• Travaux en Chapitre à la Commanderie de Saint-Léger

    Le 17 janvier 2020

    Les Novices les plus récemment admis au sein de notre Commanderie sont capables d'énoncer les quatre symboles essentiels et de les situer sur la Table capitulaire :

    La Pierre brute - la Corde - le Sablier - le Mortier et son Pilon

    Un autre Frère Novice, deux Frères Écuyers et un Frère Chevalier nous présentent ces quatre symboles et tentent d'en développer le symbolisme.

    1.

     * Symboles de la Table capitulaire

    Avant la cérémonie de Réception, la Pierre brute s'est imposée au regard de tout Impétrant lors de son court séjour dans le Cabinet de réflexion. Même si trouver une signification précise pouvait lui sembler prématuré, il lui était difficile d'ignorer sa présence.

    Pendant les Chapitres, la Pierre brute n'échappe pas non plus au regard car elle occupe une place en vue sur la Table capitulaire.

    La Pierre brute sera donc le sujet que je vais développer à présent.

    La Pierre brute

    Mais avant d'entrer dans le vif du sujet, faisons d'abord un détour par la Bretagne. Enfouies dans le sol de Carnac et de La Trinité-sur-Mer, de grosses pierres verticales pointent vers le ciel. Ce sont des menhirs. Nous ne connaîtrons sans doute jamais leur véritable sens mais, quatre mille ans après, elles nous émeuvent toujours. Ces pierres dressées créent une présence puissante. Elles nous intriguent et nous incitent à leur trouver une signification.

    Le moment est donc venu de tenter de répondre aux questions sur leurs origines, leurs caractéristiques essentielles et les symboles qu'elles représentent.

    Quelques repères historiques et religieux

    Notre relation à la pierre est si ancienne que nous avons baptisé les débuts de l'histoire humaine « l'âge de la pierre ».

    De tous temps, la pierre a fait partie de l'humanité.

    Chauffée sur un feu, elle servait à la cuisson des aliments.

    Érigée en structures, elle abritait les vivants ou les morts.

    Depuis l'Antiquité, la pierre est utilisée comme matériau de base servant à la fabrication d'outils et d'armes, ce qui augmentait l'efficacité des premiers hommes dans leur environnement.

    Avec le temps, outils et armes ont été dotés d'un manche en bois et d'autres accessoires. Leur usage est devenu de plus en plus perfectionné, voire sophistiqué, au point que certains sont devenus de véritables objets de vénération pour tous les peuples de la terre.

    Dans la tradition ésotérique chrétienne, le Christ est associé à une pierre. Il a changé le nom de Simon et l'a appelé « Pierre », lui donnant ainsi une symbolique plus élevée.

    La pierre brute est devenue un rocher autour duquel se sont rassemblés tous les chrétiens. C'est ainsi que, selon la citation, « la pierre est devenue vivante ».

    Le premier pape s'appelait Pierre, ainsi qu'une centaine de saints et une dizaine de rois, ce qui a rendu ce prénom extrêmement courant. Le plus célèbre est le premier apôtre de Jésus, choisi par le Christ pour devenir chef de l'Église. Après avoir prêché toute sa vie, il meurt à Rome en 66.

    Le prénom Pierre est aujourd'hui parmi les plus utilisés. Parmi les Pierre connus : Arditi, Bellemare, Cardin, Curie, Palmade, Desproges, et bien d'autres.

    Les différents « messages » symboliques de la pierre

    Dans la tradition chrétienne, le Temple doit être construit avec de la pierre brute et non avec de la pierre taillée car « ... en levant ton ciseau sur la pierre, tu la rendrais profane » (Exode, Ch. 20 verset 25).

    La tradition professe que la pierre taillée n'est qu'une action humaine qui désacralise l’œuvre de Dieu.

    Elle symbolise donc l'activité humaine par opposition à l'énergie créatrice.

    Dans le Livre des Rois, la pierre brute est symbole de liberté, la pierre taillée étant celui de la servitude et des ténèbres car c'est un matériau de construction qui engendre sueur et esclavage. Associée au feu, elle  est rejetée par les volcans du centre de la Terre jusque dans les airs. Ou alors, elle provient du ciel, avec la foudre et la fureur des Dieux, météorites ou roches noires venues du cosmos.

    Chez les Celtes, le culte avait lieu sur la pierre, il s'adressait au dieu dont la pierre brute était devenue le lieu de résidence.

    Aujourd'hui encore, la messe romaine est célébrée sur une pierre placée dans une cavité sur l'autel et dans laquelle sont placées des reliques de saints martyrs.

    La pierre brute est considérée comme androgyne, l'androgynat constituant la perfection de l'état primordial. À ce titre, elle doit demeurer brute et naturelle. La pierre taillée révèle un changement d'état artificiel, car celui qui la travaille perturbe l'ordre divin, d'où ce choix des pierres vierges pour édifier les autels.

    Cette même tradition se retrouve dans l'érection des autels védiques. Dans le « Sharkara » védique, la pierre doit respecter les prescriptions d’un rituel qui exige que les orifices des pierres soient l'œuvre de la nature et non du travail de l’homme.

    La pierre brute est une matière passive ambivalente. Elle s'avilit si seule l'activité humaine s'exerce sur elle. Si, au contraire, l'activité céleste et spirituelle agit en vue de la transformer en  pierre taillée achevée, celle-ci s'ennoblit.

    Le passage de la pierre brute à la pierre taillée par Dieu et non par l'homme symbolise le passage de l'âme obscure à l'âme illuminée. 

    Jean-Paul Roux est un historien français spécialiste des mondes turc et mongol, et expert en culture islamique. Dans son étude sur les croyances altaïques, il oppose la signification symbolique de la pierre à celle de l'arbre. Semblable à elle-même depuis que les ancêtres les plus reculés l'ont érigée ou y ont gravé leurs messages, la pierre est éternelle.

    Elle résiste à l'usure du temps et elle sert de support pour la transcription des faits marquants de l'histoire de l'humanité.

    Elle symbolise la vie statique, tandis que l'arbre, soumis à des cycles de vie et de mort, et pourvu du don inouï de la perpétuelle régénération, est le symbole de la vie dynamique.

    Cette pierre-principe est représentée par des pierres dressées qui incarnent parfois l'âme des ancêtres, notamment en Afrique Noire, dont on connaît, d'autre part, l'association au phallus.

    Les pierres dites « de foudre » sont pour la plupart des silex préhistoriques. Elles étaient considérées comme la pointe de la flèche de l'éclair par temps d'orage. Comme telles, elles étaient pieusement conservées et vénérées. Tout ce qui tombe des régions supérieures participe à la sacralité. C'est pourquoi les météorites étaient honorés car abondamment imprégnés du sacré sidéral. Ces pierres, notamment en Afrique, sont associées au culte des dieux du ciel et font parfois l'objet d'adoration.

    Les pierres de foudre sont d'abord en elles-mêmes des puissances chargées d'un pouvoir magique, parfois fétichiste.

    Les croyances évoluant, les pointes des flèches, les haches et les autres pierres qui sont regardées comme des projectiles tombés du ciel, sont considérées comme envoyées « de là-haut » par un lanceur de Tonnerre.

    Par la suite, leur symbolique évolue encore et ces projectiles façonnés par l'homme deviennent, par exemple, la hache double minoenne, le trident qui est l'arme de Poséidon, et la céraunie (Cf. le kéraunos de Zeus), c'est-à-dire cette combinaison de la fourche d’éclair jouant aussi, avec ses deux bords tranchants, le rôle de la hache. Tous ces objets devenant des symboles du « Pouvoir qui fait trembler ».

    Selon la tradition biblique, la pierre symbolise la sagesse en raison de son caractère immuable. Elle est souvent associée à l'eau. Ainsi, Moïse, à l'entrée et à la sortie du désert, fait jaillir une source en frappant une pierre (Exode, ch. 17, verset 6). Or, l'eau symbolise aussi la sagesse.

    Un bétyle est une pierre sacrée de forme variée, vénérée comme une idole dans le monde arabe. Dans les sources antiques, il s'agit plus particulièrement de météorites, au sens strict ou supposé. Les anciens y voyaient la manifestation d'une divinité tombée du ciel. Les bétyles étaient ordinairement l'objet d'un culte et parfois d'offrandes.

    En hébreu, le terme bétyle, d'origine sémitique, est employé à propos de la vision de Jacob et  signifie « maison de Dieu » (Beth-el). Le bétyle est vénéré particulièrement par les Arabes devant le Prophète en tant que manifestation de la présence divine. Il était un des réceptacles de la puissance de Dieu. C'est la tête couchée sur une pierre que Jacob reçut en songe la révélation de la destinée réservée par la puissance de Dieu à sa descendance (Genèse, Ch. 28, versets 11-19). Il érigea ensuite cette pierre en monument où vinrent en pélerinage des foules israélites. Dans le rêve du patriarche, l'échelle qui montait de cette pierre symbolisait la communication entre le ciel et la terre, entre Dieu et l'homme.

    Dans l’Égypte ancienne, la pierre sacrée d'Héliopolis portait le nom de Benben. Ce bétyle figurait la colline primordiale, la dune sur laquelle le dieu Atoum, dieu « qui advient de lui-même », s'était posé pour créer le premier couple. Sur cette colline, sur la pierre Benben, le soleil s'était levé pour la première fois. Sur elle, le phénix venait se poser. La pyramide et l'obélisque ne sont pas sans rappeler le Benben primitif.

    Je terminerai – sans l'épuiser – cette approche du symbolisme de la pierre en évoquant les pierres mises en tas et leur valeur symbolique.

    Dans les cols des Andes péruviennes, tout comme en Sibérie, la coutume veut que les voyageurs ajoutent une pierre à des tas qui, avec le temps, prennent des dimensions pyramidales.

    Cette tradition est interprétée comme étant un exemple de l'âme collective. Toute accumulation d'objets modestes doués d'âme renforce la potentialité de chacun d'eux et finit par créer une nouvelle âme extrêmement puissante.

    La Pierre brute et le travail sur soi

    Travailler sa pierre brute est un devoir, un engagement pris par le Frère Novice dès son entrée dans l'Ordre du Temple. Tous, nous avons la volonté de participer à une évolution positive de notre société et à l’amélioration de la condition humaine. Mais avant cette noble tâche, une autre nous attend, plus personnelle et plus individuelle : travailler sur soi-même à l'édification de son Temple intérieur et à l'amélioration de son individualité morale et spirituelle. Ce processus est semé d'embûches, les a priori et les idées préconçues ne facilitent pas la tâche.

    Tailler sa pierre brute équivaut à se remettre en question en se regardant au plus profond de soi et en mobilisant son énergie intérieure. Selon la nature de la roche-mère, la pierre brute peut être dure ou tendre. Cette différence rendra le travail à réaliser  plus ou moins difficile.

    Dans l'Ordre du Temple, le Frère Novice est symbolisé par la pierre brute. Les différences de dureté ou d’état des pierres brutes se traduisent chez les Frères Novices par leur potentiel à s’ouvrir et à assimiler l’enseignement qui leur est prodigué. Les inégalités et les aspérités symbolisent les défauts conscients ou inconscients du profane devenu Novice.

    Dégrossir la pierre brute est son travail essentiel et sa raison d'être. La persévérance est importante, c'est une activité de longue haleine. Le Frère Novice doit s’atteler à rendre sa pierre brute aussi conforme que possible à l’architecture de son Temple et à s’approprier au mieux les valeurs universelles de l'Ordre.

    La Pierre brute symbolise donc les imperfections de l’esprit et du cœur que le futur Chevalier de l'Ordre du Temple doit s’appliquer à corriger. Cependant, la pierre brute doit être façonnée par un ouvrier qui doit apprendre à bien connaître l’œuvre à construire. D'où la nécessité pour lui de s'appliquer à l'enseignement qui lui est donné.

    Mais il faut raison garder : travailler sur un chantier à dégrossir la pierre, ce n’est pas construire le temple, mais tout d'abord discipliner son corps et maîtriser ses émotions.

    Se remettre personnellement en question n'est jamais chose aisée car l'ego rend le polissage de la pierre brute difficile.

    Le Frère Novice aura besoin d’un accompagnement. Dans notre Commanderie de Saint-Léger, il pourra compter sur le soutien de tous ses Frères et Sœurs pour parcourir un chemin dont il découvrira un jour l'importance.

    Conclusion

    Car dans ce très long voyage, le Frère Novice découvrira que ce n'est pas la destination qui compte, mais le chemin. Le chemin parcouru et, surtout, celui qui reste à parcourir.

    Frère Écuyer Vincent M.

    2.

     * Symboles de la Table capitulaire

    La corde

    La corde est le symbole du lien entre le ciel et la terre entre la naissance et la mort. Elle symbolise la cohésion dans notre ordre ainsi que la fraternité. Chaque nœud, de celle-ci, représente un Frère de notre Commanderie. La corde symbolise toujours ce lien entre les Frères, surmontant les difficultés ensemble, s'élevant par le travail, reliant les cœurs et les corps et symbolisant l'universalité de l'Ordre.

    La corde relève de façon générale, de la symbolique de l’ascension, comme l’arbre, l’échelle ou le fil d’araignée.

    La corde nouée symbolise, quant à elle, toute forme de lien et possède des vertus secrètes ou magiques.

    Elle est la représentation de la vie, de notre vie dans l’ordre des Templiers, dans notre parcours de l’initiation au passage à l’Orient Eternel.

    On utilise l’expression « avoir la corde au cou » pour le marié, rapport à son asservissement pour sa femme…La corde au cou, si l’on se réfère à l’acception profane courante de cette expression, c’est à son mariage que se rend le postulant !

    C’est un peu vrai au sens des noces chimiques que nous avons vues dans le cabinet de réflexion. Mais si l’on revient au sens originel de l’expression, on trouve qu’avoir la corde au cou, c’est être dans l’état de celui que l’on va pendre.

    Son destin est scellé, il n’a plus aucune échappatoire, aucun degré de liberté. En jouant sur les mots on pourrait dire que le postulant a remplacé sa belle cravate, son beau foulard, symbolisant une position sociale, par une cravate de chanvre qui en est la contrepartie.

    Cette corde vient en contre point des promesses contenues dans la tenue vestimentaire, de celui qui réclame l’entrée du Temple.

    Elle marque son état encore profane la dépendance des valeurs de ce monde, dans laquelle il est, son manque de liberté réelle dont il n’a pas conscience.

    Les yeux bandés, l’état de dépendance est encore pire que ce que laissait entrevoir la corde.

    Celui qui avait l’habitude de se diriger s’en remet entièrement à celui qui le guide. Fugitivement, il se surprend à comprendre et à admirer ceux dont c’est le lot quotidien et qui s’en accommodent.

    Du point de vue initiatique, qui est le nôtre, celui qui guide est un Initié, quelqu’un qui connaît déjà le chemin, et les épreuves qui le jalonnent. Celui qui est guidé, à partir du moment où il s’est lancé sur le chemin, doit lui faire une totale confiance. Une très légère transposition sur le plan intérieur à l’individu nous montre à quel point c’est vrai là aussi.

    Lancé dans une démarche dont il ne sait rien ou si peu, il ne peut que faire confiance à son guide.

    A la fin de notre vie, notre corps meurt. La corde du pendu symbolisera la mort.

    Mais la corde peut également avoir d’autres sens ou significations :

    • La corde tient notre tabar. Elle est le fil de notre existence qui se boucle, donnant un nouveau destin, celui d'être réuni avec vous dans ce chapitre.
    • La corde que l'on met à notre cou lors de la cérémonie de Réception au grade de Novice dans notre Ordre. En retirant la corde du cou, nous sommes libérés de notre attachement au monde profane. On libère ainsi l'être de ses liens artificiels pour lui proposer de s'intégrer librement à une nouvelle vie.
    • La corde est aussi un outil universel qui permet tout tracé (par exemple utiliser un cordeau à tracer pour faire des marquages en menuiserie).
    • La corde est un lien entre l’enfant qui va naître et sa mère. Ne parle- t’on pas de couper alors le cordon ombilical ?
    • La corde est faite de plusieurs fils torsadés. C’est cette association de fils, et leur torsion qui donnent la solidité de la corde. Les fils qui la composent proviennent de fibres végétales, comme le chanvre, le lin, le coton ; ou animal, comme la laine.

    Nous pouvons trouver la corde associée à différents objets, et dans différents domaines :

    • Les cordages d’un navire à voiles sont extrêmement nombreux, cependant aucun ne porte le nom de corde, sauf celui de la cloche de quart. La marine possède son propre vocabulaire : drisse, hauban, amarre, etc. 
    • La corde de l’arc, arme de chasse ou de guerre.
    • Les cordes de la harpe, de la guitare, du piano, …. (son, musique).
    • La corde d’argent qui relie le corps astral au corps physique. Invisible aux yeux de chair, la corde d’argent se rompt à la mort. Elle a quatre ramifications :

             ° La première est liée au cerveau.

             ° La seconde est liée au cœur.

             ° La troisième est liée au plexus solaire.

             ° La quatrième est liée au foie.

    • La corde-ceinture des moines et des moniales (Une moniale, religieuse ou nonne, aussi appelée « sœur » ou familièrement « bonne sœur », est une femme membre d'une communauté religieuse féminine, devant généralement obéir aux vœux de pauvreté, chasteté et obéissance) symbolise l’humilité, la pauvreté, mais aussi la force spirituelle de ceux qui la portent.

    La corde, par sa couleur blanchâtre et sa forme, évoque les intestins. L’expression « Avoir les intestins noués » a pour origine cette corrélation.

    La corde vibre, la corde propulse, la corde retient. Elle sert de lien qui emprisonne, qui aliène. Elle donne la mort par pendaison, mais elle est, dans d’autres circonstances, la corde qui sauve, comme la cordée des alpinistes.

    La corde à 13 nœuds était utilisée par les bâtisseurs du Moyen Âge. Elle servait à tracer des plans au sol pour définir les proportions de l’édifice, château ou cathédrale.

    La corde de maçonnerie permet de vérifier le bon alignement d’une construction ou d’un montage.

    Avoir plusieurs cordes à son arc signifie avoir plusieurs ressources pour parvenir à ses fins.

    Le symbolisme de la corde est lié également à celui du Fil.

    Pour conclure sur une expression, je dirai : « On tient les buffles par les cordes, et l’homme par ses mots ».

    Frère Axel V. - Chancelier de la Commanderie de St-Léger

    3. 

     * Symboles de la Table capitulaire

    Le Sablier

    1. Introduction

    Le sablier, thème de mon parchemin d'aujourd'hui, est riche en symboles et en interprétations diverses, et c'est en cela que réside tout son intérêt. Car il faut savoir que le sablier, n'est pas très fiable en tant qu'appareil de mesure du temps. 

    Aux 17ème, 18ème et 19ème siècles, ils étaient utilisés dans la marine pour établir les quarts de veille, ainsi que dans les églises et les tribunaux pour limiter la durée des sermons et des plaidoiries.

    2. Définition du symbole

    Avant d'entrer dans le vif du sujet, intéressons-nous tout d'abord à l'origine du mot « symbole ». Ce mot est issu du grec ancien « Symbolon » qui signifie « objet coupé en deux ». L'étymologie du mot comporte à la fois les idées de séparation et de réunion.

    Voilà une définition qui convient à merveille au sablier. En effet, celui-ci est composé de deux compartiments en verre, superposés et identiques, ceux-ci étant à la fois séparés et réunis par un goulet étroit où s'écoule le sable fin.

    Heureux hasard ou coïncidence fortuite ? Quoi qu'il en soit, sablier et symbole ont un point commun : leur définition.

    3. Quelques représentations symboliques

    Le sablier est souvent utilisé, entre autres usages, pour réglementer certains jeux de société en obligeant  un des joueurs à limiter son temps de réflexion avant de prendre une décision (déplacer un pion, par exemple), pendant que son adversaire attend patiemment son tour.

    Voilà déjà un message véhiculé par le sablier : gestion du temps, patience et maîtrise de soi.

    3.1. La fuite du temps

    Mais le premier sens symbolique du sablier, le plus évident, c'est « la chute éternelle du temps, son écoulement inexorable et son aboutissement dans le cycle humain, à la mort »  (Lamartine à propos de son poème Le Lac).

    Pour l'homme, le sablier est une allégorie sur la fuite du temps et la fragilité des choses. Le temps est précieux, il ne faut pas le gaspiller, chaque minute peut être la dernière.

    Dans les célèbres poèmes « Ode à Cassandre » et « Sonnet pour Hélène », Ronsard traite la fuite du temps en rappelant que la beauté est éphémère et que la jeune fille, une fois vieille, ne sera plus l'objet d'intérêts amoureux. Souvenons-nous des célèbres vers du poète : « Cueillez, cueillez votre jeunesse : comme à cette fleur la vieillesse fera ternir votre beauté ».

    Le temps est un vertige existentiel que l'être humain vit dans une relative indifférence, avec l'illusion qu'il est renouvelable à l'infini. Il se rend compte de son erreur quand il réalise tout à coup que les enfants ont grandi, que les rides se sont installées et que le monde a changé ... Symbole par excellence de la période qui sépare le berceau de la tombe, le sablier nous rappelle une réalité élémentaire : le relatif de toute vie humaine.

    Juste un mot sur l'apparence translucide du sablier qui est offerte à celui qui observe l'écoulement du sable. Cette visibilité lui permet d'être fixé sur l'état d'avancement de l'écoulement, ce qui lui confère la maîtrise du temps et de l'espace.

    3.2. Le retournement du sablier

    Les grains de sable qui s'écoulent du haut vers le bas peuvent être comparés au déroulement d'une vie avec son potentiel d'évolution. Lorsqu'il n'y a plus de sable dans le compartiment du haut, lorsque les possibilités d'expansion sont épuisées, le mouvement s'arrête et le cycle est clôturé. C'est alors que le sablier peut être renversé.

    Retourner le sablier signifie entamer un nouveau cycle en inversant la tendance. Chez l'homme, le retournement signifie changer le mode d’agir et de penser et amorcer un mouvement ascendant, synonyme d'élévation spirituelle.

    Voilà donc un autre message véhiculé par le retournement du sablier : la promesse d'une vie nouvelle faite d'élévation spirituelle.

    3.3. Le grain de sable

    Le sable est une poussière minérale provenant de la désagrégation de roches calcaires ou siliceuses. Il se trouve en abondance dans les plages, les dunes et dans les grands déserts sablonneux.

    Un seul grain de sable peut empêcher une mécanique de fonctionner. Il est alors le détail minuscule qui met en péril un projet longuement échafaudé. Il évoque la fragilité des entreprises humaines.

    Le sable évoque également la fluidité, il se dérobe sous nos doigts. Il revêt un caractère instable et peu fiable. Construire des châteaux de sable revient à échafauder des projets irréalisables.

    Le sable fin à l'intérieur du sablier symbolise la vie corporelle. Il nous enseigne que celle-ci est poussière face à l'immensité de l'univers.

    Quant à la stérilité du sable, elle évoque le néant des choses. Le sable s’écoule de façon monotone comme une vie sans idéal.

    L'écoulement grain par grain révèle que le temps s'égrène de manière irréversible. A terme, l'arrêt du mouvement est annonciateur de mort. Omnes vulnerant, ultima necat.

    Par contre, dans la Bible, le sable est cité à différentes reprises comme symbole positif, notamment de l'innombrable, de la postérité, des jours de la vie et de la pensée divine.

    3.4. L'infiniment grand et l'infiniment petit

    Le grain de sable est quantité négligeable. C'est l'infiniment petit. Mais par son grand nombre, il devient une force, une puissance. C'est l'infiniment grand (on parle d'une mer de sable ou d'un océan de sable).

    Dans une de ses Pensées, Blaise Pascal s'interroge sur l'infiniment petit et l'infiniment grand, qu'il reformule en les qualifiant de Néant et d'Infini. A la question  « Qu'est-ce l'homme dans la nature ? », Pascal répond  « Un néant à l'égard de l'infini, un tout à l'égard du néant ». Cette métaphore décrit de façon explicite la tragique position de l’homme, perdu entre l’infiniment grand et l’infiniment petit, égaré entre ses prétendues connaissances et l’infini de la sagesse divine, désorienté par un passé déjà révolu et un avenir qui n’a pas encore eu lieu.

    Fort de ce constat, Pascal conclut que la foi et l’humilité sont les seuls secours et que tout travail terrestre est insignifiant pour l'homme, si ce n'est la prière et le renoncement.

    3.5. Le point central du sablier : présent et éternité

    Le point central du sablier est le mince goulot, l'étranglement médian par où passent les grains de sable. C'est le lien entre le haut et le bas, la jonction entre le plein et le vide, entre le passé et l'avenir. C’est l’instant présent, incarné par chaque grain de sable qui change d'espace lorsqu'il  traverse l'étranglement. C'est l’éternel présent.

    Les premières réflexions autour du temps sont apparues chez les Grecs de l'Antiquité qui ont défini plusieurs types de temps.

    Le Kairos, tout d'abord, qui qualifie un moment précis et opportun, celui du basculement décisif, avec la notion sous-jacente d'un « avant » et d'un « après ».

    Le Kairos est donc « l'instant T », celui de l'opportunité car avant c'est trop tôt, après c'est trop tard.

    Le Kairos est le temps métaphysique qui n'a rien à voir avec le Chronos ou temps physique que l'on peut mesurer chronologiquement.

    Kairos constitue une autre dimension du temps, une notion immatérielle, mesurée non pas par la montre, mais par le ressenti. Un exemple concret de Kairos ? En prenant de l'âge, nous avons l'impression que le temps passe plus rapidement et que les années deviennent de plus en plus courtes par comparaison avec celles de notre jeunesse.

    Kairos a donné en latin opportunitas (l'opportunité, l'occasion à saisir).

    3.6. Temps profane et Temps sacré

    Dans nos Commanderies, la pratique nous apprend que la question du Temps se pose d'une manière particulière qui va nécessiter une méthode adéquate. Cette méthode s'appelle le rituel, plus précisément le rituel d'ouverture des travaux, placé comme il se doit en début de Chapitre. Il se présente sous la forme d’une cérémonie au cours de laquelle il est de coutume de s'informer de l'heure au début des travaux. Il en sera de même à la fin des travaux avec le rituel de fermeture des travaux.

    La fonction, je dirais même la vocation du rituel, est de rendre l’édifice profane propre à sa destination de Temple.

    C'est pourquoi le rituel s'attache à construire un espace et un temps sacrés, c'est-à-dire un lieu à l’abri du regard des profanes où le temps historique n’a pas de prise.

    Par convention, le temps et l'espace sont relativisés et revêtus d'autres qualités. Le temps peut sembler figé, mais cette pseudo immobilité n'est qu'apparente, elle traduit bien le caractère universel de notre Ordre.

    Le rituel est indispensable à la prise de conscience et à la révélation de notre homme intérieur. C’est dans le temps sacré que l’homme est en situation de pouvoir répondre le mieux aux questions qui donnent du sens à sa vie : qui suis-je ? Quel est mon devenir ?

    A l'image du sablier et de ses deux compartiments, le rituel s’impose comme la jonction entre le terrestre et le céleste, entre la matière et l’esprit. Lorsque l’espace et le temps sont devenus sacrés par l'intermédiaire du rituel, les Frères et Sœurs quittent l'espace et le temps profanes pour entrer dans l'Espace et le Temps sacrés. Pendant toute la durée du Chapitre, le temps historique est aboli au bénéfice du Temps sacré. Lorsque le Chapitre se termine, le rituel agit dans l'autre sens, un peu comme si on retournait le sablier, ce qui signifie le retour des Frères et Sœurs dans l'espace et dans le temps profanes.

    4. L'homme et sa place dans le Temps

    Dans mon introduction, je relevais que le sablier était riche en interprétations symboliques diverses. Je vous en ai présenté six, celles qui me semblaient les plus parlantes, mais il en existe d'autres. En philosophie, le temps est une question majeure. Pythagore, Platon, Aristote, Kant, Hegel, Heidegger, Nietzsche, Schopenhauer, Bergson, Sartre, Gaston Bachelard, et bien d'autres, ont élaboré leur propre conception du temps du temps.

    Le temps est un concept inventé par l’être humain pour appréhender les changements dans le monde. Il structure notre pensée et notre vie quotidienne, au point même que la précision de sa mesure a toujours fait l'objet de recherches scientifiques. Actuellement, la mesure du temps se fait grâce à l’atome de césium, avec une précision de l’ordre de 16 chiffres après la virgule d’une seconde !

    La « génération Y » (née entre 1980 et 2000) fonde son rapport au temps en fonction des nouvelles technologies. Un des éléments de sa culture est constitué par de l'information disponible immédiatement. Avec Twitter ou Facebook, par exemple, une information fait le tour de la planète en quelques minutes. Comme on dit couramment, « ça roule », mais à mon sens, la « culture Y » risque de confondre vitesse et précipitation. Une de mes vieilles connaissances qui travaillait comme maçon et carreleur me disait toujours : « Vite et bien dans mon métier, ça n'existe pas ! ».

    Conclusion provisoire

    Voici arrivé le moment de conclure. Mais apporter des conclusions, fussent-elles provisoires, à un sujet qui, nous l'avons vu, n'a ni commencement ni fin, peut devenir un casse-tête.

    Pour ne pas vous faire perdre votre temps, il m'a semblé intéressant de faire appel à un philosophe du temps pour clôturer mon parchemin. Ce philosophe est français, il se nomme Vladimir Jankélévitch (1903 – 1985) et il s'est très largement étendu dans son œuvre sur la question du temps et sur le thème de l’attente. Un thème particulièrement vital pour l'homme évoluant dans une société où le temps c'est de l'argent.

    Jankélévitch donne de l'attente une définition teintée d'ironie positive.

    Selon lui, l'homme s’attend lui-même tout au long de sa vie car le temps est une façon de se compléter dans le devenir. Ce type de comportement, le philosophe l'a appelé « ipséité » (du latin ipso, mot qui couvre l'ensemble des paramètres relatifs à une personne). L'ipséité désigne un concept très important chez Jankélévitch : la tension vers soi-même, et très précisément vers ce que l’on est soi-même, de manière viscérale et irréductible.

    Jankélévitch est le philosophe du devenir de soi. Ce devenir, il veut le surprendre « sur le fait, en train de, en flagrant délit, en équilibre sur la fine pointe de l'instant ». Sa conviction est que l'homme se construit dans ce rapport entre lui-même et le temps. Il n'est pas une banale temporalité uniquement tournée vers la mort car le temps de la vie c’est le temps de l’attention à soi.

    La profondeur de ses pensées a fait de Jankélévitch un philosophe mystique.

    Méditant sur le thème de la mort, Vladimir Jankélévitch pense qu’en dépit du néant sur lequel semble s’achever toute existence, la vie a toujours le dernier mot parce que la mort n’a pas le pouvoir d’effacer le fait d’avoir vécu.

    « Si la vie est éphémère, le fait d’avoir vécu une vie éphémère est un fait éternel ». Tel est le message de Vladimir Jankélévitch. Ce sera également ma conclusion.

    Frère Écuyer Freddy D.

    4.

     * Symboles de la Table capitulaire

    Le Mortier et son Pilon

    Le mortier est un récipient permettant de broyer des matières que l'on veut transformer en pâte ou poudre grâce à l'action d'un pilon. Mortier et pilon sont souvent fabriqués en pierre, en bois, en céramique ou porcelaine, en métal ou en verre.

    Voici, en guise d’introduction ce que j’ai appris à propos de ces ustensiles.

    Historiquement, nous savons que dès la préhistoire, l’utilisation méthodique du mortier est déjà présente.

    Mortier et pilon sont utilisés depuis l’antiquité pour piler divers produits de la pharmacopée en vue de préparations pharmaceutiques dont les acteurs étaient les apothicaires et les préparateurs en pharmacie. 

    Ils sont un des symboles les plus fréquents des préparateurs à travers le monde.

    En cuisine, les mortiers sont utilisés dans les sociétés traditionnelles pour broyer les grains en l'absence de moulin, ou pour des préparations culinaires  plus délicates : mélanges d’épices de la cuisine indienne, aïoli et pistou - ce dernier doit d'ailleurs son nom au pilon, ou « piston ».

    Le mortier peut servir d'instrument de musique, formant un intéressant développement de l’ethnomusicologie que l'on retrouve dans les sociétés traditionnelles actuelles comme par exemple chez les Touaregs modernes où des mortiers culinaires sont, le temps d’une soirée, utilisés comme instruments de musique en position retournée et recouverts d’une peau.

    Dérivant du mot latin « mortarium », le mortier désigne d'abord l'auge du maçon, puis son contenu. Cette distinction nous est restée puisque le terme mortier désigne le récipient et son contenu. Le mortellier désigne le fabricant d'auges de pierre qu'on appelle mortiers et ensuite celui qui brise certaines pierres dures pour en faire du ciment, constitue une des premières organisations de métier.

    La symbolique première plus psychanalytique indique que le pilon est un symbole masculin et le mortier un symbole féminin, l’ensemble symbolise l’union des deux !

    Le mortier, symbole de l'utérus, du cycle rythmique, de la friction qui produit le feu intérieur, le feu de vie, la semence, l'embryon. Jadis, dans l'antiquité les Vestales étaient les gardiennes de ce feu sacré.

    Évidemment, les mortiers sont aussi, et cela nous intéresse davantage, des instruments cérémoniels et font partie du processus alchimique.

    J’ai trouvé un vieux texte alchimiste dans une collection grecque en surfant sur le net et voici quelques bribes de ce texte : « Tout cela, tous les écrits alchimistes l’on révélé et l’ont érigé en doctrine pour la seule extraction : extrais la nature et tu trouveras ce qui est cherché, car la nature est cachée à l’intérieur. Là se trouve contenue la nature… observe en t’appliquant différemment, suivant les circonstances et en ouvrant ton esprit ».

    La transition est toute trouvée pour évoquer la représentation templière du mortier et du pilon parmi nos symboles.

    Pratiquer l'alchimie, dans le cas présent, c'est mortifier la matière première, c’est-à-dire notre corps ; c'est introduire la matière dans le mortier et la pulvériser grâce au pilon, ce qui correspond, en alchimie, à mettre la matière en contact avec le sel.  Cette matière, notre corps, doit mourir symboliquement pour pouvoir libérer sa quintessence. Cette matière sera blanchie grâce au sel, c’est-à-dire la Vraie Lumière. Et enfin, de blanche qu'elle était, la matière sera rougie par la quintessence.

    En d’autres termes, notre Réception dans l’Ordre du Temple n’est-elle pas tout simplement assimilable à une véritable Initiation qui marque le début de la transformation spirituelle que nous avons ardemment souhaitée en demandant notre admission dans cet Ordre ? Ainsi nous interroge notre noble Frère Commandeur dans un de ses parchemins !

    Le mortier et le pilon se trouvent en bonne place sur la Table capitulaire car ils symbolisent la transformation par laquelle nous devons passer pour progresser, la renaissance, comme la purification dans l’extraction de l’essence qui caractérise la matière première du chevalier en devenir.

    Ils se trouvent du côté de la colonne des Écuyers parce qu’ils sont en préparation pour ce passage important qui leur permettra d’atteindre le grade de chevalier.

    Nous sommes donc la matière destinée à être broyée pour être transformée. Et pour se faire, un métal lourd est indispensable.

    Cette vision toute symbolique, donne l’image profonde de la transformation attendue pour mériter de rejoindre les nobles chevaliers. 

    Le couple mortier et pilon rappelle que c’est ensemble que l’alchimie de la transformation est possible. La loyauté, le partage, et la co-construction sont les ingrédients indispensables à la réussite de cette métamorphose.

    Le cheminement seul est simplement semé d’embuches, le risque de se perdre dans les méandres de l’incertitude est fort.

    Entreprendre ensemble c’est accepter d’être dans un creuset avec ses Frères et Sœurs, et de s’imprégner des intelligences collectives avec les mêmes enseignements.

    Ainsi, pour moi, le mortier serait le symbole du « creuset », les « cherchants », la matière première ; et l’enseignement pourrait être le pilon.     

    Frère Novice Bruno L.

    Compléments d'information

    1. A propos de la Pierre brute

    Plusieurs significations peuvent être données à la Pierre brute.

    C'est le symbole du Novice encore ignorant mais disponible. Ce pourrait être aussi celui de la servitude, de l'esclavage. C’est encore un travail à effectuer, l’ignorance à vaincre. Elle pourrait aussi être le symbole de la liberté : une pierre non façonnée peut encore rouler à peu près n'importe où. Au contraire, la pierre taillée se trouve à une place bien déterminée dans l'édifice bâti.

    La Pierre brute, c'est le symbole du Novice avec toutes les imperfections de son esprit et de son cœur, qu'il doit s'appliquer à corriger.

    Par sa Réception dans une Commanderie du Temple, qui est une forme de  renaissance, le Néophyte se débarrasse progressivement de tout ce que la société a pu lui apporter d'artificiel et de mauvais. Il retrouve sa liberté de penser. Pour agir sur la matière, sur la Pierre brute, c'est-à-dire sur lui-même, le Novice se met à tailler lui-même la pierre et espère parvenir à la rendre parfaite à son gré.

    La Pierre brute que travaille le Novice, ce n’est pas seulement lui-même : elle est aussi un élément qui porte le secret de la construction. Et cette construction est d’origine céleste. Cette Pierre brute, si modeste en apparence, ne contient-elle pas toute l’harmonie du Temple ?

    Pour tous les symbolistes, la Pierre brute représente la nature humaine du Novice. Il doit la travailler constamment et intérieurement afin de se perfectionner.

    Certains pensent que, puisqu'elle reste toujours à dégrossir, la Pierre brute est assimilable à tout Novice, et qu’à chaque nouveau Novice, c’est d’une nouvelle pierre brute que l’on repart.

    Ce point de vue n’est pas gênant, mais seulement si l’on n’en reste pas à cette considération, qui limite le sens du symbole à une exigence d’amélioration personnelle.

    N’en déplaise aux défenseurs de l’hypothèse d’une amélioration de l’individu, cette vision quasi psychologique assimilant le Novice à la Pierre brute et revenant à dire qu’il est lui-même la pierre qui doit se tailler, n’est pas conforme au symbole, qui demeure dans le Temple de toute éternité, alors que le Novice y est introduit et s’en retire une fois l’œuvre accomplie.

    Une fonction de Pierre brute est donc donnée à tout Novice. Cependant son travail ne consiste pas à se donner des coups de ciseau sur lui-même, mais à reconnaître la cause divine de la manifestation.

    2. A propos de la Corde

    La corde en tant que symbole est d’abord présente dans le Cabinet de réflexion puis sur la Table capitulaire, du côté où siègent obligatoirement les Novices.

    La corde, c’est un assemblage de fils de chanvre ou de tout autre textile, tordus ensemble pour former un fil, un câble.

    De par sa définition, la corde à elle seule est tout un programme au plan symbolique. En effet, parce qu’elle est le résultat d’un assemblage, donc de la réunion d’éléments divers ou hétéroclites pour former un tout homogène, elle symbolise la cohésion, l’homogénéité, l’unité, l’union, l’harmonie.

    La corde relève, de façon générale, de la symbolique de l’ascension : elle représente aussi bien le moyen que le désir d’ascension.

    N’entrons-nous pas, en effet, dans l’Ordre du Temple, pour progresser en sagesse, pour élever notre conscience ?

    De la corde aux nœuds que l’on forme avec elle et plus encore au nœud coulant qui se serre et desserre sans se dénouer, tout est symbole de lien, d’attache, d’union, d’affection, de solidarité.

    Nouée, la corde ne symbolise-t-elle pas toute forme de lien, de dépendance ?

    Si nous sommes entrés dans la salle capitulaire la corde au cou, ce pourrait être pour nous faire croire que nous sommes dans l’état de celui que l’on va pendre. Tout postulant a remplacé sa belle cravate, son beau foulard, symbolisant une position sociale, par une cravate de chanvre qui en est la contrepartie. C’est de celle-ci, symbole d’aliénation totale, dont il va être libéré par son entrée dans l’Ordre du Temple. Cette corde vient en contre point des promesses contenues dans la tenue vestimentaire de celui qui demande l’entrée dans l’Ordre du Temple. Elle marque son état encore profane, la dépendance aux valeurs de ce monde dans laquelle il évolue, son manque de liberté réelle dont il n’a pas conscience. Le fait d’avoir, en plus, les yeux bandés, renforce l’état de dépendance, encore pire que ce que laissait entrevoir la corde. Celui qui avait l’habitude de se diriger seul s’en remet entièrement à celui qui le guide. 

    Du point de vue initiatique, qui est le nôtre, celui qui guide est un Initié, quelqu’un qui connaît le chemin, et les épreuves qui le jalonnent. A partir du moment où il s’est lancé sur le chemin, celui qui est guidé doit lui faire une totale confiance…

    Lancé dans une démarche dont il ne sait rien, ou si peu, le candidat ne peut que faire confiance à son guide.

    3. A propos du Mortier et de son Pilon

    Le mortier et le pilon représentent le creuset alchimique. Ils sont les deux ustensiles essentiels à tout alchimiste. Sans eux, les ingrédients ne sauraient être correctement préparés en vue de l’élaboration d’une potion. Mais le mortier et son pilon ne sont-ils pas présents dans la cérémonie de Passage au grade d’Écuyer pour nous inviter à devenir des alchimistes spirituels ?

    Pratiquer l'alchimie, dans le cas présent, c'est mortifier la matière première, c’est-à-dire notre corps ; c'est introduire la matière dans le mortier et de la pulvériser grâce au pilon, ce qui correspond, en alchimie, à mettre la matière en contact avec le sel. Cette matière, notre corps, doit mourir symboliquement pour pouvoir libérer sa quintessence. Cette matière sera blanchie grâce au sel, c’est-à-dire la vraie lumière. Et enfin, de blanche qu'elle était, la matière sera rougie par la quintessence.

    En d’autres termes, notre Réception dans l’Ordre du Temple n’est-elle pas tout simplement assimilable à une véritable Initiation qui marque le début de la transformation spirituelle que nous avons ardemment souhaitée en demandant notre admission dans cet Ordre ?

    Le but du Travail, tant du Novice que de l’Écuyer et du Chevalier, c’est d’apprendre à se connaître soi-même en partageant avec ses Frères ses joies et ses difficultés dans cette difficile recherche. Celui qui veut entreprendre une recherche personnelle, souvent solitaire, et qui trouve son bonheur de pouvoir en parler avec ses Frères trouvera facilement son chemin. Ainsi celui qui serait curieux et avide de recettes et de secrets pour gagner des atouts dans sa vie sociale se trouverait rapidement perdu. Les transformations qui se produisent à l’intérieur de celui qui travaille, qui taille sa pierre, sont lentes, sourdes et quelquefois puissantes. 

    4. A propos du Sablier

    Généralement chacun s’accorde à dire que le sablier représente le temps qui passe. Le sablier est parfois représenté avec des ailes d'oiseau ou de chauve-souris pour symboliser la fugacité du temps qui passe. On représente souvent le Temps un sablier à la main : les allégories du Temps ou de la Mort portent souvent un sablier et par extension celles de la mélancolie.

    Le sablier, symbole du temps qui passe, nous incite à méditer sur l'éphémère, c’est-à-dire tout ce qui n’a qu’une très courte durée. Le premier sens est évidemment celui de l'écoulement du temps, induisant les notions de vieillissement, de fatalité, d'irréversibilité et donc de mort...

    La mort apparaît donc sous la forme du grand mystère qu’il nous faut comprendre et connaître, et le sablier qui désigne traditionnellement l’écoulement du temps, qui nous conduit immanquablement à l’heure de notre mort, est un symbole qui y est étroitement lié.

    Dans son écoulement de sable, le sablier est un symbole cyclique, à l'image du monde. Mais pour être comme le monde, c'est-à-dire toujours en mouvement, il faut retourner régulièrement ce sablier.

    A l'image des cycles cosmiques, que l'on retrouve dans les écoles platonicienne et pythagoricienne, mais aussi en Inde et en Amérique Centrale et du Sud, l'écoulement de sable commence lentement et semble, en apparence seulement, s'accélérer jusqu'à la fin.

    A l'échelle d'une vie humaine, l'homme mûr considère que ses années d'enfance ont duré très longtemps, alors que le sujet âgé lui, dit ne plus voir passer les jours, ressentant ainsi subjectivement une accélération, alors que bien évidemment rien n'a changé... On peut donc légitimement s'interroger sur le fait de savoir, si nous ne sommes pas dans cette période, où l'on a justement découvert la relativité du temps, en train de vivre une phase d'accélération de fin de cycle...

    De manière plus « mystique », on peut dire que les deux parties du sablier peuvent être assimilées au ciel et à la terre. Le sable subit « naturellement » les lois de l'attraction terrestre, alors que l'élévation est impossible sans un renversement, qui veut qu'alors l'âme se détourne du monde et se répande sur la terre... un peu comme une conversion en quelque sorte...

    L'étranglement lui, est mis en rapport avec le symbolisme de la « porte étroite », passage obligé de la réalisation du plein épanouissement spirituel. Le principe du sablier qui se vide, via ce passage étroit, symbolise « une forme de mort » avant que le retournement, c'est-à-dire l'initiation, n'induise une renaissance.

    Mais ne perdons pas de vue que dans le sablier il y a du sable ! Dans notre approche du symbolisme du sablier, il nous faut donc aussi considérer cet autre symbole qu’est le sable.

    Rappelons que le sable est une roche sédimentaire meuble, constituée de petites particules provenant de la désagrégation d'autres roches dont la dimension est comprise entre 0,063 et 2 mm. Le sable se caractérise par sa capacité à s'écouler. Plus les grains sont ronds, plus le sable s'écoule facilement.

    Le sable symbolise l'infiniment petit et est un constant rappel de l'humilité qui doit présider à l'action des hommes. Le sable a également un lien avec l'éphémère. Le vent l'emporte, le transforme, le modèle et reproduit l'impermanence des choses et des êtres. Les moines tibétains, qui tracent méticuleusement de somptueux mandalas avec des sables colorés pour les effacer en une fraction de seconde, célèbrent à travers cet acte les vertus du non-attachement.

    Le sable, c’est aussi l’image la stérilité de la terre, et donc la putréfaction, essentielle elle, au processus de réalisation du Grand Œuvre. L'art du blason ne dit-il pas qu'un champ noir est dit « de sable ». Rappelons que notre Beaucéant est de sable (noir) et d’argent (blanc)

    Le sable qui s’écoule, c’est, d’abord, une allégorie sur la fragilité des choses et la fuite du temps. Le temps est donc précieux parce qu’il nous est à tous mesuré. Il ne faut pas le gaspiller, chaque jour, chaque heure, chaque minute qui passe pouvant être la dernière. Ainsi, le sablier nous incite, dans un premier temps, à agir de manière efficace et à ne pas différer à plus tard ce qui peut être accompli immédiatement.

    Il faudrait sans doute aussi réfléchir un peu plus profondément à cette fameuse fuite du temps. Face à la fuite du temps, l’homme est apparemment impuissant. Certes, le sablier symbolise « la chute éternelle du temps, son écoulement inexorable et son aboutissement, dans le cycle humain, à la mort ».

    Mais, parce qu’il peut être renversé, le sablier symbolise aussi la possibilité de renverser le temps, de retourner aux origines.

    Outre qu’il se renverse, comment fonctionne vraiment le sablier ? Par sa forme à doubles compartiments égaux, il montre l’analogie entre le haut et le bas ainsi que la nécessité, pour que l’écoulement se produise vers le haut, de renverser le sablier. Renverser le sablier, c’est inverser notre mode d’agir et de penser.

    En fait, agir et penser de manière différente, c’est s’approprier le temps et l’espace. Le vide et le plein doivent se succéder : passage du supérieur à l’inférieur, du céleste au terrestre, et ensuite, par renversement, du terrestre au céleste. Le sablier symbolise donc, dans un second temps, le véritable choix mystique, profondément initiatique, du mystérieux lien qui unit l’homme, le temps et la divinité.

    Ce lien entre le haut et le bas – que symbolise le sablier – ce lien entre le vide et le plein, entre l’avenir et le passé, c’est le mince goulot, l’étranglement médian par où passe chaque grain. C’est ce qu’André Gide appelle « la porte étroite », par laquelle s’effectuent les échanges. C’est l’instant, incarné par chaque grain de sable qui s’écoule, à la fois unique et sans cesse identique. C’est l’éternel présent.

    Car c’est à tort que l’on oppose traditionnellement présent et éternité. Ce qu’il faut opposer à l’éternité, c’est en fait la durée. Dieu, Créateur de l’Univers, est celui qui est, celui qui a été et celui qui sera. L’instant, pour lui, n’existe pas et, a fortiori, la durée qui n’est qu’une somme déterminée d’instants accumulés. L’homme est donc sur terre pour faire une expérience que seule lui, en tant que créature à l’image de Dieu dont son cœur recèle probablement une particule, est capable de vivre.

    Vivre une vie d’homme, ce n’est pas qu’accumuler une somme d’instants fugaces ; ce n’est pas que compter un tas de sable constitué de grains de présent et estimer le nombre de grains qui vont s’écouler. Vivre une vie d’homme, c’est expérimenter consciemment la durée, ce qui est impossible à la divinité éternelle.

    Et pour expérimenter cette durée en homme libre, il faut non pas, en renversant le sablier, simplement ajouter des instants au passé, remplir à nouveau ce qui est devenu vide, en clair subir passivement la dualité. Non, il faut, au contraire, s’en libérer en vivant pleinement cet éternel présent dont l’homme détient les clés.

    Cet éternel présent n’est pas une prison aux murs opaques mais bien une ouverture vers l’équilibre de la Sagesse, un affranchissement définitif de la dualité, une porte cette fois grande ouverte sur l’univers où l’homme libre est à sa juste place en tant que lien pensant entre le macrocosme et le microcosme.

    Le symbolisme du sablier fait intervenir la notion d'écoulement du temps et qu’à cet égard on y inclut bien évidemment la notion des cycles.

    Le sable qui s'écoule de plus en plus rapidement – et non pas toujours à la même vitesse – au fur et à mesure qu'il se rapproche de la fin, illustre bien le principe des âges allant s'amenuisant et s'accélérant, comme si l'écoulement des grains de sable représentait toutes les possibilités, incluses dans un cycle de manifestation, et qui n'ayant pas été utilisées en vertu de leurs possibilités et potentialités, avaient hâte que ce temps particulier prenne fin.

    Le sablier qui se trouve posé dans le prolongement de la rangée des Écuyers symbolise le temps. Il représente sur le plan matériel, donc terrestre, le temps qui s’écoule et qu’on ne peut inexorablement pas arrêter, chaque grain de sable qui tombe nous rapprochant irréversiblement du jour de notre mort.

    Le sablier représente encore autre chose, qui pour le profane n’est peut-être pas tout de suite perceptible, ce qui n’enlève rien à sa force évocatoire, car le sablier qui a tout pouvoir sur le plan terrestre (matériel), n’en a aucun sur le plan astral ou cosmique. Ce qui signifie, qu’une fois l’homme libéré des chaînes matérielles du temps terrestre, il pourra enfin réintégrer le temps initial, c’est-à-dire celui de la création, du commencement, l’instant primordial d’avant la chute, là où les servitudes n’existaient pas.

     Frère André B. - Commandeur de St-Léger


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  • Activité à la Commanderie de Saint-Léger

    En relation avec la prestation de serment de nos deux nouveaux Novices reçus ce 15 février 2019, notre Frère Écuyer Axel VDH nous a présenté le parchemin suivant :

    « Honore la parole que tu as donnée ».

    Dans les devoirs du Templier (repris sous les commandements) un des articles ordonne : « Sois toujours fidèle à tes engagements et honore la parole que tu as donnée ».

    Edmund Spenser (poète anglais de la période élisabéthaine, né à Londres vers 1552 et mort le 13 janvier 1599) disait « L'amour est plus précieux que la vie ; l'honneur plus que l'argent, mais plus précieux que tous deux, la parole donnée ».

    La parole donnée doit être respectée. Elle est une obligation morale, du reste, issue du droit canon selon laquelle toute promesse quelle qu’en soit la forme devait être respectée sous peine de commettre un péché. C’est vers le XIIème siècle que la morale chrétienne fait apparaître ce nécessaire respect de la parole donnée. Il s’agit de l’idée que tout individu est tenu de respecter ses engagements quel qu’en soit leur forme, idée qui fait étrangement écho à la théorie de l’autonomie de la volonté développée par Kant à l’ère du libéralisme économique et de l’individualisme et qui veut que la volonté soit apte à dicter sa propre loi. Dit autrement, la volonté des parties peut créer à elle seule un, le contrat et les effets qui en découlent. Cette théorie justifiée à l’époque (fin XIXème siècle) par les considérations philosophiques des Lumières, la morale judéo-chrétienne du droit canon et le libéralisme économique, a largement inspiré les rédacteurs du code civil et constitue au moment de la rédaction du code, un principe fondateur de la théorie générale des contrats.

    Donner sa parole, voilà qui engage au plus profond l’éthique. Si je donne ma parole, me voilà engagé à la tenir. Celui qui ne tient pas parole ne mérite pas qu’on lui fasse confiance et d’un certain point de vue il se place ainsi à l’écart de la communauté politique dont il fait partie tant est-il que toute vie communautaire suppose précisément la confiance dans la parole, dans le pouvoir de la parole, la croyance dans les mots. Comprenons-nous bien : quand nous employons l’expression « parole donnée », il ne s’agit pas simplement des paroles solennelles, des promesses, des engagements, des serments ou des contrats. Il s’agit de tout l’usage de la parole : dès que je parle, je donne ma parole comme parole de vérité. Sinon, on ne peut pas dire que je parle mais que je me contente de faire du bruit.

    La parole est un don.

    Que la parole fonctionne sur le mode du don tel que l’a analysé Marcel Mauss, c’est assez facile à montrer (Mauss est né le 10 mai 1872 à Épinal et mort à 77 ans à Paris, il est généralement considéré comme le père de l'anthropologie française. En 1895, Marcel Mauss obtient l’agrégation de philosophie). On peut résumer le don, comme « fait social » fondamental et Mauss l’a analysé de la manière suivante :

    • Donner : c-à-d exister socialement, c’est être capable de donner. Il y a dans le don quelque chose qui s’impose de multiples façons : s’y mêlent les obligations sociales (« noblesse oblige ») et l’émulation (je donne pour montrer ma richesse et ma grande générosité, largesse.

    Le don m’achète l’attachement des autres. (Donner m’amène donc à recevoir.)

    • Recevoir : celui à qui on fait un don doit l’accepter. Refuser un don, c’est injurier le donateur. Accepter le don, c’est entrer dans une relation qui renforce le lien social. (Recevoir m’amène à rendre.)
    • Rendre : Quand un don a été reçu, on doit le rendre. Il faut rendre au moins autant et de préférence plus en sorte de renverser le rapport institué par le donateur.

    Analysons la parole sous forme de don.

    Tout d’abord, en effet et comme développé ci-avant, la parole est un don ! Nous l’avons reçue, de la nature, mais aussi et surtout de nos parents, du pays dans lequel nous avons grandi. La parole ne nous appartient pas originellement comme nos bras, nos yeux, etc. Il faut qu’il y ait eu quelque chose de spécial pour faire advenir l’enfant à la parole, quelque chose qui ne procède pas de la nature mais de la culture. On dit que la mère donne naissance, donne la vie, etc. : pourquoi parle-t-on de don ?

    C’est parce que la mère parle à l’enfant et lui apprend à parler (ne dit-on pas « la langue maternelle » pour désigner cette langue que nous parlons en premier). L’enfant existe comme sujet, détaché de sa mère, sorti du mode fusionnel Si la parole est un don, on peut maintenant voir le problème sous un autre angle : quand nous parlons, nous donnons quelque chose. Mais quoi ? Les paroles ne sont-elles pas que du vent ? Les théoriciens des actes de langage privilégient la parole comme engagement qui permet de faire des choses.

    Mais c’est une vision très étroite des choses. Dès que je parle, je donne ma parole et donc je m’engage (peut-être est-ce que je donne ma parole « en gage »).

    S’agit-il de dire qu’il fait froid dehors, ma parole est censée porter une vérité, une toute petite vérité certes, mais une vérité tout de même puisque la parole par essence engage la vérité – soit dit en passant, en disant cela je soutiens une thèse philosophique en opposition avec tout un courant moderne et contemporain (depuis Wittgenstein), ce qu’on a appelé la «philosophie analytique», un courant qui défend une conception purement opérationnalise de la parole. A l’encontre du fameux « dire, c’est faire », j’affirme que parler, c’est s’engager sur la vérité dont la parole est porteuse. L’interlocuteur, celui à qui je parle, est alors dans la situation de celui qui doit recevoir. Il n’a rien demandé, souvent, mais il doit recevoir.

    Recevoir la parole de l’autre, c’est d’abord y porter attention, la considérer avec tout le sérieux qu’elle mérite. Cela ne veut pas dire croire aveuglément, bien sûr ! Mais même réfuter une affirmation, c’est la prendre au sérieux et la considérer comme ce qu’elle prétend être, savoir une vérité. Répondre, c’est donc rendre. Parfois simplement se mettre d’accord. On retrouve bien le schéma ternaire du don, mais aussi le schéma du dialogue platonicien, et notamment ce rapprochement que Socrate fait entre la parole véritative et un accouchement. Donner la parole et donner la vie, ce sont deux actes similaires dans leur fond.

    Donc si la parole est un don, à la fois parce qu’on m’a donné la faculté de parler au moins ma langue maternelle, et parce que je me suis nourri des paroles des autres, il faut maintenant approfondir le sens plus spécifique de l’expression « donner sa parole ».                                      

    Dans les sociétés traditionnelles, donner sa parole, c’est bien donner ce qu’il y a de plus précieux. C’est pourquoi manquer à sa parole est un véritable crime, bien plus grave que l’homicide, par exemple. « On lie les bœufs par les cornes, les hommes par les paroles » disait le juriste du XVIème siècle Antoine Loysel. Ce lien est un lien sacré et celui qui le défait se met donc à l’écart de la société des humains. On sait bien que les hommes peuvent ne pas tenir leur parole, peuvent être perfides, mais cela ne change rien à la confiance que l’on doit mettre dans la parole. Un contrat oral suffit. Sur les marchés aux bestiaux, il y a à peine un demi-siècle, une poignée de main valait signature, même pour des transactions assez importantes.

    La parole donnée, implique donc la liberté ou non de tenir parole, et bien qu’elle soit généralement vérité, elle peut également servir de subterfuge pour masquer l'inconnaissable, l'ambivalence. La parole donnée est en effet toujours porteuse de son double et donc d'un redoutable doute.

    À tous égards donc, la parole engage et organise au plus profond toutes les relations sociales. Du don elle possède le caractère inconditionnel, l’obligation pour le destinataire de s’y soumettre – ou d’assumer le conflit – et la réciprocité.

    La parole donnée suppose la confiance. Mais je ne peux avoir confiance en quelqu’un que si j’ai de bonnes raisons de lui faire confiance, soit que je le connaisse directement, soit que l’éthique communautaire me garantisse, autant que faire se peut, que cette parole est véridique. La parole donnée fait place alors à l’écrit. Ne dit-on pas : « les paroles s’envolent, les écrits restent » ? Les écrits, on ne peut s’en défaire sauf en les brûlant, ce qu’on fait les paysans pendant la révolution française : ils sont montés à l’assaut des châteaux non pour devenir châtelains à leur tour mais pour brûler tous ces textes où était gravée leur antique servitude. Les contrats deviennent presque tous des contrats écrits. Exactement comme on pourrait voir toute l’histoire comme le passage du don à l’échange marchand, on peut voir corrélativement la marginalisation de la parole vivante au profit de l’écrit et des procédures formelles telles que du droit.

    Pour conclure, remarquons, en tout cas, que l’écrit n’est pas la simple transcription de la parole, le signe de la parole, comme le disait Aristote, mais qu’il en est, à certains égards l’exact opposé puisqu’il s’impose quand la parole perd sa valeur – elle est censée s’envoler alors que les écrits restent ! Et je reprendrai enfin une citation dans Le Talmud ; Pessahim – V° siècle : « Dépouille une charogne plutôt que de revenir sur une parole donnée ».

    Frère Écuyer Axel VDH - Commanderie de Saint-Léger - Grand Prieuré de Belgique

     * Commanderie de Saint-Léger

     


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  • Activité à la Commanderie de Saint-Léger

    A l'occasion de la Réception de deux Novices dans notre Ordre, notre Frère Novice Freddy D. nous a présenté le parchemin suivant :

    LE TRÉSOR DES TEMPLIERS

    Mythe et réalités

     * Le trésor des Templiers

    1. Introduction : la genèse du mythe

    Sept cents ans après leur disparition, la mémoire collective se souvient des chevaliers du Temple, de leur mission de protection  des lieux Saints et de leur fonction d'escorte des Chrétiens désireux de s'y rendre. L’Ordre du Temple voit le jour à Jérusalem au 12ème siècle, dans un contexte d’exaltation de la foi chrétienne. Son extinction est marquée par trois dates clé :

    • 1307 (arrestation massive des Templiers)
    • 1312 (abolition définitive de l'Ordre par le pape)
    • 1314 (mort sur le bûcher de son grand Maître Jacques de Molay)

     * Le trésor des Templiers

    Après la disparition de l'Ordre apparaissent de nombreuses légendes au sujet des Templiers. A partir du 18ème siècle, certains milieux maçonniques y voient la possibilité d'établir un maillon avec les bâtisseurs mythiques du Temple de Salomon. Tous les ingrédients sont alors réunis pour que l'imagination populaire prenne son envol, dans un contexte de légende du Graal et de renaissance ésotérique. Le mystérieux trésor, source de richesse et de  puissance, prend un caractère fabuleux. La légende se tisse, lentement mais sûrement...

     * Le trésor des Templiers

    2. Monstre du Loch Ness et chasseurs de trésors

    2.1. L'affaire de Gisors

    Comme tous les trésors, celui des Templiers n'a pas échappé à la convoitise des chasseurs de trésors ni des mystiques de tous acabits. A cet égard, l'affaire de Gisors peut être considérée comme emblématique. Le château-fort en ruines de Gisors en a été le théâtre, au cours d'une longue séance de délire collectif qui aura duré plus de quarante années.

     * Le trésor des Templiers

    La première péripétie a lieu en mars 1946, quand Roger Lhomoy, jardinier municipal, prétend découvrir des sarcophages templiers ainsi que trente gigantesques armoires dans une crypte secrète située sous le château. Sans trop se demander pourquoi un simple ouvrier municipal a décidé de fouiller seul le sous-sol du château-fort sans demander l'avis de personne, le Conseil Municipal va le croire sur parole. Des recherches sont entreprises, mais il est impossible de retrouver les objets en question, ils ont mystérieusement disparu de la circulation. Pire, cette disparition ne fait qu'exciter la curiosité et met le pays en émoi.

    En 1960, des archéologues dépêchés sur place concluent trois années de fouilles méticuleuses par un constat infructueux. 

    Les médiums, les radiesthésistes et les fouilleurs clandestins se succèdent sans interruption jusqu'à ce que la  tension monte encore d'un cran  et que la presse et la télévision s'emparent de l'affaire.

    En 1964, le ministre de la culture André Malraux intervient officiellement en envoyant sur place le 5ème Génie militaire de Rouen. Les fouilles ont des conséquences inattendues, elles menacent la stabilité du donjon, ce qui occasionne des opérations onéreuses pour assurer sa consolidation.

    Seul résultat tangible de cette affaire rocambolesque : son instigateur Roger Lhomoy est considéré comme fou et licencié !

    Jusqu'en 1984, les fouilleurs clandestins continueront à descendre dans les abîmes du château-fort avec comme conclusion un bras ou une jambe dans le plâtre.

    2. 2. Retour en Belgique !

     * Le trésor des Templiers   * Le trésor des Templiers   * Le trésor des Templiers

    Août 2017, la commune d'Ellezelles fait la une des journaux et de la télévision. Un original invoque Nostradamus pour effectuer de savants calculs qui indiquent sans aucun doute possible que le trésor est caché à 9 mètres sous sa cave à betteraves. Depuis de longues années, l'individu s'est mis en tête de faire classer son terrain par la Région Wallonne. Celle-ci s'en mêle, pour finir par « s'emmêler » les pinceaux ! Un petit coup de pouce est encore demandé à un politicien local, mais la vessie se dégonfle avant que ne soit écrit un nouvel épisode de Tintin chez les Templiers.

     * Le trésor des Templiers   * Le trésor des Templiers

    3. Comment le mythe est-il entretenu ?

    3.1. Le marketing commercial

    Comme c'est souvent le cas, les marchands du temple sont plus prompts à tirer du profit qu'à se soucier de vérité. Rien d'étonnant, donc, à ce qu'un business lucratif se soit organisé autour du « fabuleux trésor », un business dopé par un marketing efficace. Analysons ensemble la situation.

    – La littérature romanesque dite « d'aventure », d'abord. Rien que sur le site Web Babelio, 411 livres « templiers » sont recensés. De toute évidence, le Templier est un sujet très prisé par les maisons d'édition.

    – Les cinéphiles, ensuite. Ceux-ci trouveront une quinzaine de films et une cinquantaine de DVD répertoriés dans le catalogue Amazon.

    – Les amateurs de bandes dessinées auront le choix entre 13 BD référencées « templiers » sur bédéthèque.com.

    – Les fanas de jeux vidéo ne sont pas en reste : 9 jeux classés « templiers » figurent au catalogue du site senscritique.com.

    – Les amateurs de vieilles pierres se tourneront vers les visites de châteaux classés « templiers », même de très loin (on en trouve aux six coins de France) (N.d.l.r. / Quand on évoque la France, on parle souvent de "l'hexagone"!).

    – Mieux encore ! La ville de Gisors continue à faire parler d'elle. L'office du tourisme propose aux amateurs éclairés « des tee-shirts pour hommes et enfants avec chevalier templier devant ou dans le dos », ainsi que des « statuettes templières », etc.

     * Le trésor des Templiers

    – Une petite soif de « vins templiers » ? Les vignobles « Terre des Templiers » vous attendent à Banyuls et Collioure.

     * Le trésor des Templiers

    – Ou alors un petit Côte du Rhône ? Le « Cellier des Templiers » au Nord d'Avignon vous tend les bras avec, pour les plus avertis, des  dégustations /ventes d'huile d'olive, de lavande, de truffe et de miel ...

     * Le trésor des Templiers

    – Une petite coupe de champagne ? La cuvée « Le Trésor des Templiers » a été élaborée par la Maison de Champagne R. Dumont et Fils.

     * Le trésor des Templiers

    – Et pour les zythologues me direz-vous ? (du grec ancien zythos, la bière). La « Tempelier » trône sur tous les bars bien achalandés du plat pays. A déguster avec modération ! (N.d.l.r. : comme au bar des Commanderies du Grand Prieuré de Belgique !)

     * Le trésor des Templiers

    Ces quelques exemples permettent de souligner le professionnalisme et l'efficacité des stratégies marketing. Une source de revenus appréciable, un petit trésor, moins mythique que celui colporté par la légende, mais « business is business » !

    3.2. Le marketing touristique

    Par souci d'objectivité, il convient ajussi de citer le marketing touristique. Celui-ci est respectueux de l'histoire. Il est réalisé par diverses associations et Offices du tourisme de Champagne, notamment dans la petite ville de Payns, lieu de naissance d'Hugues de Payns, ainsi qu'à Troyes, avec des expositions, des conférences, un colloque international, des  spectacles, concerts, ateliers pour jeune public, des balades contées, etc.

    Et, pour terminer dans la même veine, n'oublions pas l'exposition qui se tient jusqu'au 31 mars 2019 dans les caves romanes de l'Abbaye de Villers-la-Ville intitulée « Les Templiers – Entre mythes et réalité ». Cette exposition explore de manière didactique la thématique du Temple et du fameux trésor des Templiers.

    Voir notre avis très nuancé à propos de cette expositionLien

    4. La réalité historique

    Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce fabuleux trésor enflamme les imaginations et déchaîne les passions. Pour démêler le vrai du faux, faisons appel à Alain Dierkens, historien spécialiste du Moyen-Age, professeur à l’Université Libre de Bruxelles. Alain Dierkens connaît sur le bout des doigts le parcours des Templiers et la légende de leur prétendu trésor.

    Pour lui, il n'y a pas de trésor, ni à Ellezelles ni ailleurs. Certes, l’esprit des gens est titillé par des coffres plein de pièces d'or et de bijoux, mais aucune vérité historique n'atteste cette interprétation. Par contre, il existe des preuves historiques selon lesquelles la fortune de l'Ordre du Temple est surtout constituée de terres et des revenus de celles-ci

    Autre réalité historique : les Templiers avaient fait vœu de pauvreté et ils étaient réellement pauvres. Par ailleurs, souvenons-nous qu'ils étaient étroitement surveillés par les espions du roi depuis des mois, si pas des années. Peut-on admettre qu'ils aient pu faire disparaître un trésor à leur nez et à leur barbe ?  Philippe le Bel était tenu au courant des moindres faits et gestes des Templiers, il est difficile de croire qu'il n'aurait jamais tenté de mettre la main sur ce pactole.

    Pourquoi dès lors parler d’un trésor caché ?

    En 1291, après la dernière croisade, le déclin des Templiers va commencer. Ce n'est un secret pour personne, le roi Philippe le Bel est terriblement jaloux des Templiers. En 1307, il ordonne leur arrestation en masse. Toutes les commanderies sont séquestrées et au moment de saisir leurs biens, les gens d'armes du roi s'aperçoivent que les Templiers possédaient peu d’argent. En outre, le bruit court que les chevaliers avaient été prévenus de cette opération, ce qui leur aurait donné le temps de mettre à l'abri des caisses avec des richesses.

    L'historien Alain Dierkens est formel sur ce point : historiquement, cette assertion ne repose sur aucun élément probant. Pas plus, d'ailleurs, que le témoignage oral d'un certain Jean de Châlons qui aurait affirmé en juin 1308 devant le pape que, la veille de la date fatidique du 13 octobre 1307, « un cortège comprenant trois chariots remplis d'un "trésor" (sans autres précisions), recouverts de paille et accompagné par 50 chevaux quittèrent le Temple de Paris sous la conduite de deux Templiers pour prendre la mer vers l'Angleterre avec 18 galères ».

    L'historien Alain Dierkens est tout aussi formel : aucune preuve ne permet de valider ce témoignage, considéré par ailleurs comme très fragile eu égard à son aspect strictement verbal.

    Si on ajoute à toutes ces hypothèses les ingrédients que sont la fascination pour les belles légendes de chevalerie et les mystères templiers, on comprend aisément que la fable du trésor a trouvé là un terreau favorable à sa propagation, renforcé par un contexte historique « sympathique » qui présente les Templiers comme des victimes, puis comme des martyrs.

    La vraie histoire est écrite dans les documents historiques anciens : parchemins, documents notariaux, cartulaires, etc. Selon ceux-ci, l'Ordre reçoit des dons et legs, rentes, terrains, moulins, troupeaux, maisons etc. Il met en place des commanderies.

    En Occident, ce sont essentiellement des exploitations agricoles, dont un tiers des revenus est versé annuellement pour participer à l'effort de guerre en Terre sainte. Bons gestionnaires, les Templiers font fructifier les richesses en leurs possessions. Ils perçoivent aussi des droits divers et assurent des transferts de fonds de l'Occident vers l'Orient, pour leur compte comme pour celui de particuliers qui se rendent en pélerinages là-bas. Le Temple prête également parfois de l'argent à des puissants ou à de simples particuliers.

    Tout ceci laisserait donc supposer que les Templiers sont très riches, mais ce n'est pas le cas : ils ne possèdent pas de fortune en numéraire.  La défense des possessions en Terre sainte coûte extrêmement cher : financement de l'équipement et recrutement des hommes, dont des mercenaires n'appartenant pas à l'Ordre, construction de forteresses, etc. L'argent est envoyé en Syrie-Palestine pour financer la guerre. Néanmoins, si l'on prend en considération l'immense patrimoine immobilier et foncier de l'Ordre, il peut apparaître comme riche de ce point de vue.

    Pour conclure provisoirement sur ce point, écoutons l'avis de l'historien Alain Dierkens : « Tout porte à croire que le trésor des Templiers est le même que celui des autres ordres religieux, il se compose d'archives et de quelques reliques. La thèse du trésor caché est de la sur interprétation de l'histoire, et l'histoire, ce n'est pas du roman. Mais les mythes ont la vie dure ... »

    5. Que laisse l'Ordre en héritage ?

    Examinons maintenant ce qu'il nous reste de l'Ordre après élimination des élucubrations mythologiques que nous venons d'évoquer.

    5.1. La banque

    Il est piquant de constater que les « Pauvres chevaliers du Christ » furent pendant plusieurs siècles les banquiers des rois, des princes et des papes. Qu'ils agissaient également en tant qu’huissiers pour recouvrer des dettes ou pour consigner des biens ou d'autres objets de litiges. Qu'ils assuraient aussi le transport de fonds, sécurisés par leur réputation et leur tradition guerrière. Qu'ils ont diffusé le chèque ou le mandat appelé « lettre de crédit ». Et qu'ils ont été  les premiers financiers des croisades. Les Templiers sont donc à l'origine d'un concept très moderne : la banque. A plusieurs égards, ils se présentent même comme les précurseurs de la banque européenne. Mais l'argent confié aux banquiers templiers se présente sous la forme de dépôts qui, par nature, ne leur appartiennent pas. Et le reste de leurs richesses, on l'a dit, est constitué de biens immobiliers. La « vérité financière » de l'Ordre du Temple est finalement moins mirobolante que ce que la légende veut nous faire croire !

    5.2. L'héritage de Bernard de Clairvaux

    Nous venons de célébrer la commémoration des 900 ans de la création de l'Ordre des Templiers et, par la même occasion, nous avons fêté Bernard de Clairvaux et sa contribution prépondérante à notre Ordre. Tout a déjà été dit et écrit sur ce mystique exceptionnel.

     * Le trésor des Templiers

    Dans mon parchemin intitulé « L'homme d'honneur de nos jours », j'évoquais le vaste projet social, fédérateur et pacificateur de saint Bernard de Clairvaux. Je vous propose de revenir rapidement sur ce sujet. Je considère en effet qu'en ce début de 21ème siècle, l’œuvre entreprise par Bernard de Clairvaux n'a pas pris une ride et colle toujours à notre actualité. Cette œuvre constitue sans doute le legs moral et spirituel de saint Bernard de Clairvaux à notre Ordre. Un legs dont la richesse ne devrait pas échapper à notre monde moderne en quête de valeurs solides : amour de Dieu, expérience du cœur, humilité, grâce et liberté, etc. Bernard était un religieux mais surtout un mystique dont les capacités exaltées faisaient de lui un politique et un économiste très soucieux des questions sociales.

    Grand bâtisseur, il fonde en Europe et de son vivant 72 abbayes ou commanderies. Bernard fut un meneur d’homme. Son magnétisme exceptionnel et son charisme emportaient ses adeptes. En résumé, Bernard de Clervaux fut un visionnaire qui avait pressenti des siècles à l'avance le destin de l’Europe. Et pour conclure provisoirement sur ce thème, l'héritage moral laissé par saint Bernard de Clairvaux vaut à lui seul tous les trésors du monde, y compris celui des Templiers !

    6. Conclusion

    A titre individuel, les Templiers étaient pauvres. A leur entrée dans l'Ordre, ils faisaient don de tous leurs biens, telle était la règle. Mais l'Ordre du Temple disposait d'une richesse immobilière immense. Parler du trésor des Templiers revient à présenter des hypothèses toutes plus invérifiables les unes que les autres. C'est ainsi que s'est créée une mythologie qui continue d'avoir la vie dure. La survivance d'un « fabuleux trésor » fait partie de celle-ci mais les historiens sont formels, il n'existe aucune preuve qui permette de valider son existence.

    En tant que Frère, membre de la Commanderie de Saint-Léger, appartenant à l'Ordre des Chevaliers Templiers de Jérusalem, je revendique le seul trésor qui soit recevable et conforme aux valeurs de celui-ci : l'héritage moral et spirituel laissé par saint Bernard de Clairvaux.

    NON NOBIS DOMINE, NON NOBIS, SED NOMINI TUO DA GLORIAM

    Frère Novice Freddy D.

    Commanderie de St Léger – 14 février 2019

     * Le trésor des Templiers

     


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  • Activité à la Commanderie de Saint-Léger

    A l'occasion de sa Réception comme Novice dans notre Ordre, notre Frère Frédéric V.  nous a présenté le parchemin suivant :

    « Au 12ème siècle,

    l’Ordre des Templiers invente le bon de dépôt et la lettre de change

    et institutionnalise le change de monnaie ».

     * La lettre de change

    Les Templiers devaient exercer une activité économique, commerciale et financière pour payer les frais inhérents au fonctionnement de l'Ordre et les dépenses de leurs activités militaires en Orient. Ils furent de grands innovateurs en termes de circulation financière, les Templiers sont notamment à l’origine du bon de dépôt et de la lettre de change. Les Templiers géraient les biens et les possessions données à l’Ordre. C’étaient d’excellents hommes d’affaires et en réalité, les Templiers étaient la façade de l’effort de guerre et de la croisade auprès des puissances occidentales. Le Pape va même jusqu’à citer l’Ordre en exemple.

    Quelle histoire ?

    Emprunte de bon sens et toujours applicable au 21ème siècle, la lettre de change semble exister depuis la nuit des temps.

    L’Histoire attribue son invention à différents peuples et à différentes époques. De l’antique Athènes du 3ème siècle avant notre ère, aux Juifs chassés de France par Philippe Auguste à la fin du 12ème siècle, l’échange commercial a parfois retenu des méthodes s’apparentant à la lettre de change. Son existence légale n’apparaitra néanmoins qu’en 1462 sur ordonnance de Louis XI.

    C’est pourtant trois siècles auparavant que s’appliqua réellement son usage commercial industriel. Et, quoi qu’il n’ait fait que synthétiser et développer d’anciens usages de commerce, il est envisageable et n’est pas faux d’écrire que la lettre de change fut inventée au 12ème siècle par l’Ordre des Templiers.

     * La lettre de change

    A cette époque, deux éléments significatifs ont favorisé l’essor du commerce : d’une part, l’Europe connaissait une paix relative ; d’autre part, les croisades ont ouvert un nouveau marché : l’orient.

    L’activité financière de l'Ordre prévoyait que les particuliers pussent déposer leurs biens lors d'un départ en pélerinage vers Jérusalem, Saint-Jacques-de-Compostelle ou Rome. Les Templiers inventèrent ainsi le bon de dépôt. Lorsqu'un pélerin confiait aux Templiers la somme nécessaire à son pélerinage, le frère trésorier lui remettait une lettre sur laquelle était inscrite la somme déposée. Cette lettre manuscrite et authentifiée prit le nom de lettre de change. Le pélerin pouvait ainsi voyager sans argent sur lui et se trouvait plus en sécurité. Arrivé à destination, le pélerin pouvait récupérer, au sein d’une commanderie templière, l’intégralité de son argent en monnaie locale, en échange de cette lettre.

    Les frais de fonctionnement de l’Ordre n’étaient pas neutres, loin s’en faut !

    Toutefois l’Ordre des Templiers ne pouvait exercer l’activité d’usurier, et par conséquent toucher des intérêts sur le service qu’ils rendaient aux pélerins. Il ne faut donc pas confondre cette activité économique et financière avec celle plus sophistiquée des banquiers italiens à la même époque. L'usure, c'est-à-dire une tractation comportant le paiement d'un intérêt, était interdite par l'Église aux chrétiens et de surcroît aux religieux.

     * La lettre de change

    Comme le dit l'Ancien Testament (Deutéronome, 23,19) :

    « Tu n'exigeras de ton frère aucun intérêt ni pour l'argent, ni pour vivres, ni pour aucune chose qui se prête à intérêt ».

    Afin de contourner cet interdit, et sous prétexte de valorisation des monnaies par lechange, la valeur du montant remboursé était inférieure à celle de la somme déposée initialement.

     * La lettre de change

    Les Templiers venaient d’institutionnaliser le service du change des monnaies.

    Initialement défini pour les particuliers, l’usage de la lettre de change fut rapidement étendu aux marchands.

    De plus, les Templiers prêtaient de l'argent à toutes sortes de personnes ou institutions : pélerins, croisés, marchands, congrégations monastiques, clergé, rois et princes…   Sur base du même principe de change, le montant du remboursement était parfois supérieur à la somme initiale s'il pouvait être camouflé par un acte de changement de monnaie.

    Les Templiers profitaient également de leurs nombreux voyages entre l'Orient et l'Occident pour rapporter de la soie et des épices. Ils développèrent ainsi un vaste commerce de produits de luxe dans toute l'Europe. Bien disciplinés, ils gérèrent de façon efficace leurs biens. Les richesses de l’Ordre grandirent donc rapidement. De là vient l’idée du trésor mythique des Templiers.

    Bien que dématérialisée, la lettre de change, existe toujours de nos jours et revêt un caractère plutôt domestique. Son usage est toujours celui d’un moyen de prévision et de sécurisation des encaissements futurs, ou celui d’un moyen de crédit par escompte bancaire.

    En conclusion :

    L’Ordre des Templiers a joué un rôle important au Moyen-Âge, générant une économie des croisades (transport, commerce, lettres de change, etc.), et également un rôle de protecteur des lieux saints d’Orient. L’originalité de l’Ordre a été de réunir le monde régulier et séculier à une époque où ces deux mondes étaient bien séparés. La grande réussite économique des Templiers et l’aspect initiatique de l’Ordre causera leur perte quand le roi de France ordonna leur arrestation puis l’abolition de l’Ordre en 1312. Le mythe du trésor templier reste bien vivant même de nos jours et les ouvrages publiés à ce sujet foisonnent.

    Frère Novice Frédéric VCN

    Commanderie de Saint-Léger - Grand Prieuré de Belgique


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  • Activité à la Commanderie de Saint-Léger

    A l'occasion de sa Réception comme Novice dans notre Ordre, notre Soeur Marie-Paule D. nous a présenté un parchemin assez émouvant :

     * Saint-Léger, le Père Léon et....

    Saint-Léger, le Père Léon et … votre serviteur

    Dans ma lettre de candidature je faisais brièvement allusion au fait que mon oncle avait été curé de Saint-Léger. Pour cette première rencontre, notre Frère Commandeur m’a demandé de développer brièvement ce point.

    Le Père Léon, pour ses paroissiens, Tonton Curé, pour ses neveux et nièces, a vécu pendant une vingtaine d’années dans la cure, au numéro 1 de la Place des Templiers à Saint-Léger. Son jardin était mitoyen à celui de la Ferme du Temple.

     * Saint-Léger, le Père Léon et....   * Saint-Léger, le Père Léon et....  * Saint-Léger, le Père Léon et....

    Lorsque nous lui rendions visite, il ne manquait jamais de nous raconter une anecdote sur les évènements qui s’étaient déroulés chez ce célèbre voisin. Ceux-ci se retrouvent sur le site de la Ferme du Temple, je ne m’y attarderai donc pas ; je souhaite uniquement vous expliquer d’où vient mon intérêt pour les Templiers et particulièrement la Commanderie de Saint-Léger.

    Evoquer Tonton Curé a d'abord réveillé en moi des souvenirs douloureux : ces jours pénibles d'août 2015 alors qu'il venait de nous quitter. La messe de funérailles concélébrée par le Vicaire Episcopal de Tournai, le Doyen de Mouscron et les prêtres de sa promotion toujours de ce monde. Son inhumation au cimetière de Saint-Léger dans le caveau où reposent ses parents, … mes grands-parents maternels.

     * Saint-Léger, le Père Léon et....

    Très rapidement cependant les "bons" souvenirs ont refait surface. Tonton Curé était un sacré personnage : une culture générale très éclectique, un humour souvent décapant, un réel talent pour la poésie qu'il maîtrisait parfaitement tant en français qu'en néerlandais. 

    Il était de toutes les festivités familiales et n'avait pas son pareil pour détendre l'atmosphère. Nous avons eu la chance qu'il exerce son ministère non loin de chez nous qui habitions Mouscron. Il a baptisé ses 12 neveux et nièces, il les a mariés, a baptisé les enfants qu’ils ont eus; soit 20 petits-neveux ou petites-nièces…. Ces derniers baptêmes avaient lieu dans la chapelle de son église à Saint-Léger. Il a aussi eu la volonté et le courage de célébrer la messe d'enterrement de ses parents, de sa plus jeune sœur, de son frère et de papa. 

    Lorsque Tonton Curé s'est vu attribuer la charge de la paroisse de Saint-Léger, il a immédiatement été intéressé et intrigué par l'histoire de cet édifice gothique classé en 1936.

     * Saint-Léger, le Père Léon et....

    Il a recherché un maximum d'informations sur son histoire et les a trouvées. Il était fier et heureux de les présenter et de les commenter lors des Journées du Patrimoine ou des Journées Eglises Ouvertes.

    Il s'est également très vite rendu compte que le bâtiment avait un réel et urgent besoin de travaux de restauration. Les lenteurs et diverses péripéties de l'administration lui ont souvent fait prendre la plume pour manifester son impatience voire son agacement. Mais quand les travaux ont débuté et que les premières découvertes archéologiques ont eu lieu, il a été comblé. 

    Tonton Curé venait à l'époque régulièrement dîner le dimanche midi chez nous qui habitions rue de Saint-Léger à Dottignies, à quelques kilomètres de l'église. Nous avons donc été aux premières loges pour partager les découvertes et visiter les lieux de fouilles. Je me souviens de quelques temps « forts » qui ont retenu l’attention de toute la famille.

    Un squelette retrouvé avec une arme à ses côtés : ne serait-ce pas un Chevalier ayant vécu dans la ferme du Temple voisine ?

     * Saint-Léger, le Père Léon et....  * Saint-Léger, le Père Léon et....

    Peu probable, selon les documents officiels et les conclusions des archéologues présents lors des fouilles. En effet, la première église date de 1108, elle est donc antérieure à la fondation de l'Ordre du Temple en 1118. De plus, le domaine des Templiers disposait d'une chapelle particulière. Peu probable effectivement qu'un Templier ait été enterré dans l'église voisine.

    Voir les colonnades de pierre et les chapiteaux sculptés qui délimitent les nefs, surgir des "décapages" successifs, fut un réel plaisir pour l'amateur de la période gothique qu'il était. Ces éléments étaient recouverts de plâtre et peints avant la restauration.

    Une pierre creusée de 2 petites cavités, retrouvée dans le chœur, qui ressemble à un lave-mains moderne ? Tonton et les archéologues nous expliquent que pendant des siècles, les prêtres se lavaient les mains au cours des cérémonies religieuses.

    Un autre squelette retrouvé également dans le chœur, des débris de chapelet autour des mains : un de ses prédécesseurs bien évidemment…

    Les fouilles de 1987-1988 effectuées lors de la restauration ont fait apparaître que la première église de 1108 était plus petite que celle que l'on peut admirer actuellement. Le cimetière ayant toujours entouré l'église, il semble évident que des squelettes et ossements qui, à l'origine, se trouvaient dans le cimetière aient été retrouvés dans les remblais de l'église actuelle.

    Cet élément indispensable à tout édifice religieux, un bénitier creusé dans une pierre de l’ancienne chapelle à 50 cm du sol … Cela avait toujours intrigué Tonton Curé. Les fouilles ont fait apparaitre que, suite aux 3 incendies qui ont ravagé l'église, le niveau du sol était rehaussé d'1 mètre par rapport à la première église.

    Tonton Curé a toujours regretté que la durée des fouilles ait été limitée pour des raisons budgétaires, les travaux de restauration étant en effet interrompus pendant les fouilles. Il espérait qu'une exploration sous le niveau du sol de l'église originelle révèle l'existence d'un passage souterrain entre la ferme des Templiers et son Eglise. Il ne cherchait pas le trésor des Templiers (il n'en a jamais parlé) mais aurait bien aimé que "ses voisins" aient eu la possibilité de se soustraire aux sbires du Roi de France qui les pourchassaient en s’éclipsant par SON église.

     * Saint-Léger, le Père Léon et....   * Saint-Léger, le Père Léon et....

    Tonton Curé a poursuivi son ministère dans une église, particulièrement bien restaurée, jusqu’en 2000. Il s’est ensuite installé, pour profiter d’une retraite bien méritée, au home Saint-Joseph à Herseaux.

    Fin 2013, Maman y a rejoint son frère. Ils ont passé quelques années à se remémorer leurs plus beaux moments...

    J’évoquais en débutant cet exposé des souvenirs douloureux... Fin juillet 2015, la santé de Tonton s’est rapidement dégradée, celle de maman également.

    Le 9 août, Tonton Curé est décédé à 16h30, maman à 21h45.  Leurs funérailles ont eu lieu le 13 août 2015 dans la chapelle du home. La seule messe de funérailles d’un proche qu’il n’ait pu concélébrer est celle de maman, sa sœur aînée. C’est côte à côte qu’ils sont partis retrouver ceux qui nous avaient déjà quittés.

    J'espère que ces quelques anecdotes vous ont fait comprendre mon désir de rejoindre la Commanderie de Saint Léger.

    Soeur Novice Marie-Paule D. - Commanderie de Saint-Léger - Grand Prieuré de Belgique


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  • Dans le cadre de notre séminaire sur une approche du symbolisme des nombres, notre Frère Novice Freddy D. a évoqué le nombre 17, en rapport avec les 17 vertus du Chevalier Templier. S’il ne les a pas encore toutes mémorisées et intégrées pour les mettre en application, il en a au moins ciblé deux pour lesquelles il va nous exposer le fruit de ses recherches et réflexions.

    Frère André B. Commandeur de St-Léger

    Mes très chers Frères et Sœurs,

    Parmi les 17 vertus chevaleresques, j'en ai ciblé deux qui serviront de thème à la réflexion philosophique que je vais vous présenter aujourd'hui.

    Ces deux vertus sont :

    La charité : « le chevalier pratiquera une charité plus en actes qu'en paroles ».

    La justice : « le chevalier combattra l'injustice et le mal de toutes ses forces. Il choisira toujours le droit chemin ».

    Mon propos consistera à mettre ces deux vertus en perspective avec l'actualité de l'Occident contemporain.

    Le sujet s'intitule :

    L'indispensable charité

    S'il existait une justice pleine et entière, la charité n'aurait plus lieu d'exister. Mais la charité occupe bel et bien une place importante dans notre société, elle est le palliatif d'une justice inaccomplie.

    Selon les grands principes de notre siècle, la justice relève du droit objectif, lui-même constitué par l'ensemble des règles qui régissent la conduite de l'homme et dont le respect est assuré par l'autorité publique. Or, il apparaît de manière évidente que, dans la société dite « civilisée » qui est la nôtre, le droit et la justice ne parviennent pas à remplir parfaitement leur rôle, et c'est souvent la charité qui prend le relais. Autrement dit, la charité existe de fait et non de droit. En fait, elle s'avère indispensable, on ne peut malheureusement pas s'en passer.

    Cette vision des rapports entre justice et charité est celle qui est communément admise dans notre société moderne.

    Mais cette vision l'était également au 19ème siècle. Le philosophe allemand Hegel (1770 – 1831) l'a analysée dans un ouvrage intitulé « Les principes de la philosophie du droit », publié en 1820. Ce livre a eu une influence considérable non seulement sur la philosophie, mais aussi sur toute la théorie politique et sociale au 19ème et au 20ème siècle, qu'il s'agisse du marxisme, du socialisme ou du libéralisme, ce qui explique la persistance des idées de Hegel encore maintenant.

    Dans son livre, Hegel utilise l'expression « misère objective » pour qualifier la misère. Il veut signifier par- là que « l'état public est d'autant plus parfait que ce qui est laissé à l'initiative de l'individu est moins important en comparaison de ce qui est assuré d'une manière universelle ». Comme l'indique sans ambiguïté l'ensemble du texte, « l'initiative de l'individu » désigne ici la « bienfaisance », la « charité » par opposition à ce qui est « assuré d'une manière universelle » et qui désigne ce qui est  garanti de droit par « les règlements et les ordonnances obligatoires collectifs ».

    Depuis Hegel, me direz-vous, la société a eu le temps d'évoluer en mieux. En effet, les arsenaux juridiques se sont développés de manière significative : je pense notamment à l'adoption des Constitutions nationales, à l'élaboration de systèmes de sécurité  sociale (smic, chômage, mutuelle, etc.), à la Convention Européenne des droits de l'homme, à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme intégrant le Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (en abrégé PIDESC garantissant les droits au travail, à la santé, à l'éducation et à un niveau de vie suffisant) ainsi que le Pacte International relatif aux droits civils et politiques (garantissant les droits et libertés classiques).

    On peut considérer que, vues sous cet angle, justice et charité sont conçues comme complémentaires, voire concurrentes. L'expansion de la justice suppose qu'elle implique la raréfaction de la charité. Quoi qu'il en soit et très concrètement, justice et charité constituent deux manières différentes de poursuivre le même objectif.  Ainsi, par exemple, lorsqu'un individu n'a pas les moyens de se procurer de quoi manger, la nourriture peut lui être apportée soit par la société de façon institutionnelle et publique, soit de façon bénévole et privée par des individus ou des associations.

    D'une manière générale, il est supposé que, dans notre société,  la justice est censée donner de meilleurs résultats que la charité, étant donné que la charité se fait sur  un mode aléatoire, celui du bon vouloir personnel, tandis que la justice s'appuie sur les lois et règlements. De plus, nous venons juste d'en parler, les arsenaux juridiques se sont multipliés dans le sens d'une meilleure protection individuelle. Donc, sur papier, le citoyen est en droit de penser qu'il est de mieux en mieux protégé.

    Or, dans le même temps, une situation de plus en plus complexe tend à s'installer : les moyens financiers de l'état diminuent alors que, parallèlement, la pauvreté gagne de nouvelles couches de la société. Conséquences : les structures privées de soutien, d'accompagnement et de solidarité se développent à la vitesse V. Ces structures, de tailles et de formes diverses, ne ménagent pas leurs effort en faveur des œuvres sociales : ASBL et associations  en tout genre, plannings familiaux, secours populaires, croix rouge,  clubs service comme le Rotary et le Lion's, restos du cœur, téléthons, etc.,  sans parler des aides sporadiques en faveur de tel ou tel accident de vie ou à l'occasion  de tel ou tel phénomène climatique. Il faut donc se rendre à l'évidence : dans la société d'aujourd'hui, la charité et son corollaire, la solidarité fonctionnent à plein régime.

    Je vous propose maintenant un petit exercice philosophique qui consiste à nous poser la question suivante : « si la justice disposait de moyens suffisants pour se réaliser pleinement, cela signifierait-il que la charité pourrait complètement disparaître » ?

    Première constatation : au quotidien et de manière concrète, il n'existe pas grand-chose que la charité ne donne pas. La charité est présente partout. La preuve dans les médias avec, par exemple  le Télévie ou Viva for Life qui battent chaque année des records qui se calculent en millions d'euros.

    Ceci en est donc la démonstration : la charité peut suppléer la justice.

    Dès lors, contrairement à la position de Hegel qui était plausible au 19ème siècle, je reformule ma question : n'est-ce pas la justice qui doit être regardée comme un pis-aller puisque, dans certaines occasions, elle cède sa place à la charité ?

    La charité, ne l'oublions pas, est précisément l'attitude qui consiste à agir pour l'autre par amour, volontairement et gratuitement. La pleine réalisation de la charité ôterait donc à la justice toute raison d'être. Mais poursuivons le raisonnement et poussons la curiosité jusqu'à nous demander si la charité possède des contenus spécifiques que la justice ne connaît pas.

    La justice est indispensable, incontournable même ! Mais peut-on affirmer qu'elle apporte et garantit l'essentiel à elle seule ? Certes, elle peut se targuer de garantir les droits fondamentaux : le pain, le gîte, l'instruction, une vie décente, etc. Mais, en même temps qu'elle garantit le pain, apporte-t-elle la fraternité ? La fraternité aimante et chaleureuse qui se produit lorsqu'on partage du pain ? La réponse est on ne peut plus claire : la justice donne ce qui est dû mais elle ne peut aller au-delà.

    Peut-être est-ce en ce sens qu'il faut comprendre la distinction opérée par Hegel entre misère subjective et misère objective, et l'affirmation de ce même auteur selon laquelle l’État doit seul pourvoir à la « misère objective ».

    Misère objective peut à la fois signifier : pénurie de choses matérielles et de moyens (aliments, toit, etc.), c'est à dire une misère véritable, réelle, par opposition à une « misère subjective », imaginaire ou réelle mais seulement sous la forme d'états d'âme, ou de mal-être psychologique (et qui pourrait d'ailleurs être la conséquence de la « misère objective »).

    Si, en effet, la misère subjective doit être comprise comme pénurie de sens ou privation d'amour, oserait-on dire que cette pénurie est moins essentielle que le besoin de pain ? Pour moi, il n'y a pas l'ombre d'un doute : quels que soient le nombre et la qualité des droits que la justice lui accorde, l'homme privé d'amour risque bien vite de ne plus sentir le goût du pain. La vie n'aurait plus de sens et l'homme ne serait plus qu'un estomac au milieu d'autres estomacs. C'est pourquoi une vie qui ne donnerait aux hommes que ce à quoi ils ont droit, au sens juridique du terme, serait tout bonnement inhumaine.

    Pour s'en convaincre, il suffit d'imaginer un monde où régnerait toute la justice, rien que la justice.

    La justice, oui mais quel genre de monde ? Un monde sans « s'il vous plaît » et sans « merci », un monde sans empathie où chacun ferait son job,  sans marque extérieure de gentillesse ni d'humanité, une espèce de monde « contractuel » où les gens se comporteraient comme des machines ? Dit-on merci à une machine ? Le droit peut procurer du mesurable et de l'évaluable. Selon les lois et règlements, on a droit à ceci ou à cela dans telle ou telle proportion, pas moins mais pas plus.

    J'en reviens maintenant à la question posée : est-ce que la charité possède des contenus spécifiques que la justice ne connaît pas ?

    Pour que l'homme vive sous le règne de la justice pure, il faudrait qu'il apprenne à se passer de tout ce qu'aucune justice ne peut lui donner et qui n'a pas de prix : amour, confiance, pardon, dévouement, sacrifice, beauté, humilité, gratitude.

    La justice ne peut donc prétendre à l'exclusivité ni même à la priorité. Son champ d'action est limité, elle ne peut donner à l'homme tout ce dont il a besoin. Pire, à elle seule, elle ne peut même pas lui donner  l'essentiel. Mais la charité le peut, et elle seule le peut. Aussi bien par son contenu (ce qu'elle seule peut apporter à l'homme) que par sa forme (celle du libre désintéressement). 

    J'en arrive à la conclusion que la charité constitue une forme d'attitude unique. Unique par le fait qu'elle se trouve à la hauteur de l'homme. Et surtout unique par le fait qu'elle se trouve à sa bonne mesure, une mesure qui consiste précisément en l'absence de toute mesure possible.

    Frère Novice Freddy D. – Janvier 2019


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  • A l'occasion du premier anniversaire de la Commanderie de Saint-Léger, la parole a été accordée à un de nos Frère Novices pour tenter d'apporter des éléments de réponse à cette question :

    Qu'est-ce qu'un homme d'honneur de nos jours ?

    Tordons d'abord le cou à certaines idées qui consistent à idéaliser les chevaliers du Moyen-Age et à les prendre tous pour des hommes d'honneur. Ils n'étaient pas tous des saints, loin de là. En effet, il peut parfois y avoir un fossé entre la réalité historique et l'idéal chevaleresque mythifié par les chansons de geste. Certains chevaliers vivent en électrons libres et ne sont pas dignes d'appartenir à une caste d'élite. Ce sont les couards, les traîtres, les félons voire les brigands qui rançonnent leurs propres terres. Vues au travers du prisme de la littérature, les vertus traditionnelles de la Chevalerie sont de nobles sentiments. On pense à la bravoure, la courtoisie, la foi, l'honneur, la volonté, la piété, l'humilité, le respect des engagements ou encore la défense de la justice. En abrégé : un code moral très strict et une mission avec un grand ''M'' : défendre la veuve et l'orphelin. Ces qualités représentent un résumé succinct de la notion d'honneur au temps des Chevaliers. Elles risquent d'emporter notre subjectivité.

    Revenons donc à notre sujet et tentons de planter le décor qui correspond au 21ème siècle afin d'établir la relation entre notre époque et ses propres codes d'honneur. Les progrès scientifiques, techniques, informatiques, etc. donnent l'impression d'une très grande amélioration de la condition humaine. Toutefois, de graves points d'interrogation subsistent : le terrorisme, les guerres, la misère, la malnutrition, l'asservissement de certain peuples, la maltraitance, le repli sur soi, la radicalisation, les disparités humaines et matérielles, les crises financières à répétition, les dictatures, les démocraties à bout de souffle, les conséquences des technologies de l'informatique sur la vie privée, les délocalisations, la mondialisation et la globalisation, la régression sociale. Homo homini lupus ... (l'homme est un loup pour l'homme). Cette liste est un vrai casse-tête pour l'homme d'honneur du 21ème siècle. Mais alors, comment se profile-t-il au milieu de cette jungle ?

    Pas facile de trouver sa place dans cette période on ne peut plus compliquée ! Pas si simple de trouver ses points de repère entre, par exemple, la bravoure et l'héroïsme du pompier sauveteur, le dévouement du médecin et de l'assistant social ou encore entre le fair-play du sportif. Selon moi, l'homme d'honneur présente beaucoup plus qu'une simple addition de toutes ces qualités. Une première évidence me semble indéniable : le Chevalier Templier du 21ème siècle se doit d'être un homme d'honneur. Non par référence aux codes anciens de la Féodalité qui, pour la plupart, ne sont plus adaptés à notre époque, mais par rapport aux plus grandes qualités et aux plus hautes vertus de la plus belle Chevalerie, à savoir l'élévation spirituelle ainsi que la relativisation des choses matérielles.

    Mon propos tient du rêve, me direz-vous ! Alors ne serions-nous que de doux rêveurs lorsque, à la Commanderie de St-Léger, nous pensons que l'Ordre du Temple peut aider à diffuser plus d'amour et plus d'humanisme, à aider les faibles, à encourager la fraternité et à renforcer notre foi profonde dans l'élévation spirituelle de l'individu et de la société ?

    L'esprit de l'Ordre du Temple n'est pas mort, même si on a voulu tuer les Templiers. Nous, les successeurs, nous sommes là pour prendre le témoin et pour faire passer ce message à nos héritiers et continuateurs. L'honneur tel que nous le concevons, ce n'est pas ''les'' honneurs ! Ce n'est pas le pouvoir et ce n'est pas l'argent. Le véritable homme d'honneur doit, selon moi, pouvoir se distinguer par son comportement profondément humaniste et par son élévation spirituelle. Pour agir, l'homme d'honneur dispose des valeurs défendues par notre Ordre : fraternité, tolérance et charité. Ces valeurs, il peut les diffuser ad libitum en faveur du renforcement du lien social, par le biais d'actions caritatives, pour combattre l'illettrisme et même pour renforcer la paix au sein de chaque communauté, de chaque nation et pourquoi pas au sein de la communauté internationale. 

    En cette année où nous fêtons le 900ème anniversaire de notre Ordre, nous pensons souvent à Bernard de Clervaux qui a largement contribué à sa reconnaissance officielle. Fin diplomate, ce visionnaire a inscrit avant la lettre l'Ordre du Temple dans un vaste projet fédérateur et pacificateur. Depuis le 11ème siècle, il nous montre la voie, celle qui fait du Chevalier Templier un véritable homme d'honneur. Continuons à la suivre, c'est, me semble-t-il, la voie de la sagesse.

    Frère Novice Freddy D.


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  • A l'occasion du premier anniversaire de la Commanderie de Saint-Léger, la parole a été accordée à un de nos Frères Écuyers pour nous rappeler :

    Les buts de notre Ordre lors de sa création

    Remontons dans le temps pour tenter d’expliquer les buts lors la création de l’O.S.M.T.H. , Ordo Supremus Militaris Templi Hierosolymitani.

    L’Ordre souverain et militaire du Temple a été fondé en Palestine, en 1118, en opposition à l’armée féodale. Il fut créé par 9 chevaliers qui, apparemment, sont restés au même nombre pendant 9 ans.

    Les Templiers reçurent leur règle en 1128.

    Leurs buts étaient essentiellement la protection des pélerins entre Jaffa et Jérusalem en terre Sainte.

    Ses membres s’appelèrent d’abord « Pauvres Chevaliers du Christ » et firent des vœux monastiques au Patriarche de Jérusalem nommé Garimond.

    La Règle primitive des Templiers fut fortement influencée par saint Bernard de Clairvaux.

    Elle leur fut donnée par le Concile de Troyes qui fut justement convoqué par Bernard de Clairvaux.

    Ils reçurent le manteau blanc comme symbole de la pureté de leur vie.

    La première période de vie religieuse s’étend de 1118 à 1314. Ensuite les Templiers étaint davantage des laïcs.

    Revenons maintenant à la devise des Templiers appliquée à l’origine de la création de notre ordre : "Non nobis domine non nobis sed nomini tuo da gloriam". Cette devise, traduite, signifie : « Non pour nous, Seigneur, mais pour que ton nom en ait la gloire ». 

    A l’origine, les Templiers s’appelaient l’Ordre des Pauvres Chevaliers du Christ, un ordre monastico-militaire, c'est-à-dire composé de moines guerriers. Ils protégeaient les pélerins se rendant en Terre Sainte. L'Ordre de Malte, aussi appelé à son origine « les Hospitaliers », les soignait. Ce fut alors que l'ordre de Malte s'arma et concurrença l'Ordre des Templiers. 

    En premier lieu, cette devise signifiait qu’ils aidaient les pélerins pour la gloire de Dieu et non pour eux-mêmes. 

    Ensuite, c’est pour la gloire de Dieu que ceux-ci voulaient reprendre le tombeau du Christ et non pas pour une absolution de leurs âmes qui pourrait faire penser qu'ils le fissent par intérêt.

    Dans les années qui suivirent la première croisade en Terre Sainte (1096-1099), malgré la prise de Jérusalem par les Croisés (le 15 Juillet 1099), la sécurité des pélerins n’était toujours pas assurée. Entre les brigands locaux et les croisés aux buts peu louables, les pélerinages devenaient parfois voir très souvent tragiques.

    Hugues de Payns (de la Maison des comtes de Champagne) et Geoffroy de Saint-Omer vivant sous la Règle des chanoines de saint-Augustin choisirent d’assurer la garde du défilé d’Athlit, le chemin d’accès le plus dangereux pour les pélerins. Ce dernier deviendra plus tard le Château-pélerin. Et c’est en 1118 que l’Ordre des Pauvres Chevaliers du Christ voit le jour … Revenant près des Lieux Saints, Baudoin II, roi de Jérusalem, leur octroie une partie de son palais, à l’emplacement du Temple de Salomon. Ils devinrent alors très rapidement les « Chevaliers du Temple » ou « Templiers » du fait de cet emplacement symbolique (bâti en 961 avant Jésus-Christ, le Temple de Salomon fut détruit par les Chaldéens en 587 avant Jésus-Christ, reconstruit et définitivement détruit en 135 par l’empereur Hadrien).

    La littérature relative aux Templiers mentionne généralement le nom de sept autres chevaliers français qui seraient venus rejoindre les deux premiers : André de Montbard (neveu de Saint-Bernard), Gondemare, Godefroy, Roral, Payen de Montdésir, Geoffroy Bisol et Archambaud de Saint-Agnan. Mais il est aussi possible que certains d’entre eux, en tout cas pour les moins connus, furent soit des moines, soit des Écuyers de chevaliers.

    L’Ordre du Temple prit forme en 1119 par ces chevaliers désirant protéger les chrétiens en pélerinage à Jérusalem et dont le nombre neuf me paraît très symbolique.

    C’est au Concile de Troyes, le 14 janvier 1128, à la demande de saint Bernard (Bernard de Clairvaux) que l’Ordre fut véritablement créé. L’Éloge de la Nouvelle Milice est un témoignage capital de l’importance de saint Bernard dans la création de l’Ordre du Temple. Il aurait lui-même écrit la Règle qui régit le fonctionnement complet de l’Ordre.

    C’est seulement en 1147 que le pape octroya la croix pattée rouge aux Templiers. Auparavant, les chevaliers étaient seulement vêtus d’un manteau blanc et les sergents d’un manteau brun.

    Pendant près de deux siècles, les Templiers vont accroître leur aura pour revenir en Occident en 1291 après la chute de Saint-Jean d’Acre.

    Leur mission de protection des pélerins avait bien évolué et de nombreuses dérives eurent lieu.

    Les hommes meurent mais les idées restent. L’Ordre se perpétua et est maintenant une institution discrète qui fête ses neuf cents ans !

    Frère Écuyer Axel V.


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  • Approche du symbolisme de la corde

       Le symbolisme de la corde

    J'ai voulu vous évoquer la corde car pour moi, elle est le symbole le plus important à ce stade de mon évolution dans notre Ordre.

    La corde, c'est notre vie. Nous sommes tel des funambules guidés par notre destinée.

    Nous naissons tous sur celle-ci et nous la suivons jusqu'à la fin de notre enveloppe terrestre.

    Le symbolisme de la corde

    Pierre Teilhard de Chardin (prêtre jésuite français, chercheur, paléontologue, théologien et philosophe de 1881 à 1955) a dit : « nous sommes des êtres spirituels venus vivre une expérience terrestre et non pas des êtres humains vivant par moments des expériences humaines ».

    En fait, l’expérience humaine, c'est la corde. Elle commence par le cordon ombilical. C'est le lien qui est source de vie.

    C'est le premier lien qui relie la mère à son bébé pendant la période de gestation et sa rupture lorsque le bébé voit la lumière pour la première fois.

    Le symbolisme de la corde

    Nous allons rencontrer au fur et à mesure du temps des expériences qui vont forger notre caractère faisant ainsi ce que nous sommes.

    Cette corde, tout au long de notre vie nous étranglera créant ainsi notre ego.

    Pour moi, l’ego est un mode de fonctionnement très important car c'est lui qui construira notre « moi je ».

    En psychologie, ce n'est pas une notion très utilisée.

    On entend parler de l'ego en psychologie clinique et en psychanalyse, principalement.

    C'est une partie de notre personnalité qui rééquilibre notre psychisme lorsque ça ne va pas.

    Quotidiennement, nous vivons des situations plus ou moins stressantes, des situations qui créeront des émotions qui nous toucherons. Pour pallier à cela, nous allons mettre en place des mécanismes de défense, des stratégies d'adaptations qui vont contrer ces situations pour nous protéger psychologiquement et émotionnellement.

    Chez les bouddhistes, l'ego est une illusion, une ombre qui nous voilerait la face en nous faisant croire que nous sommes l'ego et qui nous empêcherait d’accéder à notre vrai nature.

    J'ai une vision un peu particulière de la vie. Je vis dans ma bulle spirituelle et cette bulle me déconnecte un peu de la réalité mais je pense que l'ego nous empêche de vivre pleinement, d'être nous. Nous ne pouvons pas combattre cet ego car il fait partie de nous mais nous devons juste garder le strict minimum vital à notre défense. L'ego se crée au fil du temps par notre expérience et principalement par les leçons que nous tirons de ces expériences.

    Tout individu qui se remet en question arrivera à contrôler son ego et arrivera à se développer spirituellement en apprenant de ses erreurs. Une personne qui se flatte, qui doit toujours se mettre en évidence,  n’évoluera jamais car son « moi je » le satisfait pleinement.

    L'ego est comme une ombre qui nous suit. Cette ombre cherche à nous protéger et c'est son rôle mais il ne faut pas s'identifier à cette ombre. Cette ombre n'est pas nous.

    L'ego ne doit toujours rester qu'une petite partie de nous. Il serait comme un grand frère protecteur mais possessif. A partir du moment où nous nous rendons compte de notre ego, nous ne sommes plus cette ego. Il sera juste un chaînon mental conditionné, une pensée.

    Quand Jésus disait qu'il fallait pardonner, il enseignait à se défaire de la chose principale de la structure humaine : l'ego.

    Le symbolisme de la corde

    Au cours de notre vie, nous allons créer des liens humains. Tel les fils tressés de la corde, nous créerons des liens d’amitiés, des liens fraternels, des liens d'amour, des liens conflictuels, etc.....avec d'autres personnes. Ces liens permettront de s'ouvrir aux autres positivement ou négativement. Ces liens se développeront selon nos idéaux, nos expériences, nos attentes, etc. La corde représentera, dans ce cas, l'ensemble des relations qui unissent les individus.

    Dans la majeure partie des cas, un lien d'amour débouchera par un mariage. Une fois de plus, la corde aura un rôle important car il y aura passage de la corde au cou.

    L’expression première date du 15ème siècle. C’est une métaphore qui vient des vaincus qui se livrent.

    En effet, l’Histoire raconte que les Bourgeois de Calais, après leur défaite face à Edouard III, se sont présentés devant ce dernier, pieds nus, en chemise et une corde au cou, afin de lui remettre les clés de la ville. Il s’agissait en fait d’un sacrifice. C’est l’image même de l’asservissement… C’est pourquoi on utilise l’expression « avoir la corde au cou » pour le marié, rapport à son asservissement pour sa femme…

    A la fin de notre vie, notre corps meurt. La corde du pendu symbolisera la mort.

    Le symbolisme de la corde

    La symbolique de la pendaison est celle que l’on retrouve dans les plus anciennes représentations du tarot, c’est celle du pendu suspendu par une corde par un pied. Il est le seul à avoir la tête en bas, comme une posture de yoga. La corde le prive de son corps et de la possibilité matérielle d’agir. Par contre, l’inversion du corps par l’irrigation du cerveau augmente les potentialités mentales et spirituelles, permettant à l’intellect d’avoir un regard différent sur les choses et sur les êtres.

    La lecture symbolique de la corde est que le pendu est lié et relié à ses pensées pour voir l’intérieur en profondeur et non plus seulement la surface superficielle. De surcroît, la corde imprime une parfaite verticalité de par l’attraction terrestre entre le ciel et le centre de la terre et donc favorise un juste équilibre de la pensée. Elle représente alors le moyen et le désir de l’ascension intellectuelle au mépris du corps et du temporel.

    Cette symbolique était déjà répandue dans l’Antiquité, la télété (l’accomplissement) était un rituel d’initiation de la descente aux enfers, aux portes de la mort dans un antre dont on remontait, attaché par une corde à un pied. Ainsi initié, de retour parmi les vivants, on tranchait la corde en gardant la corde nouée autour de la cheville (ce qui est encore d’actualité) plusieurs mosaïques grecques et romaines en font foi.

    Mais la corde, ce n'est pas que cela !

    Le symbolisme de la corde

    C'est la corde qui tient notre tabard, qui nous entoure et nous protège. Elle est le fil de notre existence qui se boucle, donnant un nouveau destin, celui d'être avec vous aujourd'hui.

    Le symbolisme de la corde

    C'est la corde que l'on met à notre cou lors de la cérémonie de Réception au grade de Novice dans notre Ordre. En retirant la corde du cou, nous sommes libérés de notre attachement au monde profane. On libère ainsi l'être de ses liens artificiels pour lui proposer de s'intégrer librement à une nouvelle vie.

    La corde est aussi un outil universel qui permet tout tracé. L’espace entre les nœuds est en fait l’unité de mesure et de proportion. Sa dimension est la coudée, mesure spécifique à chaque construction. En tendant la corde, on obtient la mesure cosmique, et on trace une ligne aussi bien qu’avec la règle. Tendue à partir d’un point fixe, elle permet de réaliser tout arc de cercle, aussi bien qu’avec le compas. Porteuse de 12 espaces égaux, elle permet de tracer un angle droit aussi bien qu’avec l’équerre. Le triangle 3-4-5 est en effet rectangle selon Pythagore.

    Le symbolisme de la corde

    La corde ici permet de voyager dans les Nombres comme l’ont fait de tout temps les bâtisseurs de temples.

    Elle est l’outil indispensable pour trouver les proportions justes afin d’éviter le désordre.

    Le symbolisme de la corde

    La corde permet donc de construire son temple aussi bien intérieur qu’extérieur.

    Frère Novice J. Br.


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  • Chevaliers d’Occident et chevaliers d’Orient

    De tous les ordres de chevalerie, aucun n’eut une destinée aussi extraordinaire que celle des Templiers.

    Aucun n’eut une telle influence sur la direction du monde.

    Si l’ordre ne vécut que 194 ans, il emporta au pays de la mort son secret jamais trahi, secret si important que depuis 7 siècles, des hommes venus de divers horizons de l’esprit se penchent nombreux sur ses ténèbres.

    En 1118, sur la terre de Palestine, neuf chevaliers croisés français, Hugues de Payens, Geoffoy de Saint-Omer et sept autres constituent l’ordre religieux et militaire des Templiers qui se propose de protéger les pèlerins allant en Terre Sainte. Le roi de Jérusalem leur donne l’investiture et les loge auprès de l’emplacement où s’élevait le Temple de Salomon.

    Ésotériquement, ils se donnaient mission de reconstruire le temple symbolique.

    Les Francs-Maçons ne devaient-ils pas plus tard prétendre à pareille œuvre ?

    L’ordre des Templiers naît dans la croisade. Les croisades aussi ont leur secret. Elles cachaient autre chose que la conquête du Tombeau. Il fallait surexciter l’enthousiasme guerrier des foules par un idéal à la portée de leur cœur.

    Les croisades étaient nécessaires pour sauver l’Europe de l’invasion. Deux civilisations s’affrontaient, celle de la Croix et celle du Croissant.

    Trois siècles auparavant, c’étaient les Sarrazins qui envahissaient la France jusqu’au coup de marteau de Charles Martel.

    Si les croisades ont retardé de plus d’un siècle le débordement des Turcs en Europe, elles ont confronté le génie européen et le génie arabe dans ce grand mystère de la guerre où les adversaires s’étreignent et se déchirent, attirés l’un vers l’autre par la haine passagère qui est la face horrible de l’amour éternel.

    On a dit de tous côtés que les croisés avaient rapporté en Occident diverses connaissances et diverses coutumes empruntées à la civilisation musulmane.

    Et cela est vrai pour ce qui concerne les mœurs et les formes familières de la vie pragmatique. Mais les fréquentations et les ententes entre les hauts esprits de la chrétienté et de l’Islam s’effectuèrent de tous temps. Les érudits superficiels, inconscients des sources secrètes où s’abreuve la vie spirituelle du monde, s’obstinent à prétendre, au gré de leurs partis pris, que tel ordre de connaissance fut inventé dans telle ou telle nation qui le transmit aux autres.

    En réalité, les connaissances du ton supérieur reposent dans toutes les traditions, variantes plus ou moins brillantes d’une tradition unique.

    Si l’Ordre des Templiers a été créé entre la première et la seconde croisade, un demi-siècle après que le Vieux de la Montagne eut créé son ordre fameux, il apparaît de toute évidence que l’ordre de chevalerie chrétien et l’ordre de chevalerie musulman sont identiques et fraternels.

    Le grand sultan Saladin demande au croisé français Hugues de Tabarie de le faire chevalier.

    Entre tous les ordres de chevalerie, il en est deux très mystérieux : les Templiers et les Assacis (Assassin est simplement une forme plurielle de l’arabe assas, gardien. Les Assacis étaient, comme les Templiers, gardiens de la mystique Terre Sainte).

    Si les Assacis, plus éloignés de nous, touchent moins notre mémoire que les Templiers, en revanche, ils pèsent sur nos imaginations de tout le poids de leur auréole sanglante et de leurs secrets ensevelis.

    L’histoire a-t-elle connu un personnage plus impénétrable que leur premier grand maître, le Vieux de la Montagne, cet Hassan Sabah qui, durant ses 35 années de règne, avait agi sur les destins d’une partie du monde sans quitter une seule fois son château d’Alamont et n’étant sorti que deux fois de sa chambre pour aller sur sa terrasse ?

    L’ordre musulman des chevaliers ismaëliens dits Assacis et l’ordre chrétien des chevaliers johannites du Temple sont construits exactement sur le même modèle et cela non parce que le second, créé après le premier, imite son prédécesseur mais parce que l’un et l’autre se sont construits sur les mêmes doctrines secrètes, sur un ésotérisme unique et invariable qui sourd à travers le monde sous des voiles différents, comme la lumière unique à travers le prisme se décompose en rayons multicolores.

    En 1118, quand Hugues de Payens et ses huit compagnons fondent l’ordre du Temple, les chevaliers francs assurent difficilement la paix dans le royaume de Jérusalem. En Europe, les groupements féodaux se font entre eux la guerre, si bien que l’Eglise cherche à créer des corps de chevaliers chargés d’imposer la paix aux belligérants.

    L’Eglise s’inquiète aussi des progrès rapides d’un mouvement religieux parti de la Gnose qui bientôt pourra dresser l’église cathare face à l’Eglise romaine et qui donnera naissance à des ordres aussi brillants que celui des Chevaliers Faidits de la Colombe du Paraclet.

    Elle (l’Eglise) voit donc avec joie surgir des initiatives aussi vigoureuses que celle de Hugues de Payens et de ses huit compagnons. Officiellement, le groupe qu’ils forment aura pour mission de protéger les pèlerins qui se rendent en Terre Sainte, appuyant leurs pas fatigués sur le bourdon où pendent les coquilles Saint-Jacques. Mais les buts sont secrets et l’abstrait qu’ils invoquent régira leur énergie et donnera à leur action un développement  formidable.

    En dix ans, sous un souffle insoupçonné, l’ordre des neufs Templiers s’est accru d’un nombre imposant ; il est maintenant une telle force que le pape convoque à Troyes un concile où l’on semble ne s’occuper que des compagnons de Hugues de Payens.

    Ainsi, en 1118, il y a un pape. Comment se nomme-t-il ? Pascal II, peut-être ; peu importe ! Ce n’est pas lui qui commande à la chrétienté. Non, c’est un jeune moine de 27 ans dont l’activité brûlante et la dure volonté servent une imagination audacieuse et sûre, un pénétrant génie.

    C’est  un de ces esprits exceptionnels pour lesquels l’autorité hésite entre l’anathème et la canonisation. En effet, ce Bernard, s’il fut plus tard placé au nombre des grands saints, mourut bien à temps pour éviter l’excommunication.

    C’est ce jeune moine d’impérieuse autorité qui suscite le Concile de Troyes et s’y fait confier la mission de donner une constitution à l’ordre Templier. Cette constitution a disparu. D’autres règlements ont survécu, sur lesquels de naïfs historiens se sont penchés avec le fallacieux espoir d’y découvrir la clé de l’énigme.

    C’est à peu près comme si, possédant les vêtements d’un mort, ils les retournaient pour y chercher les secrets de son âme.

    Ce concile de Troyes décide que les guerriers du Temple porteront sur l’armure un manteau blanc sur lequel, dix-huit ans plus tard, le pape Eugène III fixera une croix rouge.

     * Chevaliers d’Occident et chevaliers d’Orient

    Le blanc, couleur lunaire, symbolise le reflet de l’absolu ; le rouge symbolise le feu, la prédominance de l’esprit, l’activité martiale, la puissance et l’apostolat.

    Lors de son admission dans l’ordre, le chevalier du Temple doit ceindre ses reins d’une cordelette qu’il reçoit de son initiateur, et c’est le symbole de son initiation, la figure du cercle magique dont il doit s’entourer pour se protéger des puissances adverses.

    Si l’on en croyait les apparences, il semblerait que la mission des Templiers dut être remplie en Asie. Là, dans la Perse, dans l’Irak, dans la Syrie, retranchés dans des châteaux forts perchés sur les hauteurs, s’assemblent les membres de l’ordre ismaélien des Assacis, qui sont vêtus à peu près comme leurs confrères chrétiens du Temple. Sur une robe blanche, ils portent une ceinture rouge.

     * Chevaliers d’Occident et chevaliers d’Orient

    Dans la constitution de l’ordre d’Europe et de l’ordre d’Asie, tout est identique. Chacun d’eux comporte une double hiérarchie dont les degrés correspondent exactement.

    Une première hiérarchie exotérique comprend le gros de l’armée. Elle est commandée par une hiérarchie ésotérique dont seuls peut-être les grands maîtres connaissent les secrets des deux ordres.

    Pour les Templiers, la hiérarchie exotérique comprend des Chevaliers, des Écuyers, des Frères. La hiérarchie ésotérique se compose d’un Grand Maître, de Grands Prieurs et de Prieurs.

    Pour les Assacis, la hiérarchie exotérique comprend  des Réfik, des Fédavi et des Lassik ; la hiérarchie ésotérique se compose du Sheik el Djebal (ou Vieux de la Montagne), de Daïs et de Daïlkebirs.

    Tandis qu’en Asie, les Assacis construisent sur les hauteurs, se créant ainsi de nombreux points stratégiques garnis de puissantes forteresses, telles celles d’Alamont en Perse et de Masziat en Syrie, les Templiers auront bientôt empli l’Europe de leurs châteaux dominant les pays.

    Ainsi est encore debout, près d’Alep, la forteresse colossale de Kalaat-el-Hoesn, nommée aussi le « Krak des Chevaliers »  qui tient la clé du passage entre l’Oronte et la mer.

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       * Chevaliers d’Occident et chevaliers d’Orient  

    C’est un château de ce genre, à la fois citadelle formidable et retraite féerique, qu’avait bâti, pour y vivre, invisible prisonnier de sa puissance immense, ce mystérieux Hassan Sabah, qui fut le premier Sheik-el-Djebal, le premier Vieux de la Montagne. Il y vécut 35 ans sans quitter sa chambre d’où il commandait une partie du monde. Deux fois seulement il allait sur la terrasse, sans daigner jeter un regard sur les jardins merveilleux qu’elle surplombait.

    Lui, le tout-puissant Sidna ou Seigneur, il était pâle à force de pencher sa tête blanchissante sur les manuscrits hermétiques que ses disciples les plus sévèrement choisis lui apportaient de la magnifique bibliothèque du château, trésors de la philosophie et de toutes les connaissances qu’il faisait venir de tous les coins du monde, trésors de la Grèce, de l’Egypte, de la Perse, de l’Inde, que devaient un jour brûler les Mongols de Gengis-Khan, comme les Croisés brûlèrent le bibliothèque de Tripoli, comme Omar brûla la bibliothèque d’Alexandrie et comme les Allemands brûlèrent en 1914 la bibliothèque de Louvain.

    Quelle amère indifférence devait-il dominer en lui, ce dominateur de l’Asie, pour se résoudre à commander du fond de sa chambre, ce Vieux de la Montagne qui était passé par la première mort de l’adepte, la mort au monde profane.

    Laissons de côté la légende non fondée qui veut que les Assacis portassent ce nom de par la quantité de haschisch qu’ils fumaient. D’ailleurs, comment admettre qu’un chef choisirait pour enivrer ses soldats, une substance qui annihile énergie et courage ?

    L’ordre des Assacis dure deux siècles, comme l’ordre du Temple. Tous deux sont brisés quand ils ont atteint le faite de leur puissance. Il semble que la même étoile luise sur leur commune destinée.

    Leur entente se prouve par des actes. En 1118, le grand maître du Temple qui vient de naître, engage Baudouin II, roi de Jérusalem, à s’allier avec le grand maître des Assacis, lequel, par un traité secret, s’engage à livrer aux croisés, un vendredi, la ville de Damas.

    Les Templiers d’Asie parlent couramment l’arabe. L’ordre compte dans son sein des chevaliers musulmans. S’il a parmi ses affiliés des papes, il a aussi des sultans et il donne aux uns et aux autres, la même initiation. Le secrétaire d’un des grands maîtres est un musulman.

    Un trait curieux de ressemblance : les Assacis sont des Ismaéliens ; les Templiers sont des Johannites. Les Ismaéliens représentent dans le monde islamique, ce que représentent dans le monde chrétien les Johannites.

    Les fidèles du prophète de l’Apocalypse et d’un évangile qui passe pour plus mystique que les trois autres canoniques, sont les gardiens de la part réservée de la doctrine dont Pierre et ses successeurs dispensent les mystères sous des symboles plus accessibles aux foules.

    Les Ismaéliens ne se cachaient pas pour déclarer qu’ils n’acceptaient du Coran que ses significations symboliques. Bien que nés d’eux, les Assacis avaient la prudence de crier très haut qu’ils croyaient tout ce que disait le Coran.

    Mais au milieu du treizième siècle, l’imprudence du troisième Vieux de la Montagne, Hassan II, causa la perte de son ordre. Il osa proclamer que la connaissance du sens symbolique dispense de l’observation du sens littéral. Il alla même jusqu’à abolir les pratiques du culte. Un vertige le poussa à laisser évaporer les secrets de son ordre.

    Ainsi le vouait-il à une fin qui ne se fit pas attendre : la quatrième année de son règne, il tombait sous le poignard de son beau-frère, et l’ordre déclina, jusqu’à sa destruction.

    De ses sociétés secrètes, l’histoire qui juge souvent à tâtons, ne voit d’elles que les apparences et leur attribue souvent des actes ou des plans au hasard de son humeur.

    Elle a peint autour des bonnets rouges des Assacis une auréole de terreur et de sang. Des Templiers, elle ne sait que penser. Elle les range au nombre de ces énigmes dont elle désespère d’avoir jamais la clé. Comment ne serait-elle pas déconcertée par la rapidité avec laquelle les chevaliers au manteau blanc chargé de la Croix rouge sont devenus les arbitres de la chrétienté !

    Quelques années après que saint Bernard eut formulé leur règle extérieure, les Templiers, sortant de leur rôle initial de protecteurs de pèlerins, ont bâti des châteaux forts sur les principaux points stratégiques de l’Europe.

    Les nations ne se feront pas la guerre sans qu’ils jettent, s’ils le jugent à propos, leur épée dans la balance. Ils sont les maîtres de la finance. On murmure qu’ils disposent de richesses fabuleuses. Ils ont autant de banques que de forteresses.

    Les Templiers ont, dans chaque pays, enlacé les provinces dans les réseaux qui tracent leurs commanderies, bâtiments puissants dont certains sont encore debout. A Paris, le Temple est une forteresse qui donne asile à des protégés de toutes les classes sociales.

    Ce n’est pas pour rien que ces chevaliers se nomment Templiers. Ils sont les héritiers des hiérophantes qui, dans la grande époque d’une lointaine antiquité, veillaient aux trésors des connaissances enclos dans le Temple sur le modèle duquel est construit le Temple de Salomon. Forts d’agir selon les principes révélés par les dépositaires de l’unique sagesse, ils visent un but grandiose : construire la cité terrestre, organiser une société où toutes les classes des trois mondes : chrétien, juif et musulman, seront hiérarchiquement emboîtés pour la paix et la prospérité. Ils y tendent avec une maîtrise extraordinaire.

    Ils tiennent en leurs mains la finance, créant les bourses ; ils tiennent l’industrie par la protection dont ils entourent les corporations et le commerce.

    C’est vers les Templiers, à l’apogée de leur puissance, que se tourne ce vieux pape si diversement jugé, Boniface VIII, quand les chevaliers de Philippe IV le Bel viennent l’enfermer dans Agnani.

    Les Templiers ne semblent pas avoir pris parti dans la querelle, et leur grand héritier spirituel, le Gibelin affilié à la Santa Fede, Dante Alighieri, jette pêle-mêle dans l’enfer de ces tercets terribles, ce pape et ce roi.

    Ce roi Philippe le Bel osa le plus grand coup d’état connu de l’histoire, en cette nuit mémorable du 12 au 13 octobre 1307 où dans toute la France furent arrêtés les chefs des Templiers, dont l’illustre Grand Maître Jacques de Molay, le Visiteur de l’Ordre, Grand Prieur de Normandie, Hugues de Pérauld et le Grand prieur d’Aquitaine , Guy Dauphin.

    Alors commence ce procès de 7 années qui demeure une des énigmes les plus étranges de l’histoire de France.

    Si Bertrand de Goth était devenu le pape Clément V de par l’autorité de Philippe le Bel, c’est qu’il était tenu de donner, du haut de sa chaire de Pierre, le coup de grâce aux chevaliers du Temple. Il semble avoir cherché à se soustraire à ses tortueux engagements. En tous cas, si l’ordre par lui fut supprimé, il ne fut jamais condamné.

    Dans le procès intenté aux Templiers, six nations reconnurent leur innocence.

    Sans doute il y eut dans le troupeau des brebis galeuses. Quelle bergerie n’en a pas ? Mais aux chevaliers accusés, les enquêteurs attribuèrent les aveux qu’ils voulurent. Certes, certains symboles blessaient leur ignorance.

    Ainsi, le fameux Baphomet, l’idole prétendue des chevaliers, pour l’esprit grossier des inquisiteurs, ne pouvait être que l’image du diable.

    Or, qu’était donc ce mystérieux Baphomet dont les lettres se retrouvent dans la formule TEMpli Omnium Hominum Pacis ABbas (le père du temple de paix de tous les hommes), lues cabalistiquement de droite à gauche ?

    C’était la figuration sculpturale d’un arcane, figure qui, sous des formes à peine variées, recouvre de ses grandes ailes les frémissements intérieurs de son secret.

    C’est le Khéroub d’Assyrie et d’Israël, le Kharouf arabe, le Sphinx de l’Egypte et de la Grèce, c’est le pentacle fondant en une seule figure les quatre animaux divins qui accompagnent les quatre Évangélistes et qui supportent le trône du Dieu de l’Apocalypse.

    Ainsi disparurent les chevaliers du Temple avec leur secret dans l’ombre duquel palpitait un bel espoir de la cité terrestre.

    Heureux ceux qu’une belle émotion saisit d’évoquer sur l’écran imaginaire où s’inscrivent les grandes figures du poème et de l’histoire, derrière l’enchanteur Merlin élevant l’étendard blanc chargé du dragon d’Or, le martyr Jacques de Molay, dressant dans son poing brûlé la hampe du Beaucéant, l’étendard Templier blanc et noir portant la fière devise «  Non nobis Domine non nobis, sed Nomini tuo da gloriam » ! (Pas pour nous Seigneur, pas pour nous mais en votre nom  et pour votre gloire !)

    Ce nom,  c’est celui que forment les quatre hiérogrammes dont les clés étaient enfermées dans les sanctuaires de la haute antiquité, les quatre hiérogrammes que le disciple d’Aristote, Alexandre le Grand, fut autorisé à proférer, sur le ton immuable, devant le tabernacle d’Israël, et dont l’écho résonnait aux graves Mystères des Bacchanales : «  Iod Hé Vav Hé » !

    Le but des Templiers était frère de celui d’Alexandre, de celui de Charlemagne.

    Le chevalier Ignace de Loyola, fondateur de l’Ordre des Jésuites, à son lit de mort, demandait à Dieu pour l’ordre qu’il avait fondé, la faveur d’avoir toujours des ennemis.

    Car il connaissait le jeu des forces en conflit dans le monde. Il peut advenir que les ennemis soient les plus forts. Ainsi en fut-il pour les Templiers.

    D’aucuns prétendent que si la succession matérielle des Templiers a été attribuée aux Hospitaliers, leur tradition, elle, s’est perpétuée en une suite d’esprits fidèles. Ils assurent que la liste des grands maîtres ne s’est jamais interrompue jusqu’à nos jours.

    Quoi qu’il en soit, l’étendard de l’Ordre du Temple, le Baucéant, bien longtemps après l’abolition de l’Ordre Templier, figura au sacre des rois de France, arboré par ces corporations qui s’intitulaient Frères Charbonniers, parce que la plus puissante était celle des Charbonniers dont le travail était indispensable à l’industrie et dont le nom fut repris par les Carbonari dont l’influence agit fortement au 19ème siècle. 

    Ce sont ces corporations qui, d’accord avec les Franciscains, frayèrent la voie à Jeanne d’Arc. 

    Est-il admissible de considérer les Rose-Croix comme procédant des Templiers ? Le fabuleux chevalier Christian Rosenkreutz serait né 70 ans après le coup d’état de Philippe le Bel, au dire de la légende d’origine germanique qui inventa ce personnage. En réalité, les Rose-Croix n’ont jamais constitué un Ordre aux cadres rigides.

    Si certaines associations d’esprits curieux du secret royaume d’Hermès adoptèrent cette dénomination, elles ne furent jamais que temporairement liées à la tige de la grande Rose où s’inscrit la Croix symbolique.

    Les hommes qui lui sont attachés sont épars dans le temps et dans l’espace, nés dans des siècles distants et dans des patries séparées.

    Il n’entre pas dans le plan du présent travail de rechercher si l’esprit de la chevalerie du Temple s’est réfugié dans le sein plus ou moins essoufflé de telle ou telle société secrète.

    Mais quel esprit indépendant et clairvoyant ne déplorerait pas l’assassinat de cet ordre dont les projets grandioses se proposaient une synthétique construction de la chrétienté sur les données de l’antique connaissance sacerdotale ?

    J’en viens à mes conclusions.

    Le secret hante les cycles de la Chevalerie militante et tous ses ordres légendaires et historiques… ce fameux secret dont vivait chaque ordre.

    L’Ordre de Chevalerie Idéal préfigure l’Ordre de Chevalerie réalisé et il n’y a pas de chevalerie véritable qui ne s’astreigne aux disciplines initiatiques.

    L’ordre des Templiers, né dans la croisade, complète à un demi-siècle de distance, l’ordre musulman des Assacis, du Vieux de la Montagne. Assacis et Templiers sont les gardiens de la Symbolique Terre Sainte, et l’on voit bien que les Chevaliers d’Occident sont allés simplement retrouver en Syrie et en Palestine une initiation à laquelle l’Occident avait lui-même participé.

    Frère Novice C. Q. F. D.


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