouvelles technologies. Un des éléments de sa culture est constitué par de l'information disponible immédiatement. Avec Twitter ou Facebook, par exemple, une information fait le tour de la planète en quelques minutes. Comme on dit couramment, « ça roule », mais à mon sens, la « culture Y » risque de confondre vitesse et précipitation. Une de mes vieilles connaissances qui travaillait comme maçon et carreleur me disait toujours : « Vite et bien dans mon métier, ça n'existe pas ! ».

    Conclusion provisoire

    Voici arrivé le moment de conclure. Mais apporter des conclusions, fussent-elles provisoires, à un sujet qui, nous l'avons vu, n'a ni commencement ni fin, peut devenir un casse-tête.

    Pour ne pas vous faire perdre votre temps, il m'a semblé intéressant de faire appel à un philosophe du temps pour clôturer mon parchemin. Ce philosophe est français, il se nomme Vladimir Jankélévitch (1903 – 1985) et il s'est très largement étendu dans son œuvre sur la question du temps et sur le thème de l’attente. Un thème particulièrement vital pour l'homme évoluant dans une société où le temps c'est de l'argent.

    Jankélévitch donne de l'attente une définition teintée d'ironie positive.

    Selon lui, l'homme s’attend lui-même tout au long de sa vie car le temps est une façon de se compléter dans le devenir. Ce type de comportement, le philosophe l'a appelé « ipséité » (du latin ipso, mot qui couvre l'ensemble des paramètres relatifs à une personne). L'ipséité désigne un concept très important chez Jankélévitch : la tension vers soi-même, et très précisément vers ce que l’on est soi-même, de manière viscérale et irréductible.

    Jankélévitch est le philosophe du devenir de soi. Ce devenir, il veut le surprendre « sur le fait, en train de, en flagrant délit, en équilibre sur la fine pointe de l'instant ». Sa conviction est que l'homme se construit dans ce rapport entre lui-même et le temps. Il n'est pas une banale temporalité uniquement tournée vers la mort car le temps de la vie c’est le temps de l’attention à soi.

    La profondeur de ses pensées a fait de Jankélévitch un philosophe mystique.

    Méditant sur le thème de la mort, Vladimir Jankélévitch pense qu’en dépit du néant sur lequel semble s’achever toute existence, la vie a toujours le dernier mot parce que la mort n’a pas le pouvoir d’effacer le fait d’avoir vécu.

    « Si la vie est éphémère, le fait d’avoir vécu une vie éphémère est un fait éternel ». Tel est le message de Vladimir Jankélévitch. Ce sera également ma conclusion.

    Frère Écuyer Freddy D.

    4.

     * Symboles de la Table capitulaire

    Le Mortier et son Pilon

    Le mortier est un récipient permettant de broyer des matières que l'on veut transformer en pâte ou poudre grâce à l'action d'un pilon. Mortier et pilon sont souvent fabriqués en pierre, en bois, en céramique ou porcelaine, en métal ou en verre.

    Voici, en guise d’introduction ce que j’ai appris à propos de ces ustensiles.

    Historiquement, nous savons que dès la préhistoire, l’utilisation méthodique du mortier est déjà présente.

    Mortier et pilon sont utilisés depuis l’antiquité pour piler divers produits de la pharmacopée en vue de préparations pharmaceutiques dont les acteurs étaient les apothicaires et les préparateurs en pharmacie. 

    Ils sont un des symboles les plus fréquents des préparateurs à travers le monde.

    En cuisine, les mortiers sont utilisés dans les sociétés traditionnelles pour broyer les grains en l'absence de moulin, ou pour des préparations culinaires  plus délicates : mélanges d’épices de la cuisine indienne, aïoli et pistou - ce dernier doit d'ailleurs son nom au pilon, ou « piston ».

    Le mortier peut servir d'instrument de musique, formant un intéressant développement de l’ethnomusicologie que l'on retrouve dans les sociétés traditionnelles actuelles comme par exemple chez les Touaregs modernes où des mortiers culinaires sont, le temps d’une soirée, utilisés comme instruments de musique en position retournée et recouverts d’une peau.

    Dérivant du mot latin « mortarium », le mortier désigne d'abord l'auge du maçon, puis son contenu. Cette distinction nous est restée puisque le terme mortier désigne le récipient et son contenu. Le mortellier désigne le fabricant d'auges de pierre qu'on appelle mortiers et ensuite celui qui brise certaines pierres dures pour en faire du ciment, constitue une des premières organisations de métier.

    La symbolique première plus psychanalytique indique que le pilon est un symbole masculin et le mortier un symbole féminin, l’ensemble symbolise l’union des deux !

    Le mortier, symbole de l'utérus, du cycle rythmique, de la friction qui produit le feu intérieur, le feu de vie, la semence, l'embryon. Jadis, dans l'antiquité les Vestales étaient les gardiennes de ce feu sacré.

    Évidemment, les mortiers sont aussi, et cela nous intéresse davantage, des instruments cérémoniels et font partie du processus alchimique.

    J’ai trouvé un vieux texte alchimiste dans une collection grecque en surfant sur le net et voici quelques bribes de ce texte : « Tout cela, tous les écrits alchimistes l’on révélé et l’ont érigé en doctrine pour la seule extraction : extrais la nature et tu trouveras ce qui est cherché, car la nature est cachée à l’intérieur. Là se trouve contenue la nature… observe en t’appliquant différemment, suivant les circonstances et en ouvrant ton esprit ».

    La transition est toute trouvée pour évoquer la représentation templière du mortier et du pilon parmi nos symboles.

    Pratiquer l'alchimie, dans le cas présent, c'est mortifier la matière première, c’est-à-dire notre corps ; c'est introduire la matière dans le mortier et la pulvériser grâce au pilon, ce qui correspond, en alchimie, à mettre la matière en contact avec le sel.  Cette matière, notre corps, doit mourir symboliquement pour pouvoir libérer sa quintessence. Cette matière sera blanchie grâce au sel, c’est-à-dire la Vraie Lumière. Et enfin, de blanche qu'elle était, la matière sera rougie par la quintessence.

    En d’autres termes, notre Réception dans l’Ordre du Temple n’est-elle pas tout simplement assimilable à une véritable Initiation qui marque le début de la transformation spirituelle que nous avons ardemment souhaitée en demandant notre admission dans cet Ordre ? Ainsi nous interroge notre noble Frère Commandeur dans un de ses parchemins !

    Le mortier et le pilon se trouvent en bonne place sur la Table capitulaire car ils symbolisent la transformation par laquelle nous devons passer pour progresser, la renaissance, comme la purification dans l’extraction de l’essence qui caractérise la matière première du chevalier en devenir.

    Ils se trouvent du côté de la colonne des Écuyers parce qu’ils sont en préparation pour ce passage important qui leur permettra d’atteindre le grade de chevalier.

    Nous sommes donc la matière destinée à être broyée pour être transformée. Et pour se faire, un métal lourd est indispensable.

    Cette vision toute symbolique, donne l’image profonde de la transformation attendue pour mériter de rejoindre les nobles chevaliers. 

    Le couple mortier et pilon rappelle que c’est ensemble que l’alchimie de la transformation est possible. La loyauté, le partage, et la co-construction sont les ingrédients indispensables à la réussite de cette métamorphose.

    Le cheminement seul est simplement semé d’embuches, le risque de se perdre dans les méandres de l’incertitude est fort.

    Entreprendre ensemble c’est accepter d’être dans un creuset avec ses Frères et Sœurs, et de s’imprégner des intelligences collectives avec les mêmes enseignements.

    Ainsi, pour moi, le mortier serait le symbole du « creuset », les « cherchants », la matière première ; et l’enseignement pourrait être le pilon.     

    Frère Novice Bruno L.

    Compléments d'information

    1. A propos de la Pierre brute

    Plusieurs significations peuvent être données à la Pierre brute.

    C'est le symbole du Novice encore ignorant mais disponible. Ce pourrait être aussi celui de la servitude, de l'esclavage. C’est encore un travail à effectuer, l’ignorance à vaincre. Elle pourrait aussi être le symbole de la liberté : une pierre non façonnée peut encore rouler à peu près n'importe où. Au contraire, la pierre taillée se trouve à une place bien déterminée dans l'édifice bâti.

    La Pierre brute, c'est le symbole du Novice avec toutes les imperfections de son esprit et de son cœur, qu'il doit s'appliquer à corriger.

    Par sa Réception dans une Commanderie du Temple, qui est une forme de  renaissance, le Néophyte se débarrasse progressivement de tout ce que la société a pu lui apporter d'artificiel et de mauvais. Il retrouve sa liberté de penser. Pour agir sur la matière, sur la Pierre brute, c'est-à-dire sur lui-même, le Novice se met à tailler lui-même la pierre et espère parvenir à la rendre parfaite à son gré.

    La Pierre brute que travaille le Novice, ce n’est pas seulement lui-même : elle est aussi un élément qui porte le secret de la construction. Et cette construction est d’origine céleste. Cette Pierre brute, si modeste en apparence, ne contient-elle pas toute l’harmonie du Temple ?

    Pour tous les symbolistes, la Pierre brute représente la nature humaine du Novice. Il doit la travailler constamment et intérieurement afin de se perfectionner.

    Certains pensent que, puisqu'elle reste toujours à dégrossir, la Pierre brute est assimilable à tout Novice, et qu’à chaque nouveau Novice, c’est d’une nouvelle pierre brute que l’on repart.

    Ce point de vue n’est pas gênant, mais seulement si l’on n’en reste pas à cette considération, qui limite le sens du symbole à une exigence d’amélioration personnelle.

    N’en déplaise aux défenseurs de l’hypothèse d’une amélioration de l’individu, cette vision quasi psychologique assimilant le Novice à la Pierre brute et revenant à dire qu’il est lui-même la pierre qui doit se tailler, n’est pas conforme au symbole, qui demeure dans le Temple de toute éternité, alors que le Novice y est introduit et s’en retire une fois l’œuvre accomplie.

    Une fonction de Pierre brute est donc donnée à tout Novice. Cependant son travail ne consiste pas à se donner des coups de ciseau sur lui-même, mais à reconnaître la cause divine de la manifestation.

    2. A propos de la Corde

    La corde en tant que symbole est d’abord présente dans le Cabinet de réflexion puis sur la Table capitulaire, du côté où siègent obligatoirement les Novices.

    La corde, c’est un assemblage de fils de chanvre ou de tout autre textile, tordus ensemble pour former un fil, un câble.

    De par sa définition, la corde à elle seule est tout un programme au plan symbolique. En effet, parce qu’elle est le résultat d’un assemblage, donc de la réunion d’éléments divers ou hétéroclites pour former un tout homogène, elle symbolise la cohésion, l’homogénéité, l’unité, l’union, l’harmonie.

    La corde relève, de façon générale, de la symbolique de l’ascension : elle représente aussi bien le moyen que le désir d’ascension.

    N’entrons-nous pas, en effet, dans l’Ordre du Temple, pour progresser en sagesse, pour élever notre conscience ?

    De la corde aux nœuds que l’on forme avec elle et plus encore au nœud coulant qui se serre et desserre sans se dénouer, tout est symbole de lien, d’attache, d’union, d’affection, de solidarité.

    Nouée, la corde ne symbolise-t-elle pas toute forme de lien, de dépendance ?

    Si nous sommes entrés dans la salle capitulaire la corde au cou, ce pourrait être pour nous faire croire que nous sommes dans l’état de celui que l’on va pendre. Tout postulant a remplacé sa belle cravate, son beau foulard, symbolisant une position sociale, par une cravate de chanvre qui en est la contrepartie. C’est de celle-ci, symbole d’aliénation totale, dont il va être libéré par son entrée dans l’Ordre du Temple. Cette corde vient en contre point des promesses contenues dans la tenue vestimentaire de celui qui demande l’entrée dans l’Ordre du Temple. Elle marque son état encore profane, la dépendance aux valeurs de ce monde dans laquelle il évolue, son manque de liberté réelle dont il n’a pas conscience. Le fait d’avoir, en plus, les yeux bandés, renforce l’état de dépendance, encore pire que ce que laissait entrevoir la corde. Celui qui avait l’habitude de se diriger seul s’en remet entièrement à celui qui le guide. 

    Du point de vue initiatique, qui est le nôtre, celui qui guide est un Initié, quelqu’un qui connaît le chemin, et les épreuves qui le jalonnent. A partir du moment où il s’est lancé sur le chemin, celui qui est guidé doit lui faire une totale confiance…

    Lancé dans une démarche dont il ne sait rien, ou si peu, le candidat ne peut que faire confiance à son guide.

    3. A propos du Mortier et de son Pilon

    Le mortier et le pilon représentent le creuset alchimique. Ils sont les deux ustensiles essentiels à tout alchimiste. Sans eux, les ingrédients ne sauraient être correctement préparés en vue de l’élaboration d’une potion. Mais le mortier et son pilon ne sont-ils pas présents dans la cérémonie de Passage au grade d’Écuyer pour nous inviter à devenir des alchimistes spirituels ?

    Pratiquer l'alchimie, dans le cas présent, c'est mortifier la matière première, c’est-à-dire notre corps ; c'est introduire la matière dans le mortier et de la pulvériser grâce au pilon, ce qui correspond, en alchimie, à mettre la matière en contact avec le sel. Cette matière, notre corps, doit mourir symboliquement pour pouvoir libérer sa quintessence. Cette matière sera blanchie grâce au sel, c’est-à-dire la vraie lumière. Et enfin, de blanche qu'elle était, la matière sera rougie par la quintessence.

    En d’autres termes, notre Réception dans l’Ordre du Temple n’est-elle pas tout simplement assimilable à une véritable Initiation qui marque le début de la transformation spirituelle que nous avons ardemment souhaitée en demandant notre admission dans cet Ordre ?

    Le but du Travail, tant du Novice que de l’Écuyer et du Chevalier, c’est d’apprendre à se connaître soi-même en partageant avec ses Frères ses joies et ses difficultés dans cette difficile recherche. Celui qui veut entreprendre une recherche personnelle, souvent solitaire, et qui trouve son bonheur de pouvoir en parler avec ses Frères trouvera facilement son chemin. Ainsi celui qui serait curieux et avide de recettes et de secrets pour gagner des atouts dans sa vie sociale se trouverait rapidement perdu. Les transformations qui se produisent à l’intérieur de celui qui travaille, qui taille sa pierre, sont lentes, sourdes et quelquefois puissantes. 

    4. A propos du Sablier

    Généralement chacun s’accorde à dire que le sablier représente le temps qui passe. Le sablier est parfois représenté avec des ailes d'oiseau ou de chauve-souris pour symboliser la fugacité du temps qui passe. On représente souvent le Temps un sablier à la main : les allégories du Temps ou de la Mort portent souvent un sablier et par extension celles de la mélancolie.

    Le sablier, symbole du temps qui passe, nous incite à méditer sur l'éphémère, c’est-à-dire tout ce qui n’a qu’une très courte durée. Le premier sens est évidemment celui de l'écoulement du temps, induisant les notions de vieillissement, de fatalité, d'irréversibilité et donc de mort...

    La mort apparaît donc sous la forme du grand mystère qu’il nous faut comprendre et connaître, et le sablier qui désigne traditionnellement l’écoulement du temps, qui nous conduit immanquablement à l’heure de notre mort, est un symbole qui y est étroitement lié.

    Dans son écoulement de sable, le sablier est un symbole cyclique, à l'image du monde. Mais pour être comme le monde, c'est-à-dire toujours en mouvement, il faut retourner régulièrement ce sablier.

    A l'image des cycles cosmiques, que l'on retrouve dans les écoles platonicienne et pythagoricienne, mais aussi en Inde et en Amérique Centrale et du Sud, l'écoulement de sable commence lentement et semble, en apparence seulement, s'accélérer jusqu'à la fin.

    A l'échelle d'une vie humaine, l'homme mûr considère que ses années d'enfance ont duré très longtemps, alors que le sujet âgé lui, dit ne plus voir passer les jours, ressentant ainsi subjectivement une accélération, alors que bien évidemment rien n'a changé... On peut donc légitimement s'interroger sur le fait de savoir, si nous ne sommes pas dans cette période, où l'on a justement découvert la relativité du temps, en train de vivre une phase d'accélération de fin de cycle...

    De manière plus « mystique », on peut dire que les deux parties du sablier peuvent être assimilées au ciel et à la terre. Le sable subit « naturellement » les lois de l'attraction terrestre, alors que l'élévation est impossible sans un renversement, qui veut qu'alors l'âme se détourne du monde et se répande sur la terre... un peu comme une conversion en quelque sorte...

    L'étranglement lui, est mis en rapport avec le symbolisme de la « porte étroite », passage obligé de la réalisation du plein épanouissement spirituel. Le principe du sablier qui se vide, via ce passage étroit, symbolise « une forme de mort » avant que le retournement, c'est-à-dire l'initiation, n'induise une renaissance.

    Mais ne perdons pas de vue que dans le sablier il y a du sable ! Dans notre approche du symbolisme du sablier, il nous faut donc aussi considérer cet autre symbole qu’est le sable.

    Rappelons que le sable est une roche sédimentaire meuble, constituée de petites particules provenant de la désagrégation d'autres roches dont la dimension est comprise entre 0,063 et 2 mm. Le sable se caractérise par sa capacité à s'écouler. Plus les grains sont ronds, plus le sable s'écoule facilement.

    Le sable symbolise l'infiniment petit et est un constant rappel de l'humilité qui doit présider à l'action des hommes. Le sable a également un lien avec l'éphémère. Le vent l'emporte, le transforme, le modèle et reproduit l'impermanence des choses et des êtres. Les moines tibétains, qui tracent méticuleusement de somptueux mandalas avec des sables colorés pour les effacer en une fraction de seconde, célèbrent à travers cet acte les vertus du non-attachement.

    Le sable, c’est aussi l’image la stérilité de la terre, et donc la putréfaction, essentielle elle, au processus de réalisation du Grand Œuvre. L'art du blason ne dit-il pas qu'un champ noir est dit « de sable ». Rappelons que notre Beaucéant est de sable (noir) et d’argent (blanc)

    Le sable qui s’écoule, c’est, d’abord, une allégorie sur la fragilité des choses et la fuite du temps. Le temps est donc précieux parce qu’il nous est à tous mesuré. Il ne faut pas le gaspiller, chaque jour, chaque heure, chaque minute qui passe pouvant être la dernière. Ainsi, le sablier nous incite, dans un premier temps, à agir de manière efficace et à ne pas différer à plus tard ce qui peut être accompli immédiatement.

    Il faudrait sans doute aussi réfléchir un peu plus profondément à cette fameuse fuite du temps. Face à la fuite du temps, l’homme est apparemment impuissant. Certes, le sablier symbolise « la chute éternelle du temps, son écoulement inexorable et son aboutissement, dans le cycle humain, à la mort ».

    Mais, parce qu’il peut être renversé, le sablier symbolise aussi la possibilité de renverser le temps, de retourner aux origines.

    Outre qu’il se renverse, comment fonctionne vraiment le sablier ? Par sa forme à doubles compartiments égaux, il montre l’analogie entre le haut et le bas ainsi que la nécessité, pour que l’écoulement se produise vers le haut, de renverser le sablier. Renverser le sablier, c’est inverser notre mode d’agir et de penser.

    En fait, agir et penser de manière différente, c’est s’approprier le temps et l’espace. Le vide et le plein doivent se succéder : passage du supérieur à l’inférieur, du céleste au terrestre, et ensuite, par renversement, du terrestre au céleste. Le sablier symbolise donc, dans un second temps, le véritable choix mystique, profondément initiatique, du mystérieux lien qui unit l’homme, le temps et la divinité.

    Ce lien entre le haut et le bas – que symbolise le sablier – ce lien entre le vide et le plein, entre l’avenir et le passé, c’est le mince goulot, l’étranglement médian par où passe chaque grain. C’est ce qu’André Gide appelle « la porte étroite », par laquelle s’effectuent les échanges. C’est l’instant, incarné par chaque grain de sable qui s’écoule, à la fois unique et sans cesse identique. C’est l’éternel présent.

    Car c’est à tort que l’on oppose traditionnellement présent et éternité. Ce qu’il faut opposer à l’éternité, c’est en fait la durée. Dieu, Créateur de l’Univers, est celui qui est, celui qui a été et celui qui sera. L’instant, pour lui, n’existe pas et, a fortiori, la durée qui n’est qu’une somme déterminée d’instants accumulés. L’homme est donc sur terre pour faire une expérience que seule lui, en tant que créature à l’image de Dieu dont son cœur recèle probablement une particule, est capable de vivre.

    Vivre une vie d’homme, ce n’est pas qu’accumuler une somme d’instants fugaces ; ce n’est pas que compter un tas de sable constitué de grains de présent et estimer le nombre de grains qui vont s’écouler. Vivre une vie d’homme, c’est expérimenter consciemment la durée, ce qui est impossible à la divinité éternelle.

    Et pour expérimenter cette durée en homme libre, il faut non pas, en renversant le sablier, simplement ajouter des instants au passé, remplir à nouveau ce qui est devenu vide, en clair subir passivement la dualité. Non, il faut, au contraire, s’en libérer en vivant pleinement cet éternel présent dont l’homme détient les clés.

    Cet éternel présent n’est pas une prison aux murs opaques mais bien une ouverture vers l’équilibre de la Sagesse, un affranchissement définitif de la dualité, une porte cette fois grande ouverte sur l’univers où l’homme libre est à sa juste place en tant que lien pensant entre le macrocosme et le microcosme.

    Le symbolisme du sablier fait intervenir la notion d'écoulement du temps et qu’à cet égard on y inclut bien évidemment la notion des cycles.

    Le sable qui s'écoule de plus en plus rapidement – et non pas toujours à la même vitesse – au fur et à mesure qu'il se rapproche de la fin, illustre bien le principe des âges allant s'amenuisant et s'accélérant, comme si l'écoulement des grains de sable représentait toutes les possibilités, incluses dans un cycle de manifestation, et qui n'ayant pas été utilisées en vertu de leurs possibilités et potentialités, avaient hâte que ce temps particulier prenne fin.

    Le sablier qui se trouve posé dans le prolongement de la rangée des Écuyers symbolise le temps. Il représente sur le plan matériel, donc terrestre, le temps qui s’écoule et qu’on ne peut inexorablement pas arrêter, chaque grain de sable qui tombe nous rapprochant irréversiblement du jour de notre mort.

    Le sablier représente encore autre chose, qui pour le profane n’est peut-être pas tout de suite perceptible, ce qui n’enlève rien à sa force évocatoire, car le sablier qui a tout pouvoir sur le plan terrestre (matériel), n’en a aucun sur le plan astral ou cosmique. Ce qui signifie, qu’une fois l’homme libéré des chaînes matérielles du temps terrestre, il pourra enfin réintégrer le temps initial, c’est-à-dire celui de la création, du commencement, l’instant primordial d’avant la chute, là où les servitudes n’existaient pas.

     Frère André B. - Commandeur de St-Léger


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